Monsieur [B] [J] [K] a ouvert un compte chez BNP PARIBAS et a été contacté en février 2022 par une société prétendant offrir des investissements dans des résidences médicalisées pour seniors. Séduit par la promesse d’un placement sûr et rentable, il a investi 59.743 € dans un centre en Espagne, après avoir effectué un paiement à une société se présentant comme SQUARE HABITAT SASU. Les fonds ont été transférés sur un compte en Italie. Cependant, cet investissement s’est révélé être une escroquerie, entraînant la perte totale de la somme investie. Monsieur [K] a alors saisi le tribunal judiciaire de Paris en novembre 2022, demandant réparation aux sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. pour manquement à leurs obligations de vigilance et d’information. En réponse, BNP PARIBAS a contesté les demandes de Monsieur [K] et a demandé à être indemnisée. Le tribunal a finalement débouté Monsieur [K] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
Me CHANDLER
Me MARTINET
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9ème chambre 3ème section
N° RG 22/14353 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYIFV
N° MINUTE : 3
Réputé Contradictoire
Assignation du :
28 Novembre 2022
JUGEMENT
rendu le 12 Septembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [B] [J] [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Maître Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0159 et par Maître Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de Rennes, avocat plaidant
DÉFENDERESSES
Entreprise INTESA SANPAOLO
[Adresse 7]
[Localité 1]
Défaillante
Entreprise BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1329
Décision du 12 Septembre 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 22/14353 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYIFV
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente, statuant en juge unique.
assistée de Sandrine BREARD, Greffière présente à l’audience et de Diane FARIN, Greffière lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l’audience du 13 Juin 2024 tenue en audience publique, avis a été donné que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Réputé contradictoire
En premier ressort
Monsieur [B] [J] [K] est titulaire d’un compte ouvert dans les livres de BNP PARIBAS.
Au début du mois de février 2022, il a été contacté par une société se présentant comme la société [Adresse 8] qui lui a proposé d’investir dans des parts de résidences d’hébergements médicalisés pour séniors. Ladite société lui a indiqué que ce produit de placement était sûr et connaissait une rentabilité forte à court terme.
Mis en confiance par la relation nouée avec cette société, Monsieur [K] a décidé d’investir par son intermédiaire. Il a fait l’acquisition de parts dans un centre pour seniors située à [Localité 6] en Espagne moyennant un montant de 59.743 €. La société lui a indiqué que le taux de rendement net mensuel sur ce placement serait de 0,55 % et que le montant des loyers mensuels serait de 328,59 €.
Le 8 février 2022, Monsieur [K] a procédé au règlement de la somme de 59.743 € conformément aux coordonnées bancaires transmises par la société se présentant comme la société SQUARE HABITAT SASU. Ce paiement a été effectué par l’intermédiaire de son compte bancaire auprès de la société BNP PARIBAS. Les fonds ont été transférés sur un compte bancaire intitulé « CLIENTS MANAGEMENT », domicilié en Italie au sein de l’établissement bancaire INTESA SANPAOLO S.P.A.
Monsieur [K] a en fait été victime d’une escroquerie et la somme investie a été intégralement perdue.
C’est dans ces condition qu’il a saisi le tribunal judiciaire de Paris par assignation en date du 28 novembre 2022.
Par conclusions en date du 15 mai 2024, Monsieur [B] [J] [K] demande au tribunal de:
A TITRE PRINCIPAL :
Juger que les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. n’ont pas respecté leur obligation légale de vigilance au titre du dispositif de LCB-FT ;
Juger que les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. sont responsables des préjudices subis par Monsieur [K] ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. à rembourser à Monsieur [K] la somme de 59.085,82 € en réparation de son préjudice matériel ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. à verser à Monsieur [K] la somme de 11.817,16 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les mêmes, in solidum, aux entiers dépens ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Juger que les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A ont manqué à leur devoir général de vigilance ;
Juger que les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A sont responsables des préjudices subis par Monsieur [K] ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. à rembourser à Monsieur [K] la somme de 59.085,82 € en réparation de son préjudice matériel ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. à verser à Monsieur [K] la somme de 11.817,16 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;
Condamner in solidum les sociétés BNP PARIBAS et INTESA SANPAOLO S.P.A. à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de
procédure civile ;
Condamner les mêmes, in solidum, aux entiers dépens ;
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE :
Juger que la société BNP PARIBAS n’a pas respecté son obligation d’information à l’égard de Monsieur [K] ;
Juger que la société BNP PARIBAS est responsable des préjudices subis par Monsieur [K] ;
Condamner la société BNP PARIBAS à rembourser à Monsieur [K] la somme de 59.085,82 € en réparation de son préjudice matériel ;
Condamner la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [K] la somme de 11.817,16 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de
jouissance ;
Condamner la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Juger et retenir que la société BNP PARIBAS est responsable de plein droit, en matière d’opérations de paiement non autorisées, aux termes des dispositions des articles L. 133-17 et suivants du Code monétaire et financier ;
Juger et retenir que la société BNP PARIBAS n’a pas respecté son obligation de remboursement des fonds suite à des opérations de paiement non autorisées, conformément aux dispositions des articles L. 133-18 et suivants du Code monétaire et financier ;
Condamner la société BNP PARIBAS à rembourser à Monsieur [K] la somme de 59.085,82 € en réparation de son préjudice matériel ;
Condamner la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [K] la somme de 11.817,16 €, correspondant à 20 % du montant de son investissement, en réparation de son préjudice moral et de
jouissance ;
Condamner la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [K] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions en date du 30 avril 2024, la BNP PARIBAS demande au tribunal de:
Déclarer Monsieur [K] infondé en ses demandes à toutes fins qu’elles comportent et l’en débouter ;
Le condamner au paiement, au profit de BNP PARIBAS, d’une somme de 7.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
La banque INTESA SANPAOLO n’est pas représentée.
Conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 mai 2024 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 13 juin 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 12 septembre 2024.
I. Sur le prétendu manquement au dispositif LCB/FT:
Les dispositions des articles L.561-1 et suivants du Code monétaire et financier, insérés au chapitre Ier du titre 6, concernant les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ont pour seul objet la protection de l’intérêt général et ne peuvent donc fonder, à les supposer violées, une dette de dommages-intérêts.
Ces textes, qui constituent des règles professionnelles, ont pour seule finalité la détection de transactions visant à blanchir de l’argent issu d’activités criminelles et ne peuvent pas être invoqués par la prétendue victime d’un manquement allégué à une obligation de vigilance.
Ils ont en outre pour objet de mettre à la charge de la banque une obligation de surveillance à l’égard de son client et non un devoir de protection à son profit, que ne saurait dès lors revendiquer Monsieur [K] dans la mesure où il s’agit de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.
Les demandes de Monsieur [K] à l’encontre des deux banques ne seront, en conséquence, pas accueillies sur ce fondement juridique.
II. Sur le devoir général de vigilance des banques:
L’article L. 133-3 du Code monétaire et financier définit l’opération de paiement comme une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendante de l’obligation sous-jacente. Cette disposition fait corps avec les articles L. 133-6 et L. 133-7 du même code qui définissent de façon objective l’opération de paiement « autorisée », le seul critère étant le respect des formes prévues par les parties.
Par ailleurs, l’article L. 133-13 du Code monétaire et financier impose au prestataire de service de paiement, à savoir la banque du payeur d’exécuter l’opération de paiement autorisée au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre.
Excepté les cas de retard ou de mauvaise exécution, les articles L. 133-1 et suivants du Code monétaire et financier ne contiennent aucun élément suggérant une responsabilité de la banque pour avoir exécuté des opérations autorisées.
La responsabilité du prestataire n’est susceptible d’être engagée qu’en cas d’opérations non autorisées ou mal exécutées.
Une opération autorisée est celle pour laquelle le client ou son représentant habilité a donné son consentement à son exécution.
En application des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur d’une obligation contractuelle qui du fait de l’inexécution de son engagement, cause un préjudice au créancier, s’oblige à le réparer. Il revient au créancier qui réclame réparation de rapporter la preuve du manquement contractuel et du dommage en résultant.
A défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, faisant naître à sa charge un devoir de vigilance l’obligeant à se rapprocher de son client aux fins de vérification de son consentement, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client. Il ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause sont opportunes et exemptes de danger.
Au cas présent, il n’est pas discuté que la somme virée depuis le compte de Monsieur [K] l’a été sur le compte indiqué à l’ordre de virement le 8 février 2022 et que Monsieur [K] en était le donneur d’ordre, si bien que cet ordre était authentique et qu’il n’a pas été dévoyé, le demandeur n’en querellant en réalité que l’objet.
Cet ordre était donc « autorisé ».
Le compte de Monsieur [K] était en outre provisionné du montant à débiter.
Il ne saurait dériver de la connaissance de l’établissement teneur de compte d’investissements, une obligation de surveillance ou de vigilance, au bénéfice de son client, puisque le banquier n’est pas tenu, sauf convention dont l’existence n’est ici pas établie, d’un devoir de conseil ou de mise en garde, sur des produits auxquels il demeure étranger.
S’agissant d’un ordre émanant du titulaire du compte, qui est donc un ordre autorisé, la question du devoir de vigilance ne se pose pas.
La société BNP PARIBAS n’était donc pas tenue à une obligation d’information sur les risques que présentaient les investissements effectués par le demandeur ; pas plus n’était-elle tenue d’en vérifier la légalité.
Monsieur [K] ne caractérise par ailleurs nullement l’anomalie intellectuelle qu’il évoque.
En conséquence de quoi, Monsieur [K] n’établit pas les fautes qu’auraient commises les banques, lesquelles, au contraire, avaient une obligation de résultat dans l’exécution de l’ordre donné, et qui, simples mandataires du client n’avaient pas à contrôler l’usage de fonds dont il avait la libre disposition, en sorte que les prétentions de Monsieur [K] dirigées contre elles seront rejetées.
III. Sur un prétendu manquement à une obligation d’information de la BNP PARIBAS:
Aux termes de l’article 1112-1 du Code civil :
« Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».
Il sera rappelé qu’en présence de virements autorisés et en l’absence de toute anomalie manifeste, la banque, agissant en qualité de teneur de compte, n’est nullement tenue à une obligation d’information qui plus est concernant des produits qu’elle ne commercialise pas.
L’obligation d’information pesant sur le banquier porte exclusivement sur les produits et services qu’il commercialise.
Au cas présent, l’investissement litigieux est totalement étranger à la société BNP PARIBAS qui n’agissait auprès de Monsieur [K] qu’en qualité de teneur de compte et de prestataire de service de paiement.
En conséquence, Monsieur [K] sera débouté de sa demande formée de ce chef.
IV.Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Succombant à l’instance, Monsieur [K] sera condamné aux dépens, sur le fondement de l’article 696 du Code de procédure civile.
Compte tenu de la nature de l’affaire, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
DEBOUTE Monsieur [B] [J] [K] de l’ensemble de ses demandes;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [B] [J] [K] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 12 Septembre 2024
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE