La société Crédit Lyonnais a accordé un prêt de 288 750 euros à M. [B] [P] et Mme [L] [V] pour l’acquisition d’un bien immobilier locatif, avec un remboursement prévu sur 240 mensualités à un taux de 3,30 %. Crédit Logement a agi en tant que caution solidaire. À partir de février 2020, les emprunteurs ont cessé de payer leurs échéances. M. [P] a été placé sous un plan de surendettement en avril 2020. En juin 2020, Crédit Logement a informé Mme [V] de l’inscription au FICP et a commencé à régler les échéances impayées. Malgré plusieurs mises en demeure, les emprunteurs n’ont pas régularisé leur situation. En juin 2021, Crédit Logement a effectué un paiement de 75 265,93 euros pour les échéances impayées. En janvier et février 2022, des assignations ont été lancées contre M. [P] et Mme [V] pour le remboursement des sommes dues. Le tribunal a statué en juin 2023, condamnant les emprunteurs à payer 78 357,45 euros plus intérêts et 1 000 euros au titre des frais de justice, tout en déboutant Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
6ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
22 Août 2024
N° RG 22/01309 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XHOF
N° Minute : 24/
AFFAIRE
Société CREDIT LOGEMENT
C/
[B] [P], [L] [V]
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Société CREDIT LOGEMENT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Séverine RICATEAU, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 782
DEFENDEURS
Monsieur [B] [P]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me Christelle APAIRE, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 381
Madame [L] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
défaillante faute d’avoir constitué avocat
En application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mai 2024 en audience publique devant Anne LECLERC, Juge, statuant en Juge Unique, assistée de Sylvie CHARRON, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
Selon offre émise le 14 janvier 2014, reçue le 21 janvier 2014 et acceptée le 18 février suivant, la société Crédit Lyonnais a consenti à M. [B] [P] et Mme [L] [V] en vue de l’acquisition d’un bien immobilier à but locatif situé [Adresse 7] (34), un prêt d’un montant principal de 288 750 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 3,30 % l’an, hors assurance.
La société Crédit Logement s’est portée caution solidaire du paiement de ce prêt auprès de la banque, selon acte sous seing privé du 14 janvier 2014.
A compter du mois de février 2020, les emprunteurs ont cessé de procéder régulièrement au paiement des échéances dues au titre de leur prêt.
M. [P] a bénéficié d’un plan de surendettement, déclaré recevable le 10 avril 2020 par la commission des Hauts-de-Seine.
Le 4 juin 2020, la société Crédit Logement a adressé à Mme [V] la lettre d’information préalable d’inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (ci-après » le FICP « )
Le 6 juillet 2020, la société Crédit Logement a informé Mme [V] de son inscription au FICP.
Aux termes d’une première quittance subrogative établie le 8 juin 2020, la société Crédit Logement a réglé entre les mains de la banque la somme de 3 091,52 euros correspondant aux échéances impayées de janvier à juin 2020 et aux pénalités de retard.
Par lettre simple et par courriel du 1er septembre 2020, la société Crédit Logement a demandé à Mme [V] de justifier de sa situation.
Par lettres simples et lettres recommandées du 23 septembre 2020, revenues avec la mention » destinataire inconnue à l’adresse « , la société Crédit Logement a informé M. [P] et Mme [V] qu’elle pourrait être amenée à régler les échéances impayées et que le préteur était en droit de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt.
Par lettres recommandées du 4 novembre 2020, revenues avec la mention » pli avisé et non réclamé « , la société Crédit Logement a informé M. [P] et Mme [V] qu’elle pourrait être amenée à régler les sommes dues au préteur en leur lieu et place et que le préteur était en droit de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt.
Par lettre recommandée du 21 décembre 2020 revenue avec la mention » pli avisé et non réclamé « , la société Crédit Lyonnais a mis en demeure Mme [V] de régler la somme de 1 834,09 euros, au titre des échéances impayées sous quinze jours et qu’à défaut la déchéance du terme serait prononcée.
Par lettre recommandée du 22 février 2021, reçue le 24 février suivant, la société Crédit Lyonnais a informé M. [P] des échéances impayées par Mme [V] et la déchéance du terme.
Par lettre du 23 février 2021, dont il n’est pas justifié de l’envoi sous forme recommandée, la société Crédit Logement a mis en demeure Mme [V] de lui régler la somme de 3 108,68 euros.
Par lettre simple et courriel du 17 mars 2021 et par lettre recommandée du 8 avril 2021, revenue avec la mention » pli avisé et non réclamé » la société Crédit Logement a mis en demeure Mme [V] de la régler.
Aux termes d’une seconde quittance subrogative établie le 21 juin 2021, la société Crédit Logement indique avoir réglé entre les mains de la banque la somme de 75 265,93 euros correspondant aux échéances impayées de juillet 2020 à février 2020, au capital restant dû et aux pénalités de retard.
Par lettre recommandée du 17 juin 2021, reçue le 24 juin suivant et refusé par le destinataire, la société Crédit Logement a informé M. [P] du paiement intervenu. Par lettre recommandée du même jour, revenue avec la mention » pli avisé et non réclamé » la société Crédit Logement a mis en demeure Mme [V] de lui payer la somme de 78 537,45 euros.
Par actes d’huissier des 25 janvier et 4 février 2022, auxquels il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Crédit Logement a fait assigner respectivement Mme [V] et M. [P] devant ce tribunal aux fins de :
» Vu les dispositions des articles 2308 et 1343-2 du code civil,
– Déclarer la société Crédit Logement recevable et bien fondée en ses demandes,
– Condamner, en conséquence solidairement, M. [P] et Mme [V] à payer à la société Crédit Logement les sommes de :
-78 357,45 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2020 sur 3 091,52 euros et à compter du 21 juin 2021 sur 75 265,93 euros jusqu’à parfait paiement au titre du prêt n°M13111693303,
– Ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
-3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Avec l’exécution provisoire du jugement à intervenir qui est de droit en vertu des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile,
– Condamner in solidum M. [P] et Mme [V] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Céline Ranjard-Normand, avocat au Barreau des Hauts-de-Seine, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »
La société Crédit Logement expose en substance qu’elle se trouve créancière au titre du recours personnel de la caution prévu à l’article 2305 ancien du code civil, en sa qualité de caution à l’égard de Mme [V] et M. [P] de la somme de 78 357,45 euros correspondant aux quittances subrogatives émises par la banque pour les paiements effectués par la caution dans le cadre du prêt.
Citée à étude d’huissier, Mme [V] n’a pas comparu.
Cité à personne, M. [P] a constitué avocat mais il n’a pas conclu.
L’instruction a été close par ordonnance du 10 novembre 2022 et l’affaire renvoyée pour plaider au 21 mars 2023. A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2023.
Par jugement en date du 23 juin 2023, signifié le 6 septembre 2023, l’ordonnance de clôture a été révoquée et la réouverture des débats ordonnée aux fins d’inviter la société Crédit Logement à produire l’acte de cautionnement annexé à l’offre de prêt du 14 janvier 2014.
Par acte de commissaire de justice du 6 septembre 2023, la société Crédit Logement a signifié à Mme [V], partie défaillante, le jugement rendu le 23 juin 2023 et l’acte de cautionnement du prêt n°M13111693301 du 14 janvier 2014.
L’instruction a été close par ordonnance du 9 octobre 2023 et l’affaire renvoyée pour plaider au 7 mai 2024. A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 22 aout 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande principale
A l’appui de ses prétentions, la société Crédit Logement verse au débat notamment :
– L’offre émise le 14 janvier 2014, reçue le 21 janvier 2014 et acceptée le 18 février suivant,
– Le tableau d’amortissement du prêt,
– L’acte de cautionnement du 14 janvier 2014,
– Les quittances subrogatives établies les 8 juin 2020, et 21 juin 2021,
– Les lettres recommandées des 23 septembre et 4 novembre 2020, 8 avril et 17 juin 2021, émises par la société Crédit Logement et valant mises en demeure,
– Les lettres simples des 4 juin et 6 juillet 2020 valant information d’inscription au FICP, émises par la société Crédit Logement,
– La synthèse du dossier de surendettement de M. [P],
– Les lettres simples des 1er et 23 septembre 2020 valant information et demande de renseignements, émises par la société Crédit Logement.
– Les lettres recommandées émises par la banque le 21 décembre 2020, revenue avec la mention » pli avisé et non réclamé « , et le 22 février 2022, reçue le 24 février suivant, valant mise en demeure et prononçant la déchéance du terme,
– Le décompte de créance arrêté en date du 17 novembre 2021.
Il résulte des pièces susvisées que M. [P] et Mme [V] ont cessé de procéder régulièrement au paiement des échéances dues au titre du prêt à compter du mois de février 2020.
La société Crédit Logement s’étant portée caution solidaire du paiement de ce prêt auprès de la banque, celle-ci a dû régler les sommes exigées par le prêteur au titre des échéances impayées.
La société Crédit Logement fonde sa demande sur les dispositions de l’article 2305 ancien du code civil, en vigueur à la signature de l’engagement de caution, lequel dispose que » la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.
Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.
Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu. »
Dès lors, la créance que la société Crédit Logement a dû supporter est établie à concurrence de la somme de 78 357,45 euros correspondant à la somme des deux quittances subrogatives établies les 8 juin 2020 et le 21 juin 2021 (3 091,52 + 75 265,93).
Le tribunal rappelle que nonobstant l’interdiction d’engager ou de poursuivre des procédures d’exécution contre le débiteur admis au titre du surendettement, le créancier peut saisir le juge du fond pendant le cours des mesures de redressement pour obtenir un titre exécutoire.
En conséquence, M. [P] et Mme [V] seront condamnés solidairement au paiement de la somme de 78 357,45 euros, en application des dispositions combinées des articles 1134 et 2305 anciens du code civil applicables au litige, le contrat faisant la loi des parties et la caution qui a payé ayant son recours contre le débiteur.
Les intérêts sur la somme versée par la caution au créancier sont dus à compter du paiement. Ils sont dus au taux légal, sauf convention contraire conclue entre la caution et le débiteur fixant les intérêts moratoires à un taux différent. Tel n’est pas le cas en l’espèce.
En conséquence, M. [P] et Mme [V] sont condamnés solidairement au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 3 091,52 euros à compter du 8 juin 2020, et sur la somme de 75 265,93 euros à compter du 21 juin 2021 selon décompte de créance du prêt n°M12031158301 au 17 novembre 2022, et jusqu’à parfait paiement.
Sur la capitalisation des intérêts
Si en application de l’article 1343-2 du code civil, applicable au paiement effectué par une caution actionnée en raison d’une défaillance du débiteur principal, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est sollicitée, l’application des articles L.313-51 et L.313-52 du code de la consommation (antérieurement L.312-23) fait obstacle à une capitalisation des intérêts dus par l’emprunteur.
La caution qui s’est substituée à l’emprunteur à la suite de sa défaillance, exerce un recours sur les sommes demeurant dues par celui-ci au titre du prêt. L’interdiction de la capitalisation des intérêts concerne donc tant l’action du prêteur contre l’emprunteur que les recours personnel et subrogatoire exercés contre celui-ci par la caution.
Dès lors, la demande de capitalisation des intérêts formée par la société Crédit Logement caution sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 514 du code de procédure civile les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il n’y a pas lieu en l’espèce d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Partie perdante au procès, M. [P] et Mme [V] seront condamnés solidairement au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Séverine Ricateau, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et mis à disposition au greffe,
CONDAMNE solidairement M. [B] [P] et Mme [L] [V] à payer à la société Crédit Logement les sommes de :
– 78 357,45 euros majorée des intérêts au taux légal sur la somme de 3 091,52 euros à compter du 8 juin 2020, et sur la somme de 75 265,93 euros à compter du 21 juin 2021 selon décompte de créance du prêt n°M12031158301 au 17 novembre 2022, et jusqu’à parfait paiement,
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts,
CONDAMNE solidairement M. [B] [P] et Mme [L] [V] au paiement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Séverine Ricateau, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit,
RAPPELLE qu’en application des dispositions de l’article 478 du code de procédure civile, le présent jugement deviendra non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date.
signé par Anne LECLERC, Juge et par Sylvie CHARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT