Dans le cadre de la rénovation d’un centre équestre, M. [L], entrepreneur individuel, a demandé à la SARL [P] Renov Peinture d’établir un devis pour des travaux de peinture. Les travaux ont été achevés en mars 2020, et une facture de 14 644,80 € TTC a été émise au GFA Janin, qui a effectué un virement correspondant sur un compte bancaire d’une EURL [P]. Cependant, le RIB transmis par M. [L] aurait été piraté, entraînant un non-paiement des travaux. Après avoir déposé plainte pour fraude, la SARL a mis en demeure M. [L] et le GFA, sans succès. En octobre 2020, la SARL a assigné les deux parties en paiement. Le tribunal a débouté la SARL de ses demandes en mai 2022, la condamnant aux dépens. La SARL a fait appel, demandant la reconnaissance de son impayé et la responsabilité de M. [L] et du GFA. Le GFA et M. [L] ont demandé la confirmation du jugement initial, soutenant qu’ils ne pouvaient être tenus responsables du paiement à une mauvaise partie.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03450 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PPAL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 12 mai 2022
Tribunal judiciaire de Montpellier – N° RG 20/04525
APPELANTE :
S.A.R.L. IRP – [P] Renov Peinture
immatriculée au RCS sous le n°753 896 737 prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julien ROUGON, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [C] [L]
exerçant sous le nom Commercial Tomli-immobilier ICR Artisan
société civile immobilière, immatriculée au RCS sous le n°435082730
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Audrey HURET, avocat au barreau de MONTPELLIER
G.F.A. Janin
groupement foncier agricole au capital de 170 000,00 € immatriculé au RCS de Montpellier sous le n° 482 992 195 dont le siège social est [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Pôle Hippique de [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Bénédicte SAUVEBOIS PICON de la SELARL CABINET D’AVOCATS SAUVEBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Lise RAISSAC, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 juillet 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
1- Dans le cadre de la rénovation d’un centre équestre exploité par le groupement foncier agricole Janin (ci-après le GFA), M.[C] [L], entrepeneur individuel exerçant sous le nomcommercial Tomli-Immobilier, a sollicité la SARL [P] Renov Peinture entreprise avec laquelle il travaille habituellement pour établir un devis de travaux de peinture.
2- La SARL a réalisé les travaux de peintures lesquels ont été achevés en mars 2020.
Elle a établi le 20 avril 2020 une facture d’un montant de 14 644,80 € TTC, émise à destination du GFA et transmise à M.[L].
3- En retour, le GFA a procédé à un virement de 14 644,80 € via internet sur la base d’un RIB au nom d’une EURL [P] sur un compte bancaire ouvert auprès de la société Orange Bank.
4- Le mail de M. [L] contenant le RIB aurait été piraté. Ainsi, la SARL n’a pas obtenu paiement malgré ce virement.
5- Le 14 mai 2020, à la suite de cette fraude, M [W] [P], en sa qualité de représentant de la SARL, a déposé plainte .
6- Le 14 septembre 2020, n’ayant pas obtenu paiement, la SARL [P] Renov Peinture a vainement mis en demeure M.[L] et le GFA Janin de procéder au règlement de la facture.
7- C’est dans ce contexte que par acte du 8 octobre 2020, la SARL [P] Renov Peinture a fait assigner le GFA Janin et M.[L], en paiement au visa des articles 1103 et 1353 du code civil et de l’article 1 de la loi du 16 juillet 1971.
8- Par jugement contradictoire du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a débouté la SARL [P] Renov Peinture de toutes ses demandes, l’a condamnée aux dépens et à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sans suspension du caractère exécutoire d’office du jugement, à M.[L] 1 500 € et au GFA Janin 1 500 €.
9- Le 28 juin 2022, la SARL [P] Renov Peinture a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS
10- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 17 mai 2024, la SARL [P] Renov peinture demande à la cour de réformer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
Juger que la SARL [P] Renov Peinture n’a pas été réglée de sa facture du 20 avril 2020 d’un montant de 14 644,80 € TTC ;
Juger que M.[L], exerçant sous le nom commercial Tomli-immobilier engage sa responsabilité en sa qualité de mandataire;
Juger que le GFA Janin ne peut prétendre avoir effectué un paiement de bonne foi entre les mains d’un créancier apparent;
Juger que le GFA Janin ne justifie pas d’un paiement libératoire;
Juger que le GFA Janin n’a pas procédé à la vérification du pouvoir de celui auquel elle a adressé le paiement ;
Condamner in solidum M.[L] exerçant sous le nom commercial Tomli-Immobilier, et le GFA Janin au paiement de 14 644,80 € TTC, avec intérêts à compter du 14 septembre 2020, date de la mise en demeure ;
Condamner in solidum M.[L], exerçant sous le nom commercial Tomli-Immobilier et le GFA Janin au paiement de 3 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Condamner in solidum M.[L], exerçant sous le nom commercial Tomli-Immobilier et le GFA Janin au paiement de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile aux entiers dépens.
11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 29 mai 2024, le GFA Janin demande à la cour de confirmer le jugement entrepris. Par conséquent, juger que la responsabilité du GFA Janin ne peut être engagée ; débouter la SARL de l’intégralité de ses demandes, débouter M.[L] de ses demandes, et condamner in solidum M.[L] et la SARL [P] Renov Peinture au paiement au bénéfice du GFA Janin la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
12- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 27 décembre 2022, M.[L] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
Juger que M.[L], exerçant sous le nom commercial Tomli Immobilier ICR est intervenu en tant que courtier dans la relation contractuelle entre la SARL [P] Renov Peinture et le GFA Janin ;
Juger que M [G] est tiers au contrat et qu’il ne peut être tenu du défaut de paiement du GFA Janin qui aurait réglé le prix de la prestation de la SARL [P] Renov Peinture à une mauvaise partie ;
En conséquence,
Mettre hors de cause M.[L] exerçant sous le nom commercial Immobilier ICR ;
Débouter la SARL [P] et le GFA Janin de toutes leurs demandes, fins et conclusions émises à l’encontre de M.[L] exerçant sous le nom commercial Tomli Immobilier ICR ;
A titre subsidiaire, condamner le GFA Janin à relever et garantir M.[L] de toutes condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre ;
En tout état de cause, condamner in solidum la SARL [P] et le GFA Janin au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
13- Vu l’ordonnance de clôture du 10 juin 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
14- selon l’article 1342-3 du code civil, ‘Le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable.’
15- selon l’article 1353 du même code,’Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
15- il résulte des débats et des pièces des parties que :
– le GFA a contracté vis à vis de la SARL [P] Renov Peinture une obligation de paiement des travaux de peinture réalisés par elle donnant lieu à la facture n°20010 du 20 avril 2020, jamais contestée ;
– le paiement de cette facture par le GFA n’a pas été fait à la SARL [P] Renov Peinture, le mail par lequel M. [L], intermédiaire, lui transmettait le RIB ayant été piraté et l’escroc ayant substitué un RIB à l’entête d’une EURL [P] ouvert dans les livres d’Orange Bank.
16- pour débouter la SARL [P] Renov Peinture de sa demande en paiement, les premiers juges ont fait application des dispositions de l’article1342-3 précité, considérant que le GFA, de bonne foi, avait procédé au paiement à un créancier apparent.
17- la bonne foi des uns et des autres n’est pas remise en cause.
18- mais il s’avère que le paiement par le GFA n’a pas été fait à un créancier apparent au sens de l’article précité mais à un faux créancier ayant usurpé l’identité de la SARL, quand bien même le GFA n’avait pas moyen de vérifier que le RIB transmis par M. [L] n’était pas celui de la SARL. Celle-ci n’a jamais investi l’escroc d’une quelconque possession de sa créance.
19- le GFA, ayant mal payé, doit donc payer deux fois.
20- il convient d’ajouter, au visa de l’article 1353 du code civil, que la SARL [P] justifie par la production d’une attestation de son expert comptable que la facture ne lui a pas été payée, le GFA ne justifiant pas pour sa part du paiement qui pourrait être libératoire.
21- s’agissant de M. [L], ce dernier, entrepreneur individuel, a agi non pas en qualité de mandataire du GFA mais en qualité de courtier, regroupant un ensemble d’artisans et restant tiers au contrat qui liait en définitive l’entreprise [P] Renov Peinture au GFA son client.
22- il appartient en conséquence à la SARL d’établir la faute du courtier qu’elle estime caractérisée par l’adressage de la facture par une messagerie non sécurisée.
23- toutefois, et même si le cas d’espèce démontre que la messagerie a été piratée, il n’existe pas plus de faute civile à utiliser une messagerie ordinaire que d’adresser une facture par la poste par un courrier qui peut tout aussi bien faire l’objet de détournement. Aucun manquement à une quelconque obligation du courtier n’est caractérisée et la SARL sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum de M. [L].
24- s’agissant de la demande indemnitaire liée à d’importants problèmes de trésorerie, ceux-ci, allégués, ne sont pas justifiés et la bonne foi de tous exclut qu’il y soit fait droit.
25- partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, le GFA supportera les dépens de première instance et d’appel.
Statuant contradictoirement
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
statuant à nouveau et y ajoutant
Condamne le GFA Janin à payer à la SARL [P] Renov Peinture la somme de 14644,80€ avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2020.
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Condamne le GFA Janin aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne le GFA Janin à payer tant à la SARL [P] Renov Peinture qu’à M. [C] [L] la somme de 2500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT