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La société Valfer, spécialisée dans le négoce et le transport de produits sidérurgiques, a été cédée par Fredanche Investissements (Intrametal) à PM Holding en 2021. Un contrat de prestations de services a été établi entre Intrametal et Valfer, avec une clause de non-concurrence. En avril 2022, Intrametal a annoncé la résiliation de ce contrat. Valfer a ensuite accusé Intrametal de concurrence déloyale, entraînant des saisies autorisées par le tribunal de commerce. En mai 2023, Valfer a été placée en liquidation judiciaire. Intrametal a contesté la validité des saisies, entraînant une série de décisions judiciaires, dont une ordonnance annulant la désignation de l’huissier pour non-respect des délais. La cour d’appel a finalement infirmé certaines décisions, réaffirmant la validité des saisies et condamnant la liquidatrice de Valfer à verser des frais à Intrametal.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C1
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Pascale HAYS
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024
Appel d’une ordonnance (N° RG 2023R00080)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 28 novembre 2023
suivant déclaration d’appel du 11 décembre 2023
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE au capital de 160.000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Lyon sous le numéro 538 422 056, représentée son représentant légal en exercice, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Valfer désigné suivant jugement en date du 2 mai 2023 par le tribunal de commerce de Lyon,
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Pascale HAYS, avocat au barreau de Grenoble, postulant et par Me Yann LORANG, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉE :
La société INTRAMETAL anciennement dénommée FREDANCHE INVESTISSEMENTS, société à responsabilité limitée au capital de 300.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Romans-sur-Isère sous le numéro 507 522 613, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de Grenoble, postulant et plaidant par Me GREBERT, avocat au barreau de Lyon
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière,
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 mai 2024, Mme FAIVRE, Conseillère, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et Me GREBERT en sa plaidoirie,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
La société Valfer, spécialisée dans l’activité de négoce et de transport de tous types de produits sidérurgiques ou assimilés en France et à l’étranger était initialement détenue par la société Fredanche Investissements (aujourd’hui dénommée Intrametal), représentée par son associé unique et gérant M. [X], fils du fondateur de la société Valfer.
Suivant deux actes de cessions d’actions, établis les 14 juin 2018 et 27 avril 2021, la société Fredanche Investissements a cédé la totalité du capital de la société Valfer à la société PM Holding constituée spécialement à cet effet et représentée par M. [Y] [E]. Depuis le 27 avril 2021, la société PM Holding est donc l’associée unique de la société Valfer.
Suivant convention du 14 juin 2018, la société Intrametal s’est engagée, à fournir à la société Valfer une série de prestations de services consistant essentiellement dans des missions de négoce en acier pour une durée de deux années et la convention s’est poursuivie jusqu’au 14 juin 2021 puis jusqu’au 14 juin 2022.
Par courrier du 15 avril 2022, la société Intrametal a fait part à la société Valfer de sa décision de mettre fin au contrat liant les deux sociétés au 31 décembre 2022.
L’acte de cession des actions ainsi que la convention de prestation de services conclus entre la société Fredanche Investissements et la société Valfer comportaient tous deux une clause de non-concurrence rédigée comme suit : « le cédant et Monsieur [I], [G] [X], gérant de la société Fredanche Investissements, s’interdisent, pour une durée de six (6) années commençant à courir à compter de la date d’effet de la convention :
‘ de s’intéresser directement ou indirectement pour leur propre compte ou pour le compte de toute personne, société, groupement, association ou toute entité, de participer d’une façon quelconque, que ce soit en qualité de salarié, associé bailleur de fonds, commanditaire ou autrement, à toute société, groupement, association ou toute autre entité ayant une activité identique ou similaire à celle de la société dont les actions sont cédées et ce dans l’Union Européenne ; étant précisé que cette interdiction ne concernera pas les relations contractuelles entre le cédant et la société aux termes de l’accompagnement stipulé à l’article 9.2 du protocole,
‘ de divulguer, de quelque manière que ce soit, à quiconque, des informations confidentielles, à savoir renseignements de nature technique, financière ou commerciale, relatifs à la société, ou au savoir-faire de la société et non tombées à la date des présentes dans le domaine public,
‘ d’embaucher toutes personnes ayant travaillé au sein de la société,
Et ce à peine de tous dommages et intérêts et sans préjudice du droit de faire cesser toutes infractions à cette interdiction ».
Selon email du 24 octobre 2022, M. [X] a demandé à M. [E] de lui signer une renonciation à la clause de non concurrence signée en 2018 afin de lui permettre d’être actionnaire d’une société de découpe laser en cours de création à [Localité 7].
Selon procès-verbal d’assemblée générale du 15 novembre 2022, la société Fredanche Investissements a élargi son objet social par adjonction d’activités à « l’achat et la vente de produits métallurgiques ».
Se prévalant d’actes de concurrence déloyale de la part de la société Fredanche Investissements devenue Intrametal, la société Valfer a, selon requête en date du 27 février 2023, sollicité des mesures de saisies au siège social de la société Intrametal, situé au domicile personnel de M.[I] [X].
Par ordonnance du 15 mars 2023 le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a autorisé la société Valfer à désigner un huissier instrumentaire afin qu’il procède à des opérations de constat et de saisie dans les locaux de la société Intrametal situés au [Adresse 1] à [Localité 4].
Par jugement du 2 mai 2023 le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire de la société Valfer et désigné la Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.
Les opérations de saisies se sont déroulées le 21 avril 2023 à 7h.
Elles ont été diligentées par Maîtres [N] [W] et [U] [P] de l’Etude [W] & [P] sise [Adresse 3] à [Localité 6] qui étaient accompagnés d’un expert-informatique.
Par assignation en date du 17 mai 2023, la société Intrametal a contesté le bien-fondé de l’ordonnance rendue le 6 mars 2023 et en a sollicité la rétractation.
Par ordonnance en date du 28 novembre 2023, le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a fait droit à cette demande et a prononcé la caducité de la désignation du commissaire de justice au motif que la société Valfer ne justifie pas de la saisine de l’huissier de justice dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance du 15 mars 2023.
Par ordonnance du 28 décembre 2023, le Premier président de la cour d’appel de Grenoble a ordonné la poursuite du séquestre de l’intégralité des pièces appréhendées en exécution de l’ordonnance rendue sur requête en date du 15 mars 2023 auprès de l’étude de Me [P].
Par déclaration du 11 décembre 2023 la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer a interjeté appel de l’ordonnance du 28 novembre 2023 rendue par le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère.
Prétentions et moyens de la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Valfer :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 23 janvier 2024, la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Valfer, demande à la cour au visa des articles 145, 493, 496, 699 et 700 du code de procédure civile et des articles R.153-1 et R.153-3 du code de commerce de :
– juger que la société Valfer a saisi l’étude [W] & [P], commissaires de justice, dans les délais imposés par l’ordonnance du 15 mars 2023 rendue par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère,
– juger que les opérations de constats réalisées en application de l’ordonnance du 15 mars 2023 ont respecté les dispositions de cette dernière et ne peuvent par conséquent être frappées de caducité,
– juger que la société Valfer démontrait bien l’existence d’un motif légitime,
– juger que la société Valfer était légitime à déroger au principe du contradictoire,
– juger que la société Valfer avait pris les mesures nécessaires à la préservation du secret des affaires et n’y a pas porté atteinte,
En conséquence :
– réformer l’ordonnance rendue le 28 novembre 2023 en ce qu’elle a prononcé la caducité des opérations réalisées en application de l’ordonnance du 15 mars 2023,
– confirmer l’ordonnance du 15 mars 2023 en toutes ses dispositions,
– juger qu’il n’y a pas lieu de rétracter l’ordonnance du 15 mars 2023,
– ordonner la transmission des éléments saisis et actuellement séquestrés au sein de l’étude [W] & [P] à la société MJ Synergie dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à venir,
– condamner la société Intrametal à lui verser la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Intrametal au paiement des entiers dépens.
Pour s’opposer à la caducité des opérations de saisie, elle fait valoir que :
– l’ordonnance du 15 mars 2023 ordonnait que l’huissier instrumentaire devait être saisi dans un délai d’un mois à compter du rendu de l’ordonnance et qu’à défaut sa désignation serait caduque et privé d’effet,
– or, contrairement à ce qu’a retenu le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère dans son ordonnance en date du 28 novembre 2023, elle a saisi l’étude de Me [W] et [P] par e-mail en date du 6 avril 2023 à 11h53 et l’intervention des commissaires de justice pour les opérations de saisie et constat a d’ailleurs encore été confirmée le 14 avril 2023 par e-mail adressé à 15h27,
– Me [P] en charge desdites opérations confirme également avoir été mandaté le 6 avril 2023, soit une date antérieure au 15 avril 2023,
– il s’en déduit que le délai d’un mois imparti par la loi a été respecté,
– le fait que les opérations se soient déroulées à la date du 21 avril 2023, soit plus d’un mois après le jour de la signature de l’ordonnance, n’a dans le cas d’espèce, aucune incidence sur leur validité puisque le point 19 de l’ordonnance est rédigé comme suit : « ordonnons que l’huissier commis procède à sa mission dans le délai de deux mois à compter du versement de la provision », de sorte que telle qu’elle est rédigée, l’ordonnance prévoyait la possibilité selon laquelle les opérations du commissaire de justice pouvaient intervenir dans un délai de deux mois à compter du versement de la provision soit possiblement même au-delà d’un délai d’un mois après le rendu de l’ordonnance.
Pour contester l’absence de motif légitime, elle fait valoir que :
– le motif légitime exigé par l’article 145 du code de procédure civile est caractérisé dès lors que le requérant démontre que les faits qu’il soupçonne présentent un caractère plausible et que l’action au fond à laquelle il songe n’est pas manifestement vouée à l’échec,
– le motif légitime ne suppose pas que la juridiction puisse statuer au vu des conditions de mise en ‘uvre de l’action au fond. Un litige potentiel suffit (Cass. 2e civ., 19 janv. 2023, n° 21-21.265),
– en l’espèce, elle justifie d’un motif légitime résultant de la violation par la société Intrametal de ses obligations contractuelles alors que notamment de la page 10 à la page 12 de la requête du 27 février 2023, elle a démontré que les faits qu’elle soupçonnait présentaient un caractère plausible, c’est à dire l’existence de clauses contractuelles de non-concurrence et leurs multiples violations par M.[X] consistant en l’élargissement de l’objet social de la société Intrametal anciennement Fredanche Investissements avec une activité identique à celle de la société Valfer, proposition sur le même marché de produits et services identiques à celle de la société Valfer et l’embauche d’un personnel ayant préalablement travaillé pour la société Valfer,
– en l’espèce, elle justifie également d’un motif légitime tiré des actes délictueux commis par M. [X], alors que la page 12 à 15 de la requête du 27 février 2023 démontrent l’existence d’actes de dénigrement et d’actes de concurrence déloyale opérés par M. [X] et la société Intrametal et contrairement à ce que soutient l’intimée, elle ne reproche pas l’échange direct entre M. [F] [C], apprenti au sein de la société Valfer et M. [X] produit au soutien de la requête et daté du 22 juillet 2022, lequel s’est produit
pendant l’exécution du contrat de prestation de service entre les sociétés Valfer
et Intrametal, mais elle reproche la transmission de données et informations confidentielles telles que « tout le fichier client/fournisseur » transmis notamment dans cet email.
Pour justifier la nécessité de déroger au principe du contradictoire, elle indique que :
– elle a précisé en page 16 de sa requête que : « il est évident que les preuves de la violation des clauses de non-concurrence ainsi que celles permettant de confirmer les agissements de dénigrement commercial auxquels se livre M. [X] ne peuvent être rassemblées par la requérante de par son seul fait à raison de l’inaccessibilité de ces dernières »,
– elle l’a précisé en page 17 de sa requête en indiquant que « l’intérêt pour la requérante de solliciter sur requête des opérations de constat d’huissier et de saisie dans les locaux de la société Fredanche et de son dirigeant M. [X], sans que ceux-ci ne soient appelés en la cause, réside dans la nécessité de conserver un effet de surprise pour palier le risque de dépérissement des preuves. En effet, informer au préalable la société Fredanche Investissements (aujourd’hui Intrametal) ou son dirigeant M. [X] reviendrait à leur permettre de procéder à la destruction de tout ou partie des éléments de preuve et à l’organisation de man’uvres destinées à dissimuler les actes reprochés»,
– ces affirmations reposent sur l’évocation d’éléments propres au cas d’espèce et à ce titre, la cour de cassation a récemment considéré que constituait une motivation suffisamment concrète le fait d’exposer être « fondé à ne pas appeler la partie adverse pour éviter des man’uvres destinées à faire échec à la démonstration des faits de concurrence déloyale, justifiant que l’effet de surprise était une condition de la réussite de la mesure sollicitée » (Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n°18-24.855),
– il était évident qu’aucun autre moyen ne pouvait être employé pour l’obtention de telles informations et documents, qui par ailleurs ne pouvaient se trouver que dans les matériels informatiques situés dans les locaux de la société Intrametal,
– la cour de cassation a cassé un arrêt qui rétractait une ordonnance après avoir constaté que la société X avait exposé dans sa requête un contexte laissant craindre une concurrence déloyale et que le risque de dissimulation des preuves recherchées était motivé par renvoi à ce contexte » (Cass. 2e civ., 11 avr. 2019, n° 18-13.947 ; Cass. 2e civ., 11 avr. 2019, n° 18-15.589),
– l’examen de la jurisprudence confirme en outre qu’en matière de mesure d’instruction in futurum, la fragilité d’un élément de preuve constitue un motif commandant de déroger au principe de la contradiction.
Pour justifier de la proportionnalité de la mesure et de l’absence de violation du secret des affaires, elle expose que :
– la société Intrametal ne précisait pas dans le cadre de son référé rétractation quelles pièces saisies l’auraient été en violation du secret des affaires,
– la société Intrametal se devait de démontrer que la communication à la société Valfer des éléments saisis portait une atteinte excessive au secret des affaires,
– pour chaque pièce ou document saisi par le commissaire de justice, elle aurait dû indiquer la version confidentielle intégrale de la pièce, la version non-confidentielle ou un résumé de la pièce, un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent un caractère secret, mais aucune démarche en ce sens n’a été effectuée par l’intimée,
– l’ordonnance du 15 mars 2023 précisait bien qu’étaient autorisées les recherches, constats et saisies de « tous dossiers, fichiers, documents, mails, SMS, correspondances (‘) liés aux faits litigieux précédemment exposés et faisant référence à la société Valfer et son dirigeant M. [E] à l’aide des mots-clés [cités] » et l’ordonnance limitait les recherches, constats et saisies des «copies de tous mails, documents ou fichiers, SMS, (‘) de la société Fredanche Investissements ou de son dirigeant M. [X] envers les fournisseurs et clients de la société Valfer comportant les mots clés cités », de sorte que contrairement à ce que soutenait la société Intrametal dans le cadre de la procédure de référé rétractation, les opérations d’investigation étaient bien strictement limitées aux seuls et uniques éléments en lien avec les faits litigieux, et faisant référence à la société Valfer, son dirigeant M. [E] ainsi que ses clients et fournisseurs, sans qu’elles ne puissent s’étendre au-delà,
– ce n’est pas parce que les mots clés choisis n’ont pas été mentionnés explicitement dans la requête qu’aucun lien ne peut être établi avec la société Intrametal,
– la société Intrametal arguait dans son référé rétractation d’une « atteinte disproportionnée » à ses droits sans expliquer ni démontrer l’étendue de cette prétendue atteinte ni de cette prétendue disproportion et ajoutait encore que «l’ordonnance ne s’attache à aucun moment à mettre en place les conditions nécessaires à la préservation du secret des affaires » alors même que celle-ci prévoyait les points suivants :
– point 35 : « ordonnons que seront exclus du champ de la recherche de l’huissier instrumentaire tout document ou dossier intitulé « personnel », «perso», « privé » et toute correspondance en provenance ou à destination des avocats du requis dont les noms devront lui être communiqués par le requis »,
– point 36 : « ordonnons qu’en cas de présence d’un tel document ou dossier, l’huissier instrumentaire aura la possibilité de s’assurer du caractère réellement privé des informations qu’il contient »,
– la rédaction du projet d’ordonnance, détaillé en 45 paragraphes, était réfléchie, volontaire et destinée justement à encadrer minutieusement l’ensemble des mesures autorisées, quant à leur strict lien avec le litige, par le biais d’une limitation des recherches seulement aux faits litigieux, c’est-à-dire aux références à la société Valfer, son dirigeant M. [E] et leurs clients et fournisseurs, par le biais de l’énumération exhaustive de mots-clés précis et choisis non aléatoirement mais également quant à leur étendue géographique, par le choix du lieu de la saisie, limitée aux locaux de la société Intrametal et quant à l’injonction donnée au commissaire de justice désigné d’exclure du champ de la recherche tous documents ou dossiers qui seraient personnels ou privés.
Prétentions et moyens de la société Intrametal :
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 23 février 2024, la société Intrametal anciennement dénommée Fredanche Investissements, demande à la cour au visa des articles 145, 493, 497, 875, et 700 du code de procédure civile, des articles R.153-1 et suivants du code de commerce et de l’article 1984 du code civil de :
A titre principal,
– confirmer l’ordonnance du 28 novembre 2023 en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, si la cour devait juger que la caducité de l’ordonnance n’était pas encourue :
– rétracter l’ordonnance rendue sur requête le 15 mars 2023 en toutes ses dispositions en ce que la société Valfer ne justifie d’aucun motif légitime à la mesure sollicitée, que celle-ci porte une atteinte disproportionnée au secret des affaires et au but poursuivi et viole le principe du contradictoire,
– ordonner la destruction par l’huissier instrumentaire (devenu commissaire de justice) et par l’expert informatique l’accompagnant de tous les duplicatas ayant pu être saisis ou réalisés au cours des opérations autorisées par l’ordonnance du 15 mars 2023, quelle qu’en soit leur forme, et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir,
– ordonner la restitution par l’huissier instrumentaire (devenu commissaire de justice) et par l’expert informatique l’accompagnant de l’intégralité des originaux ayant pu être appréhendés au cours des opérations autorisées par l’ordonnance du 15 mars 2023 et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir,
– ordonner la destruction de tout autre support qui aurait servi au transfert desdites données et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir,
– ordonner qu’il en soit dressé procès-verbal dont un exemplaire sera remis à la société Intrametal,
– ordonner aux huissiers instrumentaires et experts informatiques de s’abstenir de faire mention ou de révéler à quiconque les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations qu’ils ont menées,
A titre infiniment subsidiaire,
– restreindre l’étendue des mesures de saisies pratiquées en supprimant de la mission confiée à l’huissier instrumentaire, devenu commissaire de justice, les champs de recherche des éléments se référant aux mots-clés « [M] », «OBJET SOCIAL », « LOGICIEL COMPTABLE » « LOGICIEL LD NEGOCE», « LD NEGOCE », « Intrametal », « FI », « [A] », « SLCD », «UMA », « HIC ACIER » et « STRODO » et en limitant les mesures de saisies à la période postérieure au départ de M.[I] [X], soit à compter du 20 septembre 2022,
– ordonner en conséquence à l’huissier instrumentaire le tri des éléments séquestrés après avoir écarté les éléments obtenus par les mots-clés « [M] », «OBJET SOCIAL », « LOGICIEL COMPTABLE » « LOGICIEL LD NEGOCE », « LD NEGOCE », « Intrametal », « FI », « [A] », « SLCD », « UMA », « HIC ACIER » et « STRODO » et avoir limité les mesures de saisies à la période postérieure au départ de M. [X], soit à compter du 20 septembre 2022,
– ordonner le tri éléments séquestrés en fonction des éléments qui pourront être communiqués sans examen et ceux qui sont concernés par le secret des affaires, protection du droit au respect de la vie privée et tout autre droit au secret juridiquement garanti,
– juger qu’il appartiendra à la société Intrametal d’identifier les éléments à la communication desquels elle s’oppose en triant chacun des éléments saisis par le commissaire de justice, qui auront été préalablement numérotés par ce dernier :
*dans un sous-répertoire A les éléments dont la communication n’est pas contestée,
*dans un sous répertoire B les éléments devant faire l’objet d’un examen contradictoire, triés par motif justifiant la non communication (secret des affaires, protection du droit au respect de la vie privée et tout autre droit au secret juridiquement garanti) avec une note synthétique expliquant pour chaque pièce les motifs de non communication,
– renvoyer à une audience pour procéder à l’examen contradictoire, en la présence des seuls avocats des parties et du commissaire de justice instrumentaire, des éléments du répertoire B afin de statuer sur leur communication ou pas,
– préciser dès à présent que lors de l’audience d’examen contradictoire des éléments du répertoire B, les avocats des parties pourront être entendus séparément conformément à l’article R153-3 du code de commerce,
En toutes hypothèses,
– débouter la société Valfer, prise en la personne de sa liquidatrice judiciaire, la société MJ Synergie, de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions,
– condamner la société Valfer, prise en la personne de sa liquidatrice judiciaire, la société MJ Synergie, à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Valfer, prise en la personne de sa liquidatrice judiciaire, la société MJ Synergie aux entiers dépens de l’instance.
Pour contester l’existence d’un motif légitime, elle expose que :
– le litige envisagé par la société Valfer apparaît voué à l’échec dès lors que la clause de non concurrence qui lui est opposée est manifestement nulle puisque la stipulation est d’une durée de six années et couvre l’ensemble de l’Union européenne pour une société, dont l’ambition est peut-être européenne, avec une activité concentrée sur la région Rhône-alpine et elle est en outre silencieuse quant aux intérêts légitimes de la société Valfer susceptibles de justifier l’interdiction imposée et s’avère totalement disproportionnée,
– aux termes de sa requête, elle allègue des faits de concurrence déloyale et de dénigrement qui seraient caractérisés par l’embauche d’un apprenti, M. [J] [F] [C], corroborés par des transferts de mails de celui-ci entre sa messagerie professionnelle et sa messagerie personnelle qui ne sont pas démontrés alors que:
*elle peut difficilement lui reprocher le recrutement d’un apprenti dont elle a entendu elle-même mettre fin au contrat alors qu’elle produit un formulaire CERFA de résiliation du contrat d’apprentissage qui stipule une rupture d’un commun accord entre l’apprenti et l’employeur,
*si la société Valfer produit au soutien de sa requête des transferts de mails entre la messagerie professionnelle et la messagerie personnelle de M. [J] [F] [C], aucun lien n’est matériellement établi avec elle et ne repose que sur des supputations, puisqu’elle n’est en aucun cas à l’origine de ces transferts de mails et le seul échange direct avec M. [F] [C] produit au soutien de la requête est daté du 22 juillet 2022, soit pendant l’exécution du contrat de prestation de services entre les deux sociétés, ce qui semble logique, puisque celles-ci entretenaient un partenariat, ce qui suppose qu’elle disposait des moyens de la société Valfer, à savoir, un apprenti.
– aux termes de sa requête, elle allègue des faits de concurrence déloyale et de dénigrement qui seraient caractérisés par des médisances, qui auraient été tenues par M. [X] à l’encontre de la société Valfer et de son dirigeant, « rapportées à plusieurs reprises à M. [E] », par voie orale mais cette demande ne repose sur aucun élément matériel tangible, mais simplement sur une rumeur, or la rumeur n’est pas de nature à constituer un motif légitime ou à rendre plausible un litige éventuel, de sorte que tous ces prétendus dires sont invérifiables et purement fictifs,
– aux termes de sa requête, elle allègue des faits de concurrence déloyale et de dénigrement qui seraient caractérisés par le refus de paiement d’un client de la société Valfer justifié par ‘ l’existence d’un différend entre M. [E] et M. [X]’, mais au soutien de cette assertion, elle produit seulement deux factures impayées de la société [A] et la justification évoquée n’est établie que par le lien d’amitié qui existerait entre le dirigeant de la société [A] et M. [X], ce qui n’est pas sérieux, la société Valfer se contentant de faire ‘uvre-créatrice de ses propres déductions sans daigner à aucun moment faire état d’un commencement de preuve.
Au soutien de son moyen tiré de l’absence de justification de la dérogation au principe du contradictoire, elle expose que :
– le requérant doit caractériser de manière précise les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tout débat contradictoire,
– une simple affirmation ne suffit pas, la motivation devant s’apprécier in concreto,
– une requête se contentant d’arguer de cette nécessité en raison du risque de dépérissement d’éventuelles preuves doit être rétractée, puisqu’il ne suffit pas de prétendre qu’un effet de surprise est nécessaire mais il faut établir cette nécessité en se référant de manière précise aux circonstances de la cause, des motifs généraux étant insuffisants,
– aux termes de sa requête la société Valfer indique qu’il est nécessaire de déroger au principe du contradictoire compte-tenu de ‘ la nécessité de conserver un effet de surprise pour palier le risque de dépérissement des preuves puisque, informer au préalable la société Intrametal ou M. [X] reviendrait à leur permettre de procéder à la destruction de tout ou partie des éléments de preuve et à l’organisation de man’uvres destinées à dissimuler les actes reprochés’,
– or, ces assertions, de style et générales, sont dénuées de toute réalité tangible et sont pourtant, les seules décrites aux termes de la requête, et aucune surprise n’était par ailleurs à réserver dès lors que les griefs évoqués par la société Valfer sont très semblables à ceux qu’elle avait décrit dans son courrier de mise en demeure, quelques mois auparavant.
Pour justifier du caractère disproportionné des mesures de saisie et de l’atteinte au secret des affaires, elle soutient que :
– les mesures autorisées en application de l’article 145 du code de procédure civile ne doivent pas porter une atteinte démesurée aux droits des parties et il appartient au juge de s’assurer de la proportionnalité des mesures sollicitées avec le but recherché,
– la jurisprudence reconnaît en particulier depuis longtemps que la protection du secret des affaires peut faire obstacle à l’octroi d’une mesure d’instruction fondée sur l’article 145 du code de procédure civile,
– en l’espèce, les mesures autorisées ne sont pas suffisamment circonscrites et leur nécessité n’est pas explicitée et étayée, dès lors que les commissaires de justice mandatés ont cru légitime de saisir l’ensemble des données des logiciels comptable et LD négoce (logiciel de gestion commerciale) ce qui revient à saisir l’ensemble de ses données financières et commerciales,
– le fait que les recherches seraient limitées à des documents « envers ses clients et fournisseurs» ou « faisant référence à la société Valfer et son dirigeant » ne permettent pas de circonscrire les mesures, alors qu’une telle saisie dont l’étendue n’est pas limitée ne peut qu’être regardée comme en violation manifeste avec le secret des affaires et le caractère nécessairement proportionné d’une telle mesure,
– en utilisant des mots clefs aussi généraux que « objet social » et « Intrametal », l’ordonnance donne un accès libre total à la documentation stratégique relative à sa clientèle ainsi qu’à des informations sans aucun lien avec l’objet du litige envisagé au fond par la requérante,
– certains mots clés retenus n’ont fait l’objet d’aucune démonstration juridique justifiant leur utilisation ; tel est le cas de « [L] [Z] », « [N] [R] », « SLCD », « UMA », « HIC ACIER » et « STODO » qui ne sont nullement mentionnées aux termes de la requête et pour lesquels, aucun lien n’est établi avec la société Intrametal,
– les mesures d’instruction ordonnées ne sont pas circonscrites dans le temps et s’étendent ainsi sur une période indéfinie, caractérisant de facto une disproportion manifeste par rapport au but poursuivi.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le16 mai 2024, l’affaire a été appelée à l’audience du 30 mai 2024 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 12 septembre 2024.
A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Sur la caducité de la mesure de saisie
Lorsque l’autorisation donnée par le juge des requêtes pour réaliser des opérations de constat et de saisie devient caduque en raison du non-respect du délai imparti dans l’ordonnance, il entre alors dans les pouvoirs du juge de la rétractation de constater cette caducité (Cass. 2e civ., 26 sept. 2019, n° 18-13.438).
En l’espèce, dans son ordonnance du 15 mars 2023 autorisant la société Valfer à désigner un huissier instrumentaire afin qu’il procède à des opérations de constat et de saisie dans les locaux de la société Intrametal situés au [Adresse 1] à [Localité 4], le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a également ordonné qu’à défaut de saisine de l’huissier dans un délai d’un mois à compter de la décision, sa désignation sera caduque.
Or, il ressort des pièces de la procédure que :
– selon courriel du 6 avril 2023 la société Valfer a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité la Selarl [W] & [P], commisssaire de justice, aux fins d’exécuter la mesure de saisie autorisée par l’ordonnance du 16 mars 2023,
– selon courriel en date du 14 avril 2023, le conseil de la société Valfer a confirmé à la Selarl [W] & [P], commissaire de justice, l’intervention le 21 avril 2023 aux fins de saisie,
– par courrier du 16 décembre 2023, Maître [U] [P] a attesté avoir été saisi le 6 avril 2023 par email adressé par le conseil de la société Valfer afin de réaliser les constatations en exécution de l’ordonnance du président du tribunal de commerce du 15 mars 2023.
Par ailleurs, l’intimée ne peut utilement arguer de l’absence de preuve de l’acceptation de la mission par l’étude [P] & [W] alors qu’il est constant que cette dernière a réalisé la mesure de saisie le 21 avril 2023 à 7 heures. De même, le moyen tiré de ce que l’attestation de Me [P] a été produite pour alimenter un débat sur l’arrêt de l’exécution provisoire devant le Premier président de la cour d’appel, outre qu’il relève de la simple allégation, n’est pas de nature à remettre en cause ce témoignage donné par un officier public ministériel.
En conséquence et contrairement à ce qu’a retenu à tort l’ordonnance déférée, il se déduit de l’ensemble de ces éléments, que la preuve de la saisie effective de l’huissier dans le délai d’un mois à compter de l’ordonnance du 15 mars 2023, soit le 6 avril 2023 est parfaitement rapportée. Il s’ensuit que la demande de caducité doit être rejetée et l’ordonnance infirmée.
Sur la demande de rétractation
En application de l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.
La saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à son seul objet, à savoir soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire (Cass. 2e civ., 19 mars 2020, n° 19-11.323).
Le juge saisi d’un recours en rétractation dispose des mêmes pouvoirs que ceux dont disposait l’auteur de l’ordonnance contestée.
En particulier, il doit vérifier que les circonstances exigeaient que les mesures demandées ne soient pas prises contradictoirement et il doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime à demander la mesure.
S’agissant de l’existence d’un motif légitime
Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Le motif légitime nécessaire au succès des prétentions formulées sur le fondement de ce texte s’entend d’un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, le demandeur à la mesure d’instruction in futurum, s’il n’a pas à démontrer la réalité des faits qu’il allègue, doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions en lien avec un possible procès futur et non manifestement voués à l’échec au regard des moyens soulevés, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction.
La demande de rétractation d’une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne tendant qu’au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation qui connaît d’une telle demande doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui (Civ. 2ème, 7 juillet 2016, n° 15-21.579).
En l’espèce, la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer, se prévaut de la violation par la société Intrametal des clauses de non concurrence insérées dans l’acte de cession d’actions et dans la convention de prestation de services régularisées entre les parties et résultant de l’élargissement de l’objet social de la société Fredanche Investisement, aux droits de laquelle vient la société Intrametal, à l’activité d’achat et vente de produits métallurgiques, selon décision d’assemblée générale du 15 novembre 2022.
Or, d’une part les clauses de non concurrences litigieuses d’une durée de 6 ans et couvrant l’ensemble du territoire de l’Union Européenne excèdent manifestement ce qui est indispensable, alors qu’il n’est ni allégué ni a fortiori démontré que la société Valfer, qui est une entreprise locale basée dans la région Rhône-Alpes, exerce son activité à l’international et que par ailleurs, l’ampleur de la limitation spatio-temporelle ainsi fixée ne se justifie pas par la nature du savoir faire de l’appelante, s’agissant de l’absence de spécificité attachée à l’activité de négoce et de transport de produits métallurgiques. C’est donc à bon droit que la société Intrametal se prévaut du caractère manifestement voué à l’échec du litige, s’agissant du caractère disproportionné de la restriction spatio-temporelle imposée.
En tout état de cause, le motif légitime tenant à l’existence d’actes de concurrence déloyale n’est pas caractérisé.
En effet, dans le cadre de sa requête, la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer, après avoir relevé le transfert par M. [F] [C], alors apprenti au sein de cette société, d’un mail de demande de prix par un client de sa messagerie professionnelle à sa messagerie personnelle expose ainsi qu’il suit que: « des clients ont par ailleurs rapporté à M. [E] le fait que M. [X] répondait dans les minutes suivant l’envoi à leurs mails à la société Valfer (mails de commandes), auxdits clients de la société Valfer et à leurs demandes mais pour le compte de la société Fredanche Investissement ( dénommée Intrametal). C’est pourquoi la requérante se permet d’affirmer que M. [F] [C] informait M. [X] des emails envoyés par ls clients de la société Valfer à cette dernière et ‘uvrait pour lui dans le cadre de sa nouvelle activité exercée sous le nom d’Entametal ».
Ce faisant, elle procède par pure allégation, étant au demeurant observé, comme le relève justement l’intimée, que le transfert de cet email n’est pas de nature à caractériser le moindre acte de concurrence déloyale à son encontre, faute d’établissement d’un lien matériel avec elle, le seul échange direct avec M. [F] [C] étant tout à fait normal s’agissant d’un échange daté du 22 juillet 2022, soit pendant l’exécution du contrat de prestation de service la liant à l’appelante.
Dans le cadre de sa requête, la Selarl MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer, expose encore ainsi qu’il suit :
– « que M. [E] a été confronté au refus de paiement d’un client dont le dirigeant est personnellement proche de M. [X]. Ce refus de règlement d’une facture d’un montant de 77.990,88 euros, était justifié par l’existence du différend existant entre M. [E] et M. [X], le client conditionnant le règlement de la facture au paiement par la requérante des sommes qu’elle devraient à M. [X] »,
– « il a été rapporté à M. [E] que M. [X] a tenté de soudoyer un personnel salarié de la société Valfer, aux fins d’obtenir de ce dernier des informations privées et confidentielles de la requérante. En effet M. [X] a proposé à un personnel de la société Valfer une somme d’argent en liquide en échange de transmissions d’informations confidentielles sur la requérante ».
Néanmoins, ces allégations ne sont assorties d’aucune offre de preuve et notamment, ne sont corroborées par aucun témoignage émanant des personnes auxquels ces propos sont attribués, de sorte que l’intimée est bien fondée à soutenir que ces prétendus dires invérifiables ne sont pas davantage de nature à constituer un motif légitime au sens de l’article 145 précité du code de procédure civile.
Enfin, l’affirmation contenue dans la requête de la société Valfer et ainsi libellée: « il a été rapporté à plusieurs reprises à M. [E] que M. [X] tiendrait fréquemment des propos dénigrants à la fois à l’encontre de la société Valfer mais également à l’encontre de sa propre personne », relève d’allégations hypothétiques et conditionnelles, lesquelles ne sont assorties d’aucune offre de preuve, y compris à hauteur d’appel et ne sont pas de nature à caractériser un motif légitime tiré d’un dénigrement opéré par M. [X].
S’agissant de la dérogation au principe du contradictoire
L’article 493 du code de procédure civile dispose que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
Le juge doit donc également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.
Ainsi, le juge saisi d’une demande en rétractation ne peut en effet se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l’ordonnance pour justifier qu’il est dérogé au principe de la contradiction (V. Cass. 2e civ., 3 mars 2022, n° 20-22.349). Une simple affirmation ne suffit pas ( Cass. 2e civ., 16 mars 2017, n° 16-13.064). Cette nécessité doit être démontrée et reposer sur l’évocation d’éléments propres au cas d’espèce (Cass. 2e civ., 19 mars 2015, n° 14-14.389; Cass. 2e civ., 11 avr. 2019, n° 18-13.947;Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-24.855)
En l’espèce, il n’est ni allégué, ni démontré des éléments propres au cas d’espèce justifiant la dérogation à la procédure contradictoire puisqu’il n’est fait état d’aucun élément justifiant que la concurrence déloyale alléguée laisse présumer de la nécessité de conserver un effet de surprise pour pallier le risque de dépérissement des preuves, alors que la requête ne peut se contenter de faire référence de manière générale et théorique à la nécessité de conserver un effet de surprise pour pallier le risque de dépérissement des preuves.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient de rétracter l’ordonnance rendue le 15 mars 2023 par le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère.
Il y a également lieu d’ordonner la destruction par l’huissier instrumentaire et par l’expert informatique l’accompagnant, de tous les duplicatas ayant pu être saisi ou réalisés au cours des opérations autorisées par l’ordonnance du 15 mars 2023, quelle qu’en soit leur forme, et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir.
Il y a également lieu d’ordonner la restitution par l’huissier instrumentaire et par l’expert informatique l’accompagnant de l’intégralité des originaux ayant pu être appréhendés au cours des opérations autorisées par l’ordonnance du 15 mars 2023 et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir. Il y a enfin lieu d’ordonner la destruction de tout autre support qui aurait servi au transfert desdites données et ce dans un délai de 48 heures à compter de l’ordonnance à venir et qu’il en soit dressé procès-verbal dont un exemplaire sera remis à la société Intrametal. L’ordonnance déférée doit être confirmée sur ces points.
En revanche il n’y a pas lieu d’ordonner aux huissiers instrumentaires et experts informatiques de s’abstenir de faire mention ou de révéler à quiconque les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations qu’ils ont menées, s’agissant d’officiers ministériels soumis au secret professionnel. L’ordonnance déférée est donc infirmée sur ce point.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens
La société MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer, doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés, ce qui conduit à la confirmation de l’ordonnance déférée sur ce point. Elle doit en outre verser à la société Intrametal la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et en cause d’appel. L’ordonnance déférée est sur ce point infirmée. Il y a également lieu de débouter la société MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :
– prononcée la caducité de la mesure ordonnée par le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère selon ordonnance du 15 mars 2023,
– débouté la société Intrametal de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné aux huissiers instrumentaires et experts informatiques de s’abstenir de faire mention ou de révéler à quiconque les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations qu’ils ont menées,
Confirme l’ordonnance déférée pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Rétracte l’ordonnance rendue le 15 décembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère,
Déboute la société Intrametal de sa demande de voir ordonner aux huissiers instrumentaires et experts informatiques de s’abstenir de faire mention ou de révéler à quiconque les informations auxquelles ils ont eu accès dans le cadre des opérations qu’ils ont menées,
Condamne la société MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer à payer à la société Intrametal la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’appel,
Déboute la société MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Valfer aux dépens d’appel.
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente