Confirmation et révision des demandes financières dans le cadre d’un divorce, avec ajustement des indemnités et condamnation d’une institution financière.

·

·

Confirmation et révision des demandes financières dans le cadre d’un divorce, avec ajustement des indemnités et condamnation d’une institution financière.

Par acte authentique du 4 mai 2011, la Société générale a accordé à [N] [Y] et à [K] [C] trois prêts totalisant 1 800 000 euros pour l’acquisition d’un bien immobilier et des travaux. Les prêts étaient garantis par un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque rechargeable. Le 16 avril 2019, la banque a prononcé l’exigibilité anticipée de deux prêts après des mises en demeure infructueuses. Le 18 juin 2019, les époux [Y] ont signé une promesse de vente de l’immeuble, et la banque a accepté la mainlevée des sûretés le 2 août 2019. L’acte de vente a été signé le 8 août 2019. Les époux ont divorcé le 18 octobre 2019. Le 28 janvier 2020, [K] [C] a assigné la Société générale pour contester la déchéance du terme des prêts. Le tribunal a rejeté ses demandes le 17 mai 2022, et [K] [C] a interjeté appel. Dans ses conclusions, elle demande l’annulation de la déchéance, des dommages et intérêts, et la publication de la décision. La Société générale demande la confirmation du jugement de première instance et la condamnation de [K] [C] aux dépens. La cour a examiné les arguments des deux parties concernant la régularité de la déchéance, les indemnités forfaitaires, et la procédure abusive. Finalement, la cour a décidé de condamner la Société générale à restituer une somme à [K] [C] et a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/12674
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12674 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGDQJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2022 – tribunal judiciaire de Paris – 9ème chambre 2ème section – RG n° 20/01695

APPELANTE

Madame [K] [C] divorcée [Y]

née le 24 Août 1966 à [Localité 7] (Maroc)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Baptiste ABADIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0368

INTIMÉE

S.A. SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : 552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Julie COUTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0640, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Vincent BRAUD, président chargé du rapport

M. Marc BAILLY, président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Vincent BRAUD, président, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Par acte authentique en date du 4 mai 2011, la Société générale a consenti à [N] [Y] et à [K] [C], son épouse, emprunteurs solidaires, trois prêts d’un montant total de 1 800 000 euros, destinés à l’acquisition d’un bien immobilier situé à [Adresse 6], dans le dix-septième arrondissement, ainsi qu’à l’exécution de travaux dans les lieux :

‘ un prêt immobilier à taux fixe de 3,81 % d’un montant de 988 000 euros, remboursable en 240 mensualités après un différé de remboursement de douze mois, selon deux paliers de 120 mensualités ;

‘ un prêt immobilier à taux fixe de 3,15 % d’un montant de 755 000 euros, remboursable en 120 mensualités, après un différé de remboursement de douze mois ;

‘ un prêt à taux zéro d’un montant de 57 000 euros remboursable en 60 mensualités.

Ces emprunts étaient garantis par une inscription de privilège de prêteur de deniers et une hypothèque rechargeable de premier rang.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2019 adressée à chaque emprunteur, après des mises en demeure préalables infructueuses, la Société générale a prononcé l’exigibilité anticipée des deux premiers prêts, le troisième prêt ayant été remboursé.

Le 18 juin 2019, les époux [Y] ont signé une promesse de vente portant sur l’immeuble susvisé. À la suite d’une lettre du notaire chargé de la vente, en date du 22 juillet 2019, la Société générale a donné son accord, le 2 août 2019, à la mainlevée des sûretés prises en garantie des prêts, les vendeurs autorisant le notaire à prélever sur le prix de vente la somme due au titre de la créance de la banque, dont les frais de mainlevée des sûretés. L’acte authentique de vente a été reçu le 8 août 2019.

Les époux [Y] ont divorcé par consentement mutuel, selon une convention par acte d’avocats du 18 octobre 2019.

Par acte du 28 janvier 2020, [K] [C] a assigné la Société générale devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins, principalement, de contestation de la régularité de la déchéance du terme des deux prêts et de condamnation de la banque à lui payer diverses sommes.

Par jugement contradictoire en date du 17 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

‘ Rejeté les demandes de [K] [C] divorcée [Y] ;

‘ L’a condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à la Société générale la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 6 juillet 2022, [K] [C] divorcée [Y] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 6 septembre 2022, [K] [C] divorcée [Y] demande à la cour de :

RECEVOIR Madame [C] en son appel

Y FAISANT DROIT

INFIRMER le Jugement rendu le 17 mai 2022 par la 9ème Chambre ‘ 2ème Section du Tribunal Judiciaire de PARIS en ce qu’il a rejeté les demandes de Madame [C] tendant à titre principal à condamner la SOCIETE GENERALE à payer à la somme de 64.504,71 € et celle de 25.000 € au titre du préjudice moral, à titre subsidiaire à la condamner au paiement de la somme de 68.562,80 € au titre de l’emprunt immobilier n° 0000000000811048939356 et à celle de 18.564,95 € au titre de l’emprunt immobilier n° 0000000000811048939349, à titre infiniment subsidiaire à la condamner au paiement de la somme de 64.504,71 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut d’exécution de bonne foi des contrats et en toute hypothèse à la publication de la décision et à la condamnation de la banque au paiement de la somme de 15.000 € au titre de la résistance abusive.

INFIRMER le Jugement rendu le 17 mai 2022 par la 9ème Chambre ‘ 2ème Section du Tribunal Judiciaire de PARIS en ce qu’il condamnée Madame [C] aux dépens et au paiement d’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

STATUANT A NOUVEAU

A TITRE PRINCIPAL

VU les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code Civil, dans leur version applicable au présent litige

Vu les dispositions des articles 11 et 15 des conditions générales des emprunts

Vu les dispositions de l’article 2219 du Code Civil

CONSTATER le caractère irrégulier de la notification de la déchéance du terme effectuée par la SOCIETE GENERALE selon courrier recommandé avec A.R. en date du 16 avril 2019

EN CONSEQUENCE

ANNULER la déchéance du terme effectuée par la SOCIETE GENERALE selon courrier recommandé avec A.R. en date du 16 avril 2019

DIRE ET JUGER, à tout le moins, que la déchéance du terme effectuée par la SOCIETE GENERALE selon courrier recommandé avec A.R. en date du 16 avril 2019 est dépourvue de tout effet

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] la somme de 64.504,71 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement contractuel invoqué, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2019

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l’exclusion délibérée de celle-ci du suivi des emprunts

A TITRE SUBSIDIAIRE

VU les dispositions de l’article 1152 du Code Civil

REDUIRE le montant des indemnités forfaitaires à la somme de 1 euro pour chacun des emprunts

EN CONSEQUENCE

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] la somme de 68.562,80 € au titre de l’emprunt immobilier n° 0000000000811048939356 et à celle de 18.564,95 € au titre de l’emprunt immobilier n° 0000000000811048939349

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

VU les dispositions de l’article 1134 du Code Civil, dans leur version applicable au présent litige

CONSTATER l’exécution de mauvaise foi des contrats de prêt par la SOCIETE GENERALE

EN CONSEQUENCE

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] la somme de 64.504,71 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut d’exécution de bonne foi des contrats

EN TOUTE HYPOTHESE

ORDONNER, à titre de complément de dommages et intérêts, la publication, aux frais de la SOCIETE GENERALE, de l’intégralité du dispositif de l’Arrêt à intervenir, ainsi que d’extraits de la motivation de cet Arrêt qui seront choisis par Madame [C], dans trois quotidiens ou magazines au choix de cette dernière, sans que le coût de chaque publication ne soit inférieur à la somme de 7.500,00 € HT

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive, sur le fondement des dispositions de l’article 32-1 du Code de Procédure Civile

EN TOUT ETAT DE CAUSE

DEBOUTER la SOCIETE GENERALE de ses prétentions, moyens et fins

CONDAMNER la SOCIETE GENERALE à payer à Madame [C] une somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 2 décembre 2022, la société anonyme Société générale demande à la cour de :

Confirmer le Jugement rendu par la 9ème Chambre ‘ 2ème section du Tribunal judiciaire de Paris le 17 mai 2022 (RG : 20/01695) en toutes ses dispositions,

Débouter Madame [C] de l’ensemble de ses demandes,

Condamner Madame [K] [C], divorcée [Y], à payer à la SOCIETE GENERALE, au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l’instance d’appel, la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC.

