Le découvert bancaire tacitement accepté

·

·

Le découvert bancaire tacitement accepté

La société Banque Populaire Val de France a assigné M. [C] [T] pour obtenir le paiement d’un solde débiteur de 12 064,42 euros, avec des intérêts au taux contractuel de 14,56% depuis la clôture de son compte le 18 novembre 2020. La banque a notifié la clôture du compte et a mis en demeure M. [T] à plusieurs reprises sans succès. M. [T] n’a pas comparu. La société MCS et Associés est intervenue dans l’affaire, affirmant avoir acquis la créance de la Banque Populaire et demandant des sommes similaires. Le tribunal a clos l’instruction et a renvoyé l’affaire pour plaider. Par la suite, le tribunal a reçu l’intervention de MCS et Associés, condamnant M. [T] à payer 11 819,68 euros avec intérêts, ainsi qu’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant les demandes de la Banque Populaire. M. [T] a également été condamné aux dépens de l’instance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

22 août 2024
Tribunal judiciaire de Nanterre
RG
22/06401
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE

PÔLE CIVIL

6ème Chambre

JUGEMENT RENDU LE
22 Août 2024

N° RG 22/06401 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XUK3

N° Minute : 24/

AFFAIRE

Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE, Société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

C/

[C] [X] [T]

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 4]

Société MCS ET ASSOCIES, venant aux droits de la société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentées par Maître Pierre-François ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0026

DEFENDEUR

Monsieur [C] [X] [T]
[Adresse 2]
[Localité 6]

défaillant faute d’avoir constitué avocat

En application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique devant Anne LECLERC, Juge, statuant en Juge Unique, assistée de Sylvie CHARRON, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 14 juin 2022, auquel il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Banque Populaire Val de France (ci-après la société  » Banque Populaire « ) a fait assigner M. [C] [T] devant ce tribunal aux fins de :
 » A titre principal,
Vu l’article 1343-2 du code civil,
– Condamner M. [T] à payer à la société Banque Populaire la somme de 12 064,42 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel annuel de 14,56% à compter du 18 novembre 2020 (date de la clôture du compte),
– Dire que les intérêts échus, dus pour une année entière, produiront intérêt,
– Condamner M. [T] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rappeler que l’exécution provisoire de la décision est de droit,
– Condamner M. [T] aux entiers dépens « .

En substance, la société Banque Populaire expose que selon convention d’ouverture de compte du 6 mars 2020, M. [C] [T] a ouvert dans ses livres un compte de dépôt.

La banque indique avoir notifié à M. [T] la clôture de son compte bancaire par lettre recommandée du 18 novembre 2020 et l’a mis en demeure de lui régler la somme de 12 214,11 euros correspondant au solde débiteur dudit compte.

Elle expose l’avoir encore vainement mis en demeure par lettre recommandée des 15 novembre 2021 et 31 mai 2022.

Elle sollicite en conséquence la condamnation du défendeur, au visa de l’article 1343-2 du code civil, à lui verser la somme de 12 064,42 euros, outre les intérêts au taux contractuel annuel de 14,56% à compter de la clôture du compte le 18 novembre 2020. Elle se prévaut de la brochure tarifaire de l’année 2020 prévoyant un taux de base de 8%, majoré de 9,50% et plafonné au taux de l’usure.

Cité à étude, M. [T] n’a pas comparu.

Par conclusions aux fins d’intervention volontaire, auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, signifiées par commissaire de justice le 8 juin 2023 à M. [T], selon les formes prévues à l’article 659 du code de procédure civile, la société MCS et Associés est intervenue volontairement à l’instance et demande au tribunal de :
 » Vu les articles 1103 et 1343-2 du code civil,
Vu les articles 325 et suivants et 328 et suivants du code de procédure civile,
– Déclarer la société MCS et Associés bien fondée à intervenir volontairement dans le cadre de la présente instance enrôlée sous le numéro 22/06401,
– Condamner M. [T] à payer à la société MCS et Associés la somme de 12 064,42 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel annuel de 14,56% à compter du 18 novembre 2020 (date de la clôture du compte),
– Dire que les intérêts échus, dus pour une année entière, produiront intérêt,
– Condamner M. [T] à payer à la société MCS et Associés la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Rappeler que l’exécution provisoire de la décision est de droit,
– Condamner M. [T] aux entiers dépens « .

En substance, la société MCS et Associés expose avoir informé le 14 novembre 2022 M. [T] de la cession de sa créance par la Banque Populaire à son profit. Elle fait valoir qu’elle produit au débat le bordereau de cession de créance par lequel la banque lui a cédé la créance qu’elle détenait sur son client daté du 28 septembre 2022 ainsi que la notification de ladite cession à M. [T].

Elle invoque ensuite des moyens identiques à ceux exposés par la Banque Populaire et rappelés supra et demande la condamnation de M. [T].

L’instruction a été close par ordonnance du 9 octobre 2023 et l’affaire renvoyée pour plaider au 7 mai 2024. A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l’intervention volontaire de la société MCS et Associés

L’article 325 du code de procédure civile dispose que  » l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.  »

L’article 328 du même code ajoute que  » l’intervention volontaire est principale ou accessoire ».

En l’espèce, la société MCS et Associés produit l’extrait du bordereau de cession de créances du 28 septembre 2022 de la Banque Populaire ainsi que la lettre du 14 novembre 2022 à M. [T] l’informant de ladite cession.

Il y a lieu en conséquence de recevoir l’intervention volontaire de la société MCS et Associés à la suite de la cession par la Banque Populaire de sa créance détenue sur M. [T] à son profit le 28 septembre 2022.

Sur la demande en paiement de la société MCS et Associés

Les articles 1103 et 1104 du code civil dans leur version applicable à l’espèce disposent que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article R. 632-1 du code de la consommation,  » Le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application.  »

En conséquence, le tribunal a le pouvoir de soulever d’office les moyens de pur droit tirés de la méconnaissance des dispositions d’ordre public des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation.

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que  » Le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;
-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;
-ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7 « .

L’article L.311-1 du code de la consommation définit au 13° le dépassement comme suit :  » un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l’emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l’autorisation de découvert convenue. »

L’article L. 312-93 du code de la consommation dispose que  » Lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit au sens du 4° de l’article L. 311-1, dans les conditions régies par les dispositions du présent chapitre.  »

L’article L. 341-9 du même code dispose que  » Le prêteur qui n’a pas respecté les formalités prescrites au dernier alinéa de l’article L. 312-92 et à l’article L. 312-93 ne peut réclamer à l’emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à ces articles.  »

Toute augmentation du montant de l’ouverture de crédit constitue l’octroi d’un nouveau prêt à la consommation et doit donc faire l’objet d’une nouvelle offre préalable. A défaut, le prêteur est déchu de son droit aux intérêts.

En l’espèce, la demanderesse produit à l’appui de ses prétentions :
-La convention de compte particulier du 6 mars 2020 relative au compte 31619946036,
-L’extraction des écritures du compte 31619946036 du 6 mars au 16 octobre 2020,
-La lettre recommandée du 18 novembre 2020 dont la date de présentation est illisible revenue avec la mention  » pli avisé et non réclamé « , valant mise en demeure de la banque,
-Le décompte de créance arrêté au 31 mai 2022,
-La lettre recommandée du 15 novembre 2021 de la société MCS et Associés, mandatée par la société Banque Populaire dont la date de présentation est illisible revenue avec la mention  » pli avisé et non réclamé « ,
-La lettre du 31 mai 2022, dont il n’est pas justifié de l’envoi sous la forme recommandée, de la société MCS et Associés, mandatée par la société Banque Populaire.

Il ressort de la convention de compte particulier produite que tout découvert autorisé doit faire l’objet d’une convention spécifique. Or, la société MCS et Associés ne justifie pas de convention spécifique conclue entre les parties, la seule production de la brochure tarifaire de la banque ne pouvant y palier. Dès lors, aucun découvert autorisé a été consenti par la banque sur le compte 31619946036.

Le dernier dépassement de découvert non autorisé et non régularisé pendant 3 mois est porté au débit du compte le 16 juin 2020 pour la somme de 113,94 euros.

La banque ne justifie pas avoir adressé dans les trois mois à compter du découvert non autorisé non régularisé une offre de crédit à M. [T] conformément aux dispositions de l’article L. 312-93 du code de la consommation. En conséquence, elle ne peut réclamer les sommes qui correspondent aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à cet article, de sorte que la créance détenue par la société Banque Populaire s’élève à la somme de 11 819,68 euros.

Conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée par la banque le 18 novembre 2020.

En conséquence, M. [T] sera condamné à verser la somme 11 819,68 euros à la société MCS et Associés, venant aux droits de la Banque Populaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2020.

En vertu de l’article 1343-2 du code civil les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. En conséquence, les intérêts échus pour une année entière sont capitalisés à compter de la demande en justice le 14 juin 2022.

Sur la demande en paiement de la Banque Populaire

En l’espèce, la société MCS et Associés venant aux droits de la Banque Populaire au titre de la créance détenue sur M. [T], la demande formée par la Banque Populaire sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Partie perdante au procès, M. [T] sera condamné aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la société MCS et Associés venant aux droits de la Banque Populaire.

La demande de la Banque Populaire au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

Conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,

REÇOIT l’intervention volontaire de la société MCS et Associés venant aux droits de la société Banque Populaire Val de France,

CONDAMNE M. [C] [T] à payer à la société MCS et Associés venant aux droits de la société Banque Populaire Val de France la somme de 11 819,68 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure le 18 novembre 2020,

DIT que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 14 juin 2022, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 14 juin 2023,

CONDAMNE M. [C] [T] à payer à la société MCS et Associés venant aux droits de la société Banque Populaire Val de France la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes les demandes de la société Banque Populaire Val de France,

CONDAMNE M. [C] [T] au paiement des entiers dépens de l’instance,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,

RAPPELLE qu’en application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile, le présent jugement deviendra non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date.

signé par Anne LECLERC, Juge et par Sylvie CHARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x