Madame [Y] [F] a ouvert un compte chèque et un livret A au CREDIT AGRICOLE IDF. En mai 2018, elle a été démarchée par la société POSITIVA-AD pour investir dans des crypto-monnaies, ce qui l’a amenée à effectuer quatorze virements totalisant 37.200 euros entre mai et août 2018. Victime d’une escroquerie, elle a déposé une plainte pénale en avril 2019. En mars 2022, elle a mis en demeure le CREDIT AGRICOLE IDF de restituer la somme investie, mais la banque a refusé, affirmant n’avoir commis aucune faute. En janvier 2023, Madame [F] a saisi le tribunal judiciaire de Paris. Elle a demandé des réparations à la fois au CREDIT AGRICOLE IDF et à HSBC UK BANK PLC, les accusant de ne pas avoir respecté leurs obligations de vigilance. Le CREDIT AGRICOLE IDF a contesté sa responsabilité, tandis que HSBC UK BANK PLC a demandé l’application du droit anglais. Le tribunal a constaté le désistement de Madame [F] à l’égard de HSBC CONTINENTAL EUROPE, a débouté Madame [F] de ses demandes et l’a condamnée aux dépens, ainsi qu’à verser des sommes aux deux banques au titre des frais de justice.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
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9ème chambre 3ème section
N° RG 23/02630
N° Portalis 352J-W-B7H-CYVE6
N° MINUTE : 2
Assignation du :
16 Janvier 2023
JUGEMENT
rendu le 12 Septembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [Y] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Maître Emilie CHANDLER, avocat au barreau de Paris, avocat postulant, vestiaire #E0159 et Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de Rennes, avocat plaidant
DÉFENDERESSES
HSBC UK BANK PLC
[Adresse 1]
[Adresse 1] – ROYAUME UNI
représentée par Maîtres Rémi KLEIMAN et Romain MASSOBRE du PARTNERSHIPS EVERSHEDS Sutherland (France) LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0014
S.A HSBC CONTINENTAL EUROPE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Maître Rémi PASSEMARD de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0555
Décision du 12 Septembre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/02630 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYVE6
La CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Jean-Philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0812
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Gilles MALFRE, Vice-président
Hadrien BERTAUX, Juge
assistés de Chloé DOS SANTOS, Greffière
DÉBATS
A l’audience du 13 Juin 2024 tenue en audience publique devant Béatrice CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 12 Septembre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Madame [Y] [F] est titulaire d’un compte chèque et d’un livret A ouverts dans les livres du CREDIT AGRICOLE IDF.
Au mois de mai 2018, Madame [F] indique avoir été démarchée par la société POSITIVA-AD qui s’est présentée comme une société spécialisée dans les services d’investissement en crypto-monnaie.
Après avoir été mise en confiance par son interlocuteur, Madame [F] a décidé d’investir dans des crypto-monnaies.
Entre le 22 mai et le 11 août 2018, Madame [F] a effectué quatorze virements sur son espace en ligne depuis ses comptes ouverts dans les livres du CREDIT AGRICOLE IDF pour un montant total de 37.200 euros.
Ayant été victime d’une escroquerie, le 8 avril 2019, Madame [F] a alors déposé une plainte pénale avec constitution de partie civile.
Le 7 mars 2022, Madame [F] a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure le CREDIT AGRICOLE IDF de restituer la somme de 37.200 euros correspondant au montant total des sommes virées.
Le 28 mars 2022, le CREDIT AGRICOLE IDF a indiqué à Madame [F] qu’il n’avait commis aucune faute dans le cadre des virements effectués et qu’il ne procéderait à aucun remboursement.
Par acte extra-judiciaire du 16 janvier 2023, Madame [F] a saisi le tribunal judiciaire de Paris du présent litige.
Par conclusions en date du 28 mars 2024, Madame [Y] [F] demande au tribunal de:
“- Prendre acte du désistement d’instance et d’action à l’encontre de la société HSBC CONTINENTAL EUROPE ;
– Juger que la loi française est applicable au présent litige et opposable à la société HSBC UK BANK PLC ;
– Si mieux n’aime le Tribunal, statuer conformément au droit applicable et en justifier.
A TITRE PRINCIPAL :
– Juger que les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE France et HSBC UK BANK PLC n’ont pas respecté leur obligation légale de vigilance au titre du dispositif de LCB-FT ;
– Juger que les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE France et HSBC UK BANK PLC sont responsables des préjudices subis par Madame [F] ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE France et HSBC UK BANK PLC à rembourser à Madame [F] la somme de 37.200 €, correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE France et HSBC UK BANK PLC à verser à Madame [F] la somme de 7.440 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE France et HSBC UK BANK PLC à verser à Madame [F] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner les mêmes, in solidum, aux entiers dépens ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– Juger que les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE et HSBC UK BANK PLC ont manqué à leur devoir général de vigilance ;
– Juger que les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE et HSBC UK BANK PLC sont responsables des préjudices subis par Madame [F] ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE et HSBC UK BANK PLC à rembourser à Madame [F] la somme de 37.200 €, en réparation de son préjudice matériel ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE et HSBC UK BANK PLC à verser à Madame [F] la somme de 7.440 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
– Condamner in solidum les sociétés CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE et HSBC UK BANK PLC à verser à Madame [F] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner les mêmes, in solidum, aux entiers dépens ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
– Juger que la société CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE n’a pas respecté son obligation d’information à l’égard de Madame [F] ;
– Juger que la société CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE est responsable des préjudices subis par Madame [F] ;
– Condamner la société CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE à rembourser à Madame [F] la somme de 37.200 €, correspondant à la totalité de son investissement, en réparation de son préjudice matériel ;
– Condamner la société CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [F] la somme de 7.440 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
– Condamner la société CRCAM DE PARIS ET D’ILE DE FRANCE à verser à Madame [F] la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la même aux entiers dépens.”
Par conclusions en date du 27 février 2024, le CREDIT AGRICOLE IDF demande au tribunal de:
“- RECEVOIR le CREDIT AGRICOLE IDF en ses conclusions, l’y déclarant bienfondé ;
– JUGER que la responsabilité du CREDIT AGRICOLE IDF n’est absolument pas engagée sur quelque fondement que ce soit en l’espèce,
– JUGER en toute hypothèse que Madame [F] a fait preuve d’une particulière imprudence à l’origine exclusive de son préjudice,
– DEBOUTER en conséquence Madame [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– CONDAMNER Madame [F] à verser au CREDIT AGRICOLE IDF la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– La CONDAMNER aux entiers dépens.”
Par conclusions en date du 29 janvier 2024, la société HSBC CONTINENTAL EUROPE demande au tribunal de:
“- PRONONCER la mise hors de cause de la société HSBC Continental Europe ;
RESERVER les dépens.”
Par conclusions en date du 15 mai 2024, la société HSBC UK BANK PLC demande au tribunal de:
“A titre principal,
– JUGER que, par application du Règlement (CE) N° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, seul le droit d’Angleterre et du Pays de Galles est applicable aux demandes formées par Madame [Y] [F] à l’encontre de la société HSBC UK BANK PLC ;
– DONNER ACTE que la société HSBC UK BANK PLC se réserve le droit de soulever toutes défenses et fins de non-recevoir ouvertes sur le fond du droit qui sera dit applicable et
– ENJOINDRE Madame [Y] [F] à conclure sur le fondement du droit d’Angleterre
et du Pays de Galles au soutien de ses demandes dirigées à l’encontre de la société
HSBC UK BANK PLC ;
– RÉSERVER les frais irrépétibles et les dépens ;
A titre subsidiaire sur ce point, si par extraordinaire le Tribunal statuait sur le fond dans un même jugement après avoir déterminé la loi applicable, il est demandé au Tribunal de :
– DÉBOUTER Madame [Y] [F] de ses prétentions à l’encontre de la société HSBC UK BANK PLC, dès lors qu’elle ne démontre aucune faute de la concluante au regard du droit d’Angleterre et du Pays de Galles ;
– CONDAMNER Madame [Y] [F] à payer à la société HSBC UK BANK PLC la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile”.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2024 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 13 juin 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2024.
I. Sur le désistement
Madame [F] entend se désister des demandes formulées à l’encontre de la société HSBC CONTINENTAL EUROPE, succursale française de la société HSBC UK BANK PLC.
Le tribunal prendra acte de son désistement d’instance et d’action en l’encontre de la société HSBC CONTINENTAL EUROPE.
II. Sur la loi applicable aux relations entre Madame [F] et la société HSBC UK BANK PLC
La société HSBC UK BANK PLC prétend qu’elle est soumise à la loi anglaise et non française.
Aux termes de l’article 12 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ».
Décision du 12 Septembre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/02630 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYVE6
Au cas présent, la relation entre Madame [F] et HSBC n’est régie par aucun contrat.
Dès lors, la responsabilité invoquée de la société HSBC par Madame [F] ne peut être que de nature délictuelle, ce qui n’est pas contesté par Madame [F].
Le Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Règlement Rome II ») détermine la loi applicable et ce, quand bien même les parties situées au Royaume-Uni ne font plus partie d’un Etat membre de l’Union Européenne.
A ce titre, l’article 3 du Règlement Rome II prévoit que « la loi désignée par le présent Règlement s’applique, même si cette loi n’est pas celle d’un État membre ».
Le Règlement Rome II prévoit ainsi expressément la possibilité, pour le juge français saisi, de désigner la loi d’un Etat qui n’est pas membre de l’Union Européenne.
Aux termes de l’article 4 du Règlement Rome II :
« 1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. (…)
3. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu’un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question. »
Le seul critère de rattachement est donc la localisation du dommage, sauf circonstances particulières.
En matière de préjudice financier, il est admis que « le lieu où le dommage est survenu », est le lieu où les fonds ont été appropriés frauduleusement.
Aux termes de l’article 7 : « Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre : […]
2) En matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».
Au cas présent, le lieu où le dommage est survenu est celui où a lieu l’appropriation indue des fonds : en vérifiant les IBAN fournis par Madame [F], (« [XXXXXXXXXX06] » et « [XXXXXXXXXX07] »), c’est après les virements sur deux comptes bancaires situés à [Localité 5] que les prétendues appropriations ont eu lieu au Royaume-Uni.
Par conséquent, c’est le droit anglais qui s’applique au présent litige, s’agissant du rapport entre Madame [F] et la société HSBC UK BANK PLC.
III. Sur la responsabilité de la société HSBC UK BANK PLC
Au regard du droit anglais, s’agissant d’un pays de Common Law, la demande est fondée soit sur une situation existante dans laquelle un devoir de diligence de common law en matière de négligence existe, soit le demandeur doit établir que l’imposition d’un tel devoir de diligence est appropriée.
Les juridictions anglaises ont jugé, dans des faits similaires à ceux de l’espèce, que l’imposition d’un tel devoir n’était pas appropriée.
Au cas présent, il est rappelé que la relation entre Madame [F] et HSBC n’est régie par aucun contrat, la première n’étant pas cliente de HSBC.
En application du droit anglais, le tribunal constatera donc que Madame [F], en tant que tiers, ne bénéficie pas d’une obligation de vigilance que lui devrait HSBC, si bien que celle-ci ne peut se voir reprocher une quelconque négligence et être tenue responsable envers Madame [F] des pertes financières subies par celle-ci.
En conséquence, Madame [F] sera déboutée de ses demandes à l’égard de la société HSBC UK BANK PLC.
IV. Sur le prétendu manquement au dispositif LCB/FT
Les dispositions des articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier, insérés au chapitre Ier du titre 6, concernant les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ont pour seul objet la protection de l’intérêt général et ne peuvent donc fonder, à les supposer violées, une dette de dommages-intérêts.
Ces textes, qui constituent des règles professionnelles, ont pour seule finalité la détection de transactions visant à blanchir de l’argent issu d’activités criminelles et ne peuvent pas être invoqués par la prétendue victime d’un manquement allégué à une obligation de vigilance.
Ils ont en outre pour objet de mettre à la charge de la banque une obligation de surveillance à l’égard de son client et non un devoir de protection à son profit, que ne saurait dès lors revendiquer Madame [F] dans la mesure où il s’agit de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.
Les demandes de Madame [F] ne seront, en conséquence, pas accueillies sur ce fondement juridique.
V. Sur le devoir général de vigilance du CREDIT AGRICOLE IDF
L’article L. 133-3 du code monétaire et financier définit l’opération de paiement comme une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendante de l’obligation sous-jacente. Cette disposition fait corps avec les articles L. 133-6 et L. 133-7 du même code qui définissent de façon objective l’opération de paiement « autorisée », le seul critère étant le respect des formes prévues par les parties.
Décision du 12 Septembre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/02630 – N° Portalis 352J-W-B7H-CYVE6
Par ailleurs, l’article L. 133-13 du code monétaire et financier impose au prestataire de service de paiement, à savoir la banque du payeur d’exécuter l’opération de paiement autorisée au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre.
Excepté les cas de retard ou de mauvaise exécution, les articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier ne contiennent aucun élément suggérant une responsabilité de la banque pour avoir exécuté des opérations autorisées.
En application des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur d’une obligation contractuelle qui du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer. Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.
A défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, faisant naître à sa charge un devoir de vigilance l’obligeant à se rapprocher de son client aux fins de vérification de son consentement, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client. Il ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause sont opportunes et exemptes de danger.
Au cas présent, il n’est pas discuté que les sommes virées depuis le compte de Madame [F] l’ont été sur le compte indiqué aux ordres de virement et que Madame [F] en était le donneur d’ordre, si bien que ces ordres étaient authentiques et qu’ils n’ont pas été dévoyés, la demanderesse n’en querellant en réalité que l’objet.
Madame [F] a effectué des opérations au bénéfice de sociétés étrangères (CAMDEAL et POSITIVA AD) détenant des comptes ouverts dans un établissement bancaire situé en ANGLETERRE. Madame [F] ne s’est jamais interrogée sur les destinations de ces opérations qui, pour certaines, n’ont pas été effectuées au profit de la société POSITIVA AD, ce qui démontre sa négligence. En investissant de telles sommes dans des investissements via des sociétés étrangères, Madame [F] a fait preuve d’imprudence.
Le CREDIT AGRICOLE IDF n’était donc pas tenu à une obligation d’information sur les risques que présentaient les investissements effectués par la demanderesse ; pas plus n’était-il tenue d’en vérifier la légalité.
Madame [F] était par ailleurs consentante aux opérations sous-jacentes aux opérations de paiement, elle gérait très activement son compte, lequel a toujours fonctionné en position créditrice.
Enfin, Madame [F] ne caractérise nullement les anomalies intellectuelles qu’elle évoque.
En conséquence, Madame [F] n’établit pas les fautes qu’auraient commises le CREDIT AGRICOLE IDF, banque émettrice des virements litigieux, laquelle, au contraire, avait une obligation de résultat dans l’exécution des ordres donnés, et qui, simple mandataire de son client n’avait pas à contrôler l’usage de fonds dont elle avait la libre disposition, en sorte que les prétentions de Madame [F] dirigées contre le CREDIT AGRICOLE IDF seront rejetées.
VI. Sur un prétendu manquement à une obligation d’information du CREDIT AGRICOLE IDF
Madame [F] reproche au CREDIT AGRICOLE IDF qu’aucune information concernant les publications et les alertes de l’AMF relatives aux risques inhérents aux offres d’investissement dans des produits non-régulés tels que les crypto-actifs, ne lui avait été donnée.
Aux termes de l’article 1112-1 du code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».
Il ne saurait dériver de la connaissance de l’établissement teneur de compte d’investissements, une obligation de surveillance ou de vigilance, au bénéfice de son client, puisque le banquier n’est pas tenu, sauf convention dont l’existence n’est ici pas établie, d’un devoir de conseil ou de mise en garde, sur des produits auxquels il demeure étranger.
Il sera rappelé qu’en présence de virements autorisés et en l’absence de toute anomalie, la banque, agissant en qualité de teneur de compte, n’est nullement tenue à une obligation d’information qui plus est concernant des produits qu’elle ne commercialise pas.
L’obligation d’information pesant sur le banquier porte exclusivement sur les produits et services qu’il commercialise.
Au cas présent, les investissements litigieux sont totalement étrangers au CREDIT AGRICOLE IDF qui n’agissait auprès de Madame [F] qu’en qualité de teneur de compte et de prestataire de service de paiement.
En conséquence, Madame [F] sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
VII.Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant à l’instance, Madame [F] sera condamnée aux dépens, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.
Madame [F] sera par ailleurs condamnée à verser à chacune des sociétés CREDIT AGRICOLE IDF et HSBC UK BANK PLC la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
CONSTATE le désistement d’instance et d’action à l’encontre de la société HSBC CONTINENTAL EUROPE et le déclare parfait ;
DEBOUTE Madame [Y] [F] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Madame [Y] [F] aux dépens ;
CONDAMNE Madame [Y] [F] à verser à chacune des sociétés CREDIT AGRICOLE IDF et HSBC UK BANK PLC la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 12 Septembre 2024.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE