Monsieur [T] [V] a exercé une activité de vente en ligne d’accessoires de téléphonie mobile de 2005 à 2016 en tant qu’entrepreneur individuel, puis a créé la société MB ACCESS en 2017 avec la location gérance de son fonds de commerce. Madame [L] [N] [X] a tenu sa comptabilité depuis 2011. Des factures de Madame [N]-[X] sont restées impayées, entraînant une saisine de l’Ordre des experts-comptables et un protocole transactionnel sans succès. En avril 2021, le tribunal de commerce a condamné Monsieur [V] et MB ACCESS à payer 5.952 € à Madame [N]-[X], jugement qu’ils ont contesté en appel. En janvier 2020, Monsieur [V] a demandé la désignation d’un expert, et un rapport a été déposé en mars 2022. En juillet 2022, une nouvelle assignation a été faite contre Madame [N]-[X] et son assureur.
Monsieur [V] et MB ACCESS réclament des sommes importantes pour divers préjudices liés à des erreurs comptables et à des risques de redressement fiscal. Ils reprochent à Madame [N]-[X] un manquement à son devoir de conseil et une mauvaise gestion de la comptabilité. En réponse, Madame [N]-[X] et son assureur demandent le rejet des demandes et réclament des indemnités pour préjudice moral, arguant que les comptes étaient conformes et que les difficultés résultent des actions de Monsieur [V]. Le tribunal a rendu un jugement condamnant Madame [N]-[X] et son assureur à verser des dommages et intérêts à Monsieur [V] et à MB ACCESS, ainsi qu’à couvrir les frais d’expertise et les dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N° 24/ DU 26 Septembre 2024
Enrôlement : N° RG 22/07469 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2ICB
AFFAIRE : M. [T] [V] et autre (Me Emeline BASTIANELLI de la SARL THELYS AVOCATS)
C/ Mme [L] [N]-[X] et autre (Me Antoine WOIMANT)
DÉBATS : A l’audience Publique du 27 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, en qualité de Juge Rapporteur, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur
Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte
Vu le rapport fait à l’audience
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Septembre 2024
Après délibéré entre :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Monsieur [T] [V]
né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
Société MB ACCESS
SAS immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 827 603 838, dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentés par Maître Emeline BASTIANELLI de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSES
Madame [L] [N]-[X]
de nationalité Française, expert-comptable, domiciliée [Adresse 3]
Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentées par Maître Antoine WOIMANT, avocat au barreau de MARSEILLE
Faits et procédures :
Monsieur [T] [V] exerce une activité de vente en ligne d’accessoires de téléphonie mobile, à [Localité 6] de 2005 à 2012 puis à [Localité 7] depuis le 5 décembre 2012, en qualité d’entrepreneur individuel jusqu’à la fin de l’année 2016.
Madame [L] [N] [X] s’est vu confier la tenue de la comptabilité de monsieur [T] [V] depuis l’année 2011.
Fin 2016 madame [N]-[X] a proposé à monsieur [V] de créer une société anonyme par actions simplifiée unipersonnelle, avec prise en location gérance du fonds de commerce. Cette société MB ACCESS a été immatriculée au RCS de Marseille de 9 février 2017 et le contrat de location gérance signé le 21 janvier 2017 et publié le 7 février. L’entreprise individuelle de monsieur [V] a été radiée du répertoire SIRENE le 22 mars 2017.
Par lettres de mission du 2 janvier 2017 la société MB ACCESS a confié la mission de présentation de ses comptes annuels et le traitement comptable de ses données sociales à madame [N]-[X]. À compter du mois de janvier 2019 ces missions ont été reprises par madame [G].
Des factures de Madame [N]-[X] sont demeurées impayées. Madame [L] [N]-[X] a saisi l’Ordre des experts-comptables de [Localité 7] contre la société MB ACCESS afin de tenter de trouver une issue amiable. Un protocole transactionnel en date du 27 juin 2019 a été mis en place entre les parties, ainsi qu’un audit des documents comptables en possession de madame [L] [N]-[X]. Le rapport d’audit a mis en évidence l’absence d’anomalie. Toutefois monsieur [V] ayant contesté ce rapport, et refusé le paiement des honoraires aucune conciliation n’est intervenue.
Par jugement du 6 avril 2021 le tribunal de commerce de Marseille a condamné monsieur [V] et la société MB ACCESS à payer à madame [N]-[X] la somme de 5.952 € TTC. Monsieur [V] et la société MB ACCESS ont interjeté appel de ce jugement.
Le 6 janvier 2020 monsieur [V] a fait assigner madame [N]-[X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille pour faire désigner un expert. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 5 juin 2020.
L’expert a déposé son rapport le 31 mars 2022.
Par acte de commissaire de justice du 26 juillet 2022 monsieur [V] et la société MB ACCESS ont fait assigner madame [N]-[X] et son assureur la compagnie MMA ASSURANCES MUTUELLES.
Demandes et moyens des parties :
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 17 novembre 2023 monsieur [V] et la société MB ACCESS demandent au tribunal de condamner in solidum madame [N]-[X] et son assureur à payer :
à monsieur [V], la somme de 30.000 € au titre du risque de redressement social et fiscal du fait du non paiement des charges sociales liées à la location-gérance, la somme de 44.001,68 € au titre du compte courant d’associé débiteur, la somme de 10.000 € au titre du préjudice résultant du risque de condamnation pour abus de biens sociaux pour détention d’un compte-courant d’associé débiteur, la somme de 10.000 € au titre du préjudice résultant du risque de condamnation pour abus de biens sociaux pour les factures AMAZON et CDISCOUNT mal comptabilisées, la somme de 6.719 € au titre de l’absence des déductions des cotisations RSI du revenu fiscal et social de monsieur [V], la somme de 6.428 € au titre de la somme non comptabilisée en compte-courant d’associé, et celle de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;à la société MB ACCESS, la somme de 10.000 € au titre du préjudice résultant du risque de redressement fiscal et social du fait de la mauvaise comptabilisation de factures, et celle de 1.500,22 € au titre des frais de demandes de prorogation de délai pour déposer les comptes annuels au greffe du Tribunal de commerce, celle de 13.200,54 € au titre des frais d’expertise et celle de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.Ils demandent encore la condamnation de madame [N]-[X] et de son assureur à les relever et garantir de toute somme qui pourrait être mise à sa charge soit dans le cadre d’un redressement fiscal ou social en lien avec le compte-courant débiteur, soit dans le cadre d’une procédure pénale pour abus de bien social du fait du compte courant débiteur.
Au soutien de leurs demandes ils reprochent à madame [N]-[X] un manquement à son devoir de conseil en ce qu’elle n’aurait pas appliqué les solutions qu’elle avait préconisées lors de la création de la SASU, celle-ci ayant été immatriculée comme création d’activité et sans que soit précisé de cadre juridique pour le transfert du fonds de commerce et l’apport des comptes bancaires de l’exploitation individuelle à la société. Ils ajoutent que madame [N]-[X] n’a pas été diligente dans l’accomplissement des différentes formalités liées à la création de la société et au transfert d’activité, notamment en ce qui concerne l’obtention de l’autorisation du syndic de copropriété pour la domiciliation de la société, la rédaction du projet de statuts, elle-même à l’origine d’un retard dans le dépôt du capital social.
Ils indiquent encore que madame [N]-[X] n’a pas procédé aux déclarations RSI dû sur les 24.000 € de redevances de la location-gérance, exposant ainsi monsieur [V] à un risque de redressement fiscal.
Ils reprochent également à madame [N]-[X] une mauvaise comptabilisation des opérations liées à l’activité individuelle en procédant par voie de location-gérance du fonds de commerce et non d’apport du fonds à la société, de sorte que les opérations de vente et d’achat antérieures au contrat de location auraient dû être rattachées à l’exploitation individuelle, ainsi qu’une mauvaise comptabilisation des opérations figurant sur les relevés bancaires, sans distinguer celles qui relevaient de l’activité individuelle de celles relevant de l’activité sociale et alors qu’il était convenu que l’un des comptes de l’entreprise individuelle resterait propre à celle-ci tandis que l’autre serait utilisé par la SASU le temps qu’elle ouvre son propre compte. Ils indiquent à ce titre que madame [N]-[X] a radié l’entreprise individuelle, ce qui l’a empêchée de rattacher les opérations de l’entreprise individuelle à son compte et qu’elle a été de ce fait amenée à les rattacher aux comptes de la société, et que l’entreprise individuelle n’a pas été apportée à la SASU.
