Engagement de cautionnement : Validité et obligations d’information

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Engagement de cautionnement : Validité et obligations d’information

La SARL Arnor a ouvert un compte courant au Crédit du Nord le 24 septembre 1996, avec M. [L] [Y] et Mme [X] [Z] comme cautions solidaires. En 1998, Arnor a nantit son fonds de commerce pour garantir ses dettes. En 2014, Arnor a contracté deux prêts auprès du Crédit du Nord, garantis par des nantissements et des cautions. En mars 2017, Arnor a été placée en procédure de sauvegarde, suivie d’une liquidation judiciaire en juin 2018. Le Crédit du Nord a mis en demeure les cautions pour le remboursement de créances. En mai 2021, la banque a assigné Mme [Y] et M. [Y] pour obtenir le paiement de sommes dues. En mars 2022, le liquidateur a informé que les créanciers recevraient un dividende de 26%. La clôture de la liquidation a été prononcée pour insuffisance d’actif. En février 2023, le tribunal a constaté que la Société Générale avait repris les droits du Crédit du Nord et a rendu un jugement condamnant Mme [Y] à payer une somme à la banque. Mme [Y] a interjeté appel, demandant la nullité de son engagement de caution. La Société Générale a contesté cet appel, demandant la confirmation du jugement initial.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
23/01039
N° RG 23/01039 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JKJA

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/01705

Tribunal judiciaire de Rouen du 28 février 2023

APPELANTE :

Madame [X] [Z] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A. SOCIETE GENERALE société venant aux droits de la SA CREDIT DU NORD

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 05 juin 2024 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme RIFFAULT, greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 05 juin 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 septembre 2024.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 septembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par M. URBANO, conseiller, pour la présidente empêchée et par Mme RIFFAULT, greffière.

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* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 24 septembre 1996, la SARL Arnor a ouvert un compte courant dans les livres du Crédit du Nord.

Par acte du même jour, M. [L] [Y] et Mme [X] [Z] épouse [Y] se sont portés cautions solidaires à durée indéterminée, à hauteur d’un principal de 100 000 francs « augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires selon les énonciations du présent acte et spécialement du paragraphe IV » au bénéfice du Crédit du Nord au fin de garantir l’ensemble des dettes contractées par la société Arnor auprès de l’établissement bancaire.

Par convention du 23 avril 1998, la société Arnor a affecté en nantissement son fonds de commerce à hauteur de 80 000 francs aux fins de garantir l’ensemble des engagements souscrits par elle auprès du Crédit du Nord.

Par actes sous seing privé du 26 septembre 2014, la société Arnor a contracté auprès du Crédit du Nord :

– Un prêt de 75 000 euros en principal remboursable en 48 mensualités d’un montant de 1 641,91 euros avec effet au 30 septembre 2014 au taux contractuel de 2,45% garanti par un nantissement sur fonds de commerce et une caution personnelle et solidaire de la société [L] Matériaux, aujourd’hui dénommée [L] Grupos Finance Invest, à hauteur de 37 500 euros.

– Un prêt de 10 000 euros remboursable en 36 mensualités de 287,74 euros au taux de 2,3% l’an.

Par jugement du 28 mars 2017 du tribunal de commerce de Rouen, la société Arnor a bénéficié d’une procédure de sauvegarde.

Par lettre recommandée du 9 mai 2017, le Crédit du Nord a déclaré ses créances et a informé les cautions de la procédure de sauvegarde et leur rappelait leurs engagements.

Les créances déclarées ont été admises au passif de la société Arnor le 10 mai 2019.

Par jugement du 22 juin 2018, la procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 28 juin 2018, le Crédit du Nord a mis en demeure :

– la société [L] Grupos de payer la somme de 32 618,33 euros en sa qualité de caution solidaire ;

– M. [L] [Y] de payer la somme de 15 000 euros en sa qualité de caution solidaire ;

– Mme [X] [Y] de payer la somme de 15 000 euros en sa qualité de caution solidaire.

Par diverses lettres recommandées avec accusé de réception, le conseil des époux [Y] et de la société [L] Grupos a demandé à la banque de patienter dans l’attente du résultat de la procédure collective de la société Arnor en lui indiquant qu’elle avait de grandes chances d’être intégralement réglée dans ce cadre.

Par acte d’huissier du 11 mai 2021, la Banque Crédit du Nord, exposant qu’il lui restait dû la somme de 61 994,58 euros, a fait assigner d’une part, Mme [Y] devant le tribunal judiciaire de Rouen, et d’autre part, M. [Y] et la société [L] Grupos devant le tribunal de commerce, pour obtenir leur condamnation à lui payer :

– 15 244,90 euros s’agissant de M. [Y] et Mme [Y], en leur qualité de cautions ;

– 37 500 euros s’agissant de la société [L] Grupos Invest en sa qualité de caution ;

– 1000 euros chacun, et solidairement pour M. [Y] et la société, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par courrier du 2 juin 2021, Me [W], liquidateur judiciaire de la société Arnor, a informé le conseil des époux [Y] et de la société [L] Grupos que « les opérations de liquidation judiciaire » étaient « pratiquement achevées et qu’il en ressort que les créanciers chirographaires recevront un dividende de l’ordre de 26%».

La clôture de la liquidation judiciaire a été prononcée le 1er mars 2022 pour insuffisance d’actif, le liquidateur ayant mentionné dans son rapport qu’il restait un disponible de 40 796,70 euros permettant de régler le solde des frais de justice et de verser un dernier dividende aux créanciers chirographaires.

Par courrier du 3 mars 2022, le liquidateur a indiqué au conseil des époux [Y] et de la société [L] Grupos :

– qu’il avait versé au Crédit du Nord la somme totale de 11 110,89 euros ;

– les créances sur lesquelles les paiements avaient été imputés

– le pourcentage du dernier dividende qui serait versé au Crédit du Nord.

A la suite d’une fusion absorption, la Société Générale a déclaré venir aux droits du Crédit du Nord à compter du 1er janvier 2023.

Par jugement du 28 février 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– constaté que la Société Générale vient aux droits de la SA Crédit du Nord,

– ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et fixé la date de clôture au 6 décembre 2022,

– dit que la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord est déchue de son droit à intérêts à l’encontre de Mme [X] [Z] épouse [Y],

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord la somme de 15 244,90 euros,

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté l’ensemble des demandes de Mme [X] [Z] épouse [Y],

– rejeté les autres demandes plus amples et contraires,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Mme [X] [Z] épouse [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 mars 2023.

L’ordonnance de clôture a été initialement rendue le 6 décembre 2023.

Par arrêt du 8 février 2024, après avoir constaté que les conclusions de la Société Générale avaient été communiquées par voie électronique dans un dossier connexe, cette cour a révoqué l’ordonnance de clôture, invité la Société Générale à régulariser la procédure en communiquant électroniquement ses conclusions et renvoyé à la conférence de mise en état du 20 février 2024.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 juin 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Vu les conclusions du 21 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de Mme [X] [Z] épouse [Y] qui demande à la cour de :

– déclarer l’appel de Mme [X] [Z] épouse [Y] recevable et bien-fondé,

– débouter la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, de ses demandes, fins, et conclusions,

– confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Crédit du Nord aux droits de laquelle vient la Société Générale,

– l’infirmer en ce qu’il a :

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] en sa qualité de caution à payer à la société Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société Générale, la somme de 15 244,90 euros après l’avoir déboutée, de sa demande de voir déclarer, l’acte de cautionnement inopposable à Mme [X] [Z] épouse [Y], et l’avoir aussi déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société Générale,

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] à payer à la société Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société Générale, la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [X] [Z] épouse [Y] aux dépens,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer inopposable l’acte de cautionnement souscrit par Mme [X] [Z] épouse [Y] et, en conséquence, débouter la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, de sa demande en paiement formée à l’encontre de Mme [X] [Z] épouse [Y],

A titre subsidiaire,

– prononcer la sanction de la déchéance du droit aux intérêts et juger que le Crédit du Nord, aux droits de laquelle vient la Société Générale, est déchu du droit aux intérêts contractuels,

– débouter la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, de ses demandes portant sur une créance non justifiée dans son quantum, au vu du prononcé de la déchéance du droit à intérêts faute d’information annuelle de Mme [X] [Z] épouse [Y],

A défaut,

– condamner la société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, à payer à Mme [X] [Z] épouse [Y] la somme de 15 244,90 euros à titre de dommages et intérêts avec les intérêts de retard au légal à compter du jugement du 13 juin 2022,

– ordonner en tant que de besoin la compensation des créances entre Mme [X] [Z] épouse [Y] et la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord,

En tout état de cause,

– condamner la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, à payer à Mme [X] [Z] épouse [Y] à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

– condamner la Société Générale, venant aux droits de Crédit du Nord, à payer à Mme [X] [Z] épouse [Y] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions d’intimé du 30 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la Société Générale venant aux droits de la société Crédit du Nord qui demande à la cour de :

– recevoir Madame [Y] née [Z] en son appel mais la dire mal fondée,

– débouter Madame [Y] née [Z] en son appel,

– la débouter de toutes ses demandes fines et conclusions

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné Madame [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord la somme de 15 244,90 euros,

– condamné Madame [X] [Z] épouse [Y] aux dépens avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamné Madame [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté l’ensemble des demandes de Madame [X] [Z] épouse [Y],

Statuant de plus fort,

– condamner Madame [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord la somme de 15 244,90 euros en sa qualité de caution,

– débouter Madame [X] [Z] épouse [Y] de sa demande tendant à voir dire nul et à tout le moins inopposable l’engagement de caution du 24 septembre 2016,

– débouter Madame [X] [Z] épouse [Y] de sa demande tendant à voir condamner le la Société Générale à lui verser la somme de 15 244,90 euros à titre de dommages et intérêts et à voir ordonner la compensation des créances entre Madame [Y] et le Crédit du Nord,

– recevoir la Société Générale en son appel incident,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Rouen en date du 28 février 2023 qu’il a dit que la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord est déchue de son droit à intérêts à l’encontre de Madame [X] [Z] épouse [Y],

Statuant à nouveau,

– débouter Madame [X] [Z] épouse [Y] de sa demande tendant au prononcé de la déchéance du Crédit du Nord à son droit aux intérêts,

– la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions,

De plus fort,

– condamner Madame [X] [Z] épouse [Y] à payer à la Société Générale venant aux droits du Crédit du Nord la somme de 15 244,90 euros en sa qualité de caution,

En tout état de cause,

– condamner Madame [X] [Z] épouse [Y] à payer au Crédit du Nord la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Madame [X] [Z] épouse [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable, si la banque soutient que Mme [Y] n’a pas repris l’intégralité de ses demandes formées devant le premier juge et qu’elle y a dès lors renoncé, elle n’a tiré aucune conséquence de cette observation dans le dispositif de ses écritures.

Par ailleurs, aucune des parties n’a contesté les dispositions du jugement entrepris en ce qu’elles ont constaté que la Société Générale vient aux droits de la SA Crédit du Nord et ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture et fixé la date de clôture au 6 décembre 2022.

Sur l’opposabilité de l’acte de cautionnement :

Exposé des moyens :

Mme [Y] soutient que :

– l’acte de caution signé le 24 septembre 1996 est devenu caduc lors de la souscription des deux prêts du 26 septembre 2014 et Mme [Y] n’a jamais eu l’intention de les garantir ;

– lors du passage à l’euro, la banque n’a pas actualisé l’acte de cautionnement libellé en francs ce qui démontre qu’elle ne l’a plus considéré comme valide et effectif ;

– le principe de bonne foi et le devoir d’information auraient dû entraîner l’obligation pour la banque d’informer Mme [Y] de la conversion en euros de la garantie qu’elle avait donnée en francs afin de lui permettre de mesurer la portée de son engagement et de lui rappeler qu’elle pouvait la résilier à tout moment alors que la société Arnor n’avait aucune dette à l’époque;

– le Crédit du Nord n’a jamais respecté son obligation d’information annuelle et n’a jamais rappelé à Mme [Y] qu’elle pouvait résilier à tout moment sa caution de sorte que Mme [Y] a totalement oublié l’existence de cet engagement;

– le Crédit du Nord n’a pas informé Mme [Y] lors de la souscription des prêts le 26 septembre 2014 de ce qu’elle estimait que, malgré les autres garanties qui avaient été consenties à l’occasion de ces deux actes, sa caution couvrait également ces deux concours financiers ;

– la mention manuscrite apposée par Mme [Y] n’est pas conforme aux dispositions de l’article 1326 du code civil dans sa rédaction de l’époque en ce que, la caution étant à durée indéterminée et illimitée dans le temps, Mme [Y] devait exprimer de façon explicite et non équivoque sa connaissance de la nature et de l’étendue de son engagement ;

– la référence dans la mention manuscrite à certaines stipulations prérédigées de l’acte de cautionnement n’est pas suffisante pour caractériser la connaissance que pouvait avoir Mme [Y] de l’étendue de son engagement ;

– aucune indication ne résulte de cette mention permettant d’affirmer que Mme [Y] savait qu’elle pouvait mettre fin à son engagement à tout moment alors qu’elle n’a été poursuivie que 25 ans plus tard et qu’entretemps, l’euro avait remplacé le franc, monnaie existant au jour de son engagement ;

– Mme [Y] a fait valoir ses droits à la retraite en 2012 et il est certain que si elle avait été informée par la banque de sa faculté de dénonciation de son engagement, elle en aurait fait usage à cette période.

La Société Générale soutient que :

– le passage à l’euro n’a pu avoir aucun effet sur la validité du cautionnement souscrit antérieurement en francs ;

– le fait que les deux prêts consentis le 24 septembre 2014 ne fassent pas référence au cautionnement de Mme [Y] n’entraîne aucune conséquence quant à l’existence de cette garantie et la possibilité pour la banque de s’en prévaloir ;

– la seule sanction légale à l’absence d’information annuelle de la caution est la déchéance du droit aux intérêts du créancier et non l’inopposabilité ou la caducité de son engagement ;

– aucune stipulation insérée dans les deux prêts ne prévoit que la caution de Mme [Y] est écartée ou qu’elle est remplacée par les autres garanties possibles prévues à ces contrats étant précisé qu’elles n’ont pas été finalisées et que la caution de Mme [Y] est la seule garantie prévue pour le prêt de 10 000 euros ;

– il est expressément stipulé aux contrats du 24 septembre 2014 qu’aucune novation n’est prévue ;

– la garantie de BPI France n’exclut pas la caution de Mme [Y] ;

– aucun dol n’est démontré alors que l’existence de celui-ci doit s’apprécier au jour de l’engagement de Mme [Y], soit le 24 septembre 1996 ;

– les dispositions de l’article 1326 du code civil dans leur version au jour de la signature de l’acte de caution ne sont pas applicables à un cautionnement indéterminé ;

– dès lors que l’objet du cautionnement était déterminable, l’engagement de Mme [Y] a été valable ;

– les stipulations auxquelles renvoie la mention manuscrite sont claires et dénuées d’équivoque de sorte que Mme [Y] a su quelle était la portée de son engagement et sa durée indéterminée ;

– dès lors que Mme [Y] n’a jamais dénoncé son engagement, elle ne peut faire grief à la banque de l’avoir actionnée des années après sa souscription.

Réponse de la cour :

L’article 1134 du code civil dans sa rédaction en vigueur au 24 septembre 1996 disposait que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

L’article 1326 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la même date disposait que : « L’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres. »

L’article 2015 du même code dans sa rédaction en vigueur à la même date disposait que : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. ».

L’article 2016 du même code dans sa rédaction à la même date disposait que : « Le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

L’article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 disposait que : « Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.

Si l’engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. »

Par acte sous seing privé du 24 septembre 1996, Mme [Y] s’en engagée selon la mention manuscrite suivante « Lu et approuvé. Bon pour cautionnement solidaire de tous engagements dans les termes ci-dessus à hauteur d’un montant principal de 100 000 Francs (cent mille francs) augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires selon les énonciations du présent acte et spécialement du paragraphe IV ».

Il résulte de l’acte dactylographié du 24 septembre 1996 que Mme [Y] s’est engagée en qualité de caution solidaire de la société Arnor à l’égard du Crédit du Nord étant précisé qu’il est constant que l’époux de Mme [Y] était alors le dirigeant de la société Arnor.

Il est stipulé dans cet acte que « la caution garantit le paiement de toutes sommes que le cautionné [la société Arnor] peut ou pourra devoir à la banque :

en toute monnaie ;

– chez l’une quelconque de ses agences ;

– quelle que soit la nature du compte : compte individuel ou collectif du cautionné ou compte interne à la banque ;

à raison de tous engagements, de toutes opérations et, d’une façon générale, de toutes obligations sans aucune exception nées, directement ou indirectement, pour quelque cause que ce soit, y compris en dehors des conventions intervenues entre le cautionné et la banque et notamment, l’énumération ci-après étant simplement indicative et non limitative, résultant de :

– prêts, crédits par caisse, par signature, ou par mobilisation de créances,

– solde exigible en faveur de la banque de tout compte courant, ou de tout autre compte quel qu’il soit, ouvert au nom du cautionné,

-chèques, billets ou effets comportant sa signature à quelque titre que ce soit dans le cadre des rapports contractuels ou extra-contractuels et pour lesquels la banque aura été ou non dispensée de tout protêt, de toute dénonciation de protêt ou de tout avis de non-paiement,

– négociations de lettres de change-relevés,

– actes de cession de créances professionnelles,

– engagement d’aval, de caution ou contre-caution, de garantie ou de contre-garantie, d’acceptation, d’endossement donnés par la banque pour le compte du cautionné ou sur son ordre,

– créances dont la banque deviendrait titulaire par la voie de subrogation à l’encontre du cautionné,

– opérations sur titres ou valeurs traitées par le cautionné. »

Il est également stipulé dans l’article VIII : « La caution peut décider à tout moment de révoquer son engagement, moyennant un préavis. » et ce par lettre recommandée avec accusé de réception, révocation qui prendra effet 90 jours à compter de la réception du courrier et qui laissera à la caution la charge de tous les engagements du cautionné nés antérieurement.

Contrairement aux écritures de la Société Générale, le cautionnement de l’ensemble des dettes du débiteur principal qui est limité à la somme principale de 100 000 francs outre accessoires est un cautionnement dont le montant maximal est déterminé et les dispositions de l’article 1326 du code civil dans leur rédaction de l’époque sont bien applicables à cet engagement. Le fait que Mme [Y] ait indiqué le montant maximal, en chiffres et en lettres, de la somme sur laquelle portait sa garantie est strictement conforme aux dispositions de cet article 1326 du code civil qui ne prévoyait nullement que la durée de l’engagement de la caution soit mentionnée manuscritement ni qu’il soit expressément indiqué de la main de la caution qu’il lui était loisible de dénoncer sa garantie à tout moment.

Par ailleurs, la méconnaissance des dispositions de l’article 1326 du code civil n’entraînant qu’un amoindrissement de la valeur probante de l’acte simplement considéré comme un commencement de preuve par écrit, la sanction de l’inopposabilité de l’acte n’a jamais été encourue sur ce point.

Dès lors que Mme [Y] a pu clairement comprendre qu’elle était engagée en faveur de la banque pour toutes les dettes présentes et à venir de la société Arnor à l’égard de cette dernière mais dans la limite de 100 000 francs et que la mention qu’elle a portée sur l’acte a bien exprimé de façon explicite et non équivoque, la connaissance qu’elle avait de la nature et de l’étendue de l’obligation contractée y compris par renvoi aux stipulations dactylographiées de l’acte telles qu’elles ont été rappelées ci-dessus, Mme [Y] ne démontre aucune circonstance qui devrait entraîner de ce fait une inopposabilité de cet acte.

Le passage à l’euro est totalement indifférent quant à la persistance de l’engagement de Mme [Y] à l’égard de la banque souscrit antérieurement et Mme [Y] ne justifie d’aucun fondement légal à cet égard qui serait susceptible d’entraîner la caducité de son engagement alors que celui-ci n’a jamais fait l’objet d’aucune dénonciation de sa part.

Il en est de même de l’octroi des deux prêts à la société Arnor le 26 septembre 2014 et Mme [Y] ne justifie d’aucun fondement légal qui serait susceptible d’entraîner la caducité de son engagement alors que celui-ci n’a jamais fait l’objet d’aucune dénonciation de sa part.

Il appartient à la banque de justifier qu’elle a bien satisfait à son obligation d’information annuelle de la caution en démontrant, par tous moyens, y compris par la production d’un listing informatique tel que prévu dans l’acte de caution en son article IX, qu’elle a adressé tous les ans une telle information. A cet égard, le fait de produire une copie des courriers d’information prétendument envoyés à la caution ne constitue pas la preuve qu’ils lui ont été effectivement adressés.

La banque verse aux débats des copies de courriers des 10 mars 2016 et 6 mars 2017 sans aucun justificatif d’envoi. Elle produit également une lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2017 (avec la preuve du récépissé) adressée à Mme [Y] portant à sa connaissance la mise sous sauvegarde de la société Arnor ainsi que le montant des deux créances résultant des prêts consentis courant 2014, de son compte courant professionnel et de créances cédées par le moyen de bordereaux Dailly et lui rappelant qu’elle s’était portée caution par acte du 24 septembre 1996. Il s’agit là de la première information au sens de l’article 48 de la loi du 1er mars 1984 et la première fois depuis l’acte du 24 septembre 1996 que la banque a précisé à Mme [Y] qu’elle entendait se prévaloir de son cautionnement qui avait été donné 21 ans auparavant.

C’est en vain que la banque soutient qu’il ne peut lui être imputé de ne pas avoir gardé les justificatifs des informations annuelles qui ont été adressées à Mme [Y] au-delà de dix années dès lors que se prévalant d’un engagement très ancien qu’elle oppose à la caution, elle se devait de conserver toutes les preuves permettant d’apprécier qu’elle s’était conformée à ses obligations légales à son égard.

Il est exact que la sanction spécifique prévue par la loi en cas de méconnaissance de l’obligation d’information est la déchéance du droit aux intérêts. Toutefois, le texte n’indique nullement qu’il s’agisse de la seule sanction applicable et rien ne permet d’exclure que les règles de la responsabilité civile de droit commun puissent être appliquées à la condition de justifier d’un préjudice direct causé par cette méconnaissance qui est nécessairement fautive.

En revanche, faute de texte prévoyant une telle sanction, la méconnaissance de cette obligation ne saurait entraîner une quelconque inopposabilité ou caducité de l’acte initial du 24 septembre 1996.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à ce que son engagement lui soit déclaré inopposable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Exposé des moyens :

Mme [Y] soutient que :

– la banque n’a pas satisfait à son obligation d’information annuelle de la caution, ne le démontre pas et doit être déchue de son droit aux intérêts ;

– ce moyen est personnel à la caution et l’autorité de la chose jugée entre le prêteur et l’emprunteur ne peut faire échec à la déchéance de sorte que l’admission de la créance de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la société Arnor est inopérant à cet égard ;

– les paiements effectués par le débiteur principal doivent être imputés sur le capital et l’intérêt est taux légal n’est dû par la caution qu’à compter de sa mise en demeure ;

– la banque ne démontre pas que les courriers qu’elle verse aux débats ont été adressés à Mme [Y] et qu’ils l’avisaient qu’elle pouvait dénoncer son engagement de façon précise ;

– tous les intérêts, frais et agios réglés par la société Arnor doivent être déduits de la somme réclamée à la caution et en tenant compte de l’imputation des paiements à laquelle a procédé le liquidateur, la banque ne justifie pas des sommes réclamées à la caution puisqu’elle ne produit aucun décompte de ces intérêts, frais et agios ;

– il en est de même en retenant l’imputation des paiements à laquelle a procédé la banque ;

– dès lors que Mme [Y] a sollicité l’infirmation du jugement entrepris, elle peut solliciter le débouté de la demande en paiement formée contre elle mais également la réduction des sommes réclamées ;

– la banque ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir conservé des pièces au-delà de 10 années alors qu’elle oppose à Mme [Y] un acte remontant à 27 ans.

La Société Générale soutient que :

– l’article L313-22 du code de la consommation n’existait pas au jour de l’engagement de Mme [Y] ;

– la banque déclare verser aux débats les pièces justifiant que l’information a bien été faite étant observé qu’elle n’est plus en mesure de produire des pièces ayant plus de 10 ans;

– la déchéance ne peut toucher que les intérêts conventionnels et les pénalités et non les agios, commissions et frais ;

– la déchéance ne peut porter que sur les périodes où l’information n’a pas été donnée étant observé que l’intérêt au taux légal reste dû ;

– aucune imputation des paiements n’a été imposée par Me [W] et la banque pouvait les imputer selon son choix ;

– à supposer que l’imputation de Me [W] soit respectée, le solde restant dû sur la dette principale excède toujours le maximum de la somme prévue dans l’acte de caution de Mme [Y].

Réponse de la cour :

Il a déjà été dit que la banque ne démontrait pas avoir satisfait à son obligation d’information annuelle de la caution jusqu’au 9 mai 2017 tant en ce qui concerne les créances qu’elle pouvait détenir à l’encontre de la société Arnor que le rappel devant être fait à la caution qu’elle pouvait dénoncer son engagement à tout moment.

La méconnaissance de l’obligation d’information de la caution constitue une exception qui lui est personnelle et qui peut être opposée au créancier quand bien même sa créance a été admise dans la procédure collective du débiteur principal.

La sanction prévue par l’article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 applicable à l’engagement de Mme [Y] est la déchéance, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Il s’ensuit que les intérêts échus entre le 24 septembre 1996 et le 9 mai 2017 ne sont pas dus à la banque.

La Société Générale réclame à Mme [Y] l’intégralité du montant de sa garantie, soit 15 244,90 euros, en se prévalant de ses créances déclarées au passif de la société Arnor qui ont été admises par ordonnance du juge-commissaire du 10 mai 2019 et portant sur les deux prêts consentis le 26 septembre 2014 à hauteur de 1998,73 euros et 30 568,17 euros, ainsi que le solde débiteur du compte courant de la société Arnor n° [XXXXXXXXXX04] à hauteur de 8057,99 euros et des créances Dailly cédées à titre de garantie à hauteur de 16 128,04 euros.

La Société Générale verse aux débats en un listing informatique des concours financiers et compte courant n° [XXXXXXXXXX04] au nom de la société Arnor cautionnés par Mme [Y], l’acte du 24 septembre 1996 étant expressément visé dans chaque page, allant de l’année 2004 à l’année 2017 (mais portant sur l’année 2016). Ce listing porte :

– sur des agios débiteurs pour les montants suivants : 4021,24 + 6803,58 + 780,47 + 691,61 + 989,57 + 463,78 + 538,54+ 538,54 + 1356,82 + 1194,41 + 1115,67

= 18 494,23 euros.

– sur des intérêts pour les montants suivants : 1195,53 + 386,39 + 19,62 + 1419, 53 + 344,18 + 265,38 + 39,69 + 116,46 + 302,68 + 3361,43 + 5,94 + 125,65 + 1836,81 + 24,74 + 762,59 = 10 206,62 euros.

Ces agios et intérêts ont été comptabilisés sur le compte courant de la société Arnor bénéficiant de la garantie de Mme [Y] et dont le solde débiteur est compris dans les créances déclarées par la banque qui ont été admises.

Il appartient à la Société Générale, qui se déclare créancière de Mme [Y] à hauteur de 15 244,90 de le démontrer et, étant sanctionnée par une déchéance du droit à ses intérêts échus entre le 24 septembre 1996 et le 9 mai 2017, de justifier des intérêts qui ont été comptés à la société Arnor durant cette période sur le compte courant de cette dernière.

Selon le Larousse, les agios sont « l’ensemble des frais (intérêts plus commissions) prélevés par un banquier à son client à l’occasion de certaines opérations (découvert, avance, etc.) »

La somme de 18 494,23 euros comptée à la société Arnor au titre des agios durant la période allant de 2004 à 2017 comprend dès lors des intérêts échus et Mme [Y] est en droit de réclamer la déchéance de la banque non seulement pour les intérêts proprement dits mais également pour ceux qui sont compris dans les agios.

Faute par la Société Générale d’avoir produit le décompte précis des sommes perçues au titre des seuls intérêts, la banque ne démontre pas être créancière d’une quelconque somme à l’égard de Mme [Y].

La demande formée à titre subsidiaire par Mme [Y] ayant été satisfaite, la demande de dommages et intérêts formée à défaut d’avoir obtenu satisfaction ne sera pas examinée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord est déchue de son droit à intérêts à l’encontre de Mme [X] [Z] épouse [Y] et dit que l’exécution provisoire est de droit.

Il sera infirmé pour le surplus des dispositions et la Société Générale sera déboutée de toutes ses demandes pécuniaires formées contre Mme [Y].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et dans les limites de l’appel ;

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 28 février 2023 en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [Y] tendant à ce que son engagement lui soit déclaré inopposable, dit que la Société Générale venant aux droits de la SA Crédit du Nord est déchue de son droit à intérêts à l’encontre de Mme [X] [Z] épouse [Y] sauf à préciser que cette déchéance porte sur les intérêts dus entre le 24 septembre 1996 et le 9 mai 2017 et dit que l’exécution provisoire est de droit ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau :

Déboute la Société Générale de toutes des demandes pécuniaires formées contre Mme [Y] ;

Y ajoutant :

Condamne la Société Générale aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Cabinet Badina & Associés ;

Condamne la Société Générale à payer à Mme [Y] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile comprenant les frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La greffière, Le conseiller pour la présidente empêchée,


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