Monsieur [H] [B], propriétaire d’un terrain à [Localité 9], a fait construire une maison avec l’aide de l’architecte monsieur [K] selon un contrat signé le 16 juillet 2006. Les honoraires étaient fixés à 8 000 euros, dont 4 786 euros pour la SARL Le Mas, représentée par monsieur [B]. Un permis de construire a été accordé le 22 juin 2006 pour une villa de 243 m². Après l’achèvement des travaux, la maison a été mise en vente, et un acte de vente a été signé le 16 juillet 2007.
Les époux [M], acheteurs, ont demandé un permis de construire complémentaire pour une seconde villa, qui a été refusé par le maire. Ils ont ensuite souhaité aménager le vide sanitaire de leur villa, ce qui a nécessité un modificatif du permis de construire. Des problèmes d’humidité sont apparus dans le sous-sol, entraînant des travaux de reprise d’un coût d’environ 48 000 euros. Un constat technique a révélé des défauts dans la réalisation des travaux. Les époux [M] ont assigné monsieur [K] et son assureur, la MAF, en responsabilité. Le tribunal de Béziers a rejeté leurs demandes par jugement du 24 février 2020, condamnant les époux [M] à payer des frais à monsieur [K] et à la MAF. Les époux [M] ont interjeté appel, demandant des réparations financières pour les désordres subis. Monsieur [K] a demandé la confirmation du jugement, tandis que la MAF a également sollicité la confirmation de la décision. La cour d’appel a finalement confirmé le jugement du tribunal de Béziers, condamnant les époux [M] à payer des frais supplémentaires à monsieur [K] et à la MAF. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01695 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OSBF
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 24 FEVRIER 2020
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BEZIERS
N° RG 16/02848
APPELANTS :
Monsieur [D] [E] [M]
né le 08 Août 1955 à [Localité 8]
de nationalité Britannique
[Adresse 3]
[Localité 5] – LUXEMBOURG
et
Madame [X] [U] [J] épouse [M]
née le 29 Août 1961 à [Localité 7]
de nationalité Britannique
[Adresse 3]
[Localité 5] – LUXEMBOURG
Représentés par Me Caroline VERGNOLLE, avocat au barreau de BEZIERS substitué sur l’audience par Me Benjamin JEGOU, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMES :
Monsieur [R] [K]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2] – MAROC
Représenté par Me Sophie ENSENAT, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérémy BALZARINI de la SCP ADONNE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Alysée BECUWE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 30 Avril 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Fabrice DURAND, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
– contradictoire,
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
* *
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [H] [B], exerçant parallèlement la profession de maître d »uvre, sous l’enseigne SARL Le Mas, était propriétaire d’un terrain sis [Adresse 10] à [Localité 9], sur lequel il a fait édifier une maison d’habitation.
Il avait fait appel à monsieur [K], architecte, pour une mission complète de maîtrise d »uvre, selon contrat d’architecte en date du 16 juillet 2006.
Les honoraires étaient forfaitairement fixés à 8 000 euros pour la mission complète, dont un montant de 4 786 euros revenant à la SARL Le Mas.
Un permis de construire était accordé le 22 juin 2006 pour la construction d’une villa sur vide sanitaire en R+1 d’une surface de 243 m2.
Une fois la maison hors d’eau et d’air, elle a été proposée à la vente.
Le 16 juillet 2007, un acte de vente entre monsieur [B] et les consorts [M] a été régularisé.
Le 21 juillet 2007, monsieur [K] attestait qu’il assurerait la mission et le suivi des travaux de la villa.
La SARL Le Mas, représentée par monsieur [B], vendeur, s’est vue confier par monsieur [R] [K] les missions d’études de projet de conception générale, d’assistance pour la passation des contrats de travaux, de direction de l’exécution des contrats de travaux, de coordination inter entreprises, d’assistance aux opérations de réception et de coordination SPS.
Les époux [M] ont déposé un permis de construire complémentaire le 29 janvier 2008 pour édifier une seconde villa sur leur parcelle. Les plans de ce nouveau projet ont été confiés à monsieur [K]. Le 4 mars 2008, le maire de [Localité 9] a refusé le permis de construire au motif que le plan local d’urbanisme n’autorisait qu’une seule construction à usage d’habitation par parcelle.
Les époux [M] ont alors souhaité aménager le vide sanitaire au sous-sol de leur villa pour le rendre habitable. Un modificatif du permis de construire a été déposé à cette fin le 28 février 2008.
Les travaux de modification ont été réalisés courant 2008.
Le plan détaillé prévoyant précisément la division du sous-sol est daté du 26 février 2009, et monsieur [K] a facturé cette prestation 2 000 euros le 25 février 2009.
Des entrées d’eau se sont produites dans le sous-sol, endommageant gravement les embellissements.
A la demande des époux [M], le bureau Veritas est intervenu pour établir un constat technique le 12 novembre 2008, lequel fait état de nombreuses traces d’humidité sur les murs enterrés ayant pour incidence des moisissures des plaques de plâtres, le drain n’ayant pas été réalisé conformément aux règles de l’art. Des travaux de reprise ont été préconisés, et réalisés par les consorts [M] pour un montant d’environ 48 000 euros.
Parallèlement, les époux [M] ont vu apparaître de nouveaux désordres au niveau du réseau VRD situé sous la dalle du rez de jardin de la maison.
Un constat d’huissier, décrivant les travaux de réfection réalisés par les époux [M] pour mettre un terme au problème d’étanchéité des murs enterrés mais également les nouveaux désordres, est dressé le 20 mars 2013.
Les époux [M] ont fait réaliser les travaux de reprise.
Saisi par les époux [M], le juge des référés près le tribunal de grande instance de Béziers, par ordonnance du 23 décembre 2015, a ordonné une mesure d’expertise confiée à monsieur [A].
Par acte du 24 octobre 2016, les époux [M] ont assigné monsieur [K] et son assureur la MAF en responsabilité.
Par jugement du 24 février 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a :
– rejeté l’exception d’irrecevabilité présentée par monsieur [K] ;
– débouté les époux [M] de l’intégralité de leurs demandes ;
– condamné les consorts [M] à payer la somme de 1 500 euros chacun à monsieur [K] et à la MAF en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum les époux [M] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de référé et les frais d’expertise.
Par déclaration d’appel, enregistré par le greffe le 30 mars 2020, les époux [M] ont interjeté appel de ce jugement.
Par leurs conclusions enregistrées par le greffe le 25 septembre 2020, les époux [M] demandent à la cour d’appel de réformer en toutes ses dispositions le jugement du 24 février 2020 et de :
– condamner solidairement monsieur [K] et la MAF au paiement :
o d’une somme de 130 624,15 euros valeur 2016, date des travaux réindexés selon l’indice BT01 à la date du parfait paiement;
o d’une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral, trouble de jouissance et préjudice de tout ordre subis depuis plus de dix ans ;
o d’une somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement monsieur [K] et la MAF aux entiers dépens, et ce y compris les frais d’expertise judiciaire.
Par ses conclusions enregistrées par le greffe le 27 août 2020, M. [K] demande à la cour d’appel :
A titre principal de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 février 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers et de débouter les consorts [M] de l’intégralité de leurs demandes ;
A titre subsidiaire, si la Cour venait à retenir que le contrat de maître d »uvre du 16 juillet 2006 a été transféré au bénéfice de consorts [M], de dire et juger que les prétentions des époux [M] sont irrecevables faute de saisine préalable du Conseil Régionale de l’Ordre des Architectes et de débouter en conséquence les époux [M] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
En toute hypothèse de condamner solidairement les époux [M] au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par ses conclusions enregistrées par le greffe le 29 novembre 2023, la Mutuelle des Architectes Français demande à la cour d’appel :
Au principal de confirmer le jugement du 24 février 2020 dont appel en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement de faire droit au moyen de non-garantie soulevé et de rejeter l’intégralité des demandes formées contre elle du chef de la responsabilité de monsieur [K] ou de la SARL Cogenet;
En tout état de cause, de condamner solidairement les époux [M] au paiement d’une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue par ordonnance en date du 30 avril 2024.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions des parties.
Sur la responsabilité de monsieur [K]
Le tribunal a estimé que :
– par rapport à la destination initiale de garage des lieux, il n’était pas nécessaire de prévoir une étanchéité pour une terrasse dominant un vide sanitaire, de sorte que la responsabilité des intervenants à l’acte de construire d’origine, et notamment des architectes, ne peut être engagée,
– lors de l’aménagement de ces sous-sols en pièces habitables, l’étanchéité des sols et plafonds est devenue nécessaire, mais l’intervention de monsieur [K] en février 2009 a été requise uniquement pour matérialiser sur plan les modifications déjà réalisées sur l’habitation par les époux [M] en dehors de toute intervention préalable de sa part, sa mission se limitant à produire les plans permettant une régularisation administrative a posteriori des travaux déjà effectués par les sous-traitants des époux [M] pour rendre le sous-sol habitable, la facture de 2 000 euros en date du 25 février 2009 lors de la réalisation de plans détaillés, soit bien après les travaux d’aménagement, étant le reflet de l’intervention très limitée demandée a posteriori à l’architecte.
Les époux [M] contestent cette analyse. Ils soutiennent que monsieur [K] était tenu envers eux d’une mission complète résultant du transfert du contrat d’architecte qu’il avait conclu avec monsieur [B] et soulignent que :
o une attestation a été établie le 21 juin 2007 par laquelle monsieur [K] a confirmé assurer la mission de suivi des travaux, jusqu’à réception des travaux tout corps d’état, ces travaux englobant des demandes supplémentaires pour un montant d’environ 220 000 euros et ce y compris l’aménagement d’un appartement en sous-sol,
o les factures du 21 janvier 2008 et du 25 février 2009 ont été réglées,
o l’expert judiciaire a considéré que monsieur [K] avait manqué à ses obligations en ne proposant aucune solution d’étanchéité préalable à l’aménagement du vide sanitaire converti en habitation (les plans établis par monsieur [K] ne comportent aucune mention relative au traitement du sous-sol).
Monsieur [K] fait pour sa part valoir que sa mission était une mission restreinte, le contrat du 16 juillet 2006 prévoyant un partage des missions dévolues au maître d »uvre entre lui-même et la SARL le Mas, cotraitance tout à fait transparente pour le maître d’ouvrage. Il prétend que sa mission, qui consistait à établir un avant-projet sommaire, un avant-projet définitif et un dossier de permis de construire pour la réalisation de la villa en R+1 comportant en sous-sol un garage et un vide sanitaire a pris fin le 22 juin 2006, date de l’autorisation de construire délivrée par le maire de [Localité 9], aucun transfert du contrat d’architecte initial n’ayant eu lieu. Il ajoute que ses interventions postérieures au mois de juin 2006 sont étrangères aux travaux litigieux d’aménagement du vide sanitaire, puisqu’elles se sont limitées à un aspect administratif et urbanistique.
Contrairement à ce que prétend monsieur [K], le contrat d’architecte passé avec monsieur [B] le 16 juillet 2006 (pièce 1 des époux [M]) comprend un ensemble de missions dont il est précisé que certaines seront confiées à la SARL Le Mas, ce qui sera réalisé par la suite aux termes d’un contrat de sous-traitance (pièce 7 des époux [M]).
Ainsi, il ne s’agit pas d’une co-traitance dans les missions de maîtrise d »uvre mais d’une sous-traitance, ce que confirme l’attestation rédigée par monsieur [K] le 21 juin 2007 : «(‘) nous vous confirmons que nous assurerons la mission de suivi des travaux de la Villa (‘). Le suivi des travaux sera conforme au contrat d’architecte n°3/2006 que nous avons contracté avec monsieur [B], jusqu’à la réception des travaux TCE» (pièce 10 des époux [M]), cette attestation confirmant au surplus que monsieur [K] s’estimait tenu envers les époux [M] dans les termes du contrat du 16 juillet 2006.
Dans le cadre de ce contrat d’architecte, les époux [M] soutiennent avoir demandé des travaux supplémentaires comprenant notamment l’aménagement du sous-sol en surface habitable.
Or, les époux [M] n’ont envisagé l’aménagement du sous-sol en surface habitable qu’après achèvement de leur villa, et après que leur projet de construction d’une seconde villa ait été rejeté par décision du maire de [Localité 9] du 4 mars 2008 (pièce 15 des époux [M]).
Ainsi, les «options supplémentaires» évoquées dans le «point concernant la vente de la villa de [H] [B] à [Localité 9]» (pièce 11 des époux [M]) ne peuvent concerner les travaux d’aménagement du sous-sol en surface habitable, ce document ayant manifestement été rédigé en 2007, puisque concernant la vente ayant eu lieu en 2007 et faisant état d’une fin de travaux pour la fin du mois de novembre 2007.
Par ailleurs, la «liste et prix des travaux à terminer» (pièce 12 des époux [M]) ne comporte ni date, ni signature, de sorte qu’il ne peut en être déduit que les travaux d’aménagement du sous-sol en appartement étaient prévus dans le contrat initial en qualité de travaux supplémentaires.
Dans ces conditions, il n’est justifié d’aucun travaux relatifs à l’aménagement du sous-sol en pièces habitables dans le cadre du contrat du 16 juillet 2006, lequel a pris fin avec la livraison de la villa, bien avant la réalisation des travaux d’aménagement du sous-sol intervenus après le refus de permis du 4 mars 2008.
Par la suite, s’agissant des travaux d’aménagement du sous-sol, aucun contrat de maîtrise d »uvre n’a été régularisé.
Monsieur [K] est alors intervenu, ainsi que parfaitement relevé par le tribunal, pour réaliser a posteriori, en février 2009, les plans du sous-sol dans la perspective de la régularisation administrative des travaux déjà effectués (en 2008) (pièces 16, 17 et 18 des époux [M]).
Cette intervention, ponctuelle et a posteriori, ne relève d’aucune mission de conception, de sorte que la responsabilité de monsieur [K] ne peut être retenue à ce titre.
Si l’expert judiciaire a pu néanmoins évoquer la responsabilité du maître d »uvre dans le cadre de la conception du projet de transformation du sous-sol, c’est nécessairement parce qu’il a considéré que monsieur [K] était tenu contractuellement de cette conception. Or cette question relève d’une appréciation non pas technique mais juridique, qu’il n’appartient pas à l’expert judiciaire de porter.
Par ailleurs, l’expert judiciaire a relevé que les plans réalisés par monsieur [K] ne comportaient aucune précision quant à l’étanchéité, ce qui ne peut assoir la responsabilité de l’architecte, s’agissant de plans destinés au dossier administratif (permis de construire) et non de plans d’exécution.
Dans ces conditions, la responsabilité de monsieur [K] dans le défaut d’étanchéité du sous-sol ne peut être engagée et le jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l’issue du litige, le jugement sera confirmé.
Les époux [M], qui succombent, seront condamnés à payer à monsieur [K] et à la MAF, chacun, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Ils seront également condamnés aux dépens d’appel.
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 février 2020 par le tribunal judiciaire de Béziers ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement monsieur [D] [M] et madame [X] [J] épouse [M] à payer à monsieur [R] [K] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement monsieur [D] [M] et madame [X] [J] épouse [M] à payer à la Mutuelle des Architectes Français la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum monsieur [D] [M] et madame [X] [J] épouse [M] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,