Ils soulignent également que plusieurs anomalies apparaissent dans la comptabilité tenue par madame [N]-[X] :
Sur le relevé de juillet 2018 : il est mentionné au crédit un règlement de 74.373,94 € en date du 31 mars 2017 alors que sur le relevé de mai 2018, ce même règlement n’apparait pas.Sur le relevé de juillet 2018 : il est mentionné au débit un règlement de 85.887,05 € en date du 31 mars 2017 alors que sur le relevé de mai 2018, ce même règlement n’apparait pas.Sur le relevé le mai 2018 : on voit apparaitre la TVA, le RSI et les charges. Puis sur le relevé de juillet 2018 ce même règlement n’apparait pas.Une erreur sur le compte courant d’associé, indiqué comme débiteur de 44.001,68 € alors qu’il est en réalité créditeur de 3.394,21 €.Sur les conséquences d’une radiation trop précoce de l’entreprise individuelle ils font également valoir que celle-ci avait encore plusieurs factures en attente de recouvrement pour un montant total de 40.967,89 €, cette somme devant être portée au crédit du compte courant d’associé qui aurait ainsi retrouvé un solde créditeur, alors que la présence d’un solde débiteur expose à un risque de poursuite pour abus de biens sociaux, que les cotisations personnelles de monsieur [V] ont été comptabilisées à tort dans les livres de MB ACCESS, exposant ce dernier à un paiement supplémentaire d’impôt sur le revenu de 6.719 € en 2016. enfin ils font grief à madame [N]-[X] d’avoir omis de compabiliser la somme de 6.428 € au crédit du compte courant d’associé de monsieur [V] correspondant à une distribution de dividendes en 2018.
Ils ajoutent que la société MB ACCESS a quant à elle subi des préjudices financiers liés à l’obligation de présenter au Tribunal de commerce des requêtes visant à demander des délais pour déposer les comptes, et qu’elle a été amenée à ce titre à exposer des frais d’avocat pour 1.500,22 €.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 mars 2024, madame [N]-[X] et la compagnie MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES concluent au rejet des demandes formées contre elles et à titre reconventionnel à la condamnation de monsieur [V] et de la société MB ACCESS à payer à madame [N]-[X] la somme de 20.000 € au titre de son préjudice moral, et à leur payer à toutes deux la somme de 20.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles exposent que le rapport de madame [G], désignée par la commission de déontologie, n’a pas relevé d’anomalie dans la présentation des comptes, que les comptes 2017 et 2018 ont bien été établis mais non communiqués en raison du défaut de paiement de la facture d’honoraires, que la solution de la création d’une SASU en vue de prendre le fonds de commerce en location gérance a été décidée conventionnellement selon échanges de courriels successifs entre décembre 2016 et janvier 2017 et qu’elle a été effectivement mise en œuvre, que les difficultés rencontrées résultent de défauts de diligences de monsieur [V] qui a tardé à transmettre les pièces nécessaires, que monsieur [V] a consenti à la conclusion du contrat de location gérance sur lequel il n’est pas revenu à ce jour, que le risque d’un redressement social ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors qu’il n’est pas certain et ce d’autant que les cotisations RSI concernées sont prescrites, et que les anomalies comptables résultent d’erreurs et de choix de gestion de monsieur [V].
Sur ce dernier point elles font valoir en particulier que dans le cadre de la transmission de l’entreprise individuelle à la société MB ACCESS, madame [N]-[X] a dû faire face au fait que les comptes et moyens bancaires de l’entreprise individuelle ont été utilisés par monsieur [V] lui-même pour encaisser ou payer des prestations qui concernaient la société MB ACCESS ; qu’il fallait donc trouver un moyen de retranscrire d’un point de vue comptable la réalité de l’activité de la société MB ACCESS durant cette période transitoire en prenant en compte les opérations réalisées pour son activité y compris par les moyens bancaires de l’entreprise initiale, pour les besoins de la continuité de la société MB ACCESS qui n’a ouvert un compte que le 23 février 2017. Elles ajoutent que cette méthode a été approuvée par le rapport d’audit du 11 juillet 2019, selon lequel par souci d’exhaustivité, les 2 comptes personnels ont été comptabilisés dans les comptes de la société SAS MB ACCESS, mais tous les éléments concernant la société, ont été comptabilisés dans les comptes concernés, et le solde de début d’exercice, a été imputé au crédit du compte courant, ainsi que le solde de fin d’exercice, qui ont été affectés au débit de ce compte courant. Elles soulignent également l’absence de conséquence fiscale ou sociale de cette méthode de comptabilisation.
S’agissant des factures AMAZON et CDISCOUNT, elles font valoir que l’une d’elles était douteuse comme étant relative à une prestation réalisée en juillet 2016, établie le 31 décembre 2016 et transmise le 9 mai 2018, soit postérieurement à la radiation de l’entreprise individuelle, qu’une autre n’a été communiquée que le 16 mars 2022, et ce alors que monsieur [V] a indiqué qu’il n’y avait plus d’activité AMAZON depuis le 6 janvier 2017, et que d’autres encore ont été transmises en mai 2018 sans possibilité de rattachement avec l’entreprise individuelle. Elles ajoutent qu’elles ne pouvaient donc pas porter les sommes correspondantes sur le compte courant d’associé de monsieur [V], sans commettre une fraude fiscale au sens de l’article L223-21 du code de commerce.
Sur le paiement des cotisations RSI 2016 elles exposent que monsieur [V] a reçu une mise en demeure de payer 13.260 € de RSI le 11 juillet 2017 pour avoir refusé de payer la totalité du 4ème trimestre 2016 et que le lien entre l’impôt sur le revenu et la soi-disant absence de provision de cotisation au RSI n’est pas établi ; que le calcul des charges déductibles de monsieur [V], en comptabilité, pour l’exercice clos au 31 décembre 2016 découle de la différence entre d’une part la provision pour charges payée en 2016 et les charges définitivement payées en 2016 et, d’autre part la totalité des charges décomptées par l’URSSAF comme étant dues pour ce même exercice, et qu’en conséquence la totalité de la charge déductible a bien été provisionnée conformément au décompte définitif 2016 de l’URSSAF et monsieur [V] n’a subi aucun préjudice quant à la comptabilisation de cette période.
Sur le compte courant d’associé, elles font valoir qu’en janvier 2019 la déclaration fiscale relative aux dividendes de 15 000 €, versés à lui-même par monsieur [V] en décembre 2018, mentionne le prélèvement d’une somme de 6.428 € représentant l’impôt sur ces dividendes ponctionné sur le compte CIC, que cette écriture devait apparaître sur l’exercice 2019, pour lequel la mission de madame [N]-[X] avait pris fin, et qu’elle devait être comptabilisée en charges fiscales et non en compte courant d’associé. Sur le solde débiteur de ce compte courant, elles exposent que monsieur [V] s’est servi de son compte courant afin d’obtenir des liquidités de la société, et que madame [N]-[X] a proposé, en 2017, de compenser le compte courant débiteur avec le dépôt de garantie réalisé pour la location-gérance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.
Il résulte des dispositions de l’article 1231-1 du code civil, et du principe de la responsabilité civile selon lequel la réparation d’un dommage doit se faire sans perte ni profit pour la victime, que le préjudice futur doit être indemnisé du moment qu’il est certain.
En effet, le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu. Ainsi, il n’y a pas d’action en responsabilité sans préjudice à réparer.
Monsieur [V] et la société MB ACCESS sollicitent l’indemnisation de préjudices constitués par un risque de redressement social et fiscal du fait de non-paiement des charges sociales liées à la location-gérance, un risque de condamnation pénale pour abus de biens sociaux pour détention d’un compte-courant d’associé débiteur, un risque de condamnation pour abus de biens sociaux pour des factures AMAZON et CDISCOUNT mal comptabilisées, un risque de redressement fiscal de la société MB ACCESS pour la mauvaise comptabilisation de ces factures.
Toutefois il résulte des conclusions du rapport d’expertise, qui ne sont par remises en cause par la production d’un élément probant en sens contraire, qu’il n’existe pas de risques fiscaux et sociaux latents dans la mesure où la prescription des exercices en cause est acquise. Le compte courant d’associé présentait bien un solde débiteur en 2018, mais monsieur [V] ne montre ni n’allègue avoir fait l’objet d’un acte d’enquête ou de poursuite devant une juridiction répressive avant l’acquisition du délai de prescription pénale, et l’expert indique en outre que les anomalies comptables qu’il a décelées peuvent être corrigées sans frais. (pages 65 et 66 du rapport).
Les chefs de dommages allégués ci-dessus sont donc inexistants, et les demandes à ce titre, y compris celle de relevé et garantie, seront donc rejetées.
Il résulte encore du même rapport (page 63) que les factures AMAZON et CDISCOUNT concernaient l’activité individuelle de monsieur [V], mais qu’elles ont été comptabilisées à tort sur le compte « vente de marchandises » de la société MB ACCESS. L’expert en déduit que ces sommes auraient dû être portées au compte courant d’associé de monsieur [V].
Cependant une telle imputation apparaît impossible dans la mesure où le changement d’activité s’est fait au moyen de la création d’une société anonyme par actions simplifiée unipersonnelle, avec prise en location gérance du fonds de commerce, et non par apport en société dudit fonds et des créances qui pouvaient y être rattachées. Monsieur [V] ne pourra donc qu’être débouté de sa demande au titre du remboursement de son compte courant d’associé.
Il est encore relevé que parmi les opérations affectées au débit du compte courant associé de monsieur [V] dans les livres de la société MB ACCESS, il apparaît le 20 janvier 2017 un montant débiteur de 11.147 € et le 22 février 2017 un montant débiteur de 11.147 € au titre des cotisations RSI ; que compte tenu des dates de prélèvement et de leur montant, il semble que ces sommes relèvent d’un échéancier de règlement de cotisations 2016 et non des cotisations provisionnelles 2017 ; que dès lors ces cotisations auraient dû être constatées dans les comptes de l’entreprise individuelle de monsieur [V] ou intégrées dans les comptes 2017 de cette même exploitation, l’une ou l’autre de ces options ayant pour conséquence de pouvoir déduire ces cotisations du revenu fiscal et social de monsieur [V] ; et que le défaut de constatation de ces cotisations a entraîné pour monsieur [V] un surcroît d’imposition sur le revenu de 6.719 €.
De même l’expert relève que madame [N]-[X] a comptabilisé en 2018 une distribution de dividendes de 15.000 € par prélèvement sur le compte report nouveau ; que la distribution de dividendes aurait dû être comptabilisée pour son montant brut, c’est à dire avant prélèvement à la source de l’impôt, soit 21.428 €, entraînant ainsi une erreur de 6.428 € au préjudice de monsieur [V].
En sa qualité d’expert-comptable, madame [N]-[X] était tenue d’une obligation d’exactitude dans l’établissement des compte, selon les renseignements qu’elle avait à sa disposition. En commettant ces deux erreurs de comptabilisation des cotisations RSI de l’année 2016 et de distribution des dividendes de la société MB ACCESS en 2018, elle a causé un dommage à monsieur [V] s’élevant à la somme de 13.147 € qu’elle sera condamnée indemniser in solidum avec son assureur.
En outre la société MB ACCESS justifie avoir été dans l’obligation d’exposer la somme totale de 1.500,22 € afin d’obtenir du tribunal de commerce les autorisations nécessaires pour le dépôt tardif de la comptabilité annuelle (frais de dépôt de requête et frais de greffe).
Madame [N]-[X] sera donc condamnée à payer à la société MB ACCESS la somme de 1.500,22 € de dommages et intérêts, in solidum avec la compagnie MMA IARD.
La présente instance, loin de revêtir un caractère abusif, est fondée au moins en son principe et madame [N]-[X] ne pourra en conséquence qu’être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Madame [N]-[X] et la compagnie MMA IARD qui succombent à l’instance, en supporteront les dépens, qui comprendront le coût de l’expertise ordonnée en référé, soit 13.200,54 €.
Ils seront encore condamnés in solidum à payer à monsieur [V] et à la société MB ACCESS la somme totale de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
Condamne in solidum madame [L] [N]-[X] et la compagnie MMA IARD à payer à monsieur [T] [V] la somme de 13.147 € de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum madame [L] [N]-[X] et la compagnie MMA IARD à payer à la SAS MB ACCESS la somme de 1.500,22 € de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum madame [L] [N]-[X] et la compagnie MMA IARD à payer à monsieur [T] [V] et à la SAS MB ACCESS la somme totale de 3.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum madame [L] [N]-[X] et la compagnie MMA IARD aux dépens, qui comprendront le coût de l’expertise ordonnée en référé, soit 13.200,54 €.
AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VING SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,