Responsabilité et garanties : Clarifications sur les obligations des assureurs en matière de dommages décennaux

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Responsabilité et garanties : Clarifications sur les obligations des assureurs en matière de dommages décennaux

En 2006, le centre hospitalier de [Localité 11] a lancé des travaux de restructuration et de construction de bâtiments pour personnes âgées, incluant le remplacement de conduites de chauffage et la construction de nouveaux bâtiments. La société A2MO a agi comme assistant du maître d’ouvrage, tandis que plusieurs entreprises ont participé à la construction, dont CRR Architectes Associés, Saunier et Associés, Apave, Baron Bonivin, et Inpal Industries. Un contrat d’assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la MAF.

Les travaux ont été réceptionnés entre 2008 et 2009, avec des réserves concernant des fuites sur le réseau de chauffage. Le centre hospitalier a signalé des fuites, entraînant des déclarations de sinistre à la MAF. La société Bonivin a demandé une expertise judiciaire, qui a été accordée en 2011. La MAF a versé des sommes au centre hospitalier dans le cadre de son assurance.

En 2015, le centre hospitalier a demandé la condamnation de Bonivin pour les désordres liés au chauffage, mais le tribunal administratif a rejeté la requête en raison des réserves lors de la réception des travaux. Cette décision a été confirmée par la cour administrative d’appel et le Conseil d’État.

En 2018, la MAF a assigné plusieurs sociétés, dont MMA et Generali, pour obtenir une indemnisation. En 2020, le tribunal judiciaire de Paris a condamné plusieurs entreprises à payer 947 519,70 euros à la MAF, en fixant le partage de responsabilité entre elles. MMA a interjeté appel, demandant la révision de la décision, tandis que Gan a également contesté le jugement.

Les parties ont formulé diverses prétentions, notamment sur la nature de la responsabilité de Bonivin et des autres entreprises, ainsi que sur les limites de garantie des assureurs. La cour a finalement infirmé certaines dispositions du jugement initial tout en confirmant d’autres, notamment en ce qui concerne les responsabilités et les indemnités dues à la MAF.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
20/17273
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 6 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17273 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXDU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 octobre 2020 – Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 18/05052

APPELANTE

S.A. MMA IARD venant aux droits de AZUR ASSURANCES IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Ayant pour avocat plaidant Me Eric LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, substitué à l’audience par Me Florence DE RIBEROLLES

INTIMEES

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume BARDON, avocat au barreau de PARIS, substitué à l’audience par Me Güler ERGUN

S.A. GAN ASSURANCES en sa qualité d’assureur de la société SAUNIER, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée et assistée à l’audience par Me Arnaud GINOUX de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : B0873

S.A. GENERALI IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée et assistée à l’audience par Me Stanislas COMOLET de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. INPAL INDUSTRIES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée et assistée à l’audience par Me Stanislas COMOLET de la SELAS COMOLET ZANATI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme Laura TARDY, conseillère

Mme Viviane SZLAMOVICZ, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Viviane Szlamovicz dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Manon CARON

ARRET :

– contradictoire.

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 28 juin 2024, prorogé au 6 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Laura Tardy, conseillère, pour la conseillère faisant fonction de présidente empêchée et par Alexandre Darj, greffier, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Courant 2006, le centre hospitalier de [Localité 11] a entrepris, en qualité de maître d’ouvrage, des travaux de restructuration et de construction de plusieurs bâtiments destinés à accueillir des personnes âgées et des services de gériatrie.

Ces travaux comprenaient notamment :

– un premier marché portant d’une part, sur le remplacement des conduites de chauffage depuis la chaudière à gaz et la chaudière à fuel existantes vers bâtiments existants, d’autre part, sur la construction de deux nouveaux bâtiments nommés Leroux et Ephad ;

– un second marché engagé postérieurement et portant sur la construction d’une nouvelle chaufferie bois en sus de la chaudière à gaz existante.

La société A2MO est intervenue en qualité d’assistant du maître d’ouvrage.

Sont notamment intervenus à l’acte de construire :

– la société CRR Architectes Associés, en qualité de maître d »uvre, mandataire du groupement de maîtrise d »uvre, cotraitant du BET Eci (chauffage, plomberie, fluides) ;

– la société Saunier et Associés (ci-après Saunier), assurée par la société Gan assurances (Gan), en charge de la maîtrise d »uvre relative à la construction de la chaufferie bois dans le cadre de la deuxième phase de travaux ;

– la société Apave en qualité de contrôleur technique ;

– la société Baron Bonivin (Bonivin), désormais placée en liquidation judiciaire, en charge du lot chauffage, ventilation et assurée par la société Azur Assurances IARD (Azur) aux droits de laquelle est la société MMA ;

– la société Inpal Industries (Inpal), assurée par la société Generali IARD (Generali), en qualité de sous-traitant de la société Bonivin en charge de l’installation d’un système de détection des fuites.

Un contrat d’assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF).

Les travaux ont été réceptionnés :

– le 27 mars 2008, sans réserve, s’agissant de l’Ephad ;

– le 17 décembre 2009, s’agissant du bâtiment Leroux avec une réserve relative à des fuites sur le réseau de chauffage central ;

– le 4 juin 2008 pour les travaux de canalisation avec plusieurs réserves.

Le centre hospitalier s’est plaint de l’apparition et de la constatation de différentes fuites affectant les installations de chauffage.

Plusieurs déclarations de sinistre dommages-ouvrage ont été adressées à la MAF en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage.

Par ailleurs, et parallèlement, la société Bonivin, réclamant le solde de son marché, a saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande d’expertise judiciaire, qui y a fait droit par ordonnance en date du 7 janvier 2011 désignant pour y procéder M. [M].

Les opérations d’expertise ont été étendues à différentes parties.

Au cours de ces opérations, la MAF a procédé au versement de plusieurs sommes au centre hospitalier dans le cadre de son contrat d’assurance dommages-ouvrage.

M. [M] a déposé son rapport définitif le 14 février 2014.

Par requête en date du 3 août 2015, le centre hospitalier a saisi le tribunal administratif d’Orléans aux fins de condamnation de la société Bonivin à l’indemniser de ses préjudices au titre du désordre affectant l’installation de chauffage.

Par jugement en date du 31 mars 2016, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté la requête présentée par le centre hospitalier en considérant que l’action qui avait été initiée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ne pouvait prospérer en raison de l’existence de réserves mentionnées au procès-verbal de réception et en lien avec ce désordre, laissant subsister, au sujet de ces désordres, les rapports contractuels entre les parties, à l’exclusion de toute responsabilité décennale.

Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes le 24 novembre 2017, qui a relevé que la responsabilité contractuelle des constructeurs ne pouvait être invoquée pour la première fois en cause d’appel.

Le pourvoi en cassation du centre hospitalier a été rejeté par le Conseil d’Etat le 27 juin 2018.

Par actes d’huissier en date des 21 et 22 mars 2018, la MAF a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés MMA, Inpal, Saunier, Generali et Gan aux fins d’indemnisation de ses préjudices en vertu d’une subrogation dans les droits de son assuré, le centre hospitalier de Vierzon.

Par jugement en date du 26 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes:

Déclare recevables les demandes formées par la MAF à l’encontre de la société Generali ;

Déclare recevables les demandes formées par la société Gan à l’encontre de la société Generali ;

Rejette l’exception de nullité du rapport d’expertise ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal, et la société Gan à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage ;

Dit que cette somme portera intérêts aux taux légaux à compter de la présente décision ;

Fixe le partage de responsabilité comme suit :

– la société Bonivin, garantie par la société MMA : 85%

– la société Inpal Industries : 10%

– la société Saunier, garantie par la société Gan : 5% ;

Condamne in solidum la MMA et la société Inpal à garantir la société Gan dans ces proportions ;

Déclare la société Gan bien-fondée à opposer à son assurée ses limites de police et franchise ;

Rappelle que ces limites et franchises ne sont pas opposables aux tiers en matière d’assurance obligatoire ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan aux dépens ;

Admet les avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 30 novembre 2020, la société MMA a interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :

– la MAF

– la société Gan assurances

– la société Générali

– la société Inpal

EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 août 2021, la société MMA demande à la cour de :

Recevoir la MMA en son appel, et l’y déclarer bien fondée,

Réformer la décision entreprise.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

Constater que la juridiction administrative a, définitivement, statué sur la nature contractuelle de la responsabilité de la société Bonivin en considération des réserves non levées dont était assorti le PV de réception des travaux de l’entreprise ;

Dire et juger à tout le moins que la responsabilité contractuelle de la société Bonivin est seule engagée du fait des réserves dont est assorti le PV de réception de ses travaux,

Dire et juger en conséquence la MAF mal fondée en son recours à l’encontre de MMA assureur de la société Bonivin au seul titre des dommages relevant de la responsabilité décennale de l’entreprise au sens des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, et en aucun cas la responsabilité contractuelle de l’entreprise, seule engagée en l’espèce ;

En conséquence, rejeter comme mal fondée toute demande, principale ou en garantie, dirigée contre MMA, ès qualité d’assureur décennal de la société Bonivin ;

A titre subsidiaire

Dire et juger que la responsabilité de la société Bonivin doit être limitée à 55% ;

Dire et juger que la MMA ne saurait être tenue, s’agissant exclusivement de dommages immatériels, que dans la double limite, opposable aux tiers, stipulée dans la police du plafond de 220 000 euros et de la franchise applicable ;

Condamner la MAF, ou tout autre succombant, à verser aux MMA la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Mettre les dépens à la charge de la MAF, ou tout autre succombant, dont distraction au profit de la SCP Regnier avocat, sous le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique 25 mars 2024, la société Gan demande à la cour de :

Infirmer l’ensemble des dispositions du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 26 octobre 2020, en ce qu’il a :

Condamné in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Fixe le partage de responsabilité comme suit :

– la société Bonivin, garantie par la MMA : 85% ;

– la société Inpal : 10% ;

– la société Saunier, garantie par la société Gan : 5% ;

Condamné in solidum la MMA et la société Inpal à garantir la société Gan dans ces proportions ;

Rappelle que ces limites et franchises ne sont pas opposables aux tiers en matière d’assurance obligatoire ;

Condamné in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan aux dépens ;

Admet les avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l’exécution provisoire.

Statuer à nouveau et :

A titre principal :

Juger que les désordres en cause, à savoir les fuites d’eau à répétition et ses conséquences, sont exclusivement imputables aux travaux confiés à la société Bonivin et à son sous-traitant, la société Inpal ;

Juger que c’est à tort et de manière contradictoire que l’expert judiciaire a retenu une part de responsabilité à hauteur de 5% à l’encontre de la société Saunier dans la survenance de ces désordres, tout en admettant par ailleurs aux termes de son rapport que la non-conformité reprochée à la société Saunier (température de sortie de la chaudière à bois trop élevée) n’est pas à l’origine des désordres constatés (fuites à répétition), mais aurait éventuellement pu dans l’avenir causer un vieillissement prématuré de l’installation ;

Juger que la prétendue non-conformité reprochée par l’expert judiciaire à la société Saunier (température de sortie de la chaudière à bois trop élevée) est en réalité distincte et sans lien avec les désordres allégués ;

Juger que les désordres en cause ne sont pas imputables à l’intervention de la société Saunier ;

En conséquence,

Débouter la MAF de ses demandes de condamnation dirigées contre la société Gan, les conditions d’engagement de la responsabilité de son assurée, la société Saunier, n’étant pas réunies ;

Débouter les défendeurs, la société MMA, la société Generali, la société Inpal de leurs demandes de condamnation et appels en garantie dirigés contre la société Gan ;

Mettre hors de cause la société Gan, ès qualités d’assureur de la société Saunier ;

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire, une condamnation était prononcée à l’encontre de la concluante, la cour ne pourra qu’infirmer purement et simplement le jugement rendu et décidera de :

Juger que la société Saunier n’a pas commis de faute à l’origine des désordres ;

Juger que les désordres trouvent leur origine dans les seuls manquements commis par les sociétés Bonivin et Inpal ;

Juger que la société Gan, ès qualités d’assureur de la société Saunier, est recevable et bien fondée sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, en ses appels en garantie à l’encontre de la société MMA, assureur de la société Bonivin, de la société Inpal et de son assureur, la société Generali;

En conséquence,

Condamner in solidum la MMA, assureur de la société Bonivin, la société Inpal et son assureur, la société Generali à relever et garantir la société Gan de l’intégralité des condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre ;

Rejeter toute demande de condamnation et appel en garantie formés par la société MMA, la société Inpal et la société Generali contre la société Gan ;

A titre très infiniment subsidiaire,

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

Déclaré recevables les demandes formées par la MAF à l’encontre de la société Generali ;

Déclaré recevables les demandes formées par la société Gan à l’encontre de la société Generali ;

Rejeté l’exception de nullité du rapport d’expertise ;

Condamné in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Fixé le partage de responsabilité comme suit :

– la société Bonivin, garantie par la MMA : 85% ;

– la société Inpal : 10% ;

-la société Saunier, garantie par la société Gan : 5% ;

Condamné in solidum la MMA et la société Inpal à garantir la société Gan dans ces proportions, à savoir à hauteur de 95 %

Y ajoutant au besoin cette dernière précision ;

Déclare la société Gan bien-fondée à opposer à son assuré ses limites de police et franchises ;

Rappelle que ces limites et franchises ne sont pas opposables aux tiers en matière d’assurance obligatoire ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan aux dépens ;

Y ajoutant au besoin que « ces sommes seront réparties entre les défenderesses au prorata des responsabilités déterminées précédemment et des sommes effectivement réglées. »

En tout état de cause,

Subsidiairement, si par extraordinaire une condamnation devait être prononcée contre la société Gan,

Juger que cette dernière sera alors fondée à se prévaloir des limites contractuelles de sa police d’assurance, notamment, des franchises en vigueur, qui seront opposables aux tiers dont la MAF s’agissant des dommages immatériels consécutifs (201 120,19 euros), qui relèvent d’une garantie facultative, et non pas de l’assurance obligatoire responsabilité civile décennale ;

Condamner les parties succombantes à payer à la société Gan la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens dont les dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Arnaud Ginoux et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Juger au besoin que les condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile (première instance et appel), ainsi que les dépens de première instance et d’appel seront nécessairement répartis entre les défenderesses succombantes au prorata des responsabilités retenues par la cour ;

Condamner in solidum la MMA, assureur de la société Bonivin, et la société Inpal à garantir la société Gan à hauteur de 95%, en raison du caractère très résiduel de la part de responsabilité imputée à la société Saunier et des relations contractuelles directes entre la société Inpal et la société Bonivin, entreprises responsables solidairement de leurs ouvrages et de leurs fautes ;

Rejeter toute demande contraire, toute demande de condamnation et/ou appel en garantie formés par la société MMA, la société Inpal et la société Generali contre la société Gan ;

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 26 juillet 2022, les sociétés Generali et Inpal demandent à la cour de :

Recevoir les sociétés Inpal et Generali en leurs conclusions,

Se déclarer compétent pour statuer sur l’action dirigée par la MAF, assureur dommages ouvrage, à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs,

Juger que les désordres de nature décennale engagent la responsabilité décennale de la société Bonivin et de la société Saunier,

Et ce faisant :

Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Bonivin sur le fondement de sa responsabilité décennale à hauteur de 85%,

Confirmer le jugement querellé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Inpal sur le fondement de sa responsabilité contractuelle à hauteur de 10%,

Déclarer irrecevables comme prescrites les demandes dirigées à l’encontre de Generali ;

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les MMA, en qualité d’assureur de la société Bonivin, à garantir son assurée, et la société Gan à garantir son assurée, la société Saunier,

Débouter les MMA de leur moyen visant à opposer une quelconque limite de garantie,

Débouter la société Gan de son appel en garantie formé contre les sociétés Inpal et Generali,

Recevoir Generali en son recours en garantie et en conséquence,

Condamner les MMA ès-qualités d’assureur de la société Bonivin et la société Gan en sa qualité d’assureur de la société Saunier, ou l’une à défaut de l’autre, à garantir Generali.

En tout état de cause,

Condamner les MMA à verser à la société Generali IARD une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens et dire qu’ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2021, la MAF demande à la cour de :

Déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par la société MMA ainsi que l’appel incident formé par la société Gan ;

Confirmer la décision du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :

– déclaré recevables les demandes formées par la MAF à l’encontre de la société Generali ;

– Rejeté l’exception de nullité du rapport d’expertise ;

– Condamné in solidum la société MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage ;

– Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

– Fixé le partage de responsabilité comme suit :

– la société Bonivin, garantie par la MMA : 85% ;

– la société Inpal : 10% ;

– la société Saunier et Associés, garantie par la société Gan : 5% ;

– Condamné in solidum la MMA et la société Inpal à garantir la société Gan dans ces proportions ;

– Déclaré la société Gan bien-fondée à opposer à son assurée ses limites de police et franchises ;

– Rappelé que ces limites et franchises ne sont pas opposables aux tiers en matière d’assurance obligatoire ;

– Condamné in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan à payer à la MAF la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan aux dépens,

Y ajoutant,

Condamner la Mutuelles du Mans Assurances en leur qualité d’assureur de la société Bonivin à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel.

Condamner in solidum la MMA, la société Inpal et la société Gan aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Pascale Flauraud, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2024.

MOTIVATION

Sur la fin de non recevoir soulevée par la société Generali

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ( 2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié). Il en est de même des conclusions des intimés ne comportant aucune prétention tendant à l’infirmation ou à la réformation du jugement attaqué ( 2e Civ., 1 juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694).

Au cas d’espèce, la société Generali ne sollicite pas l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formées à son encontre et ne formule aucun moyen au soutien de la fin de non recevoir soulevée, invoquant seulement la prescription de l’appel en garantie de la société Gan par application de l’article 2124 du code civil.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la MAF et du GAN à son encontre.

Sur les demandes de la MAF à l’encontre de la MMA

Moyens des parties

La MMA soutient que le tribunal ne pouvait retenir la responsabilité de la société Baron Bonivin sur le fondement décennal alors que la juridiction administrative l’avait rejetée et était seule compétente pour apprécier la responsabililité de la société Baron Bonivin dans le cadre du marché public qui la liait au centre hospitalier de Vierzon.

Elle expose que les réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception établissent qu’il n’avait alors pas été justifié d’une caractéristique essentielle d’un réseau de chauffage enterré, à savoir son étanchéité et que l’absence de vérification de l’étanchéité est en lien direct avec les désordres litigieux. Elle en déduit que s’agissant de désordres réservés, la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre.

La MAF, la société Inpal et son assureur, la société Generali font valoir que la MMA ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée des décisions du juge administratif qui n’a pas statué sur une qualification des dommages mais seulement sur la responsabilité de la société Baron Bonivin à l’égard du centre hospitalier de [Localité 11].

Elles font valoir que les désordres portent atteinte à la destination de l’ouvrage eu égard à l’importance des fuites sur les canalisations et que ces fuites ne se sont produites dans leur ampleur et conséquences que postérieurement à la réception.

Réponse de la cour

Une action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l’action qui aurait été engagée par le subrogeant (Tribunal des conflits, 4 mars 2002, 02-03.279 Bulletin 2002 N° 1 p.1).

Le tribunal des conflits a jugé que si l’action directe ouverte par l’article L.124-3 du code des assurances à la victime d’un dommage ou à l’assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l’assureur de l’auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l’action en responsabilité contre l’auteur du dommage en ce qu’elle poursuit l’exécution de l’obligation de réparer qui pèse sur l’assureur en vertu du contrat d’assurance ; qu’il s’ensuit qu’il n’appartient qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l’appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative (tribunal des conflits 15 avril 2013 C3892).

Le juge judiciaire saisi de l’action directe de la victime contre l’assureur ne peut pas se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lorsque celui-ci est titulaire d’un marché de travaux publics (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-13.026, Bull. 2010, I, n° 134).

Il résulte du dernier alinéa de l’article L. 124-3 du code des assurances qu’un assureur de responsabilité ne peut être tenu d’indemniser le préjudice causé à un tiers par la faute de son assuré que dans la mesure où ce tiers peut se prévaloir, contre l’assuré, d’une créance née de la responsabilité de celui-ci. En application de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire, saisi de l’action directe de la victime contre l’assureur de l’auteur du dommage, de se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lorsque celle-ci relève de la compétence de la juridiction administrative (1re Civ., 3 novembre 2004, pourvoi n° 03-11.210, Bull., 2004, I, n° 250 ; 1re Civ., 23 juin 2010, pourvoi n° 09-14.592, Bull. 2010, I, n° 149 ; 1re Civ., 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-25.441).

Un assureur de responsabilité ne peut être tenu d’indemniser le préjudice causé à un tiers par la faute de son assuré, que dans la mesure où ce tiers peut se prévaloir contre l’assuré d’une créance née de la responsabilité de celui-ci.

La décision de la juridiction administrative déboutant le maître d’ouvrage de sa demande en indemnisation profite dès lors à l’assureur.

Le juge judiciaire, saisi de l’action directe de la victime contre l’assureur, n’est pas autorisé à se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lorsque celle-ci relève d’une juridiction administrative (2e Civ., 14 juin 2012, pourvoi n° 10-17.239).

Au cas d’espèce, les juridictions administratives ont rejeté la requête aux fins d’indemnisation présentée par le centre hospitalier de [Localité 11] au motif ce dernier n’était pas fondé à rechercher la responsabilité de la société Baron Bonivin aussi bien sur le fondement de la garantie décennale que sur celle de la responsabilité contractuelle de droit commun.

Or, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire, saisi de l’action directe de la MAF, subrogée dans les droits du centre hospitalier de [Localité 11], contre l’assureur de la société Baron Bonivin, de se prononcer sur la responsabilité de l’assuré lorsque celle-ci relève de la compétence de la juridiction administrative.

Il en résulte que la responsabilité de la société Baron Bonivin n’ayant pas été retenue,la MAF, subrogée dans les droits du centre hospitalier de [Localité 11], ne peut se prévaloir d’aucune créance à l’encontre de la société Baron Bonivin et par conséquent de son assureur, la MMA.

Le jugement sera infirmé et les demandes de la MAF à l’encontre de la MMA rejetées.

Sur les demandes de la MAF à l’encontre de la société Gan

Moyens des parties

La MAF soutient que la responsabilité de la société Saunier est engagée sur le fondement de la garantie décennale dès lors que les températures d’eau, si elles n’ont pas occasionné à elles seules les fuites sur le réseau, les ont aggravées et ont donc contribué au dommage dans son entier, qui sans cet élément, aurait été de moindre ampleur.

La société GAN soutient que les désordres ne sont pas imputables à son assurée, la société Saunier. Elle expose que la non-conformité reprochée à cette société et relative à la température de sortie de la chaudière qui serait trop élevée est sans lien avec les désordres allégués.

Réponse de la cour

Si l’article L. 124-3 du code des assurances accorde au tiers lésé un droit d’action à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable d’un dommage, un assureur de responsabilité ne peut être tenu d’indemniser le préjudice causé à un tiers par la faute de son assuré, que dans la mesure où ce tiers peut se prévaloir contre l’assuré d’une créance née de la responsabilité de celui-ci.

Au cas d’espèce, le tribunal a condamné la société Saunier à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage au motif que les dommages lui étaient imputables.

Selon l’article 954, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, de telle sorte que lorsqu’une partie se borne, dans le dispositif de ses conclusions à conclure à l’infirmation du jugement, sans émettre de prétention, la cour ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 5 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.611, Bull. 2013, II, n° 230).

Les demandes de « constater » et « juger » ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d’aucune demande (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-18.778).

Si la société Gan sollicite dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation de la décision déférée, elle ne sollicite pas le rejet de la demande en paiement de la MAF formée à l’encontre de la société Saunier.

Par conséquent la cour n’étant saisie d’aucune prétention de nature à remettre en cause la condamnation de la société Saunier, la question de sa responsabilité du fait de l’imputabilité des désordres à la société Saunier a été définitivement tranchée et la société Gan, qui ne conteste pas le caractère décennal des désordres, doit donc sa garantie au titre de la garantie décennale de son assurée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Gan à payer à la MAF la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage.

Sur les recours entre coobligés

Moyens des parties

La société Gan sollicite la condamnation in solidum de la société Inpal et de son assureur Generali ainsi que de la société MMA à la garantir de l’intégralité des condamnations, en faisant valoir qu’à défaut de faute commise par la société Saunier, elle ne doit assumer aucune part de responsabilité au titre de la contribution à la dette.

Elle souligne qu’il résulte du rapport d’expertise que la société Bonivin est totalement responsable pour la réalisation des soudures défectueuses à l’origine du sinistre et que la société Inpal a une part de responsabilité puisqu’elle a fourni un matériel inadapté.

A titre subsidiaire, elle sollicite que le partage de responsabilité tel que fixé par le jugement soit confirmé, sa part de responsabilité ne pouvant qu’être dérisoire.

Les sociétés Inpal et Generali sollicitent la confirmation du partage de responsabilité tel que fixé par le jugement.

Elles soutiennent que l’expert a caractérisé la responsabilité de la société Saunier qui n’a pas pris les dispositions nécessaires pour adapter la production de la chaufferie bois aux températures imposées par le fabricant. Quant à la responsabilité de la société Bonivin, elles exposent que les défauts de soudures qui lui sont imputables sont la cause principale des fuites et qu’il appartenait à cette société d’adapter la soudure à la préparation des joints conformément à la norme applicable.

La MMA conteste tout appel en garantie en faisant valoir que la responsabilité de la société Baron Bonivin, et par conséquent sa garantie, ne peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale dès lors que le procès-verbal de réception porte des réserves qui mettaient en évidence l’incapacité de l’entreprise à justifier d’une caractéristique essentielle d’un réseau de chauffage enterré, à savoir son étanchéité.

A titre subsidiaire, elle considère que la part de responsabilité de la société Inpal doit être fixée à 20% et celle de la société Saunier à 25%.

Réponse de la cour

Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

La garantie décennale ne s’applique pas aux vices faisant l’objet de réserves lors de la réception (3e Civ., 11 février 1998, pourvoi n° 95-18.401, Bulletin 1998, III, n° 29).

Néanmoins les dommages apparents qui n’atteignent pas une gravité décennale au moment de la réception, peuvent relever de la garantie décennale s’ils ne se révèlent dans toute leur ampleur et leurs conséquences qu’après la réception (3e Civ., 12 octobre 1994, pourvoi n° 92-16.533, Bulletin 1994 III N° 172).

Le tribunal a constaté que la matérialité du désordre constitué de fuites systématiques et d’ampleur sur les canalisations et le fait qu’il rendait l’ouvrage impropre à sa destination n’étaient pas contestés par les parties, ce qui également le cas devant la cour d’appel.

Il a par ailleurs été considéré, à juste titre, que les réserves portées sur le procès-verbal de réception ne concernaient que le système de détection de fuites et non l’existence même de telles fuites. Il en a déduit que si le maître d’ouvrage avait ainsi souhaité s’assurer de la bonne détection d’éventuels dysfonctionnements futurs du réseau, il n’avait pas, lors des opérations de réception, connaissance de l’existence de fuites et encore moins de fuites systématiques et volumineuses, telles qu’elles sont apparues postérieurement à la réception.

Si la MMA affirme que lors des opérations de réception, il existait déjà des fuites importantes sur le réseau, elle n’en rapporte cependant pas la preuve.

Par ailleurs, si la MMA fait valoir qu’en raison de l’importance des réserves le maître d’ouvrage n’entendait pas accepter le réseau qui ne pouvait être réceptionné en l’état, cela n’apparaît pas conforme aux termes du procès-verbal de réception qui établit sans ambiguïté l’existence d’une réception avec réserves, étant observé que l’importance des réserves ne saurait être de nature à remettre en cause l’existence d’une réception au sens de l’article 1792-6 du code civil.

Par conséquent, le tribunal a justement estimé que les réserves portant sur l’absence de vérification du système de détection et sur la nécessité de faire une recherche de fuite ne permettaient pas d’établir la preuve que les désordres constatés ultérieurement étaient apparents dans toute leur ampleur et leurs conséquences lors des opérations de réception.

Il en résulte que les désordres litigieux sont bien de nature décennale et donc susceptibles d’être garantis à ce titre par la société MMA.

Les coauteurs d’un même dommage, dans leurs rapports entre eux, ne peuvent être condamnés que pour leurs part et portion dans la réalisation de ce dommage sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle concernant les constructeurs non liés entre eux, ou de la responsabilité contractuelle s’ils sont liés par un contrat.

La faute de la société Saunier dans la réalisation du dommage est établie, dès lors qu’il résulte du rapport d’expertise (page 54) que seule une soudure a rompu avant la mise en route de la chaudière à bois, les autres ruptures n’ayant eu lieu qu’après et que les fuites d’eau ont augmenté fortement à compter de la mise en route de ladite chaudière.

La responsabilité de la société Saunier qui, en sa qualité de maître d’oeuvre n’a pas transmis au fabricant de la chaudière à bois les températures d’utilisation de la canalisation nécessaires à une utilisation conforme de cette canalisation, a été justement évaluée à 5% par le premier juge.

Quant à la contestation par la MMA de sa part de responsabilité, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fixé le partage de responsabilité ainsi :

– la société Bonivin : 85% ;

– la société Inpal : 10% ;

– la société Saunier : 5% 

Il sera cependant infirmé en ce qu’il condamne in solidum les sociétés MMA et Inpal à garantir la société Gan, les sociétés MMA et Inpal ne pouvant être condamnées à garantir la société GAN qu’à proportion pour la société MMA de la faute de son assuré, la société Bonivin, soit 85 % et pour la société Inpal à proportion de sa faute, soit 10%.

Sur la garantie de la société Generali

Pour dire que la garantie de la société Generali n’est pas due, le tribunal relève que les désordres entrent dans le champ de la clause d’exclusion contractuelle de garantie dès lors qu’il s’agit de réparations portant sur les travaux réalisés par la société Inpal et que les dommages sont de nature décennale.

Moyens des parties

La société Gan soutient que la société Inpal avait souscrit deux assurances distinctes dont une couvrant sa responsabilité décennale.

La société Generali ne répond pas à ce moyen.

Réponse de la cour

Il résulte du contrat produit aux débats qu’il comporte la garantie de la responsabilité dont l’assuré est tenu solidairement avec le poseur par application de l’article 1792-4 du code civil.

Dès lors que la société Generali ne conteste pas que la responsabilité de son assurée, la société Inpal, a été engagée à ce titre, elle ne peut se prévaloir de la clause d’exclusion de garantie qui ne s’applique pas au contrat couvrant sa responsabilité décennale.

Par conséquent le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à l’encontre de la société Generali et elle sera condamnée à garantir la société Inpal des condamnations prononcées au profit de la société Gan.

La société Generali sera également bien fondée à solliciter la garantie des sociétés MMA et Gan à hauteur, chacune de la part de responsabilité de leur assuré dans le dommage.

Sur les limites de garantie et franchises des sociétés MMA et GAN

La société GAN demande qu’il soit jugé qu’elle est fondée à se prévaloir des limites contractuelles de sa police d’assurance concernant les dommages immatériels consécutifs qui s’élèvent à 201 120,19 euros.

Le tribunal ayant déjà jugé qu’elle était bien fondée à se prévaloir des limites contractuelles de sa police en ce qui concerne l’assurance facultative et aucune des parties ne contestant le fait que l’indemnisation du centre hospitalier de Vierzon par la MAF à hauteur de 201 120,19 euros relève de la garantie facultative, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande.

La société MMA sollicite l’application des limites contractuelles de sa police s’agissant des dommages immatériels.

La MAF, Generali et la société Inpal s’opposent à cette demande à défaut pour la société MMA de produire les conditions générales et particulières de la police. Elles précisent que l’indemnisation correspondant aux préjudices consécutifs aux travaux réparatoires s’élève à la somme de 201 120,19 euros.

La société MMA produit les conditions générales et particulières de la police stipulant un plafond de garantie de 202 000 euros à l’article 5.25 des conditions particulières de la police et une franchise à l’article 4.1.

Par conséquent il convient de dire que la société MMA ne sera tenue que dans les limites contractuelles de sa police concernant l’indemnisation à hauteur de 201 120,19 euros au titre des dommages immatériels.

Sur les frais du procès

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens, dès lors que bien que la société MMA ne soit pas condamnée à indemniser la MAF, elle est néanmoins tenue finalement au paiement de la dette dans le cadre de la contribution à la dette.

Il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société MMA à indemniser la MAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, les sociétés MMA, Inpal, Generali et la société Gan seront in solidum condamnées aux dépens et la société Gan à payer à la MAF la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles.

La charge finale des dépens de première instance et d’appel et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, seront réparties au prorata des responsabilités retenues ci-dessus.

La société MMA IARD, la société Inpal industries et son assureur la société Generali seront condamnées à garantir la société Gan assurances, chacune à hauteur de leur part respective de responsabilité ou celle de leur assuré.

La société MMA IARD et la société Gan assurances seront condamnées à garantir la société Generali, chacune à hauteur de la part respective de responsabilité de leur assuré.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il :

Déclare recevables les demandes formées par la MAF à l’encontre de la société Generali ;

Déclare recevables les demandes formées par la société Gan Assurances à l’encontre de la société Generali ;

Rejette l’exception de nullité du rapport d’expertise ;

Fixe le partage de responsabilité comme suit :

– la société Bonivin, garantie par la société MMA : 85%

– la société Inpal Industries : 10%

– la société Saunier, garantie par la société Gan : 5% ;

Déclare la société Gan Assurances bien-fondée à opposer à son assurée ses limites de police et franchise ;

Rappelle que ces limites et franchises ne sont pas opposables aux tiers en matière d’assurance obligatoire ;

Condamne in solidum la MMA, la société Saunier, la société Inpal et la société Gan Assurances aux dépens ;

Admet les avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum la société Saunier, la société Inpal industries et la société Gan Assurances à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 947 519,70 euros au titre des préjudices résultant du désordre afférent au réseau de chauffage ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du tribunal ;

Rejette les demandes de la Mutuelle des architectes français à l’encontre de la société MMA IARD ;

Condamne la société MMA IARD et la société Inpal industries et son assureur la société Generali à garantir la société Gan assurances, chacune à hauteur de la part respective de leur responsabilité ou celle de leur assuré ;

Condamne la société MMA IARD et la société Gan assurances à garantir la société Generali, chacune à hauteur de la part respective de responsabilité de leur assuré ;

Dit que la société MMA IARD ne sera tenue que dans les limites contractuelles de sa police concernant l’indemnisation à hauteur de 201 120,19 euros au titre des dommages immatériels ;

Condamne in solidum la société Saunier, la société Inpal et la société Gan assurances à payer à la MAF la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société MMA IARD, la société Inpal, la société Generali et la société Gan Assurances aux dépens en cause d’appel ;

Condamne la société Gan assurances à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 3 000 euros, au titre des frais irrépétibles ;

Dit que la charge finale des dépens de première instance et d’appel et celle de l’indemnité accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile en premire instance et en appel, seront réparties au prorata des responsabilités retenues par le jugement ;

Condamne la société MMA IARD et la société Inpal industries et son assureur la société Generali à garantir la société Gan assurances, chacune, à hauteur de la part respective de leur responsabilité ou celle de leur assuré ;

Condamne la société MMA IARD et la société Gan assurances à garantir la société Generali, chacune à hauteur de la part respective de responsabilité de leur assuré ;

Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le greffier, La conseillère pour la conseillère faisant fonction

de présidente empêchée,


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