La SCI La Perche a signé un contrat le 3 mai 2004 avec la société Bâtir France Ingénierie pour la construction d’une maison médicale à Janzé, pour un montant de 484 000 euros HT. Bâtir France a sous-traité les travaux à SARC Constructions. La réception des travaux a eu lieu le 28 avril 2005 sans réserve. Par la suite, la SCI a signalé des fissures et des dégradations de l’enduit, qui n’ont pas été couvertes par l’assureur dommage-ouvrage. En janvier 2014, la SCI a demandé une expertise judiciaire, qui a été réalisée et dont le rapport a été déposé en septembre 2017. En décembre 2018, la SCI a assigné plusieurs parties en justice pour obtenir réparation. Le tribunal a rendu un jugement en décembre 2022, condamnant plusieurs sociétés à indemniser la SCI pour un montant de 34 800 euros, avec un partage de responsabilité établi entre les parties. La société MAF a interjeté appel en janvier 2023. Les parties ont formulé diverses demandes et conclusions, notamment concernant la responsabilité et les indemnités. La cour a confirmé certaines décisions du tribunal tout en en infirmant d’autres, et a condamné les sociétés impliquées à verser des indemnités à la SCI La Perche pour les travaux de réparation et d’autres préjudices.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N° 192
N° RG 23/00682
N° Portalis DBVL-V-B7H-TPHJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Mai 2024, devant Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère et M. Philippe BELLOIR, Conseiller, magistrats tenant seuls l’audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTE :
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
S.A.M.C.V. prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2]
Représentée par Me Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.C.I. LA PERCHE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4]
Représentée par Me Bertrand MERLY de la SELARL CMA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.A.S.U. BATIR FRANCE INGENIERIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Sébastien CHEVALIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
SA MMA IARD en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage de la société SCI LA PERCHE
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
Représentée par Me Yann CHELIN de la SELEURL SOCIÉTÉ D’AVOCAT CHELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage de la société SCI LA PERCHE
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Yann CHELIN de la SELEURL SOCIÉTÉ D’AVOCAT CHELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
SARC CONSTRUCTIONS SCOP
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 7]
Représentée par Me Laurent BOIVIN de la SELARL ACTB, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
SMABTP
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 5]
Représentée par Me Laurent BOIVIN de la SELARL ACTB, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Par un contrat du 3 mai 2004, la SCI La Perche a confié à la société Bâtir France Ingénierie, entreprise générale assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF), la conception et la réalisation d’une maison médicale sur la commune de Janzé (35) moyennant la somme de 484 000 euros HT.
La société Bâtir France a sous-traité les travaux de gros ‘uvre à la société SARC Constructions, assurée auprès de la SMABTP.
La réception a été prononcée le 28 avril 2005 sans réserve.
La SCI La Perche a dénoncé à son cocontractant la présence d’une importante fissure extérieure puis l’apparition de cloques et de décollements de l’enduit à la base des murs, lesquels n’ont pas été pris en charge par l’assureur dommage-ouvrage, la société Covéa Risks, aux droits et obligations de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles.
Suivant actes des 27 et 31 janvier 2014, La SCI la Perche a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes aux fins d’expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 2 octobre 2014 laquelle a fait l’objet d’une extension par ordonnance du 25 juin 2015.
L’expert, M. [O] [Z], a déposé son rapport le 7 septembre 2017.
Par exploits d’huissier du 26 décembre 2018, la SCI La Perche a assigné les sociétés Bâtir France Ingeniérie, Sarc Constructions, SMABTP, MAF et MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles devant le tribunal de grande instance de Rennes en indemnisation de ses préjudices.
