La S.A.R.L. [4] a été contrôlée par l’URSSAF PACA pour les années 2014 et 2015, entraînant un redressement de 47.898 € en cotisations, suivi d’une mise en demeure de 58.361 € en décembre 2017. La S.A.R.L. a contesté cette mise en demeure, se concentrant sur le redressement lié aux comptes courants débiteurs, d’un montant de 45.309 €. La commission de recours amiable a rejeté sa demande en décembre 2018. En février 2019, la S.A.R.L. a saisi le tribunal de grande instance de Marseille pour contester cette décision. Lors de l’audience, la S.A.R.L. a demandé la nullité des rappels de cotisations, tandis que l’URSSAF PACA a demandé la confirmation de sa décision et le paiement des sommes dues. Le tribunal a déclaré le recours recevable, mais a débouté la S.A.R.L. de ses demandes, condamnant celle-ci à payer 55.722 € à l’URSSAF PACA. Les dépens ont été laissés à la charge de la S.A.R.L. et un appel doit être formé dans le mois suivant la notification de la décision.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
Caserne du Muy
CS 70302 – 21 rue Ahmed Litim
13331 Marseille cedex 03
JUGEMENT N°24/03807 du 26 Septembre 2024
Numéro de recours: N° RG 19/02282 – N° Portalis DBW3-W-B7D-WDYD
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Géraldine ATTALI-BALENSI, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDEUR
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par madame [L] [K], inspectrice juridique munie d’un pouvoir régulier
DÉBATS : À l’audience publique du 06 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : DEPARIS Eric, Vice-Président
Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
MILLEPIED Michèle
Greffier : DALAYRAC Didier,
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024
NATURE DU JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
La S.A.R.L. [4] a fait l’objet d’un contrôle sur l’application de la législation de la sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires par des inspecteurs de recouvrement de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après URSSAF PACA ou la caisse) au titre des années 2014 et 2015, ayant donné lieu à une lettre d’observations en date du 07 novembre 2017 pour deux chefs de redressement d’un montant total de 47.898 € en cotisations, puis d’une mise en demeure du 26 décembre 2017 d’un montant de 58.361 € dont 10.463 € de majorations de retard.
Par courrier en date du 12 février 2018, la S.A.R.L. [4] a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA d’une contestation de la mise en demeure du 26 décembre 2017 uniquement au titre du chef de redressement n° 2 intitulé « comptes courants débiteurs » d’un montant de 45.309 € en cotisations.
Le 6 décembre 2018, la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA a rendu une décision explicite de rejet et a maintenu le redressement opéré.
Par requête reçue le 19 février 2019, la S.A.R.L. [4] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Marseille – devenu pôle social du tribunal judiciaire de Marseille – d’un recours contre la décision de la commission de recours amiable du 6 décembre 2018.
L’affaire a été retenue à l’audience de plaidoirie du 6 mai 2024.
Par voie de conclusions n° 2, soutenues oralement par son conseil, la S.A.R.L. [4] demande au tribunal de :
-déclarer son recours recevable en la forme,
-réformer la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA,
-constater que les sommes en litige ne peuvent être qualifiées de rémunération,
-constater que les rappels opérés par l’URSSAF sont infondés,
-juger que les rappels opérés par l’URSSAF PACA sont nuls,
-Prononcer la nullité de la mise en demeure du 26 décembre 2017,
-dire et juger qu’il sera sursis au paiement des rappels de cotisations,
-débouter l’URSSAF PACA de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-condamner l’URSSAF PACA à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
A l’appui de ses prétentions, elle soutient que :
-l’administration fiscale considère l’assiette du redressement comme des dividendes et non des dividendes fictifs qu’elle a imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de sorte qu’elle ne peut pas être considérée comme un salaire, sous peine de constituer une double taxation pour le dirigeant de la société,
-l’avance en compte – courant n’est pas soumise à cotisations car il s’agit de dividendes,
-le fait que la distribution de dividendes n’ait pas été décidée en assemblée n’a pas pour conséquence de rendre ces dividendes fictifs,
Par voie de conclusions soutenues oralement par une inspectrice juridique, l’URSSAF PACA sollicite pour sa part du tribunal de :
-débouter la S.A.R.L. [4] de l’ensemble de ses demandes ;
-confirmer le bien-fondé de la décision rendue par la commission de recours amiable du 6 décembre 2018 et la mise en demeure du 26 décembre 2017 ;
-condamner la S.A.R.L. [4] à lui payer la somme de 55.772 €, soit 45.309 € en cotisations et 10.463 € en majorations de retard, correspondant au solde dû au titre de la mise en demeure du 26 décembre 2017 ;
-s’opposer à toute autre demande.
A l’appui de ses demandes, elle soutient qu’eu égard au rejet par les services fiscaux de la nature de dividendes, ces sommes constituaient une rémunération non déclarée du dirigeant qui devaient être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales du régime général puisque le dirigeant est associé minoritaire de la S.A.R.L. [4] et que les avances en compte courant sont considérées comme des avantages en espèces soumis à cotisations peu importe les sommes dues ou versées à l’administration fiscale.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.
L’affaire a été mise en délibéré au 20 septembre 2024.
A titre liminaire, il sera rappelé que les « constater » de la S.A.R.L. [4] ne sont pas des prétentions mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes ne conférant pas, hormis les cas prévus par la loi, de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces points conformément à l’article 4 du code de procédure civile.
Il y a également lieu de constater que le litige ne porte que sur les chefs de redressement n° 2 « comptes courants débiteurs ». L’autre chef de redressement n’est pas contesté par la S.A.R.L. [4] qui s’est d’ailleurs acquitté de son paiement.
Sur la recevabilité du recours
Il convient de relever que la recevabilité du recours de la S.A.R.L. [4] n’est pas contestée par l’URSSAF PACA.
Sur le chef de redressement contesté
Sur l’absence de double imposition
L’administration fiscale et l’URSSAF sont deux institutions distinctes, la première étant en charge de la collecte de l’impôts et la seconde de la collecte des cotisations sociales. Elles ont toutes les deux une mission de contrôle de l’application de la législation afférente au domaine qui leur est attribué.
Sur le plan fiscal, l’associé gérant minoritaire ou égalitaire peut choisir entre être soumis à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu.
Conformément aux dispositions des articles L. 311-2 et L. 311-3 11° du code de la sécurité sociale, son régime social est obligatoirement le régime général de la sécurité sociale dans la mesure où il est « assimilé » salarié.
Le fait de payer d’une part des impôts et d’autre part des cotisations sociales ne constitue pas une double taxation puisqu’elles n’ont pas le même objet. En d’autres termes, un gérant minoritaire ou égalitaire d’une S.A.R.L. peut à la fois être soumis au paiement de l’impôt sur le revenu et payer des cotisations sociales sur ses revenus sans que cela puisse être qualifié de double taxation.
Sur la qualification juridique des sommes litigieuses et le bien-fondé du redressement
En application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.
Doivent notamment être réintégrées dans l’assiette des cotisations les sommes ayant la nature d’une rémunération effectivement mise à disposition d’un dirigeant de société par l’inscription à son compte personnel ou par tout autre moyen.
L’article L. 232-12 du code du commerce dispose que : « Après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.
Toutefois, lorsqu’un bilan établi au cours ou à la fin de l’exercice et certifié par un commissaire aux comptes fait apparaître que la société, depuis la clôture de l’exercice précédent, après constitution des amortissements et provisions nécessaires, déduction faite s’il y a lieu des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts et compte tenu du report bénéficiaire, a réalisé un bénéfice, il peut être distribué des acomptes sur dividendes avant l’approbation des comptes de l’exercice. Le montant de ces acomptes ne peut excéder le montant du bénéfice défini au présent alinéa. Ils sont répartis aux conditions et suivant les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.
Tout dividende distribué en violation des règles ci-dessus énoncées est un dividende fictif. ».
En l’espèce, il ressort de la proposition de rectification de l’administration fiscale du 25 avril 2016 que :
– M. [B] [M] gérant et associé de la société a expliqué au service, durant le débat oral et contradictoire, que le compte 455 intitulé « associés comptes courant » retrace des sommes prises par lui – même à des fins personnelles.
-Les diverses opérations enregistrées dans le compte 4564 « versement anticipé » font référence à des chèques de banque, des règlements de dépenses personnelles (Jules, Toys Rus, chaussure Bata, Mac Orian …), des virements internet au profit du gérant associé, M. [M] [B], et des chèques.
– Les prélèvements personnels effectués toute l’année par M. [M] [B], gérant associé, ne peuvent en aucun cas être liés à des acomptes sur dividendes ou à des versements anticipés de dividendes et sont considérés par le service comme une appréhension de fonds sociaux par M. [M] [B], gérant et associé.
-Aucun bilan certifié par un commissaire aux comptes n’a été produit au cours de l’exercice 2013 ;
-Aucun procès – verbal d’assemblée relatif à l’approbation des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2013 n’a été produit par la société, ni publié de sorte que l’existence des sommes distribuables et la part attribuée aux associés sous forme de dividendes n’ont pas été validées par assemblée ;
-la somme de 91.933 € n’a pas été soumise à contributions sociales.
Il ressort de ce qui précède que les sommes perçues par M. [M] [B] ne sont pas des dividendes, mais des avances en compte courant qui doivent être considérées comme des avantages en espèce entrant dans le champ d’application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et doivent être soumises à cotisations.
C’est donc à bon droit que l’URSSAF PACA a réintégré dans l’assiette des cotisations et de la CSG-CRDS la somme nette de 91.933 €, reconstituée à la somme de 115.760 € brut et a calculé sur la base de cette assiette une régularisation de cotisations et contributions sociales d’un montant de 45.309 € au titre de l’année 2014.
En conséquence, il convient de débouter le S.A.R.L. [4] de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à payer à l’URSSAF PACA la somme de 55.772 €, soit 45.309 € en cotisations et 10.463 € en majorations de retard, correspondant aux sommes dues au titre du chef de redressement n° 2 « comptes courants débiteurs » et au solde de la mise en demeure du 26 décembre 2017.
Sur les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de l’instance seront supportés par la S.A.R.L. [4], partie perdante.
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DÉCLARE recevable le recours de la S.A.R.L. [4] contre la décision de la commission de recours amiable du 6 décembre 2018 et la mise en demeure de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur décernée le 26 décembre 2017 ;
DÉBOUTE la S.A.R.L. [4] de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;
RAPPELLE que le présent jugement se substitue à ladite contrainte ;
EN CONSEQUENCE, CONDAMNE la S.A.R.L. [4] à payer à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur la somme de 55.722 € (Cinquante-cinq mille sept cent vingt-deux euros), soit 45.309 € (Quarante-cinq mille trois cent neuf euros) en cotisations et 10.463 € (Dix mille quatre cent soixante-trois euros) en majorations de retard, au titre du chef de redressement intitulé « comptes courants débiteurs » ;
LAISSE les dépens de l’instance à la charge de la S.A.R.L. [4] ;
DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le mois suivant la réception de sa notification, en application des dispositions de l’article 538 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT