La société SEHR, spécialisée dans l’exploitation d’hôtels et restaurants, a connu un litige avec l’un de ses associés, M. [R] [H]. Ce dernier, après avoir démissionné de ses fonctions de cogérant, a été accusé par les autres associés de détournement de fonds et de dettes envers la société. M. [R] [H] a, de son côté, affirmé que la société lui devait un remboursement de 48 054 euros pour son compte courant d’associé, en plus d’une somme prélevée à tort. Après une mise en demeure et une assignation en justice, le tribunal de commerce d’Antibes a reconnu une créance de 40 540,34 euros en faveur de M. [R] [H] et a condamné la société à le rembourser, tout en rejetant les demandes de la société concernant des compensations et un plan de remboursement. La société SEHR a fait appel de cette décision, contestant le montant dû et affirmant que M. [R] [H] était également redevable d’une somme à son égard. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires devant la cour d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 26 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/ 179
Rôle N° RG 20/09335 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGKTZ
S.A.R.L. EXPLOITATION DE L’HOTEL [4]
C/
[R] [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Camille MATHIEU-
BROSSON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d’ANTIBES en date du 10 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019/04084.
APPELANTE
Société EXPLOITATION DE L’HOTEL [4] S.A.R.L. prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉ
Monsieur [R] [H]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 3] (ITALIE) , demeurant [Adresse 5] ITALIE
représenté par Me Camille MATHIEU-BROSSON, avocat au barreau de GRASSE et assisté de Me Philippe CAMINADE, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société dénommée ‘exploitation de l’hôtel [4]’, soit la SEHR, est une société à responsabilité limitée qui a pour objet social la création, l’exploitation, l’acquisition, la prise en gérance libre de tous fonds de commerce d’hôtel-restaurant, brasserie, cafés et le commerce d’activités touristiques.
Le capital social de la SEHR , fixé à la somme de 149 200 euros était réparti comme suit :
– M. [K] :1 .549 parts sociales
– M. [Z] [V] : 4.668 parts sociales
– M. [R] [H] : 3.108 parts sociales
Début novembre 2017, M. [R] [H] a été nommé cogérant de la société SEHR.
La gérance de la SARL SEHR était alors assurée par les trois associés.
Le 17 avril 2018, une assemblée générale ordinaire s’est tenue actant la décision de
M. [R] [H] de démissionner de ses fonctions de cogérant.
A compter de septembre 2018, la société SEHR était alors co-gérée par deux de ses associés, M. [K] et M. [V].
M. [R] [H] est toujours associé au sein de la société SEHR.
Un litige va se nouer entre la société SEHR et M. [R] [H] concernant de supposées créances réciproques.
Pour les associés et la société SEHR, M. [R] [H] aurait détourné une certaine somme au préjudice de la société SEHR (en imputant à tort des sommes à la société SEHR) et lui serait redevable de dettes (au titre de frais de nourriture et de boisson et au titre de frais liés à d’autres procédures). La société SEHR soutient encore que, pour obtenir le remboursement de sa créance, elle a procédé par voie de compensation à partir du compte courant d’associé de M. [R] [H].
Pour M. [R] [H], c’est au contraire la société SEHR qui est sa débitrice, refusant de lui rembourser le solde créditeur de son compte courant d’associé (à hauteur de
48 054 euros).L’associé reprochait également à la société SEHR d’avoir prélevé, à tort, sur son compte courant d’associé, une certaine somme (d’environ 7500 euros) au titre d’une compensation qui n’avait pas lieu d’être.
M. [R] [H] affirmait que, du fait de cette compensation d’office pratiquée par la société SEHR sur son compte courant d’associé, le solde créditeur de son compte était ainsi injustement passé de 48 054 euros à 40 540, 34 euros.
Le 27 mai 2019, M. [R] [H] mettait en demeure la société SEHR de lui rembourser le solde créditeur de son compte courant d’associé à hauteur de 48 054 euros.
Le 28 octobre 2019, M. [R] [H] a fait assigner la société SEHR devant le tribunal de commerce d’Antibes en remboursement de son compte courant d’associé
Par jugement du 10 juillet 2020, le tribunal de commerce d’Antibes a :
-dit qu’il y a l’existence d’une créance détenue par M. [R] [H] es-qualités d’associé, contre la société SEHR, s’agissant de son compte courant d’associé à hauteur de 40.540,34 euros,
-condamné la société SEHR en paiement a M. [R] [H] la somme de 40.540,34 euros, au titre du remboursement de son compte-courant d’associé,
-débouté la société SEHR de sa demande de cantonner la somme de 967,31 euros et d’instaurer un séquestre préalablement au remboursement du compte courant à M. [R] [H],
-débouté la société SEHR de sa demande d’un plan de remboursement en 6 mensualités à partir du 1er novembre 2020,
-condamné la société SEHR au paiement à M. [R] [H] de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejeté comme inutile et infondée toute autre demande des parties,
-condamné la société SEHR aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros TTC dont TVA 10,56 euros.
Pour condamner la société SEHR à rembourser à M. [R] [H] de la somme de 40 540, 30 euros au titre de son compte courant d’associé, le tribunal retenait que, sur le principe, la société SEHR ne contestait pas devoir rembourser le solde créditeur de ce compte mais que, s’agissant du montant dû à l’associé, elle limitait sa reconnaissance de dette à la somme de 40 540, 30 euros.
Le tribunal ajoutait qu’il ressortait notamment du bilan que le compte courant de l’appelant au 31 décembre 2018 était de 40.540 euros.
Pour débouter la société SEHR de sa demande tendant à voir cantonner la somme de 967, 31 euros et d’instaurer un séquestre préalablement au remboursement du compte courant à M [H], le tribunal retenait pour partie une absence de preuve de l’existence de la dette et pour partie le fait que cette dette dépendait d’une autre décision en date du 5 juillet 2019.
Pour débouter la société SEHR de sa demande tendant à obtenir un plan de remboursement pour le paiement de sa dette à l’égard de M. [R] [H], le tribunal estimait que la règle de principe était que le prêteur pouvait à tout moment demander le remboursement des sommes mises à disposition de la société.
La société SEHR a formé appel contre cette décision suivant déclaration d’appel du 30 septembre 2020.
La déclaration d’appel était ainsi rédigée :Etant précisé que l’appel tend à la réformation et/ou l’annulation du jugement, en ce qu’il a :
– dit qu’il y al’existence d’une créance détenue par M. [R] [H] es qualité d’associé contre la société SEHR s’agissant de son compte courant d’associé à hauteur de 40.540,34 euros,
– condamné la société SEHR au paiement à M. [R] [H] de la somme de 40.540,34 euros au titre du remboursement de son compte courant d’associé,
– débouté la société SEHR de sa demande de cantonner la somme de 967,31 euros et instaurer un séquestre préalablement au remboursement du compte courant à M. [R] [H],
– débouté la SARL SEHR de sa demande d’un plan de remboursement en six mensualités à partir du 1er novembre 2020,
– condamné la SARL SEHR) au paiement à M. [R] [H] de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les autres demandes de la SARL SEHR,
– condamné la société SEHR aux entiers dépens.
L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance prononcée le 28 mai 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2021, la société SEHR demande à la cour de :
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
statuant à nouveau
-juger que le montant du compte courant d’associé de M. [R] [H] doit être fixé à la somme de 40.540, 34 euros,
-déclarer que la société SEHR n’a jamais contesté devoir s’acquitter du remboursement du compte courant d’associé de M. [R] [H] mais entendait s’assurer au préalable du paiement par ses soins des sommes que ce dernier restait lui devoir, tout comme elle l’a fait auprès de son père M. [Y] [H],
-juger que M. [R] [H] est manifestement redevable de la somme de 967, 31 euros à la SARL SEHR,
-juger que la SARL SEHR cantonnera la somme totale de 967, 31 euros (outre les intérêts de retard dus au titre du non règlement des frais judiciaires résultant de l’ordonnance rendue par le tribunal de commerce d’Antibes le 4 mars 2019) et instaurera un séquestre amiable de celle-ci préalablement au règlement du solde dû à M. [R] [H] au titre du remboursement de son compte courant d’associé, jusqu’à accord entre les parties ou décision judiciaire venant trancher leur différend sur cette somme,
-juger que la société SEHR n’est donc, en conséquence, redevable à M. [R] [H] que de la somme de 39.573, 03 euros comme il le prétend,
-juger que la société SEHR n’est pas en mesure, en l’état des engagements qu’elle s’est trouvée contrainte de prendre pour pouvoir bénéficier des prêts garantis par l’État, de procéder à la moindre distribution de sommes au profit de ses associés et mandataires jusqu’à parfait remboursement de ces emprunts ,
-juger que la SARL SEHR n’avait d’autre choix que d’y souscrire et qu’elle a ainsi protégé l’intérêt social, en ce compris celui de M. [R] [H],
-juger dès lors qu’elle est recevable et bien fondée à solliciter le plan de remboursement proposé, soit :
un moratoire jusqu’à échéance du remboursement complet des prêts garantis par l’État qui lui ont été consentis,
Le règlement des sommes dues à M. [R] [H] à compter du 1 er mois suivant
ladite échéance de la somme de 39.573, 03 euros, en 6 mensualités successives, chaque 1 er jour du mois, soit 6 mensualités de 6.595, 50 euros,
en tout état de cause,
-rejeter toutes fins, demandes et prétentions contraires de M. [R] [H],
-condamner M. [R] [H] à verser à la société la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la société Lexavoué Aix-en-Provence, Avocats associés aux offres de droit
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2021, M. [R] [H] demande à la cour de :
vu l’article 1104 et les articles 1874 et suivants du code civil
vu les articles 9, 32-1, 700 et 696 du code de procédure civile,
-débouter l’appelante de toutes ses demandes. fins et conclusions,
jugeant à nouveau,
-juger de l’existence d’une créance détenue par M.[R] [H] ès qualité d’associé, contre la société SEHR s’agissant de son compte courant d’associé à hauteur de 48.054 euros,
en conséquence
-condamner la SARL SEHR au paiement de la somme de 48.054 euros au titre du remboursement du compte courant d’associé de M. [R] [H],
-condamner la société SEHR au paiement de:
5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
1-sur la créance de la société SEHR sur M. [R] [H]
Aux termes de l’article 1353 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 :Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La société SEHR prétend qu’elle est la créancière de M. [R] [H] à hauteur d’une somme totale de 967, 31 euros.
Elle sollicite ensuite de la cour qu’elle juge que la SARL SEHR cantonnera la somme totale de 967, 31 euros (outre les intérêts de retard dus au titre du non règlement des frais judiciaires résultant de l’ordonnance rendue par le Tribunal de commerce d’Antibes le 4 mars 2019) et instaurera un séquestre amiable de celle-ci préalablement au règlement du solde dû à M. [R] [H] au titre du remboursement de son compte courant d’associé, jusqu’à accord entre les parties ou décision judiciaire venant trancher leur différend sur cette somme.
S’agissant de sa créance globale alléguée à hauteur de 967, 31 euros contre l’intimé, la société SEHR soutient que celle-ci résulte de l’addition de deux créances distinctes :
-une créance de 742, 50 euros au titre de l’arrêté de compte de l’intimé intitulé ‘Food et Beverage’,
-une créance de 227, 11 euros au titre des frais de procédure et intérêts de retard dus, comme rappelé au titre du procès-verbal de saisie-attribution du 5 juillet 2019.
En premier lieu, pour ce qui est de la créance de 742, 50 euros, elle correspondrait, selon la société SEHR, à un arrêté du compte ‘food et beverage’ de M. [R] [H] au sein de la société SEHR.
Cependant, en premier lieu, concernant le principe même d’une créance de la société SEHR au titre d’un compte ‘food et beverage’ ouvert au nom de M. [R] [H], la société ne produit aucun justificatif et aucune convention sur ce type de compte.
S’il est produit un courrier du 23 décembre 2018, adressé à M. [R] [H] par le gérant de la société SEHR, par lequel cette dernière réclame à l’associé ladite somme de
742, 50 euros, ledit courrier fait état de’facilités’ et d »offerts’ qui lui ont été accordées par la société.
Or, d’une part, il n’est pas question du compte ‘food et beverage’ dont il est fait état dans les conclusions de la société SEHR. D’autre part, ce courrier est très peu détaillé concernant l’origine et le détail de cette créance de 742, 50 euros. Les notions de ‘facilités’ et d »offerts’ ne sont pas clairement expliquées, le courrier indiquant seulement, sans plus de précisions, que des sommes auraient été prises en charge par la société au profit de M. [R] [H].
En effet, la société SEHR produit d’abord un tableau rédigé par elle, censé comptabiliser les sommes dues par les associés au titre du compte ‘food and beverage’. Cependant, outre le fait que rien n’est expliqué concernant ce compte ‘ food and beverage’, aucune pièce n’est annexée à ce tableau qui permettrait de vérifier le montant imputé à M. [R] [H] à hauteur de 742, 50 euros.
Toujours pour tenter de justifier d’une créance de 742,50 euros détenue sur M. [R] [H], la société SEHR produit également des tickets de caisse concernant des frais d’hébergement, de repas et de boissons. Toutefois, rien ne permet de savoir qui est à l’origine des dépenses mentionnées sur ces tickets de caisse et rien ne permet non plus d’avoir la certitude que les montants mentionnées sur les tickets ont été réglés par la société SEHR. Si certains de ces tickets comportent des mentions manuscrites sur des noms et prénoms, le prénom [R] n’apparaît qu’une seule fois, seul le nom [H] étant mentionné à plusieurs reprises. Or, à un moment donné, le père de M. [R] [H], soit M. [Y] [H] a été associé ou gérant de la société SEHR. Il existe donc une confusion possible entre le père et le fils concernant ces supposées dépenses remboursables. En tout état de cause, l’origine même de ces mentions manuscrites portées sur les tickets de caisse produits, censées démontrer l’auteur des dépenses concernées, est incertaine. Comme le soutient M. [R] [H], les tickets de caisse ne comportent aucune signature ou accord de ce dernier.
Si, sur le principe, la créance alléguée n’est pas certaine, l’incertitude et le doute subsistent en tout état de cause quant à son montant également.
Il résulte de ce qui précède que la société SEHR, en l’état des pièces produites et explications insuffisantes fournies par elle, ne démontre pas suffisamment sa première créance de 742,50 euros au titre du compte ‘Food et Beverage’ de M. [R] [H].
S’agissant ensuite de la créance de 227, 11 euros, il ressort des pièces produites et en particulier du procès-verbal de la saisie-attribution diligenté par la société SEHR contre M. [R] [H] que cette somme correspond d’une part aux intérêts de retard de la condamnation prononcée contre ce dernier au profit de la société SEHR par le juge des référés dans son ordonnance du 4 mars 2019 et d’autre part, aux frais d’exécution de ladite ordonnance de référé.
Toujours concernant cette créance, il y a lieu en effet de relever que, par ordonnance de référé du 4 mars 2019, M. [R] [H] a été condamné à payer à la société SERH une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile ainsi qu’aux dépens. C’est pour cette raison que la société SEHR a diligenté une procédure de saisie-attribution contre l’intimé.
