MM. [F] et [R] [Y] ont interjeté appel d’un jugement du tribunal de commerce d’Auxerre du 6 mars 2023, qui les condamnait solidairement à payer à la société BNP Paribas des sommes liées à deux prêts, ainsi qu’aux dépens. Les appelants demandent l’infirmation de ce jugement, déclarant inopposables les actes de cautionnement et sollicitant des délais de paiement. De son côté, BNP Paribas demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le déboutement des demandes des appelants. La cour a finalement infirmé le jugement concernant M. [R] [Y], le déchargeant de ses engagements de caution, tout en confirmant le jugement pour M. [F] [Y], qui doit payer une somme à BNP Paribas et à la cour. Des condamnations aux dépens ont également été prononcées.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/08153 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHR62
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Mars 2023 -Tribunal de Commerce d’AUXERRE – RG n° 2022000206
APPELANTS
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Monsieur [F] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Evelyne PERSENOT-LOUIS de la SCP SCP P.BAZIN – E.PERSENOT-LOUIS – C.SIGNORET, avocat au barreau d’AUXERRE
INTIMEE
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe FOUQUIER de l’ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R110
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, président de chambre
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère
MME Laurence CHAINTRON, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.
PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 avril 2023, MM. [F] et [R] [Y] ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce d’Auxerre rendu le 6 mars 2023 dans l’instance les opposant à la société BNP Paribas, et dont le dispositif est ainsi rédigé :
‘-CONDAMNE solidairement Messieurs [R] et [F] [Y] à payer à la société BNP PARIBAS :
– au titre du prêt 60089867, la somme de dix huit mille cent quatre euros et trente huit centimes (18 104.38 euros), outre intérêts au taux réduit de 4.67% l’an hors assurance depuis le 4 novembre 2021, jusqu’au parfait paiement.
– au titre du prêt 60089091, la somme de vingt cinq mille deux cent soixante treize euros et vingt huit centimes (25 273.28 euros), outre intérêts au taux réduit à 4,5% l’an hors assurance depuis le 4 novembre 2021 jusqu’au parfait paiement.
-CONDAMNE solidairement Messieurs [R] et [F] [Y] aux entiers dépens.’
À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 21 mai 2024 les prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Au dispositif de leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 6 mai 2024, les appelants
présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :
‘Vu les pièces versées aux débats et les explications qui précèdent,
Vu les dispositions des articles L. 341-4, 333-2 du Code de la Consommation, 1343-5 du code civil,
INFIRMER le jugement rendu le 6 Mars 2023 par le Tribunal de Commerce d’AUXERRE, en ce qu’il a :
– condamné solidairement Messieurs [R] et [F] [Y] à payer à la Société BNP PARIBAS :
– au titre du prêt 60089867 la somme de 18.104,38 Euros outre intérêts au taux réduit de 4,67 % l’an hors assurance depuis le 4 Novembre 2021, jusqu’au parfait paiement ;
– au titre du prêt 60089091 la somme de 25.273,28 Euros outre intérêts au taux réduit à 4,5 % l’an hors assurance depuis le 4 Novembre 2021 jusqu’au parfait paiement ;
– aux entiers dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 113,40 Euros.
ET STATUANT A NOUVEAU,
À titre principal,
Déclarer inopposables à Messieurs [R] et [F] [Y] les actes de cautionnement du 25 Mars 2009, 10 Juin 2010 et l’avenant du 26 Mai 2011,
En conséquence,
Débouter la Société BNP PARIBAS de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire et en toutes hypothèses,
Accorder les plus larges délais de paiement à Messieurs [R] [Y] et [F] [Y] pour s’acquitter des éventuelles condamnations prononcées contre eux, qui ne pourront être inférieures à 24 mois.
Dire que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit.
En toutes hypothèses,
Condamner la Société BNP PARIBAS à payer à Messieurs [R] et [F] [Y], la somme de 3.000 Euros (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la Société BNP PARIBAS aux entiers dépens.’
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 15 mai 2024, l’intimé
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
‘Vu l’article 1103 du Code civil,
Confirmer le Jugement du Tribunal de commerce d’AUXERRE du 6 mars 2023 en toutes ses dispositions,
En conséquence ;
– Condamner solidairement Monsieur [R] [Y] et Monsieur [F] [Y], au titre de leurs engagements de caution de la société LES 2 D, à payer à BNP PARIBAS les sommes suivantes :
– 18.104,38 € outre intérêts au taux réduit à 4,67 % l’an hors assurance depuis le 04 novembre 2021 jusqu’au parfait paiement au titre du prêt 60089867,
– 25.273,28 € outre intérêts au taux réduit à 4,50 % l’an hors assurance depuis le 04 novembre 2021 jusqu’au parfait paiement au titre du prêt 60089091,
– Débouter Monsieur [R] [Y] et Monsieur [F] [Y] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
À TITRE SUBSIDIAIRE,
SI LA COUR ALLOUE, PAR EXCEPTIONNEL, DES DELAIS DE GRACE
Dire et Juger, en pareille hypothèse, que :
(i) tout éventuel échelonnement de paiement des sommes dues ne saurait excéder une durée maximale de 2 ans, conformément à l’article 1343-5 du Code Civil ;
(ii) à l’issue du délai de deux ans, l’intégralité des sommes dues devra être acquitté en capital et intérêts de retard compris ; les délais de paiement n’arrêtant aucunement le cours des intérêts ;
(iii) enfin, le non-paiement d’une quelconque des échéances du moratoire entrainera de plein droit l’exigibilité immédiate de toutes les sommes dues.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
Condamner solidairement Monsieur [R] [Y] et Monsieur [F] [Y] aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Condamner solidairement Monsieur [R] [Y] et Monsieur [F] [Y] à payer à BNP PARIBAS la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d’appel.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.
1- a) Par acte sous seing privé en date du 25 mars 2009, la société BNP Paribas a consenti à la société à responsabilité limitée ‘Les 2 D’ ‘ créée le 6 février 2009, inscrite au registre du commerce et des sociétés d’Auxerre sous le n°510.351.836, dont les gérants sont MM. [R] et [F] [Y], ses associés à hauteur chacun de la moité du capital social de 40 000 euros ‘ un prêt LDD n°60089091 d’un montant de 121 600 euros, amortissable sur une durée de 60 mois hors période d’utilisation de deux mois moyennant un taux d’intérêt contractuel de 4,50 %, destiné à financer l’installation de son activité d’exploitation de centre de loisirs (karting). Dans ce même acte, MM. [R] et [F] [Y] se sont portés cautions solidaires de la société, et solidairement entre eux, dans la double limite de 30 % de l’encours et de la somme maximale de 41 952 euros et pour la durée de 86 mois. MM. [R] et [F] [Y] ont renoncé au bénéfice de discussion et leurs conjoints ont donné leur consentement exprès à cet engagement.
Par avenant en date du 26 mai 2011, il sera convenu d’un différé de remboursement du capital pendant 8 mois, du 29 avril 2011 au 29 décembre 2011, la date d’échéance du prêt étant décalée d’autant. MM. [Y] renouvelleront leurs engagements de caution, désormais limités à la somme de 32 330 euros et pour la durée de 77 mois, et comme précédemment renonceront au bénéfice de discussion et leurs conjoints donneront leur accord exprès à cet engagement.
b) Par acte sous seing privé en date du 10 juin 2010, la société BNP Paribas a consenti à la société ‘Les 2 D’ un prêt professionnel n°60089867 d’un montant de 90 849 euros amortissable sur une durée de 60 mois hors période d’utilisation de deux mois moyennant un taux d’intérêt contractuel de 4,67 %, destiné à financer des travaux d’aménagement de cette installation. Dans ce même acte, MM. [R] et [F] [Y] se sont portés cautions solidaires de la société, et solidairement entre eux, dans la double limite de 25 % de l’encours et de la somme maximale de 26 119 euros, et pour la durée de 87 mois.
Par avenant du 26 mai 2011, il sera convenu d’un différé de remboursement du capital pendant 8 mois, du 2 mai 2011 au 2 janvier 2012, la date d’échéance du prêt étant décalée d’autant, soit au 2 juin 2016. MM. [Y] renouvelleront leurs engagements de caution, désormais limités à la somme de 23 202 euros et pour la durée de 85 mois, et comme précédemment renonceront au bénéfice de discussion et leurs conjoints donneront leur accord exprès à cet engagement.
2- Par jugement du tribunal de commerce d’Auxerre du 5 mars 2012, la société Les 2 D a été admise au bénéfice d’une procédure de sauvegarde. La société BNP Paribas a déclaré ses créances par courrier recommandé daté du 10 avril 2012, admises pour un montant de 89 872 euros à titre privilégié au titre du crédit n°60089091, et pour un montant de 77 950,44 euros à titre privilégié au titre du crédit n°60089867. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 3 juin 2013, prévoyant le règlement de la créance de la BNP Paribas à hauteur de 100 % sur une durée de 15 ans selon des échéances annuelles progressives.
La société BNP Paribas faisait état d’une créance qui était au 20 décembre 2016, de 86 946,22 euros au titre du prêt n°60089867 et de 99 632,32 euros au titre du prêt n°60089091. Exposant avoir voulu préserver ses droits à l’encontre des cautions dont les engagements étaient proches des termes, la société BNP Paribas a, selon exploit du 18 janvier 2017, fait assigner M. [R] [Y] et M. [F] [Y] en leur qualité de caution devant le tribunal de commerce d’Auxerre.
Le plan de sauvegarde étant alors respecté par la société Les 2 D, le demandeur a au visa de l’article L. 626-11 du code de commerce, sollicité le sursis à statuer dans l’attente d’un éventuel non-respect du plan de sauvegarde ou de la résolution de celui-ci. Par jugement en date du 8 janvier 2018, le tribunal de commerce a ordonné le sursis à statuer en précisant que l’instance serait reprise par la justification par la société BNP Paribas de la résolution du plan de sauvegarde de la société Les 2 D.
Par jugement en date du 14 décembre 2020, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et la liquidation judiciaire de la société Les 2 D, puis la clôture pour insuffisance d’actif est intervenue selon jugement du 7 juin 2021.
3- La société BNP Paribas, qui a obtenu le règlement de la somme de 24 743,81 euros des mains de Me [C], liquidateur judiciaire de la société Les 2 D, a le 24 février 2022, sollicité le rétablissement de l’instance initiée contre les cautions, demandant la condamnation solidaire de M. [F] [Y] et M. [R] [Y] à lui régler au titre du crédit n°60089867, la somme de 18 104,38 euros correspondant à 25 % de l’encours restant dû, outre intérêts réduits à 4,67 % l’an hors assurance depuis le 4 novembre 2021 date du nouveau décompte jusqu’au parfait paiement, et au titre du crédit n°60089091, la somme de 25 273,28 euros correspondant à 30 % de l’encours restant dû, outre intérêts au taux de 4,50 % l’an depuis le 4 novembre 2021 jusqu’à parfait paiement. MM. [Y] se sont, à titre principal, opposés aux demandes en invoquant le caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de caution. Ils reprochent au tribunal entré en voie de condamnation à leur égard, de ne pas avoir motivé sa décision, et en cause d’appel invoquent ce même moyen de disproportion à l’appui de leur demande de déchéance du droit de la banque à se prévaloir des cautionnements critiqués.
Sur la disproportion
En droit (selon les dispositions de l’article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation) un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
La proportionnalité du cautionnement s’appréciera donc au jour de l’engagement de caution, en l’espèce, au 26 mai 2011, date à laquelle par voie d’avenants aux contrats de prêts du 25 mars 2009 (pièce 6 de la banque) et du 10 juin 2010 (pièce n°9) le montant maximal de leurs engagements et leur durée ont été modifiés, les cautions se trouvant désormais engagées chacun à hauteur des sommes maximales de 32 330 euros et 23 202 euros, soit 55 533 euros au total ‘ en sorte que leur situation au jour de la signature des cautionnements initiaux contractés pour des montants supérieurs, est sans emport.
La preuve de la disproportion et de son caractère manifeste incombe alors à la caution, et non pas à la banque.
Sur le cautionnement de M. [F] [Y]
À ces fins probatoires M. [F] [Y] produit son avis d’impôt 2011 sur les revenus de l’année 2010 (pièce 25) dont il ressort qu’il a perçu 20 029 euros de salaires (et son épouse, 16 846 euros).
La banque verse aux débats, en pièce 21, un document intitulé ‘Renseignements sur l’emprunteur entrepreneur individuel ou la caution’, établi le 15 mars 2011, rempli et signé par M. [Y]. Il ressort de cette fiche patrimoniale que M. [Y] a déclaré:
‘ être marié, sans contrat de mariage ; ne pas avoir d’enfant à charge ;
‘ être gérant de la société Les 2 D mais ne tirer aucun revenu de cette activité, et les revenus annuels de son épouse étant de 15 600 euros,
‘ supporter le remboursement de trois crédits d’un montant initial de 10 000 euros (prêt à taux zéro), 21 695 euros (voiture) et 46 800 euros (prêt immobilier) à échéance en janvier 2014, juin 2013 et janvier 2017, représentant une charge annuelle de 2 222 euros + 4 329 euros + 5 062 euros, soit un total de 11 613 euros,
‘ n’être détenteur d’aucun patrimoine financier,
‘ être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur est estimée à 96 000 euros, financée par le moyen d’un emprunt sur lequel il reste dû 28 016 euros,
‘ n’être engagé par aucun cautionnement antérieur.
Il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans être tenue de faire de vérifications complémentaires dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et en ce cas la caution n’est pas habile à se prévaloir de revenus ou de charges qui seraient d’une autre réalité.
Au vu des éléments contenus dans la fiche patrimoniale, et connus de la banque, M. [Y] disposait donc d’un patrimoine immobilier d’une valeur suffisante à elle seule (valeur nette : 68 000 euros) à faire face à ses engagements de caution, de 55 533 euros, tels que pris à la date du 26 mai 2011.
En l’absence de toute disproportion des engagements de caution de M. [F] [Y] eu égard à son patrimoine et compte tenu de ses charges, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce que le tribunal est entré en voie de condamnation à son encontre.
Sur le cautionnement de M. [R] [Y]
1- À toutes fins la banque verse aux débats, concernant M. [R] [Y], une seule fiche patrimoniale, en pièce 20, document intitulé ‘Renseignements sur l’emprunteur entrepreneur individuel ou la caution’, rempli et signé par M. [Y] mais qui ne comporte aucune date.
Il ressort de cette fiche patrimoniale que M. [Y] a déclaré :
‘ être marié, sans contrat de mariage ; avoir deux enfants à charge, âgés de 12 et 15 ans ;
‘ exercer la profession de cadre, salarié de la société Cora, et en tirer des revenus annuels de 30 000 euros, son épouse étant sans activité professionnelle,
‘ être locataire de sa résidence principale et verser à ce titre un loyer de 680 euros par mois,
‘ disposer d’une épargne, sous la forme de compte épargne (23 000 euros), valeurs mobilières (15 000 euros) et assurance-vie (8 000 euros),
‘ n’être détenteur d’aucun patrimoine immobilier,
‘ n’être engagé par aucun cautionnement antérieur.
Compte tenu des indications que cette fiche contient relativement à la situation professionnelle de M. [R] [Y], les renseignements consignés ne peuvent être contemporains des cautionnements réitérés le 26 mai 2011 pour un montant total de 55 533 euros, ce que ne conteste d’ailleurs pas la banque intimée qui dans ses écritures expose qu’il s’agit d’une fiche établie à l’occasion de l’engagement de caution du 25 mars 2009.
Reste à savoir si la situation financière personnelle de M. [R] [Y] a évolué entre le 25 mars 2009 et le 26 mai 2011, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution dont se prévaut la banque.
Il est incontestable que M. [R] [Y] ne dispose plus de 30 000 euros de salaires annuels, ayant changé d’employeur. Son avis d’impôt fera donc référence.
La société BNP Paribas soutient qu’à cette date du 26 mai 2011 M. [R] [Y] disposait toujours de son apport au capital de 20 000 euros comme il ressort de la pièce 16 de M. [Y], et d’un compte courant associé de 11 810,25 euros tel que cela apparait au bilan de la société Les 2 D (pièce 15 adverse). M. [R] [Y] ne présentant aucune observation s’agissant la valeur de ces avoirs mobiliers, il y a lieu de retenir qu’au moment de l’avenant et de la révision du cautionnement le 26 mai 2011, le patrimoine mobilier de M. [R] [Y] était semblable à celui déclaré dans la fiche patrimoniale de mars 2009, soit 46 000 euros – et étant aussi à retenir que cette épargne a été partiellement investie dans l’apport de 20 000 euros au capital de la société et pour environ 12 000 euros au compte courant associé.
Le patrimoine dont disposait M. [R] [Y] au 26 mai 2011 était néanmoins significativement insuffisant pour faire face à un engagement de 55 533 euros.
Il n’est pas non plus dit que la situation familiale de M. [R] [Y] aurait été modifiée de sorte à générer des charges nouvelles. M. [R] [Y] ne justifie pas de ses charges, et quant à ses revenus se borne à produire son avis d’impôt 2011 sur les revenus de l’année 2010 (pièce 22) dont il ressort qu’il a perçu 18 991 euros de salaires outre ceux de son épouse (16 754 euros) ainsi que celui de l’année suivante mettant en évidence des revenus personnels de 3 248 euros pour l’année entière, ceux de son épouse restant au même niveau. De tels revenus ,de 2 980 euros par mois (18 991 euros + 16 754 euros /12) dont il doit être déduit le loyer de 680 euros, dégageant un reste à vivre de 2 300 euros, sans même tenir compte des charges fixes ni des dépenses de la vie courante d’une famille de quatre personnes ne permettaient pas à M. [R] [Y] de dégager suffisamment de liquidités pour dire en définitive proportionnés ses engagements de caution du 26 mai 2011, au jour de leur signature. Il résulte de ces mêmes éléments le caractère manifeste de la disproportion.
2- Néanmoins l’article L. 341-4 du code de la consommation, in fine, exclut de décharger la caution dans la mesure où son patrimoine au moment où elle est appelée lui permet de faire face à ses obligations, soit au jour de l’assignation. C’est alors au prêteur qu’il revient de faire la démonstration de ce que la caution était en capacité de s’acquitter de la somme réclamée à cette date. Or la banque ne propose pas de développement sur un éventuel retour à meilleure fortune de M. [R] [Y], ne faisant valoir des observations à ce sujet qu’en ce qui concerne M. [F] [Y].
Il résulte de ce qui précède que M. [R] [Y] doit être déchargé de ses engagements de caution pris en faveur de la société BNP Paribas le 26 mai 2011.
Sur les délais de paiement
M. [Y] demande à la cour de lui accorder les plus larges délais de paiement pour s’acquitter des éventuelles condamnations prononcées contre lui, qui ne pourront être inférieures à 24 mois, et de dire que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit.
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Tel aménagement de la dette n’est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s’en acquitter dans le respect des droits du créancier. En outre, l’octroi d’un délai de paiement qui n’est pas de plein droit ne peut bénéficier qu’au débiteur de bonne foi.
Or en l’espèce M. [F] [Y] ne justifie par aucune pièce de sa situation financière actuelle, ni ne donne la moindre explication sur les difficultés qu’il aurait pour s’acquitter de la somme due, lesquelles ne se déduisent pas du seul montant de la dette, et enfin, ne fait aucune proposition concrète de paiement.
Dans ces conditions sa demande ne peut qu’être rejetée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [F] [Y], qui échoue dans ses demandes, ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société BNP Paribas formulée à son encontre sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
La société BNP Paribas échouant en ses demandes à l’encontre de M. [R] [Y], ce dernier se verra allouer la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité procédurale.
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
1) Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions concernant M. [R] [Y],
Statuant à nouveau des chefs infirmés le concernant,
Décharge pour cause de disproportion manifeste, M. [R] [Y], de ses engagements de caution pris le 26 mai 2011, et en conséquence déboute la société BNP Paribas de ses demandes à son encontre formées à ce titre ;
2) Par conséquent, infirme le jugement déféré en ses dispositions portant condamnation solidaire ;
3) Confirme le jugement déféré en ses dispositions concernant M. [F] [Y] ;
et y ajoutant, dit que la condamnation à son encontre est prononcée dans la limite de la somme de 55 332 euros ;
4) Y ajoutant :
Déboute M. [F] [Y] de sa demande de délai de paiement ;
Condamne M. [F] [Y] à payer à la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;
Déboute M. [F] [Y] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
5) Condamne la société BNP Paribas à payer à M. [R] [Y] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles de l’instance ;
6) Condamne M. [F] [Y] aux entiers dépens sauf ceux issus de la mise en cause de Monsieur [R] [Y] restant à la charge de la société BNP Paribas.
Le Greffier Le Président