La SA Financo a accordé un crédit à Mme [F] pour l’achat d’un véhicule Ford Kuga, d’un montant de 44 408,76 euros, remboursable en 60 mensualités avec un taux d’intérêt de 4,99 %. Après des impayés, la banque a mis en demeure Mme [F] et a prononcé la déchéance du terme. Elle a ensuite assigné Mme [F] en justice pour obtenir le paiement d’une somme de 40 523,46 euros. Le tribunal a déclaré recevables les demandes de la banque, constaté la résolution du prêt, prononcé la déchéance des intérêts conventionnels, et condamné Mme [F] à payer 18 976,09 euros, avec un plan de remboursement en 24 mensualités. La banque a fait appel de ce jugement, demandant notamment la reconnaissance de la remise de la fiche d’information précontractuelle et le paiement de la somme initialement réclamée. L’affaire a été mise en délibéré pour une décision ultérieure.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
BM/FA
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Minute n°
N° de rôle : N° RG 23/00852 – N° Portalis DBVG-V-B7H-EUOK
COUR D’APPEL DE BESANÇON
1ère chambre civile et commerciale
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 avril 2023 – RG N°1122000160 – JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE MONTBELIARD
Code affaire : 53B – Prêt – Demande en remboursement du prêt
COMPOSITION DE LA COUR :
Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre
Madame Bénédicte MANTEAUX, Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers
Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DEBATS :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller, présidente de l’audience qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.
DELIBERE :
Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller, présidente de l’audience a rendu compte, conformément à l’article 806 du code de procédure civile aux autres magistrats :
Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre et Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller.
L’affaire oppose :
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A. FINANCO
Sise [Adresse 1]
Immatriculée au RCS de Brest sous le numéro 338 138 795
Représentée par Me Bérengère CHENIN, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
Représentée par Me Francis DEFRENNES, avocat au barreau de LILLE, avocat postulant
ET :
INTIMÉE
Madame [W] [J], NÉE [F]
de nationalité française, demeurant [Adresse 2]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 15.09.2023
ARRÊT :
– DEFAUT
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.
EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS
Selon offre préalable n°48984366 acceptée le 22 janvier 2019, la SA Financo (la banque) a consenti à Mme [W] [F] épouse [J] un crédit accessoire à une vente d’un montant en capital de 44 408,76 euros avec intérêts au taux nominal conventionnel de 4,99% remboursable en 60 mensualités. Le véhicule financé, de marque Ford modèle Kuga, a été livré le 6 février 2019.
La banque a adressé à Mme [F] une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception distribuée le 2 avril 2021 en lui réclamant la somme de 3 815, 25 euros au titre des échéances impayées du prêt.
Par lettre recommandée avec accusé de réception présentée le 9 septembre 2021, la banque a ensuite prononcé la déchance du terme.
Par acte d’huissier du 19 avril 2022 signifié à étude la banque a fait assigner Mme [F] devant le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard aux fins, notamment, de faire condamner Mme [F] au paiement de la somme de 40 523,46 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel.
Par jugement avant dire droit du 5 octobre 2022, en application de l’article L. 141-4 du code de la consommation et 16 du code de procédure civile, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la forclusion de la demande en paiement et sur la déchéance du droit aux intérêts du prêteur pour différentes causes relatives au non-respect des dispositions du code de la consommation.
Mme [F] a été représentée par son époux, M. [K] [J], qui indiquait qu’elle ne contestait pas le montant de la dette au moment de la déchéance du terme mais qu’elle justifiait de paiements effectués depuis cette date dans le cadre d’un plan d’apurement amiable ainsi que de la vente du véhicule pour apurer la dette.
Par jugement rendu le 5 avril 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montbéliard a :
déclaré recevables les demandes de la banque,
constaté la résolution de plein droit du prêt,
prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque,
condamné Mme [F] au paiement en faveur de la banque de la somme de 18 976,09 euros au titre du contrat de prêt,
dit que cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé dudit jugement,
dit n’y avoir lieu à aucune majorarion du taux d’intérêt légal en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier,
autorisé Mme [F] à s’acquitter de sa dette en 24 fois, en procédant à 23 versements de 400 euros et un 24ème versement égal au solde de la dette, sauf meilleur accord entre les parties,
dit que les règlements s’imputeront d’abord sur le capital,
dit que chaque versement devra intervenir avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du présent jugement,
dit qu’en cas de défaut de paiement d’une échéance à sa date exacte, suivi d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse durant quinze jours, l’échelonnement sera caduc et la totalité de la dette redeviendra exigible,
condamné Mme [F] à payer à la banque la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [F] aux entiers dépens,
rappelé que le présent jugement était assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le tribunal a notamment considéré que :
– la banque ne démontrait pas avoir effectivement remis à Mme [F] la fiche d’information précontractuelle ;
– la non majoration du taux d’intérêt légal s’imposait pour assurer le caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêt ;
– vu l’article 1343-5 du code civil, vu l’emploi d’intérimaire de Mme [F] et la présence d’un enfant de 14 ans à charge, vu le respect du plan d’apurement amiable, les délais de paiement seront accordés.
Par déclaration du 9 juin 2023, la SA Financo a relevé appel du jugement, laquelle a été signifiée à Mme [F] à étude le 26 juillet 2023, de sorte que, en application de l’article 473 du code de procédure civile, le présent arrêt est rendu par défaut.
Aux termes de ses conclusions transmises le 7 septembre 2023 signifiées à étude le 15 septembre 2023, la banque demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a déclaré recevables ses demandes, constaté la résolution du prêt, et condamné Mme [F] aux dépens et aux frais irrépétibles ; sur les dispositions à infirmer, elle demande à la cour, statuant à nouveau et y ajoutant de :
– débouter Mme [F] de ses demandes,
– « constater, dire et juger que Mme [F] a expressément reconnu avoir bien pris connaissance de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédits aux consommateurs qui lui avait été remise conformément aux dispositions prévues à l’article L.312-12 du code de la consommation, préalablement à la souscription définitive de l’offre de contrat de crédit affecté »,
– « constater, dire et juger qu’elle verse aux débats une copie de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédits aux consommateurs remise à Mme [F] préalablement à la souscription définitive de l’offre de contrat de crédit affecté litigieuse »,
– « constater, dire et juger que certes la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédits aux consommateurs versée aux débats n’est pas signée ni paraphée par Mme [F], mais qu’en revanche ladite fiche renferme incontestablement des informations concordantes avec les éléments du crédit souscrit par Mme [F] et notamment le type de crédit (en l’occurrence un crédit affecté), le montant du crédit de 44 408,76 euros, la durée du contrat de crédit (61 mois), le montant des échéances mensuelles de remboursement (à savoir, 58 mensualités de 699,23 euros, hors assurances facultatives puis une mensualité de 0,00 euros puis une mensualité de 12 192,65 euros), le montant total dû par l’emprunteur (52 747,99 euros, hors assurances facultatives) ou encore le taux débiteur fixe (4,99 %) et le TAEG (5,80 %) »,
– par conséquent, condamner Mme [F] à lui payer à la somme en principal de 40 523,46 euros se décomposant de la façon suivante :
. mensualités échues impayées : 6 984,80 euros
. capital restant dû : 29 766,19 euros
. indemnité légale de 8 % : 2 940,08 euros
. intérêts de retard : 143,11 euros
. intérêts contentieux arrêtés au 31/12/2021 : 633,03 euros
. frais : 56,25 euros
. intérêts contentieux au taux de 4,99 % l’an courus et à courir à compter du 08/09/2021 et jusqu’au jour du plus complet règlement « mémoire »,
– condamner Mme [F] à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [F] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel dont distraction au profit de son conseil, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens de la banque à ses conclusions visées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 27 juin 2024 et mise en délibéré au 26 septembre 2024.
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «’constater’» ou de «’dire et juger’» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause en janvier 2019, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant notamment aux conditions fixées par l’article L. 312-28 du dit code est déchu du droit aux intérêts. Selon l’article L. 312-28 susvisé le contrat de crédit est établi sur support papier ou sur un autre support durable étant précisé qu’il constitue un document distinct de tout support ou document publicitaire, ainsi que de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12.
Aux termes de l’article L. 312-12 du code de la consommation dans sa version applicable au cas d’espèce, le prêteur, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
Par ailleurs, l’article 9 du code de procédure civile impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention tandis qu’en vertu de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Il résulte de l’ensemble de ces textes que c’est sur le prêteur que pèse la charge de la preuve de la délivrance à l’emprunteur de la fiche d’informations précontractuelles et de la conformité de son contenu à la loi, étant précisé que l’existence d’une clause pré-imprimée par laquelle l’emprunteur reconnaîtrait avoir reçu cette fiche ne suffit pas à établir la remise effective de la dite fiche. La signature de la mention d’une telle clause ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l’absence d’élément complémentaire, de prouver l’exécution par le prêteur de son obligation d’information. (1re Civ. 21 octobre 2020, n°19-18.971 ; CJUE, arrêt du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance, C-449/13)
Un document émanant du seul prêteur ne saurait constituer cet élément complémentaire suffisant pour corroborer la clause pré-imprimée.
En l’espèce, il est constaté :
– que selon offre de crédit affecté conclue entre la société Financo et Mme [F] : « Le(s) soussigné(s) emprunteur et coemprunteur (dès lors qu’un coemprunteur est signataire de l’offre de contrat) : [J] [W] – reconnaît (ssent) avoir reçu préalablement une fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matère de crédit et reconnaît (ssent) en avoir pris connaissance » ; après plusieurs autres mentions figure un encart où Mme [F] a apposé sa signature ;
– la banque verse aux débats un document intitulé « informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs » faisant état des mêmes informations que celles apparaissant sur le contrat de crédit affecté comme le montant total du crédit, les références du véhicule ou encore le nombre de mensualités sans toutefois mentionner l’identité de l’emprunteur ; la fiche porte uniquement la signature de « l’intermédiaire en assurances ».
Si aucune disposition du code de la consommation n’impose au prêteur, sous peine de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, de faire parapher et signer par l’emprunteur la fiche d’informations précontractuelles et qu’il n’existe aucun formalisme obligatoire de remise de la fiche d’informations précontractuelles contre signature, cela n’exempte pas le prêteur de démontrer qu’il a effectivement remis le document susvisé.
Alors que la clause selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir pris connaissance de la fiche précontractuelle d’information ne constitue qu’un indice de la remise effective de la dite fiche que la banque doit corroborer, la cour relève que la banque se borne à produire un document qu’elle a elle-même établi et qui ne permet pas d’établir la remise effective de la fiche d’information à Mme [F]. Le fait que les informations présentes dans la fiche d’information produites par la banque concordent avec celles du crédit affecté signé par Mme [F] n’est pas de nature à démontrer que cette fiche lui a été effectivement remise.
Par conséquent, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque et par conséquent condamné Mme [F] au paiement de la somme de 18 976,09 euros au titre du contrat de prêt en précisant que la condamnation serait assorti des intérêts au taux non majoré pour assurer l’effectivité de la sanction.
Sur la demande de délais de paiement de Mme [F], la banque s’y oppose sans développer de moyen à l’appui de sa contestation. La cour confirme l’octroi de délai selon les dispositions arrêtées par le jugement avec adoption des motifs du jugement pertinents et appuyés sur les pièces communiquées par la débitrice.
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme en toutes ses dispositions, dans les limites de l’appel, le jugement du tribunal judiciaire de Montbéliard rendu entre la SA Financo et Mme [W] [F] épouse [J] le 5 avril 2023 ;
Condamne la SA Financo aux dépens d’appel ;
Déboute la SA Financo de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.
Le greffier, Le président,