Extension de la mission d’expertise : conditions et implications pour les parties concernées

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Extension de la mission d’expertise : conditions et implications pour les parties concernées

Madame [K] [Z] et Monsieur [S] [Y] ont construit un garage avec un toit-terrasse sur leur propriété, confiant les travaux d’étanchéité à Monsieur [F] [R] de CONCEPT DECO RESINE. Après avoir réglé la facture le 25 septembre 2021, ils ont constaté des infiltrations d’eau et ont demandé une expertise à leur assureur, la MAIF. Le rapport d’expertise a conclu à la responsabilité de CONCEPT DECO RESINE pour l’absence de résultat concernant l’étanchéité. Bien que Monsieur [R] ait accepté de réaliser des travaux de reprise, les époux [Y] les ont arrêtés en raison de leur insatisfaction. Ils ont ensuite estimé le coût des travaux de reprise à 11 047,30 € et ont tenté sans succès de récupérer cette somme.

Le 12 juin 2023, le juge des référés a ordonné une expertise et a condamné Monsieur [R] à fournir son attestation d’assurance. Les époux [Y] ont également signalé des fissures sur leur propriété, ce qui a conduit à une extension de la mission d’expertise. En avril 2024, ils ont cité plusieurs parties, dont la société BRINDEJONC et son assureur, pour que l’ordonnance du 12 juin 2023 leur soit opposable et pour que l’expertise soit étendue aux fissures.

Lors de l’audience du 17 juillet 2024, les époux [Y] ont demandé le bénéfice de leur acte introductif d’instance, tandis que les sociétés BRINDEJONC et SMA SA ont demandé à limiter l’ordonnance aux nouveaux désordres. Le juge a ensuite mis l’affaire en délibéré pour statuer sur les demandes et a rendu une ordonnance déclarant les opérations d’expertise communes et opposables à BRINDEJONC et SMA SA, tout en étendant la mission d’expertise aux fissures et en prorogeant le délai de dépôt du rapport.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG
24/00311
RE F E R E

Du 06 Septembre 2024

N° RG 24/00311 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K5K2
54G

c par le RPVA
le
à

Me Sébastien COLLET, Me Camille GUILBERT-OBJILERE, Me Xavier MASSIP, Me Camille SUDRON

– copie dossier
– 2 copies service expertises

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Sébastien COLLET, Me Camille GUILBERT-OBJILERE, Me Xavier MASSIP, Me Camille SUDRON

Expédition délivrée le:
à

Me Sébastien COLLET, Me Camille GUILBERT-OBJILERE, Me Xavier MASSIP, Me Camille SUDRON
Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEURS AU REFERE:

Madame [K] [Z] épouse [Y], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Sébastien COLLET, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me STEPHAN, avocat au barreau de Rennes,

Monsieur [S] [Y], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Sébastien COLLET, avocat au barreau de RENNES
substitué par Me STEPHAN, avocat au barreau de Rennes,

DEFENDEURS AU REFERE:

S.A.R.L. BRINDEJONC, dont le siège social est sis [Adresse 6]
représentée par Me Xavier MASSIP, avocat au barreau de RENNES substitué par Me MAZOUIN, avocat au barreau de Rennes,

Monsieur [F] [R] EXERÇANT SOUS L’ENSEIGNE CONCEPT DECO RESINE,, demeurant [Adresse 3] Exercant ss l’enseigne DECO RESIGNE – [Localité 2]
représenté par Me Camille SUDRON, avocat au barreau de RENNES

S.A.R.L. BOUIN EXTENSION HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Camille GUILBERT-OBJILERE, avocat au barreau de RENNES substitué par Me AUBIN, avocat au barreau de Rennes,

S.A. SMA, dont le siège social est sis [Adresse 5]
représentée par Me Xavier MASSIP, avocat au barreau de RENNES substitué par Me MAZOUIN, avocat au barreau de Rennes,

LE PRESIDENT: Béatrice RIVAIL, Présidente du tribunal judiciaire

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 17 Juillet 2024,

ORDONNANCE: contradictoire, prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 06 Septembre 2024, date indiquée à l’issue des débats

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [Z], épouse [Y], et Monsieur [S] [Y] (ci-après les époux [Y]), demandeurs à la présente instance, ont fait construire un garage avec un toit-terrasse sur leur propriété sise [Adresse 4] à [Localité 7] (35).

La mise en oeuvre du revêtement étanche a été confiée à Monsieur [F] [R], exerçant sous l’enseigne CONCEPT DECO RESINE. Suite à la réalisation de ces travaux, ce dernier a établi une facture dont le solde a été réglé par les époux [Y] le 25 septembre 2021. Ces derniers indiquent que la réception desdits travaux devait donc être considérée comme intervenue à ladite date.

Suite à cela, les époux [Y] déclarent avoir constaté d’importantes infiltrations dans leur garage et ont donc sollicité leur assureur de protection juridique, la société MAIF, afin qu’une expertise amiable soit diligentée. A l’issue de celle-ci, le cabinet Union d’experts a déposé un rapport en date du 30 décembre 2021, dans lequel il énonce que “la responsabilité de la société Concept déco résine est engagée pour l’absence de résultat concernant l’étanchéité de la terrasse indiquée dans la facture”.

Par la suite, Monsieur [R] a accepté d’intervenir en reprise.Toutefois, les époux [Y] indiquent que ces travaux ont été arrêtés par eux-mêmes en raison de “leur caractère quelque peu catastrophique”. Ils ont alors fait chiffrer les travaux de reprise auprès de la société DECO BOULEVARD, laquelle les a estimés à la somme de 11 047, 30 €. Les époux [Y] ont ensuite vainement mis en demeure Monsieur [R] de régler cette somme.

Par ordonnance en date du 12 juin 2023, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Rennes, saisi par les époux [Y], a :
– débouté les époux [Y] et M. [R] de leurs demandes formées à l’endroit de la société BRINDEJONC RUELLAN et de la société SMA SA,
– débouté la société BOUIN EXTENSION HABITAT de sa demande formée à l’endroit de la société SMA SA,
– ordonné une expertise et désigné pour y procéder Monsieur [X] [E], lequel avait pour mission de :
– se rendre sur place au [Adresse 4] à [Localité 7] (35), après avoir convoqué les parties par lettre recommandée avec accusé de réception, avis étant donné à leurs avocats ;
– entendre les parties et tous sachants ;
– se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– décrire les travaux effectués et dire s’ils ont été réalisés suivant les règles de l’art et conformément aux documents contractuels ;
– vérifier la réalité des désordres d’infiltration invoqués dans l’assignation initiale et ses annexes et, dans l’affirmative, les décrire ;
– en rechercher les causes et préciser s’ils sont imputables à une erreur de conception, à un vice de construction, à un vice de matériaux, à une malfaçon dans la mise en oeuvre, à une négligence dans l’entretien ou l’exploitation des ouvrages ou à quelqu’autre cause ; s’ils affectent l’un des éléments constitutifs de l’ouvrage ou l’un de ses éléments d’équipement en précisant, dans ce dernier cas, si les éléments d’équipement en question font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou
de couvert ; s’ils constituent une simple défectuosité ou s’ils sont de nature à compromettre la solidité de l’immeuble ou à le rendre impropre à sa destination ;
– si la réception des travaux a été prononcée, préciser si elle a été accompagnée ou non de réserves et, dans l’affirmative, dire s’il y a eu des travaux de reprise et préciser si et quand les réserves ont été levées ;
– au cas où ils auraient été cachés, rechercher leur date d’apparition ;
– indiquer l’importance, la nature, le coût et la durée des travaux de remise en état et, s’il y a lieu, le montant de la moins value résultant de l’impossibilité de reprendre tout ou partie des désordres ;

– s’adjoindre en tant que de besoin le concours de tout spécialiste de son choix dans un domaine autre que le sien, conformément aux dispositions des articles 278 et suivants du code de procédure civile ;
– de manière générale, fournir tous éléments techniques et de fait et faire toutes constatations permettant à la juridiction, le cas échéant saisie, d’apprécier les responsabilités encourues et les préjudices subis ;
– condamné Monsieur [R] à communiquer aux époux [Y] son attestation d’assurance de responsabilité civile décennale, à la date du chantier et à celle de la réclamation, sous astreinte de 50 € par jour de retard,
– laissé provisoirement les dépens à la charge des époux [Y] et de Monsieur [R],
– condamné Monsieur [R] à verser la somme de 1 000 euros à la société BRINDEJONC RUELLAN au titre de frais irrépétibles.

Durant le premier accédit, les époux [Y] ont dénoncés l’apparition de fissures au niveau de l’enduit de l’extension, et suite au dire n°2 des parties, l’expert s’est montré favorable à l’extension, de la mission aux nouveaux désordres et à la mise en cause de la société BRINDEJONC RUELLAN (pièce n°4).

Par actes de commissaire de justice séparés délivrés les 26 et 29 avril 2024, Madame [K] [Z], épouse [Y], et Monsieur [S] [Y] ont fait citer :
– la SARL BRINDEJONC,
– Monsieur [R], exerçant sous l’enseigne CONCEPT DECO RESINE,
– la SARL BOUIN EXTENSION HABITAT,
– la SMA SA, assureur de la SARL BRINDEJONC,
au visa des articles 145 du Code de procédure civile, 1231-1 et 1792 du Code civil, aux fins de voir :
– ordonner commune et opposable à la SARL BRINDEJONC et à son assureur, la SMA SA, l’ordonnance du 12 juin 2023 ;
– ordonner que la SARL BRINDEJONC et son assureur, la SMA SA seront tenus d’intervenir à la cause, d’être présents ou représentés ;
– ordonner que les opérations d’expertise judiciaire confiées à Monsieur [E] seront étendues aux fissures constatées sur la propriété des époux [Y] ;
– statuer sur les dépens.

Lors de l’audience du 17 juillet 2024, les époux [Y], représentés par leur conseil, ont sollicité le bénéfice de leur acte introductif d’instance.

Les sociétés SMA SA et BRINDEJONC, pareillement représentées, ont, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 17 juillet 2024, demandé au juge des référés de bien vouloir :
– limiter la déclaration d’ordonnance commune et opposable à l’égard de la société BRINDEJONC et de la SMA SA :
*aux seuls nouveaux désordres de fissures dénoncés par les époux [Y],
*aux seuls désordres de fissures effectivement documentés et dénoncés par les époux [Y],
– statuer sur les dépens.

À l’audience du 17 juillet 2024, Monsieur [R], exerçant sous l’enseigne CONCEPT DECO RESINE, représenté par son conseil, a formé les protestations et réserves d’usage sur cette demande.

La SARL BOUIN EXTENSION HABITAT, pareillement représentée, a, par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience du 17 juillet 2024, formé les protestations et réserves d’usage.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits et de la procédure, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et développées oralement à l’audience utile précitée.
 
Par suite, l’affaire a été mise en délibéré au 06 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’appel en cause de la société BRINDEJONC et de son assureur la SA SMA

Il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de permettre à l’expert d’accomplir sa mission en présence de toutes les parties dont l’intervention est justifiée par un motif légitime au sens de l’article 145 du Code de procédure civile.

En application de l’article 331 alinéa 2 du précédent Code, un tiers “peut également être mis en cause par la partie qui a intérêt afin de lui rendre commun le jugement”

Les époux [Y] sollicitent la participation de la société BRINDEJONC RUELLAN et de son assureur la société SMA SA aux opérations d’expertise judiciaire ordonnées par l’ordonnance de référé du 12 juin 2023 précitée.

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats que la société BRINDEJONC RUELLAN, spécialisée dans la maçonnerie-rénovation, est intervenue dans la construction de l’extension sur l’immeuble objet du litige (pièce n°1). Or, des fissures sont apparues sur les murs de l’extension (pièces n°3-4 demandeurs).
En outre, l’expert en charge des opérations d’expertise a émis un avis favorable à l’extension de la mesure judiciaire à la société BRINDEJONC RUELLAN (pièces n°3-4 demandeurs).

Par ailleurs, les demandeurs justifient de la situation assurantielle de la société BRINDEJONC RUELLAN auprès de la SMA SA (pièce n°1).

Il n’est pas contesté que la société BRINDEJONC soit intervenue aux travaux litigieux et soit assurée par la société SMA SA. Ces dernières, régulièrement représentées à l’audience, ont, par conclusions, demandé au juge des référés de limiter la déclaration d’ordonnance commune et opposable aux seuls nouveaux désordres dénoncés et documentés par les demandeurs.

Eu égard à l’action en responsabilité contractuelle dont ils disposent à l’encontre de la société BRINDEJONC et de son assureur, les époux [Y] justifient d’un motif légitime à rendre opposable à la société BRINDEJONC RUELLAN et son assureur la SMA SA les opérations d’expertise en cours.

Par conséquent, il sera fait droit à leur demande d’appel en cause.

Les opérations d’expertise étant indivisibles, la mesure d’instruction judiciaire ordonnée le 12 juin 2023 sera rendue commune et opposable, dans son ensemble, à la société BRINDEJONC RUELLAN et à son assureur la SMA SA.

La présente décision ayant pour objet d’étendre la mission de l’expert à de nouvelles parties, il convient de mettre à la charge des époux [Y] une consignation supplémentaire à valoir sur les frais d’expertise résultant de cette mise en cause.

Sur la demande d’extension de la mission de l’expert

En application de l’article 145 du code de procédure civile, le juge des référés peut ordonner toute mesure d’instruction légalement admissible s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
 
L’article 149 du Code de procédure civile indique que : « Le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. ».

Les époux [Y] sollicitent l’extension des opérations d’expertise à un nouveau désordre à savoir des fissures affectant le garage avec toit terrasse litigieux.

Il résulte des échanges entre les époux [Y] et Monsieur [E] que des fissures sont apparues sur les murs du garage avec toit terrasse, objet du litige (pièces n°3 et 4). L’expert a d’ores et déjà émis un avis favorable à l’extension de sa mission à ces nouveaux désordres.

Les parties défenderesses ne contestent pas l’apparition de ces nouveaux désordres.

Au vu de ces documents, les requérants justifient d’un motif légitime pour faire constater ou établir avant tout procès, et par voie d’expertise contradictoire, les nouveaux désordres qu’ils allèguent.

En effet, toute action au fond qui pourrait être engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et décennale, à l’égard des parties à l’instance ne serait pas irrémédiablement vouée à l’échec.
 
Il convient en conséquence de faire droit à la demande d’extension selon la mission complémentaire définie au dispositif de l’ordonnance et il appartiendra aux consorts [Y], demandeurs à la mesure, d’en faire l’avance des frais.

Sur les demandes annexes

Les dépens seront provisoirement laissés à la charge des consorts [Y].

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort :

Déclarons communes et opposables à la SARL BRINDEJONC RUELLAN et à la SMA SA les opérations d’expertises diligentées par Monsieur [X] [E] en exécution de l’ordonnance en date du 12 juin 2023 ;

Disons que ces sociétés seront tenues d’y intervenir, en y étant présentes ou représentées ;

Disons que les époux [Y] leur communiqueront sans délai l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

Disons que l’expert devra convoquer la SARL BRINDEJONC RUELLAN et à la SMA SA à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle elles seront informées des diligences déjà accomplies et invitées à formuler leurs observations ;

Etendons la mission de l’expertise actuellement diligentée par Monsieur [X] [E], en exécution de l’ordonnance RG 22/00671 en date du 12 juin 2023 aux fissures affectant le garage avec toit terrasse ;

Prorogeons de six mois le délai dans lequel son rapport devra être déposé ;

Fixons à la somme de 2 000 € (deux mille euros) la provision complémentaire à valoir sur la rémunération de l’expert que les époux [Y] devront consigner au moyen d’un chèque émis à l’ordre du régisseur du tribunal dans un délai de deux mois faute de quoi la présente décision sera caduque ;

Laissons provisoirement les dépens à la charge des époux [Y] ;

Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière Le juge des référés


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