Par un jugement en date du 12 décembre 2022, le tribunal judiciaire a :
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie, MAF, SARC Constructions et SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC,
– dit que dans leurs rapports entre elles, le partage de responsabilité s’effectuera à hauteur de 80%, pour les sociétés SARC Constructions et SMABTP et de 20%, pour les sociétés Bâtir France ingénierie et MAF ;
– les a condamnées à se garantir réciproquement dans ces limites ;
– condamné la société MAF à garantir la société Bâtir France ingénierie de cette condamnation ;
– condamné la société SMABTP à garantir la société SARC Constructions de cette condamnation ;
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie et MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC ;
– condamné la société MAF à garantir société Bâtir France Ingénierie de cette condamnation ;
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie et MAF, à hauteur des deux tiers et SARC Constructions et SMABTP, pour le surplus, aux dépens, lesquels comprendront ceux de l’instance en référé et le coût de l’expertise ;
– condamné les sociétés Bâtir France Ingénierie et MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
– condamné la société MAF à garantir la société Bâtir France Ingénierie de cette condamnation ;
– condamné du même chef les sociétés SARC Constructions et SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 2 000 euros ;
– condamné la société SMABTP à garantir la société SARC Constructions de cette condamnation ;
– débouté les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de frais irrépétibles ;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
La société MAF a interjeté appel de cette décision le 31 janvier 2023, intimant la SCI La Perche, les sociétés Bâtir France ingénierie, MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles, SARC Constructions et SMABTP.
L’instruction a été clôturée le 2 avril 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 20 juin 2023, au visa des articles 1792 du code civil et L124-5 du code des assurances, la société MAF demande à la cour de :
– déclarer la MAF recevable et bien fondée en son appel ;
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 12 décembre 2022 en ce qu’il a :
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie, MAF, SARC Constructions et SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC ;
– dit que dans leurs rapports entre elles, le partage de responsabilité s’effectuera à hauteur de 80 %, pour les sociétés construction et SMABTP et de 20 %, pour les sociétés Bâtir France ingénierie et MAF ;
– condamné la société MAF à garantir la société Bâtir France ingénierie ;
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie, la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC ;
– condamné la société MAF à garantir intégralement la société Bâtir France ingénierie;
– condamné in solidum les sociétés Bâtir France ingénierie, la MAF, à hauteur des deux tiers et SARC Constructions et SMABTP, pour le surplus, aux dépens, lesquels comprendront ceux de l’instance en référé et le coût de l’expertise ;
– condamné la société Bâtir France ingénierie et la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles;
– condamné la société MAF à garantir la société Bâtir France ingénierie de cette condamnation ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
– constater que la MAF est l’assureur de la société Bâtir France jusqu’au 31 décembre 2012, date de la résiliation du contrat d’assurance ;
– juger que la MAF établit en cause d’appel l’identité du nouvel assureur de la société Bâtir France, postérieurement à la résiliation du contrat d’assurance du 31 décembre 2012 ;
En conséquence,
– mettre hors de cause la MAF ;
– débouter la SCI La Perche et toute autre partie de ses demandes dirigées à l’encontre de la MAF en qualité d’assureur décennal de la société Bâtir France ingénierie ;
– déclarer irrecevables toutes les demandes de condamnations dirigées à l’encontre de la MAF, en qualité d’assureur décennal de la société Bâtir France ingénierie ;
– condamner la société Bâtir France à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– débouter la société Bâtir France et la SCI La Perche de leur appel incident;
– rejeter la demande de condamnation de la MAF au paiement des frais irrépétibles à l’égard des parties à l’instance ;
À titre subsidiaire,
– rectifier l’erreur matérielle ordonnant la condamnation de la MAF et de la société Bâtir France à verser à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros au titre du désordre relatif à l’enduit ;
– limiter l’indemnisation des travaux relatifs aux enduits à la somme de 30 000 euros TTC tel que cela ressort du corps du jugement attaqué ;
En tout état de cause,
– condamner la société Bâtir France ou toute partie succombant à verser à la MAF la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
– condamner la société Bâtir France ou toute partie succombant aux dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions en date du 19 mai 2023, la SCI La Perche demande à la cour de :
À titre principal,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI La Perche de ses prétentions sur le fondement de l’article 1792 du code civil ;
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI La Perche de sa demande de condamnation à l’égard des compagnies MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, venant toutes deux droits de la société Covéa Risks;
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la SCI La Perche de sa demande en réparation de son préjudice moral ;
En conséquence,
– condamner solidairement ou in solidum la SASU Bâtir France ingénierie, la société SARC Constructions, la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles, venant toutes deux droits de la société Covéa Risks, la SMABTP et la MAF, à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC au titre des travaux réparatoires tendant à pallier les fissures en façades ;
– condamner solidairement ou in solidum la société Bâtir France ingénierie, la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles – venant toutes deux droits de la société Covéa Risks et la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 30 000 euros TTC au titre des mesures réparatoires tendant à pallier le phénomène de cloquage, d’effritement et de décollement des enduits en façades ;
– condamner solidairement ou in solidum la société Bâtir France ingénierie, la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles – venant toutes deux droits de la société Covéa Risks et la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 4 800 euros TTC au titre des mesures réparatoires tendant à pallier le phénomène d’affaissement de la trappe d’accès aux combles sous le toit de la charpente ;
– condamner in solidum la société Bâtir France ingénierie, la société SARC Constructions, la MMA IARD et la MMA IARD Assurances Mutuelles, venant toutes deux droits de la société Covéa Risks, la SMABTP et la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
À titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société Bâtir France ingénierie, la MAF, la société SARC constructions et la SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société Bâtir France ingénierie et la MAF à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC ;
En tout état de cause,
– condamner in solidum les parties qui succomberont à régler à la SCI La Perche la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens lesquels comprendront notamment ceux de l’instance de référé, de première instance et d’appel, les frais d’expertise et d’exécution.
Dans ses dernières conclusions en date du 17 avril 2023, la société Bâtir France ingénierie demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 12 décembre 2022 ;
– rectifier l’erreur matérielle ordonnant la condamnation de la MAF et de la société Bâtir France Ingénierie à verser à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros au titre du désordre relatif à l’enduit ;
– limiter cette indemnisation à 30 000 euros, tel que mentionné dans les motifs de la décision et le rapport d’expertise judiciaire ;
– débouter la MAF de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la MAF à indemniser la société Bâtir France ingénierie de ses frais irrépétibles à hauteur de 2 500 euros ;
– condamner la MAF aux dépens d’appel.
Dans leurs dernières conclusions en date du 9 mai 2023, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles demandent à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
– débouter toutes les parties de toutes demandes plus amples ou contraires;
– condamner in solidum la MAF et toutes parties succombant à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions en date du 17 août 2023, les sociétés SARC Constructions et SMABTP demandent à la cour de :
– constater que la SARC et la SMABTP s’en rapportent à justice sur le mérite des observations formulées par la MAF en ce qui concerne la détermination de l’assureur subséquent susceptible d’être en risque au titre de la responsabilité de Bâtir France condamnée au titre du désordre de réparation d’enduits ;
– débouter la société Bâtir France de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de son appel incident ;
– débouter la SCI La Perche de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de son appel incident ;
– constater que SARC et SMABTP se sont exécutées des quote-parts leur revenant au titre du jugement assorti de l’exécution provisoire ;
– condamner Bâtir France et la SCI La Perche le cas échéant, in solidum avec la MAF à payer à la société SARC et à la SMABTP la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Les sociétés Bâtir France Ingenierie et MAF seront déboutées de leur demande de rectification d’erreur matérielle, puisque le tribunal a condamné dans son dispositif les deux sociétés à payer la somme de 34 800 euros TTC à la SCI La Perche en additionnant les sommes de 30 000 euros TTC et 4 800 euros TTC dues respectivement au titre de la dégradation des enduits et de l’affaissement de la trappe d’accès aux combles de sorte que leur demande de voir substituer la somme de 34 800 euros TTC par celle de 30 000 euros TTC n’est pas fondée.
I.Sur les fissures en façades
M. [Z] a constaté des fissures sur les enduits extérieurs des façades. Il attribue leur origine au mouvement des ouvrages de maçonnerie notamment au droit des allèges des fenêtres, ainsi qu’à une mauvaise reprise des poussées horizontales de la charpente bois pour les fissures les plus importantes sur les façades sud et nord. Il impute ces désordres à une mauvaise réalisation de la maçonnerie et des chaînages en béton armé horizontaux et verticaux par la société SARC Constructions.
A. Sur la nature du désordre
La SCI la Perche et la société Bâtir France Ingenierie soutiennent que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, les désordres constatés par l’expert sont de nature décennale puisqu’il existe une atteinte structurelle, dont les fissures sont la manifestation, qui porte atteinte à la solidité et que l’enduit extérieur n’est plus en mesure d’assurer son rôle d’imperméabilisation au regard de l’ouverture de certaines fissures rendant l’ouvrage impropre à sa destination. Elles ajoutent qu’il importe peu qu’aucune infiltration n’ait été constatée dans le délai décennal, le désordre étant évolutif.
Selon l’article 2270 du code civil dans sa version antérieure à la loi du 17 juin 2008 devenu 1792-4-1 du code civil, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l’article 1792-3, à l’expiration du délai visé à cet article.
En premier lieu, la circonstance que les fissures proviennent de mouvements de la structure n’implique pas que sa solidité soit atteinte. En l’espèce, ainsi que le rappelle le premier juge, l’expert n’a jamais évoqué de risque d’effondrement de l’immeuble ou même de danger suite à sa dégradation et aucun élément technique du dossier ne vient étayer cette allégation. Par ailleurs, le terme du délai d’épreuve décennal étant échu depuis 9 ans, ce moyen ne peut prospérer.
Sur le second point, contrairement à ce que soutiennent la SCI et la société Bâtir France Ingenierie, et ce qu’a indiqué l’expert, ce désordre n’est pas évolutif au sens de la jurisprudence, les désordres évolutifs étant ceux qui apparus dans le délai de dix ans, sont la conséquence inéluctable de ceux dénoncés dans ce délai étant la suite logique de ces désordres, ils sont réparables comme eux. Or il n’est pas contesté qu’aucune infiltration n’a été constatée dans le délai d’épreuve décennal ou postérieurement à ce délai et le clos de l’immeuble a toujours été assuré. Le maître de l’ouvrage et les entrepreneurs invoquent donc à tort l’impropriété à destination de l’ouvrage.
En l’absence de gravité du désordre, le tribunal a exactement retenu que le désordre ne relevait pas de la garantie décennale.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté la SCI La Perche de sa demande de condamnation à l’encontre des MMA, assureurs dommages-ouvrage.
B. Sur les responsabilités
1.La société SARC Constructions
La société SARC Constructions qui ne sollicite pas l’infirmation du jugement et souligne l’avoir exécuté ne conteste donc pas la mauvaise exécution de la maçonnerie à l’origine des fissures.
C’est à juste titre que le tribunal a retenu sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil à l’égard des maîtres de l’ouvrage, en l’absence de lien contractuel entre le sous-traitant de la société Bâtir France Ingenierie et le maître de l’ouvrage.
2. La société Bâtir France Ingenierie
Le donneur d’ordre est responsable des fautes de son sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage.
L’entreprise générale ne discute pas l’existence de fautes du maçon. Sa responsabilité contractuelle à l’égard de la SCI La Perche est engagée ainsi que l’ont retenu les premiers juges.
C. Sur les garanties des assureurs
1. La MAF
Aux termes de l’article L 124-5 du code des assurances « La garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Toutefois, lorsqu’elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable. Un décret en Conseil d’Etat peut également imposer l’un de ces modes de déclenchement pour d’autres garanties.
Le contrat doit, selon les cas, reproduire le texte du troisième ou du quatrième alinéa du présent article.
La garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d’effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d’expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.
La garantie déclenchée par la réclamation couvre l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d’expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l’assuré ou à son assureur entre la prise d’effet initiale de la garantie et l’expiration d’un délai subséquent à sa date de résiliation ou d’expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été resouscrite ou l’a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable. L’assureur ne couvre pas l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.
Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l’année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.
Lorsqu’un même sinistre est susceptible de mettre en jeu les garanties apportées par plusieurs contrats successifs, la garantie déclenchée par le fait dommageable ayant pris effet postérieurement à la prise d’effet de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière est appelée en priorité, sans qu’il soit fait application des quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 121-4.
La MAF conteste sa garantie soutenant qu’à la date de la réclamation, le contrat d’assurance était résilié et que la société Bâtir France Ingenierie était assurée par la SMA.
La société Bâtir Constructions réplique qu’elle était assurée par la société Allianz depuis le 1er janvier 2014.
La SCI La Perche considère qu’il n’est pas démontré la résiliation du contrat d’assurance souscrit par la société Bâtir France Ingenierie auprès de la MAF ni de ce que le contractant général aurait contracté par la suite une nouvelle assurance.
La MAF produit un courrier du 12 octobre 2012 informant la société Bâtir France Ingenierie de la résiliation du contrat, ce que cette dernière ne conteste pas. Elle communique également à hauteur d’appel une attestation d’assurance de la SMA à effet du 1er janvier 2014. La société Bâtir Construction reconnait qu’elle était assurée par la société Allianz.
Le maître de l’ouvrage n’a formé aucune observation sur le document produit et la reconnaissance de l’entreprise générale.
Il s’ensuit qu’il est établi que la MAF n’était plus l’assureur de la BFI à la date de la réclamation laquelle avait souscrit une nouvelle assurance au jour de l’assignation en référé du 2 octobre 2014, date à laquelle il n’est pas contesté qu’elle a eu connaissance du litige.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a condamné la MAF à garantir la société BFI et l’a condamnée à indemniser la SCI La Perche.
2.La SMABTP
La SMABTP ne conteste pas garantir la société SARC Constructions ainsi que l’a jugé le tribunal.
D. Sur l’indemnisation
La société Bâtir France Ingenierie regrette qu’aucun devis ou estimation des travaux n’ait été produit en cours d’expertise ce qui n’a pas permis d’en discuter le montant.
M. [Z] a pourtant estimé le montant des travaux de reprise à 34 800 euros TTC en sorte que cette somme a été discutée, l’entreprise générale pouvant proposer un autre chiffrage, ce qu’elle n’a pas fait. Elle n’émet en outre aucune critique précise et étayée de l’évaluation de l’expert.
Dès lors, la société Bâtir France Ingenierie, la SARC Constructions et son assureur la SMABTP seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 34 800 euros TTC par voie d’infirmation.
En l’absence de contestation sur la répartition des responsabilités, le jugement est confirmé en ce qu’il a dit que dans leurs rapports entre elles, le partage de responsabilité s’effectuera à hauteur de 80%, pour la société SARC Constructions et 20% pour la société Bâtir France Ingénierie.
Les sociétés SARC Constructions et SMABTP, d’une part, et la société Bâtir France Ingénierie, d’autre part, seront condamnées à se garantir réciproquement dans ces proportions.
E. Sur le dol
Aux termes de l’article 1137 du code civil « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. »
La MAF reproche à la société Bâtir France Ingenierie d’avoir sciemment dissimulé l’attestation d’assurance de la SMA bien qu’elle ait eu connaissance de son caractère déterminant. Elle lui réclame 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Le dol n’a vocation à s’appliquer que dans le cadre de la conclusion d’un contrat, l’alinéa 2 de l’article 1137 visant la dissimulation d’un fait qui s’il avait été connu de l’autre l’aurait empêché de contracter et ne peut être invoqué dans le cadre de la communication des pièces au procès.
La MAF sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnisation.
II. Sur la dégradation des enduits et du revêtement plastique en pied de façade
L’existence de cloques sur l’enduit et la dégradation du revêtement plastique épais en pied des murs de façade ont été constatées par l’expert et ne sont pas discutées.
Selon M. [Z], elles sont la conséquence d’une erreur de conception imputable à la société BFI, le niveau des sols extérieurs ayant été arrêté au-dessus de l’ouvrage de coupure de capillarité intégré aux ouvrages de maçonnerie.
Le tribunal a rejeté à juste titre la nature décennale du désordre invoquée par la BFI.
À l’instar du premier désordre, en l’absence d’infiltrations portant atteinte au clos et au couvert plus de 19 ans après la réception, il n’existe ni impropriété à destination de l’ouvrage ni atteinte à sa solidité contrairement à ce que soutient l’entreprise générale.
La BFI ne conteste pas avoir commis une faute dans la conception des travaux. Sa responsabilité contractuelle est engagée.
Le tribunal a fixé à juste titre le montant des travaux réparatoires à la somme de 30 000 euros TTC, aucun argument technique et chiffrage alternatif n’étant soumis à son appréciation comme à celui de la cour.
La société BFI sera seule condamnée à payer cette somme par voie d’infirmation.
III. Sur l’affaissement de la trappe
Le tribunal a condamné la société Bâtir France Ingenierie et la MAF à payer la somme de 4 800 euros TTC à la SCI La Perche sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Cette condamnation n’est pas discutée par l’entreprise générale et par le maître de l’ouvrage.
La MAF conteste sa condamnation suite à la résiliation du contrat et la réassurance de la société Bâtir France Ingenierie. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu sa garantie et l’a condamnée pour les motifs développés plus haut.
IV. Sur la demande de dommages et intérêts
La SCI La Perche réclame la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral. Elle fait valoir que les désordres affectent visuellement l’esthétisme de l’ouvrage, qu’il existe un risque d’affaissement du plafond, que les travaux de reprise perturberont le stationnement de la patientèle du cabinet médical ainsi que la circulation dans le couloir, siège du désordre relatif au faux plafond. Elle ajoute être affectée par le temps et l’énergie passés par ses associés depuis dix années au traitement du contentieux au détriment des autres tâches de gestion et du développement de l’activité de la société.
Si le préjudice décrit par la SCI s’analyse en un préjudice de jouissance et sera requalifié comme tel, eu égard à la longueur de la procédure qui a nécessairement demandé à tout le moins au gérant de la SCI du temps pour la gestion de la procédure qu’il n’a pu passer à celle de sa société ainsi que pour la gêne que procureront les travaux de reprise, le préjudice subi sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 2 000 euros.
Les sociétés BFI, Sarc Constructions et la SMABTP seront condamnées in solidum par voie d’infirmation à payer cette somme à la SCI La Perche.
V. Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont infirmées.
La société SARC Constructions, la SMABTP et la société BFI seront condamnées in solidum à payer à la SCI La Perche la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
La société Bâtir France ingénierie sera condamnée à hauteur de 70% et les sociétés SARC Constructions et SMABTP, pour le surplus, aux dépens, lesquels comprendront ceux de l’instance en référé et le coût de l’expertise ainsi que les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La cour,
Déboute les sociétés Bâtir France Ingénierie et MAF de leur demande de rectification d’erreur matérielle,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
– fixé le partage de responsabilité à hauteur de 80%, pour la société SARC Constructions et de 20%, pour la société Bâtir France Ingénierie ;
– condamné la société SMABTP à garantir la société SARC Constructions de l’ensemble de ses condamnations ;
– débouté les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de frais irrépétibles ;
L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne in solidum les sociétés Bâtir France Ingénierie, SARC Constructions et SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 34 800 euros TTC au titre des reprises des fissures,
Condamne la société Bâtir France Ingénierie, d’une part, et les sociétés SARC Constructions et SMABTP, d’autre part, à se garantir réciproquement à hauteur des parts de responsabilité retenues au titre des fissures en façade,
Condamne la société Bâtir France Ingénierie à payer à la SCI La Perche la somme de 30 000 euros TTC au titre de la reprise de l’enduit,
Condamne la société Bâtir France Ingénierie à payer à la SCI La Perche la somme de 4 800 euros TTC au titre de l’affaissement de la trappe,
Déboute la SCI La Perche de sa demande de condamnation de la MAF,
Déboute la société Bâtir France Ingénierie de sa demande de garantie contre la MAF,
Déboute la MAF de sa demande de condamnation de la société Bâtir France Ingénierie à lui payer des dommages et intérêts,
Condamne in solidum les sociétés Bâtir France Ingénierie, Sarc Constructions et SMABTP à payer une indemnité de 2 000 euros à la SCI La Perche au titre du préjudice subi,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne in solidum les sociétés Bâtir France Ingénierie, SARC Constructions et SMABTP à payer à la SCI La Perche la somme de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Bâtir France ingénierie, à hauteur de 70% et les sociétés SARC Constructions et SMABTP, pour le surplus, aux dépens, lesquels comprendront ceux de l’instance en référé et le coût de l’expertise ainsi que les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Po/ Le Président empêché,
N. MALARDEL