Évaluation des preuves et nécessité de corroboration dans le cadre d’une expertise amiable

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Évaluation des preuves et nécessité de corroboration dans le cadre d’une expertise amiable

Mme [T] [M] épouse [Y] et M. [S] [Y], propriétaires d’un pavillon, ont engagé M. [K] [I], artisan couvreur, pour la réfection de leur toiture, selon un devis signé le 7 janvier 2019 pour un montant de 11 800 euros. Les travaux ont été réalisés, et M. [Y] a payé une facture de 15 000 euros le 12 mars 2019, incluant des travaux complémentaires. Cependant, M. [Y] a exprimé des plaintes concernant la qualité des travaux par courrier recommandé le 6 avril 2020. Une expertise amiable a été réalisée, révélant des malfaçons et des non-conformités par rapport aux travaux facturés. Le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge a débouté les époux [Y] de leurs demandes par un jugement du 18 octobre 2022, considérant que l’expertise n’était pas suffisante pour établir la responsabilité de M. [I]. Les époux [Y] ont interjeté appel le 6 décembre 2022, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la responsabilité de M. [I]. M. [I] n’a pas constitué avocat pour l’appel. La cour a confirmé le jugement de première instance et a débouté les époux [Y] de toutes leurs demandes, les condamnant aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/20369
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20369 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZNL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 octobre 2022 – Tribunal de proximité de JUVISY-SUR-ORGE – RG n° 11-20-001295

APPELANTS

Madame [T] [M] épouse [Y]

née le 20 septembre 1936 à [Localité 4] (75)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Olivier TOURNILLON de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 43

Monsieur [S] [Y]

né le 11 octobre 1933 à [Localité 4] (75)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Olivier TOURNILLON de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 43

INTIMÉ

Monsieur [K] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : M. Alexandre DARJ

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [T] [M] épouse [Y] et M. [S] [Y], propriétaires d’un pavillon situé [Adresse 1] à [Localité 5], ont confié à M. [K] [I], artisan couvreur, la réfection complète de la couverture de leur habitation.

Par devis signé n° 019229 en date du 7 janvier 2019, M. [I] et M. [Y] ont convenu de la réalisation des travaux suivants sur la couverture moyennant le paiement de la somme de 11 800 euros :

– la dépose des shingles sur les deux parties de la toiture,

– la repose des agglos hydrofugés sur toute la surface,

– la repose des shingles sur toute la surface,

– la pose de tuiles chatière,

– la mise en protection du chantier intérieur/extérieur,

– le nettoyage du chantier après la fin des travaux.

M. [Y] a acquitté la facture n° 089171, le 12 mars 2019, d’un montant de 15 000 euros et portant sur les travaux initiaux et les travaux complémentaires suivants : dépose des agglomérés, dépose de la laine de verre, repose de la laine de verre, remise en place des velux.

Par courrier recommandé en date du 6 avril 2020, M. [Y] s’est plaint auprès de M. [I] de la réalisation des travaux.

A la demande de l’assureur de M. [Y], la MAIF, une expertise amiable par le cabinet Blanquet a été mise en place et l’expert a conclu le 9 juin 2020 à des malfaçons sur les travaux, c’est-à-dire des joints des bardeaux bitumés non alignés, des bardeaux qui se soulèvent par endroits, au pourtour des chatières et de la souche de cheminée, une couverture présentant des ondulations au droit des chevrons et des refends, des plafonds sous les rampants recouverts de frisette et de panneaux isolants.

L’expert a également relevé des non-conformités par rapport aux travaux facturés, en l’espèce sur le versant nord-ouest en bardeaux verts, le maintien des anciens panneaux en bois et la pose de nouveaux panneaux sur les anciens sans réaliser d’isolation.

Saisi le 22 septembre 2021 par acte d’huissier, le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge a, par jugement réputé contradictoire en date du 18 octobre 2022 auquel il convient de se reporter pour un exposé plus ample du litige, débouté les époux [Y] de leurs demandes, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné les époux [Y] aux dépens.

Aux termes de cette décision, le juge a retenu en application de l’article 16 du code de procédure civile, qu’aucun élément du dossier ne permettait de corroborer les conclusions du rapport d’expertise en date du 9 juin 2020 quant à la responsabilité contractuelle de M. [I], alors qu’il s’agissait d’une expertise non judiciaire non contradictoire.

M. et Mme [Y] ont interjeté appel par voie électronique le 6 décembre 2022.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 février 2023, M. et Mme [Y] sollicitent de la cour :

– qu’ils soient déclarés recevables et bien fondés en toutes leurs demandes, fins et prétentions,

– que soit infirmé le jugement de première instance du tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge du 18 octobre 2022 en ce qu’il :

– les a déboutés de toutes leurs demandes ;

– a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– les a condamnés aux dépens ;

– statuant de nouveau,

– de juger que M. [I] engage sa responsabilité pour inexécution contractuelle à leur égard ;

– de condamner M. [I] à leur payer la somme de 2 310 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ;

– de condamner M. [I] à leur payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– de condamner M. [I] à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils exposent que le rapport d’expertise amiable qu’ils ont diligenté est suffisant pour fonder la responsabilité contractuelle de M. [I].

Ils estiment qu’alors que M. [I] est tenu, au titre de son contrat, à une obligation de délivrance conforme de l’ouvrage, l’expert a constaté que contrairement à ce que mentionne la facture de l’artisan, les anciens panneaux en bois ont été conservés et que M. [I] n’a pas réalisé l’isolation à la laine de verre sous la couverture, initialement commandée.

Ils en concluent que la responsabilité de M. [I] est engagée pour non-exécution de son obligation de délivrance conforme.

M. [I] à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte remis le 16 février 2023 selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile et à qui les conclusions ont été signifiées par acte remis le 24 février 2023 selon les mêmes modalités, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 mars 2024 et l’affaire appelée à l’audience du 14 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la production du rapport d’expertise amiable

L’article 16 du code de procédure civile dispose que « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

Il est de jurisprudence constante qu’un rapport d’expertise amiable réalisée même contradictoirement constitue une preuve que le juge ne peut refuser d’examiner, mais qui ne suffit pas à fonder la condamnation d’une partie, en l’absence d’autres éléments.

L’arrêt de la Cour de cassation du 14 mai 2020 rappelle la nécessité qu’un tribunal ne se fonde pas exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix.

En l’espèce, M. [Y] a fait réaliser par le biais de son assureur une expertise amiable par le cabinet François Blanquet aux opérations desquelles M. [I] a été invité selon courrier envoyé en lettre recommandée par accusé de réception du 6 mai 2020. Il ne s’est cependant pas rendu à la convocation.

Le rapport d’expertise diligentée le 9 juin 2020 a mis en évidence des malfaçons sur les travaux mais également des non-conformités.

Il décrit des malfaçons portant sur : les joints des bardeaux bitumés qui ne sont pas alignés, des bardeaux qui se soulèvent par endroits, une couverture qui présente des ondulations au droit des chevrons et des refends.

L’expert a également relevé des non-conformités par rapport aux travaux facturés puisque les panneaux en bois d’aggloméré situés sur la partie du versant nord-ouest en bardeaux noirs au-dessus de l’entrée n’ont pas tous été remplacés, que seuls les panneaux endommagés ont été remplacés, que sur le versant nord-ouest en bardeaux verts l’entreprise a posé de nouveaux panneaux sur les anciens panneaux sans réaliser d’isolation.

Cependant, l’existence, l’ampleur et l’origine de ces désordres ne sont confortés par aucune autre pièce versée au dossier par les appelants sur qui pèse la charge de la preuve de la faute contractuelle et ce en l’absence de comparution ou de représentation de l’entrepreneur tant en première instance qu’à hauteur d’appel.

Dès lors, en l’absence d’éléments convergents corroborant les conclusions de l’expert, l’expertise amiable même réalisée contradictoirement n’a pas de force probante suffisante permettant de condamner M. [I] à la reprise des travaux ou au paiement de quelque somme que ce soit.

Le jugement de première instance sera intégralement confirmé.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [Y] aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [Y] succombant supporteront in solidum les dépens d’appel et verront leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de proximité de Juvisy-sur-Orge le 18 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [S] [Y] et Mme [T] [M] épouse [Y] de l’intégralité de leurs demandes ;

Condamne M. [S] [Y] et Mme [T] [M] épouse [Y] in solidum aux dépens d’appel.

La greffière La présidente


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