Condamner Madame [K] [C] en tous les dépens de première instance et d’appel, dont pour ces derniers, distraction au profit de Me Julie COUTIÉ, Avocate au Barreau de PARIS, en application des dispositions de l’article 699 du CPC.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024 et l’audience fixée au 4 juin 2024.

CELA EXPOSÉ,

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’article 1302-2 du code civil :

[K] [C] divorcée [Y] demande :

‘ à titre principal, l’annulation de la déchéance du terme prononcée le 16 avril 2019 par la Société générale en violation des clauses contractuelles, et la condamnation subséquente de la banque à dommages et intérêts, sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil ;

‘ à titre subsidiaire, la modération des indemnités forfaitaires pour déchéance du terme, sur le fondement de l’article 1152 ancien du code civil ;

‘ à titre infiniment subsidiaire, la condamnation de la Société générale à dommages et intérêts pour défaut d’exécution de bonne foi du contrat de prêt, sur le fondement de l’article 1134 précité.

Elle ne prétend pas agir en répétition de l’indu sur le fondement de l’article 1302-2 du code civil, de sorte qu’est inopérante la fin de non-recevoir prise, sur le fondement de ce texte, de l’abandon par la Société générale des sûretés qui garantissaient ses créances.

Sur l’annulation de la déchéance du terme :

[K] [C] divorcée [Y] poursuit la nullité de la déchéance du terme, en ce que celle-ci ne lui a pas été régulièrement notifiée à son domicile.

La Société générale considère qu’en donnant leur accord au paiement de la somme réclamée par la banque, en ce compris l’indemnité forfaitaire, les vendeurs ont renoncé à se prévaloir de toute nullité ou irrégularité, y compris de la déchéance du terme.

La déchéance du terme a été prononcée par la Société générale le 16 avril 2019. La nullité de cet acte unilatéral est régie par les dispositions du code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. L’article 1182 du code civil dispose à cet égard :

« La confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.

« La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.

« L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.

« La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

L’acte de vente du 8 août 2019 stipule (pièce no 28 de l’appelante, page 12) :

« Par courrier en date du 2 août 2019 annexé, le créancier a donné son accord de mainlevée contre paiement de la somme de 1 077 784,78 euros, décompte arrêté au 8 août 2019. Le vendeur donne l’ordre à son notaire de prélever sur le prix de la vente le montant et les frais de mainlevée. »

La somme de 1 077 784,78 euros comprend les indemnités forfaitaires pour déchéance du terme, comme cela ressort du courrier du 2 août 2019 de la Société générale au notaire, annexé à l’acte de vente, et des décomptes joints arrêtés au 8 août 2019 (pièces nos 15 et 16 de l’appelante, no 13 de l’intimée). [K] [C] divorcée [Y] ne peut donc prétendre avoir légitimement ignoré l’existence desdites indemnités jusqu’au 13 novembre 2019, date d’une réponse de la banque faisant mention de la déchéance du terme et explicitant le calcul des indemnités (pièce no 18 de l’appelante).

Or, lorsqu’elle a ainsi accepté de payer les indemnités forfaitaires pour déchéance du terme en concluant la vente le 8 août 2019, [K] [C] divorcée [Y] savait qu’elle n’avait reçu aucune notification d’une telle déchéance. Le payement volontaire des indemnités forfaitaires pour déchéance du terme, en connaissance de la cause de nullité alléguée, vaut donc confirmation par [K] [C] divorcée [Y] de ladite déchéance du terme, et emporte renonciation à la nullité qu’elle pouvait opposer à la Société générale. Il est indifférent à cet égard que les vendeurs aient été représentés à l’acte de vente par un agent immobilier, alors qu’il n’est ni démontré, ni soutenu que le mandataire ait outrepassé ses pouvoirs. Le jugement entrepris mérite donc confirmation en ce qu’il rejette les demandes principales de [K] [C] divorcée [Y].

Sur la réduction des indemnités forfaitaires pour déchéance du terme :

[K] [C] divorcée [Y] sollicite à titre subsidiaire la réduction des indemnités forfaitaires pour déchéance du terme.

La Société générale considère qu’en exécutant sans réserve le contrat de prêt, y compris les pénalités qu’il prévoyait en cas de non-exécution, [K] [C] divorcée [Y] a renoncé à contester la clause prévoyant une indemnité forfaitaire et ne peut donc plus la remettre en cause ou solliciter sa diminution.

Il est de principe que la renonciation à un droit ne peut résulter que d’actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer (2e Civ., 10 mars 2005, no 03-11.302). Il s’ensuit que, pour être utilement opposée par celui qui s’en prévaut, elle doit être certaine, expresse et non équivoque (3e Civ., 18 janv. 2012, no 11-10.389), de sorte que le seul fait que les emprunteurs aient payé sans protester les indemnités forfaitaires, réclamées par la Société générale pour donner mainlevée des inscriptions grevant le bien financé, ne peut caractériser une renonciation tacite au bénéfice des dispositions légales de l’article 1152 ancien du code civil. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il rejette comme irrecevable la demande subsidiaire de [K] [C] divorcée [Y].

[K] [C] divorcée [Y] sollicite, sur le fondement de l’article 1152 ancien du code civil, la modération de l’indemnité forfaitaire de 7 % du capital restant dû, prévue par le contrat de prêt.

L’article Indemnités ‘ intérêts de retard de l’acte authentique de prêt stipule (pièce no 1 de l’intimée, p. 34) :

« Toutes sommes dues au titre du prêt, y compris en cas d’exigibilité anticipée, porteront du jour de leur exigibilité normale ou anticipée et jusqu’à complet paiement, intérêts, sans mise en demeure préalable, au taux au taux stipulé dans les conditions particulières.

« Si la banque n’exige pas le remboursement immédiat desdites sommes, le taux ci-dessus pourra être majoré de trois points jusqu’à ce que l’emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Cette stipulation ne pourra nuire à l’exigibilité survenue et par suite valoir accord de délais de règlement.

« Par contre, si la banque exige le remboursement immédiat des sommes dues, elle peut demander une indemnité qui ne peut dépasser 7 % desdites sommes.

« Les intérêts seront capitalisés s’ils sont dus pour une année entière conformément à l’article 1154 du code civil. »

L’article 1152 ancien du code civil dispose :

«  Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre.

« Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »

En l’espèce, la Société générale a envoyé aux emprunteurs, le 8 avril 2019, une mise en demeure de s’acquitter des échéances impayées, préalable à la déchéance du terme (pièces nos 4 à 7 de l’intimée), alors qu’elle savait qu’ils s’apprêtaient à rembourser les prêts par anticipation, ce au moins depuis le 5 avril 2019, date à laquelle il n’est pas contesté qu’elle a fourni à [N] [Y] les décomptes correspondant à un tel remboursement arrêtés au 30 juin 2019 (pièces nos 13, 14 et 18 de l’appelante).

Or, l’article Indemnités de remboursement anticipé de l’acte de prêt stipule :

« Par dérogation aux conditions générales de l’offre de prêt , la Société générale percevra une indemnité dont le montant ne pourra dépasser 6 mois d’intérêts, calculés au taux indiqué dans les conditions particulières sur le montant du capital remboursé par anticipation et plafonnée à 3 % du capital restant dû avant le remboursement pendant les 3 années suivant celle de la première mise à disposition des fonds et ne percevra pas d’indemnité de remboursement anticipé au-delà. Toutefois, ces conditions dérogatoires ne s’appliquent pas lors d’un remboursement anticipé faisant suite à un rachat du prêt par la concurrence. Dans ce cas, l’indemnité due reste celle indiquée dans les conditions générales de l’offre de prêt. »

Il s’ensuit que les emprunteurs auraient payé des indemnités de 18 654,64 euros et de 3 967,70 euros pour le remboursement anticipé des deux prêts (pièces nos 13 et 14 de l’appelante), alors qu’ils ont payé des indemnités forfaitaires de 68 563,80 euros et de 18 565,95 euros (pièces nos 15 et 16 de l’appelante) à la suite de la déchéance du terme prononcée le 16 avril 2019.

Au surplus, la Société générale a prononcé cette déchéance avant même l’expiration du délai de régularisation de huit jours à compter de la réception de ses mises en demeure, qu’elle mentionnait dans ses lettres recommandées datées du 4 avril 2019, envoyées le 8 avril 2019 et présentées le 9 avril 2019 (pièces nos 22 et 23 de l’appelante : lettres de déchéance du terme du 16 avril 2019, pièces nos 4 à 7 de l’intimée : lettres de mise en demeure du 4 avril 2019).

Il apparaît dans ces circonstances que les indemnités forfaitaires pour déchéance du terme payées par les emprunteurs sont, au regard du remboursement partiel des emprunts jusqu’au mois de novembre 2017, manifestement excessives, et doivent être ramenées à la somme totale de 22 622,34 euros (18 654,64 € + 3 967,70 €). Le prêteur doit donc restituer la somme de :

(68 563,80 € + 18 565,95 €) – 22 622,34 € = 64 507,41 euros.

La qualité de débiteurs solidaires de [N] [Y] et [K] [C] envers la Société générale n’entraîne pas, à défaut de stipulation expresse du contrat de prêt, qu’ils soient créanciers solidaires de cette société pour les sommes que leur doit celle-ci en raison de la modération de l’indemnité forfaitaire qu’elle a perçue (1re Civ., 31 mai 1983, no 82-11.807).

Toutefois, la convention de divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé contresigné par avocat, conclue le 18 octobre 2019 entre les époux [Y], stipule (pièce no 27 de l’appelante) :

« Il est en outre et enfin expressément convenu entre les parties s’agissant du remboursement du solde des prêts Société générale souscrits pour l’acquisition du bien sis à [Adresse 5], que Monsieur [N] [Y] donne tous pouvoirs à Madame [K] [C] pour élever une contestation auprès de la banque et que cette dernière fera son affaire personnelle des éventuels frais liés à cette contestation et bénéficiera seule et intégralement de tout éventuel remboursement par la banque à l’occasion de cette contestation, ce que Monsieur [N] [Y] accepte expressément. »

Cet accord donne valablement mandat à [K] [C] divorcée [Y] de mener la présente action.

La Société générale sera condamnée en conséquence à payer à [K] [C] divorcée [Y] la somme due aux emprunteurs, soit 64 507,41 euros.

Sur la publication de la décision :

[K] [C] divorcée [Y] étant remplie de ses droits par la condamnation de la Société générale à lui restituer le trop-perçu sur les indemnités forfaitaires acquittées par les époux [Y], elle n’est pas fondée à solliciter, à titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication du dispositif du présent arrêt.

Sur la condamnation pour procédure abusive :

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages et intérêts que lorsque est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice. En l’espèce, un tel comportement de la part de l’intimée n’est pas caractérisé, dès lors qu’elle a obtenu gain de cause en première instance. La demande de [K] [C] divorcée [Y], appelante, est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’intimée en supportera donc la charge.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 .

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l’État majorée de 50 %.

Sur ce fondement, la Société générale sera condamnée à payer à [K] [C] divorcée [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LA COUR,

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes principales de [K] [C] divorcée [Y], sa demande infiniment subsidiaire de dommages et intérêts, sa demande de publication du jugement et sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

DÉCLARE [K] [C] divorcée [Y] recevable en sa demande subsidiaire ;

RÉDUIT le montant des indemnités forfaitaires à la somme totale de 22 622,34 euros ;

CONDAMNE en conséquence la Société générale à payer à [K] [C] divorcée [Y] la somme de 64 507,41 euros au titre des deux emprunts ;

CONDAMNE la Société générale à payer à [K] [C] divorcée [Y] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Société générale aux entiers dépens.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x