La société Sacrina a engagé la société AGT AIA pour des travaux d’agrandissement, mais a constaté des carences dans la gestion du projet, ce qui a entraîné des retards. Elle a demandé une expertise judiciaire pour évaluer les désordres et malfaçons, ainsi que le rôle de l’immixtion du maître d’ouvrage. Une ordonnance a été rendue pour ordonner cette expertise et élargir son champ d’action. Sacrina a ensuite assigné AGT AIA et son assureur, la MAF, en référé pour rendre l’expertise commune et étendre les griefs. AGT AIA a également demandé l’intervention d’autres sociétés. Le juge a ordonné la jonction des instances, a élargi la mission de l’expert et a fixé une provision pour les frais d’expertise. AGT AIA a fait appel de la décision, notamment sur le rejet de sa demande concernant la société Ramond bureau d’ingénierie. Elle a soutenu que l’intervention de cette société sur le chantier était incontestable. La société Ramond n’a pas constitué avocat pour répondre à l’appel.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/19358 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CITVJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Octobre 2023 -Président du TJ de Paris – RG n° 23/56459
APPELANTE
S.A.R.L. AGENCE TERRONES ARCHITECTES INGENIEURS ASSOCIES, RCS de Paris sous le n°492 747 506, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
INTIMÉE
S.A.R.L. RAMOND BUREAU D’INGENIERIE (RBI), RCS de Nanterre sous le n°440 515 997, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante, déclaration d’appel signifiée le 06.02.2024 à étude
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– PAR DÉFAUT
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
La société par actions simplifiée Sacrina a confié une mission de maîtrise d »uvre à la société à responsabilité limitée simplifiée Agence Terrones architectes ingénieurs associés (ci-après : la société AGT AIA), relative à des travaux d’agrandissement de l’ensemble immobilier sis [Adresse 4].
Imputant au maître d »uvre des carences en matière d’établissement des documents contractuels et de respect de l’enveloppe budgétaire, de gestion des sous-traitants, des avoisinants et des autorisations de voirie, de suivi de l’exécution des travaux et de vérification des situations, susceptibles d’avoir contribué aux retards du chantier, la société Sacrina a saisi le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner une expertise sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, au contradictoire de la société AGT AIA et de la société par actions simplifiée Mutuelle des architectes français (ci-après, la société MAF) en qualité d’assureur de la société SPRL AUAI Kroll et de M. [F].
Par ordonnance du 8 décembre 2023, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [R], portant sur les désordres et malfaçons affectant l’immeuble ainsi que sur les non- conformités et/ou inachèvements contractuels allégués au regard des documents contractuels liant les parties.
Par ordonnance de référé rectificative du 26 mai 2023, le dispositif a été complété, en sorte que l’expert ait également pour mission de fournir tous éléments relatifs au rôle causal éventuel de l’immixtion du maître de l’ouvrage dans la réalisation des préjudices qu’il allègue.
Par exploits délivrés le 9 août 2023, la société Sacrina a fait assigner en référé la société AGT AIA et la MAF, afin d’une part de voir rendre communes les opérations d’expertise à la MAF en qualité d’assureur de la société AGT AIA et d’autre part d’en voir étendre le champ à de nouveaux griefs et réclamations du maître d’ouvrage au fil des travaux.
Par exploits des 21, 22 et 31 août 2023, la société AGT AIA a fait assigner en intervention forcée la société LCV Ingénierie, la société Bureau d’études structures bois, la société Laboratoire d’applications des sciences acoustiques et la société ERCT Construction devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir juger que les opérations d’expertise leur soient communes.
Par ordonnance réputée contradictoire du 26 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 23.56459 et 23.56526, ce sous le numéro de répertoire général 23.56459 ;
constaté le désistement d’instance de la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés à l’égard de la société Laboratoire d’applications des sciences acoustiques et constaté l’extinction de l’instance entre ces parties ;
donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;
rendu commune à la société LCV Ingénierie, la société Bureau d’études Structures bois et à la société ERCT construction l’ordonnance du 08 décembre 2023 ayant désigné M. [R] ainsi que l’ordonnance rectificative du 26 mai 2023 ;
rejeté la demande d’ordonnance commune formulée à l’égard de la société Ramond bureau d’ingénierie ;
étendu la mission de l’expert aux quinze griefs formulés par la société Sacrina dans le tableau constituant sa pièce n°87 ;
rejeté le surplus des demandes d’extension de mission ;
fixé à la somme de cinq mille euros (5.000 euros) le montant de la provision complémentaire à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la société Sacrina à la régie du tribunal judiciaire de Paris avant le 26 décembre 2023 ;
dit que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du contrôle des expertises ;
dit que faute de consignation dans le délai susvisé ou demande de prorogation sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle des expertises spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code, la présente décision sera caduque et privée de tout effet ;
prorogé le délai de dépôt du rapport au 30 mai 2024 ;
condamné la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés à payer à la société Laboratoire d’applications des sciences acoustiques la somme de deux mille euros (2.000 euros) au titre des frais irrépétibles ;
partagé par moitié les dépens de l’instance entre la société Sacrina d’une part, la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés d’autre part.
Par déclaration du 1er décembre 2023, la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés a relevé appel de cette décision en ce qu’elle a :
rejeté sa demande visant à ce que les ordonnances du 8 décembre 2022 et celle rectificative en date du 26 mai 2023 soient rendues communes et opposables à la société Ramond bureau d’ingénierie ;
condamné pour moitié la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés aux dépens de l’instance.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 1er mars 2024, la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés demande à la cour, au visa des articles 6, 9, et 145 du code de procédure civile, de :
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la demande d’ordonnance commune formée par la société Agence Terrones architectes ingénieurs associés à l’encontre de la société Ramond bureau d’ingénierie,
Statuant de nouveau,
déclarer communes et opposables à la société Ramond bureau d’ingénierie l’ordonnance en date du 8 décembre 2022 ayant désigné M. [R] en qualité d’expert judiciaire, l’ordonnance rectificative du 26 mai 2023 et du 26 octobre 2023 ayant étendu la mission de l’expert judiciaire aux quinze griefs figurant dans le tableau constituant la pièce n°87 de la société Sacrina,
réserver les dépens.
La société Agence Terrones architectes ingénieurs associés soutient notamment que l’intervention de la société Ramond bureau ingénierie sur le chantier n’est pas discutable.
La société Agence Terrones architectes ingénieurs associés a fait signifier la déclaration d’appel et l’avis de fixation à la société Ramond bureau d’ingénierie par acte de commissaire de justice du 6 février 2024, déposé à étude.
La société Agence Terrones architectes ingénieurs associés a fait signifier ses conclusions à la société Ramond bureau d’ingénierie à personne morale par acte de commissaire de justice.
La société Ramond bureau d’ingénierie n’a pas constitué avocat.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions de l’appelante pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Enfin, ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.
En l’espèce, il y a lieu de relever :
– que la société Ramond Bureau d’ingénierie a établi une proposition de prix laquelle a été signée par la société Sacrina, pour les lots plomberie-sanitaire, chauffage ventilation climatisation désenfumage, électricité courants forts, électricité courants faibles du chantier situé [Adresse 4], relatif à l’extension de l’hôtel [6],
– qu’en cause d’appel, la société AGT AIA produit des factures n°2018- 2755 et n°2023-4516, validées par la société Sacrina, qui établissent la réalité de l’intervention de la société Ramond Bureau d’ingénierie sur ce chantier pour les lots concernés,
– qu’ainsi, la société Ramond Bureau d’ingénierie doit être associée aux opérations d’expertise, de sorte qu’il y a lieu à infirmation de la décision sur ce point.
La décision sera infirmée sur ce point.
Le sort des frais et dépens de première instance ayant été exactement réglé par le premier juge, la décision entreprise sera donc confirmée sur ces points.
La société AGT AIA conservera la charge de ses dépens d’appel.
Infirme l’ ordonnance entreprise uniquement en ce qu’elle a rejeté la demande concernant la société Ramond Bureau d’ingénierie ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Déclare communes et opposables les opérations d’expertise en cours à la société Ramond Bureau d’ingénierie ;
Rejette les autres demandes ;
Dit que la société AGT AIA conservera la charge de ses dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE
EMPÊCHÉE