Sur le principe, la société SEHR démontre donc bien détenir une créance de 227, 11 euros à l’encontre de l’intimé.
Si cette créance de 227, 11 euros résulte de frais d’exécution d’une autre procédure que celle qui est en cours devant la présente cour, il s’agit bien d’une créance de la société SEHR sur M. [R] [H], cette créance devant venir en déduction, par compensation, de la créance réciproque de M. [R] [H] sur la société SEHR.
Cette créance de la société SEHR contre M. [R] [H] existe bien et elle doit se compenser avec la créance réciproque en compte de ce dernier.
Dés lors que les créances démontrées de la société SEHR se sont éteintes par compensation avec la créance en compte de l’intimé, les demandes de la société SEHR de cantonnement et de voir instaurer un séquestre amiable sont infondées.
Quand bien même la société SEHR détient effectivement une créance de 227, 11 euros sur M. [R] [H] (et non pas de 967, 31 euros contrairement à ce qu’elle soutient à tort), la société SEHR ne démontre en tout état de cause pas suffisamment en quoi elle serait fondée à obtenir un cantonnement la désignation d’un séquestre amiable préalablement au remboursement à l’intimé de sa propre créance.
En tout état de cause, la société SEHR sollicite la compensation entre sa créance et celle de M. [R] [H], puisque, nonobstant le fait qu’elle ne se réfère pas explicitement et expressément à la notion de compensation, elle demande à la cour de juger qu’elle n’est redevable que de la seule somme de 39 573, 03 euros et non celle de 40 540,34 euros.
Or, pour dire que sa dette à l’égard de l’intimé n’est plus que de 39 573, 03 euros et non pas de 40 540,34 euros, la société SEHR déduit de la créance de M. [R] [H] retenue par le tribunal, le montant de sa propre créance sur ce dernier.
Ni le cantonnement, ni le séquestre amiable réclamés par la société SEHR ne s’imposent donc, la cour ayant tranché le différend opposant les parties sur le montant de la créance de la société SEHR.
La cour confirme le jugement en ce qu’il rejette les demandes de la société SEHR de cantonnement et de désignation d’un séquestre.
En revanche, conformément à la demande implicite de la société SEHR, il sera opéré compensation entre les créances réciproques des parties (dont celle à hauteur de 227, 11 euros détenue par la société SEHR).
2-sur la créance de M. [R] [H] sur la société SEHR
Aux termes de l’article 1353 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 :Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
M. [R] [H] sollicite la condamnation de la société SEHR à lui rembourser la somme de 48 053, 66 euros au titre de son compte courant d’associé créditeur. Il forme donc un appel incident contre le jugement, lequel a limité son remboursement à la seule somme de
40 540,34 euros.
Il est de principe le droit au remboursement de son compte est reconnu, à l’associé prêteur. Sa qualité d’associé n’a pas d’influence sur ce droit, sauf circonstances particulières.
Ainsi, en l’absence de clause statutaire contraire, un associé est fondé à obtenir à tout moment la restitution des avances en compte courant consenties à la société.
S’agissant de la preuve des sommes versées sur un compte courant d’associés, les versements réalisés par un associé sur le compte de la société devaient être inscrits sur son compte courant d’associé et lui être remboursés dès lors que la réalité des transferts est établie et que la société ne rapporte pas la preuve d’une utilisation spécifique des fonds.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’intimé, qui a la qualité d’associé de la société SEHR, dispose d’un compte courant d’associé au sein de cette dernière dont le solde est créditeur.
Sur le principe, l’action de M. [R] [H] en remboursement du solde créditeur de son compte courant d’associé ouvert au sein de la société SEHR est donc bien fondée.
Concernant toutefois le montant concerné par l’action en remboursement, les parties sont en désaccord. Pour l’intimé, le solde créditeur qui doit lui être remboursé par la société SERH est de 48 054 euros (ce qui correspond au montant maximal qui existait sur son compte courant
d’associé) tandis que pour la société SEHR ce montant doit être limité à 40 540 euros, montant retenu par le tribunal.
Pour démontrer que son compte courant au sein de la société SEHR a, à un montant donné, atteint un solde créditeur de 48 054 euros, M. [R] [H] produit un relevé dudit dont il résulte qu’effectivement ce solde s’est bien élevé, à un moment donné, à 48 053, 66 euros comme il le prétend avant de diminuer à 40 540, 34 euros.
L’analyse du document établit que la différence entre ces deux soldes créditeurs correspond à plusieurs prélèvements ayant été effectués sur le compte de M. [R] [H] dont certains s’intitulent ‘offerts’.
La société SEHR ne remet pas en cause l’authenticité du relevé de compte courant produit par M. [R] [H] et ne conteste pas non plus la réalité des chiffres figurant sur ledit relevé.
Or, s’agissant des ces prélèvements intitulés ‘offerts’, qui ont diminué le solde créditeur, la société SEHR ne s’explique pas, ne démontre pas à quoi ils correspondent. La société SEHR ne nie pas non plus qu’elle en est à l’origine et ne soutient pas, en tout état de cause, que ces prélèvements auraient été effectués par l’associé lui-même.
Bien au contraire, dans ses conclusions, la société SEHR reconnaît avoir opéré elle-même des prélèvements sur le compte courant d’associé de l’intimé afin, selon elle, de procéder à une déduction des sommes ‘que celui-ci doit incontestablement à la société’ et de ‘procéder par voie de compensation’.
S’agissant des prélèvements ayant été faits par la société SEHR sur le compte courant d’associé de l’intimé, il résulte du relevé de compte, partiellement lisible, produit aux débats par M. [R] [H], qu’ils ont eu lieu entre janvier et décembre 2018, qu’ils sont intitulés ‘offerts’ ou ‘offerts clients’ et, enfin, qu’ils sont d’un montant total de 8862, 32 euros.
Concernant le bien-fondé lesdits prélèvements, la société SEHR ne produit pas suffisamment aux débats de pièces et justificatifs pour démontrer qu’elle était détentrice d’une créance sur M. [R] [H] à hauteur des sommes prélevées par elle entre janvier et décembre 2018 pour un montant total précis de 8862, 32 euros. En effet, la société SERH produit une liasse de pièces mais sans détailler précisément en quoi ces pièces renseigneraient sur la licité des compensations qu’elle s’est octroyées sans l’accord de l’associé.
En conséquence, la société SEHR n’établit pas qu’elle était fondée à procéder à des prélèvements à hauteur de 8862, 32 euros sur le compte courant d’associé de M. [R] [H].
Concernant le montant des prélèvements à restituer à M. [R] [H], ils seront cependant limités à 8000 euros, compte tenu des limites de la saisine de la cour et de la demande en ce sens de l’intéressé.
Il résulte de ce qui précède que non seulement, M. [R] [H] établit la réalité de versements et de transferts de sa part de fonds à hauteur d’une somme maximale de
48 053, 66 euros sur son compte courant d’associé mais également que, de son côté, la société SEHR ne parvient pas à démontrer qu’elle était en droit d’opérer des prélèvements à hauteur d’environ 8000 euros sur le compte courant de l’intimé.
M. [R] [H] est bien-fondé à solliciter le remboursement de son compte courant d’associé à hauteur de la somme de 48 054 euros et c’est à tort que le tribunal de première instance a cru devoir limiter ce remboursement à la seule somme de 40.540,34 euros.
Toutefois, compte tenu de l’existence d’une créance d’un montant de 227, 11 euros, détenue par la société SEHR sur M. [R] [H], la compensation opère et la société SEHR n’est plus que redevable d’une créance résiduelle de 47 826, 89 euros envers ce dernier.
Infirmant le jugement, la cour condamne la société SEHR à payer M. [R] [H] la somme de 47 826, 89 euros, après compensation avec la créance de 227, 11 euros de la société SEHR sur M. [R] [H], au titre du remboursement de son compte-courant d’associé.
3-sur la demande de la société SEHR de délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016 :Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.Toute stipulation contraire est réputée non écrite.Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
La société SEHR, qui sollicite un délai de paiement avec 6 mensualités, ne démontre ni la réalité de son supposé engagement pris auprès de l’Etat de ne procéder à aucun remboursement de compte courant d’associé, ni la réalité de ses difficultés financières actuelles.
En tout état de cause, le fait de rembourser un compte courant à un associé n’est pas une distribution d’un bénéfice à ce dernier mais seulement la restitution de son apport, ce qui n’est donc pas interdit par le prêt de l’Etat.
Par ailleurs, la société SEHR a déjà bénéficié, dans les faits, de larges délais de paiement pour s’acquitter de son dû auprès de M. [R] [H] dès lors que celui-ci lui réclame le remboursement du solde créditeur de son compte depuis le mois de mai 2019.
S’agissant de la dette de M. [R] [H] à l’égard de la société SEHR, celle-ci ne pouvait faire non plus obstacle au remboursement, au moins partiel, de son compte courant d’associé. En effet, la société SEHR pouvait invoquer la compensation partielle entre sa créance et celle de l’associé et rembourser dès lors le montant résiduel dû à ce dernier (étant précisé que la créance de M. [R] [H] était bien plus importante que la créance de la société SEHR).
Confirmant le jugement, la cour rejette la demande de délais de paiement de la société SEHR.
4-sur la demande de l’intimé de dommages-intérêts pour procédure abusive
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu l’article 32-1 du code de procédure civile,
M. [R] [H] sollicite la condamnation de la société SEHR à lui payer la somme de 2000 euros de dommages-intérêts pour abus de droit, invoquant la résistance abusive au paiement de la société SEHR et son appel dilatoire. Concernant son préjudice en lien avec les abus allégués, M. [R] [H] affirme que cet appel l’a mis en difficulté, ajoutant que la somme dont il est privé est importante.
Toutefois, dès lors que c’est M. [R] [H] qui est lui-même à l’origine de la procédure et non la société SEHR, et que cette dernière n’a fait qu’exercer un droit en ayant formé un appel, aucun abus de droit d’agir en justice n’est établi.
S’agissant ensuite de la résistance abusive au paiement, celle-ci n’est pas davantage démontrée, la société SEHR ayant pu croire être fondée à ne pas rembourser l’intimé au regard de l’existence de créances réciproques.
Enfin, M. [R] [H] ne démontre pas suffisamment le préjudice dont il a pu souffrir suite à la privation du remboursement du solde créditeur de son compte courant d’associé.
La cour ne peut que débouter l’intimé de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.
5-sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société SEHR sera condamnée aux entiers dépens et à payer une somme de 2000 euros à M. [R] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société SEHR est déboutée de ses demandes au titre des dépens et des indemnités de procédure.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :
-confirme le jugement concernant le rejet de la demande de la société SEHR de délais de paiement, concernant le rejet de la demande de M. [R] [H] de dommages-intérêts et enfin concernant l’article 700 et les dépens,
-infirme le jugement quant au surplus de ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau et y ajoutant,
-dit que la société SEHR dispose d’une créance de 227, 11 euros sur M. [R] [H],
– confirme le jugement en ce qu’il rejette les demandes de la société SEHR de cantonnement et de désignation d’un séquestre au titre de ses supposées créances,
-condamne la société SEHR à payer M. [R] [H] de la somme de 47 826, 89 euros, après compensation avec une créance de 227, 11 euros de la société SEHR sur M. [R] [H], au titre du remboursement de son compte-courant d’associé,
-rejette la demande de la société SEHR au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamne la société SEHR à payer une somme de 2000 euros à M. [R] [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamne la société SEHR aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT