Les exigences de diligence dans la notification des actes juridiques

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Les exigences de diligence dans la notification des actes juridiques

Le 26 mars 2013, la SA Société générale a ouvert un compte bancaire pour M. [Y] avec une facilité de caisse de 500 €. Le 14 novembre 2017, M. [Y] a souscrit un crédit renouvelable de 5 500 €. Le 8 février 2019, il a déposé un dossier de surendettement, jugé recevable le 2 avril 2019, et un plan de surendettement a été approuvé le 10 novembre 2019. La banque a été informée de ce plan le 4 décembre 2019. Le 31 décembre 2020, la SA Société générale a mis en demeure M. [Y] de régler sa dette. Le 31 mai 2021, la banque a assigné M. [Y] en paiement. Par jugement du 8 novembre 2021, le tribunal a déchu la banque de son droit aux intérêts conventionnels et a condamné M. [Y] à payer 10 208,42 € avec intérêts. M. [Y] a fait appel le 10 mai 2022. Le fonds commun de titrisation Foncred V, représentant la Société générale, est intervenu dans l’instance. M. [Y] a demandé la nullité de l’assignation et du jugement, ainsi que la nullité du contrat de crédit. La SAS Eos France a soutenu la régularité de l’assignation et a demandé le rejet des demandes de M. [Y].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
22/02500
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/02500 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PNFD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 08 novembre 2021

Juge des Contentieux de la Protection – Tribunal judiciaire de MONTPELLIER – N° RG 11-21-001086

APPELANT :

Monsieur [D] [Y]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté sur l’audience par Me Pascale CALAUDI substituant Me Camille CALAUDI, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A. Sociéte générale – Société anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 552 120 222, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée sur l’audience par Me Camille GUIRAO substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTERVENANTE :

S.A.S. Eos France – société par actions simplifiées, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°488 825 217, ayant son siège social [Adresse 6], agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, et agissant, en vertu d’une lettre de désignation en date du 17 janvier 2022 en qualité de représentant-recouvreur du Fonds Commun de Titrisation Foncred V, représenté par la société France Titrisation, Société par actions simplifiées, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 353 053 531, ayant son siège social [Adresse 2],

Le Fonds Commun de Titrisation Foncred V, représenté par la société France Titrisation venant aux droits de la Société Générale, Société Anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le n°552 120 222, ayant son social sis [Adresse 4], suivant acte de cession de créances du 03 août 2022.

Représentée sur l’audience par Me Camille GUIRAO substituant Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocats au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

1- Le 26 mars 2013, la SA Société générale a consenti à M.[D] [Y] l’ouverture en ses livres d’un compte bancaire individuel n°[XXXXXXXXXX01], avec ‘une facilité de caisse’ d’un montant de 500 €.

2- Le 14 novembre 2017, M. [Y] a souscrit auprès de la SA Société générale un crédit renouvelable dénommé ‘Alertna’ par autorisation de découvert, pour une durée d’un an renouvelable pour un montant maximum autorisé de crédit de 5 500 €.

3- Le 8 février 2019, M [Y] a déposé un dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers de l’Hérault, lequel a été jugé recevable le 2 avril 2019.

4- Le 10 novembre 2019, un plan de surendettement a été approuvé.

5- Le 4 décembre 2019, la banque a été informée dudit plan et en a informé M. [Y].

6- Le 31 décembre 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception, la SA Société générale a vainement mis en demeure M. [Y] de régler sa dette eu égard à un solde débiteur persistant sur son compte.

7- C’est dans ce contexte que par acte du 31 mai 2021, la SA Société générale a fait assigner en paiement M. [Y].

8- Par jugement réputé contradictoire du 8 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Montpellier a :

Dit que la SA Société générale est déchue de son droit aux intérêts conventionnels ;

Condamné M. [Y] à payer à la SA Société générale la somme 10 208,42 € avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation pour le compte bancaire individuel n°[XXXXXXXXXX01] ;

Débouté la SA Société générale de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts ;

Condamné M. [Y] à payer à la SA Société générale la somme de 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [Y] aux dépens ;

Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

9- Le 10 mai 2022, M. [Y] a relevé appel de ce jugement.

10- Le fonds commun de titrisation Foncred V venant aux droits de la Société générale en vertu d’un acte de cession de créances du 3 août 2022 représenté par la société France titrisation représentée par la société Eos France est intervenu à l’instance.

PRÉTENTIONS

11- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 12 juillet 2022, M. [Y] demande en substance à la cour :

Au principal, de :

– Prononcer la nullité de l’assignation et du jugement entrepris ;

– Constater en conséquence l’extinction de l’instance dès lors que l’effet dévolutif ne peut jouer en l’absence de saisine régulière de la juridiction de première instance,

Au subsidiaire :

Infirmer l’ensemble du dispositif entrepris, et statuant à nouveau, de :

Prononcer la nullité du contrat de crédit renouvelable par autorisation de découvert entre M. [Y] et la SA Société générale ;

Constatant le plan de surendettement et l’état des dettes de M.[Y], condamner la SA Société générale au paiement de la somme de 14 500 € au titre du maintien du crédit inadapté et d’un découvert autorisé à M. [Y], au manquement au devoir précontractuel d’information, au devoir de mise en garde et au manquement à la vérification de la solvabilité de M.[Y] ;

A l’infiniment subsidiaire,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la SA Société générale est déchue de son droit aux intérêts conventionnels ; débouté la SA Société générale de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts ;

Statuant à nouveau,

– Condamner M. [Y] à payer à la SA Société générale la somme de 5 329,38 € au titre du maintien du contrat de crédit renouvelé et du découvert autorisé ;

– Voir ordonner la mise en place de l’apurement de la dette entre les parties conformément aux conditions du plan de surendettement ;

– S’entendre dire cette exécution suspendue durant l’apurement du passif par M. [Y] conformément au plan ;

– En tout état de cause, condamner la SA Société générale à payer à M. [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

12- Par uniques conclusions remises par voie électronique du 11 octobre 2022, la SAS Eos France demande en substance à la cour de :

A titre liminaire,

Juger et déclarer que le fonds de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France Titrisation, et représenté par la SAS Eos France agissant en qualité de représentant-recouvreur suivant lettre de désignation du 17 janvier 2022, vient régulièrement aux droits de la SA Société générale, en vertu d’un bordereau de cession de créance du 3 août 2022, lequel comprend la créance détenue à l’encontre de M. [Y] ;

Déclarer le fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France Titrisation, et représenté par la société Eos France agissant en qualité de représentant-recouvreur, recevable et bien fondé en ses demandes ;

Sur le fond,

Déclarer l’assignation introductive d’instance régulière ;

Rejeter les moyens de nullité de l’assignation et du jugement entrepris ;

Débouter M. [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et vu la cession de créance du 3 août 2022, condamner [Y] à payer au fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France titrisation, et représenté par la SAS Eos France agissant en qualité de représentant-recouvreur, la somme de 10 208,42 €, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance;

Y ajoutant, condamner M. [Y] à payer au fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France Titrisation, et représenté par la SAS Eos France agissant en qualité de représentant-recouvreur, la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

13- Vu l’ordonnance de clôture du 30 mai 2024.

14- Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

– Sur la nullité de l’assignation et du jugement

15- M. [Y] soutient la nullité de l’assignation et, subséquemment du jugement déféré, du fait de l’insuffisance des diligences de l’huissier instrumentaire qui n’a pas opéré les recherches suffisantes pour établir sa nouvelle adresse en vue de lui délivrer son assignation à personne devant le tribunal judiciaire de Montpellier et n’a notamment pas interrogé les services de la poste alors qu’il avait établi un contrat de r��expédition de son courrier et au motif également que la Société générale s’est abstenue de lui demander sa nouvelle adresse alors qu’elle disposait de son adresse électronique et que les parties avaient échangé le 9 mars 2021 et enfin que la banque connaissait son lieu de travail qui était le sien depuis l’ouverture de son compte bancaire et la souscription de son contrat de crédit.

16- L’intimée conclut au rejet de ce moyen au constat que la signification de l’acte d’assignation est parfaitement régulière, que son huissier a procédé à toutes les vérifications d’usage en consultant les sites pages blanches, infogreffe et société.com, que M. [Y] ne justifie pas de la réalité de la souscription d’un contrat de réexpédition de son courrier ne produisant qu’un imprimé non signé par les parties, et qu’en tout état de cause, la poste ne peut communiquer à un tiers l’adresse d’une personne physique et oppose le secret professionnel, que le fait que le chargé de recouvrement de la banque lui ait adressé le 9 mars 2021 un courriel auquel il n’a au demeurant pas répondu, ne permet de caractériser un faute de la banque dans la recherche de sa nouvelle adresse n’étant pas tenue sur ce point à une obligation de résultat. Elle ajoute verser aux débats les bordereaux d’envoi et accusés de réception des lettres recommandées visées par l’article 659 du code de procédure civile adressés à M. [Y].

17- Conformément à l’article 654 du code de procédure civile, la signification doit être faite à personne et la signification par procès-verbal de recherches prévue par l’article 659 du code de procédure civile n’est régulière que si le destinataire de l’acte n’a ni domicile, ni résidence et ni lieu de travail connu.

18- L’article 659 du code de procédure civile dispose que lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. Les mentions des diligences de l’huissier indiquées dans l’acte de signification qu’il a établi valent jusqu’à inscription de faux.

19- En l’espèce, le procès-verbal de recherches infructueuses établi le 3 mai 2021 par l’huissier de justice mandaté par la Sa Société générale pour signifier à M. [Y] son assignation devant le tribunal judiciaire de Montpellier indique :

-qu’il s’est rendu à la dernière adresse connue du défendeur, avoir constaté qu’à ce jour, aucune personne ne répondant à l’identification du destinataire de l’acte, n’y a domicile ni résidence,

-qu’il n’a pu rencontrer de voisins lors de son passage,

-qu’il a consulté sans succès différents sites internet et notamment pagesblanches.fr, infogreffe.fr et société.com,

-que le correspondant n’a pas connaissance d’une autre adresse,

-que le lieu de travail et la fonction n’ont pu être déterminés.

20- Il ne ressort pas des dites mentions que l’huissier ait entrepris des recherches d’adresse auprès des services postaux alors qu’il ne pouvait préjuger de l’absence de demande faite par M.[Y] de réexpédition de son courrier ou de l’opposition qui lui aurait faite par les services postaux du secret professionnel.

21- Les diligences de l’huissier pour rechercher la nouvelle adresse de M. [Y] seront dès lors jugées insuffisantes et, partant, la nullité de l’assignation et subséquemment celle du jugement devra être prononcée.

22- L’appelant n’ayant conclu au fond devant la cour d’appel qu’à titre subsidiaire, la dévolution du litige inhérente à l’appel ne s’opère pas sur le tout de sorte qu’il n’ y a pas lieu de répondre sur le surplus des demandes.

23- L’intimée, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Annule l’assignation à comparaître délivrée le 31 mai 2021 à M.[Y] à la requête de la Sa Société générale.

Prononce à titre subséquent la nullité du jugement déféré.

Dit n’y avoir lieu à statuer sur le surplus des demandes.

Condamne le fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France titrisation, et par la SAS Eos France aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne le fonds commun de titrisation Foncred V, représenté par la société de gestion France titrisation, et par la SAS Eos France à payer à M. [Y] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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