Mme [J] [C] et M. [D] [N] ont engagé des travaux d’agrandissement sur leur bien immobilier, confiés à Mme [X] [Z], architecte, et à l’entreprise DOMINGUES, assurée par MIC INSURANCE. Les travaux, prévus de mai 2023 à mars 2024, ont été retardés et finalement abandonnés par l’entreprise, qui a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire le 27 novembre 2023. Les propriétaires ont constaté des désordres sur l’ouvrage et ont fait dresser un constat par un commissaire de justice. Ils ont ensuite mandaté un autre maître d’œuvre pour évaluer les malfaçons. Le 6 août 2024, ils ont assigné Mme [X] [Z], la société MAF, l’entreprise DOMINGUES, MIC INSURANCE et le liquidateur judiciaire en référé expertise. Lors de l’audience, Mme [X] [Z] et MIC INSURANCE ont accepté l’expertise tout en réservant leur responsabilité. L’entreprise DOMINGUES et son liquidateur n’étaient pas présents. Le juge a ordonné une expertise pour évaluer les désordres, les responsabilités et les coûts des travaux nécessaires, tout en fixant une provision de 3 000 € à consigner pour les frais d’expertise. L’expert désigné devra rendre son rapport dans un délai de six mois, sous réserve de prorogation. Les dépens resteront à la charge des demandeurs.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU
12 SEPTEMBRE 2024
N° RG 24/00778 – N° Portalis DB22-W-B7I-SDAV
Code NAC : 54G
DEMANDEURS
Madame [J] [C]
née le 07 Décembre 1954 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 9]
Monsieur [D] [N]
né le 05 Juin 1953 à [Localité 11] (ITALIE),
demeurant [Adresse 9]
tous deux représentés par Me Sylvie MAIO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 163, avocat postulant et par Me Fabrice LEPEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B404, avocat plaidant,
DEFENDERESSES
Madame [X] [Z],
architecte inscrite au tableau régional de l’Ordre des Architectes sous le n° [Numéro identifiant 2],
demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180, avocat postulant et par Me Marie ALLIX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,
La Société MIC INSURANCE,
société anonyme, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 885 241 208, ayant son siège social sis [Adresse 8], représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
représentée par Me Banna NDAO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667, avocat postulant et par Me Fabien GIRAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 697, avocat plaidant,
La Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS,
Société d’assurance à forme mutuelle, non inscrite au RCS, SIREN n° 784 647 349, dont le siège social est situé [Adresse 6], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
défaillante,
La Société ENTREPRISE DOMINGUES,
Société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS de PONTOISE sous le n° 750 328 254, ayant son siège social sis [Adresse 5], représentée par ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
défaillante,
SELARL MMJ,
prise en la personne de Maître [R] [S], ayant son siège social sis [Adresse 7], es qualité de liquidateur judiciaire de l’ENTREPRISE DOMINGUES,
défaillante,
Débats tenus à l’audience du : 06 Août 2024
Nous, Bertrand MENAY, Président du Tribunal Judiciaire de Versailles, assisté de Virginie DUMINY, Greffier,
Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil, à l’audience du 06 Août 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 12 Septembre 2024, date à laquelle l’ordonnance suivante a été rendue :
Mme [J] [C] et M. [D] [N] sont propriétaires d’un bien immobilier situé [Adresse 9] à [Localité 14] pour lequel ils ont fait réaliser des travaux d’agrandissement confiés, selon contrat du 20 janvier 2021, à Mme [X] [Z], architecte, assurée par la société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF), l’entreprise DOMINGUES, assurée par MIC INSURANCE. Le démarrage des travaux était prévu en mai 2023 pour un achèvement en mars 2024.
Mme [J] [C] et M. [D] [N] ont constaté l’existence d’un retard dans l’exécution du chantier puis un abandon de celui-ci par l’entreprise DOMINGUES, placée en redressement puis en liquidation judiciaire le 27 novembre 2023, ainsi que des désordres sur l’ouvrage.
Le 29 novembre 2023 les demandeurs ont fait dresser un constat de commissaire de justice et le 30 avril 2024, Mme [J] [C] et M. [D] [N] ont mandaté un autre maître d’œuvre pour dresser constat des désordres, malfaçons et non façons.
Suivant actes de commissaire de justice des 24 et 27 mai 2024, Mme [J] [C] et M. [D] [N] ont fait assigner Mme [X] [Z], la société MAF, l’entreprise DOMINGUES, MIC INSURANCE et la Selarl MMJ, liquidateur judiciaire de l’entreprise DOMINGUES en référé expertise devant le président du Tribunal judiciaire de VERSAILLES. Mme [J] [C] et M. [D] [N].
Lors de l’audience du 6 août 2024, Mme [J] [C] et M. [D] [N] ont maintenu leurs demandes.
Mme [X] [Z] et MIC INSURANCE ne s’opposent pas à la demande d’expertise mais formulent toutes protestations et réserves quant à leur éventuelle responsabilité.
Assignée à personne la société MAF, assureur de Mme [Z], et par remise de l’acte en étude de commissaire de justice, l’entreprise DOMINGUES n’étaient ni comparants, ni représentés.
La Selarl MMJ, liquidateur judiciaire de l’entreprise DOMINGUES ne l’était pas plus ayant adressé un courrier à la juridiction indiquant ne pas pouvoir assurer sa représentation à l’instance.
Il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.
Sur la demande d’expertise :
L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est acquis que l’article 145 du code de procédure civile est un texte autonome auquel les conditions habituelles du référé ne sont pas applicables. Il n’est ainsi pas soumis à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse.
Une mesure d’instruction ne peut être demandée et obtenue, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile lorsqu’une juridiction du fond est saisie de l’affaire. La condition d’absence de saisine préalable des juges du fond s’apprécie au jour de la saisine du juge, puisque c’est une condition de recevabilité de la demande, et non pas au jour où le juge des référés statue.
L’article 146 du code de procédure civile ne s’applique pas lorsque le juge est saisi d’une demande fondée sur l’article 145 du même code.
Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
La faculté prévue à l’article 145 du code de procédure civile ne saurait, en outre, être exercée à l’encontre d’un défendeur qui, manifestement, et en dehors même de toute discussion au fond, ne serait pas susceptible d’être mis en cause dans une action principale.
De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Enfin, l’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
En l’espèce, il apparaît que Mme [J] [C] et M. [D] [N] justifient qu’un technicien judiciaire détermine la réalité et l’origine des désordres, malfaçons et non façons allégués dans leur assignation et repris, notamment dans le constat de commissaire de justice du 29 novembre 2023 et dans le rapport de la société OPTIM’HOME IMMOBILIER du 30 avril 2024. Cette mesure technique sera donc ordonnée en la limitant aux désordres évoqués dans l’assignation.
Au regard de ces éléments, et alors que le débat sur la teneur et l’imputabilité des désordres relève du juge du fond, Mme [J] [C] et M. [D] [N] disposent d’un motif légitime à faire établir les désordres qu’ils allèguent, un procès éventuel n’étant pas manifestement voué à l’échec.
Du tout, il résulte que les conditions d’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile sont réunies et qu’il convient d’ordonner la mesure d’expertise requise, dans les termes du dispositif, en mettant à la charge de Mme [J] [C] et M. [D] [N] le paiement de la provision initiale.
Sur les demandes accessoires :
L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que la juridiction des référés statue sur les dépens. L’article 696 dudit code dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
A la lumière de ce qui précède et la demande étant fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, les dépens doivent demeurer à la charge de Mme [J] [C] et M. [D] [N].
Nous, Bertrand MENAY, statuant en qualité de Juge des référés, par ordonnance réputée contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au greffe le jour du délibéré après débats en audience publique,
Donnons acte à Mme [X] [Z] et la société MIC INSURANCE de leurs protestations et réserves ;
Ordonnons une mesure d’expertise ;
Désignons pour y procéder :
Madame [Y] [G],
[Adresse 3]
[Localité 10]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 12],
expert inscrit sur les listes de la Cour d’appel de Versailles, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :
1 – se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
2 – relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l’assignation et affectant l’immeuble litigieux, ainsi que les non conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
3 – en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
4 – donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
5 – dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art ;
6 – à partir de devis d’entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d’œuvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l’ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
7 – donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
8 – rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties;
9 – donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties ;
10°- indiquer quels étaient les délais de réalisation convenus et s’ils ont été respectés ; dans la négative, préciser l’importance des retards éventuels, en déterminer la cause et se faire justifier le cas échéant des causes justificatives alléguées ; fournir tous éléments permettant de dire à qui les retards seraient imputables ; donner son avis sur le montant des pénalités éventuellement dues;
11°- donner son avis sur les conditions dans lesquelles le chantier a été interrompu, et le cas échéant, rechercher et indiquer le rôle respectif des parties dans cette situation de fait ; donner son avis sur la valeur des travaux ayant déjà été effectivement exécutés, ainsi que sur la valeur des travaux restant encore à faire – s’agissant ici des non-façons, à l’exclusion des malfaçons ;
Disons que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
– se rendre sur les lieux, [Adresse 9] à [Localité 14] et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
* en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
* en indiquant les mises en cause, les interventions volontaires ou forcées qui lui paraissent nécessaires et en invitant les parties à procéder auxdites mises en cause dans le délai qu’il fixera ;
* en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignations complémentaires qui s’en déduisent ;
* en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse; communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
* rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.
Disons qu’en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnue par l’expert, ce dernier pourra autoriser les demandeurs à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, sous la direction du maître d’œuvre des demandeurs, par des entreprises qualifiées de son choix; que, dans ce cas, l’expert déposera une note circonstanciée aux parties, précisant la nature, l’importance et le coût de ces travaux ;
Fixons à la somme de 3 000 € (trois mille euros) la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par Mme [J] [C] et M. [D] [N] à la Régie du tribunal judiciaire de Versailles le 1er décembre 2024 au plus tard ;
Rappelons que la saisine de l’expert est subordonnée à la consignation préalable de cette somme ;
Disons que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet ;
Disons que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal dans les SIX MOIS de sa saisine sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du Juge du contrôle ;
Disons que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des mesures d’instruction de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des article 155 et 155-1 du même code ;
Disons que les dépens resteront à la charge de Mme [J] [C] et M. [D] [N] ;
Rappelons que :
1)- le coût final des opérations d’expertise ne sera déterminé qu’à l’issue de la procédure, même si la présente décision s’est efforcée de fixer le montant de la provision à une valeur aussi proche que possible du coût prévisible de l’expertise ;
2)- la partie qui est invitée par cette décision à faire l’avance des honoraires de l’expert n’est pas nécessairement celle qui en supportera la charge finale, à l’issue du procès ;
Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
Prononcé par mise à disposition au greffe le DOUZE SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE par Bertrand MENAY, Président, assisté de Virginie DUMINY, Greffier, lesquels ont signé la minute de la présente décision.
Le Greffier Le Président
Virginie DUMINY Bertrand MENAY