Validité du Cautionnement : Importance de la Mention Manuscrite Précise

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Validité du Cautionnement : Importance de la Mention Manuscrite Précise

Le 23 juin 2015, la SA Banque Populaire du Sud a accordé un prêt de 166 000 euros à la Selarl Azur Imagerie Médiale, avec Mme [R] [X] [F] comme caution solidaire. Un avenant en février 2017 a prolongé le prêt de trois mois. En mars 2020, la Selarl a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation en juillet 2020, et la banque a déclaré sa créance. Après plusieurs mises en demeure infructueuses, la banque a assigné Mme [X] [F] en octobre 2020 pour obtenir le remboursement de 66 335,97 euros. Le tribunal de Montpellier a débouté Mme [X] [F] de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement et l’a condamnée à payer la somme due, ainsi que des intérêts et des frais. Mme [X] [F] a fait appel de ce jugement, demandant la nullité de l’acte de cautionnement. La banque a demandé la confirmation du jugement en appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
22/03733
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/03733 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PPRN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 juin 2022

Tribunal Judiciaire de Montpellier – N° RG 20/04734

APPELANTE :

Madame [R] [X] [F]

née le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (59)

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me François BORIE de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Jenna CHASTEL, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me François BORIE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :

S.A. Banque Populaire du Sud société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable régie par les articles L.512-2 et suivants du Code monétaire et financier et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédits, intermédiaire d’assurance inscrit à l’ORIAS sous le n°07 02 3534 – TVA n° FR29 554200808, dont le siège social est [Adresse 3], inscrite au RCS de PERPIGNAN sous le numéro SIREN 554 200 808, venant aux droits des sociétés Banque Dupuy de Parseval, Banque Marze et Crédit Maritime à compter du 1 er juin 2019 suite à des opérations de fusion-absorption, agissant par son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent SALLELES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Juillet 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe BRUEY, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

lors de la mise à disposition : Madame Henriane MILOT

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 23 juin 2015, la SA Banque Populaire du Sud venant aux droits de la Banque Dupuy de Parseval a consenti à la Selarl Azur Imagerie Médiale un prêt de 166 000 euros, au taux de 2,60 % l’an, remboursable en 84 mensualités. Par avenant du 22 février 2017, il a été convenu une période de franchise de 3 mois avec prorogation du prêt pour la même durée.

Le 23 juin 2015, Mme [R] [X] [F] s’est portée caution solidaire du remboursement du crédit dans la limite de 199 200 euros.

Par jugement du tribunal judiciaire du 5 mars 2020, la Selarl Azur Imagerie Médicale a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation par jugement du 9 juillet 2020. La banque a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire le 2 juin 2020.

Les 2 juillet et 17 août 2020, par lettres recommandées avec avis de réception, la SA Banque Populaire du Sud a vainement mis en demeure Mme [X] [F] d’avoir à régler les sommes dues au titre de son engagement de caution.

Par acte du 23 octobre 2020, la SA Banque Populaire du Sud a assigné Mme [X] [F] devant le tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 66 335,97 euros au titre de son engagement de caution.

Par jugement contradictoire du 16 juin 2022, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

– débouté Mme [R] [X] [F] de sa demande de nullité de l’acte de cautionnement ;

– condamné Mme [R] [X] [F] en sa qualité de caution à payer à la banque la somme de 66 335,97 euros assortie des intérêts au taux contractuel majoré de 5,60 % à compter du 18 août 2020, jusqu’à complet paiement ;

– dit que les intérêts seront capitalisables annuellement ;

– condamné Mme [X] [F] à payer à la banque la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé l’exécution provisoire ;

– rejeté les demandes plus amples ou contraires ;

– condamné Mme [X] [F] aux dépens.

– rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Le 8 juillet 2022, Mme [X] [F] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 29 septembre 2023, Mme [X] [F] demande à la cour de :

Juger que la mention manuscrite figurant dans l’acte de cautionnement n’est pas conforme aux dispositions de l’ancien article L. 341-2 du code de la consommation ;

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau,

Prononcer la nullité de l’acte de cautionnement ;

Débouter la banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner la banque aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par uniques conclusions remises par voie électronique 9 décembre 2022, la banque demande à la cour de :

Confirmer le jugement,

Y ajoutant,

Condamner Mme [X] [F] aux dépens de l’instance d’appel et à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu l’ordonnance de clôture du 10 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la mention manuscrite du contrat de cautionnement

En vertu des dispositions de l’article L 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, « Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. » ».

A partir de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ce texte a été repris à l’article L. 331-1 du code de la consommation. Il a été appliqué rigoureusement par la jurisprudence.

Ainsi, dans un arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation a jugé que :

« Attendu que pour rejeter la demande de nullité du cautionnement et condamner la caution à payer à la banque la somme principale de 495 000 euros, l’arrêt retient que l’identification du « bénéficiaire du crédit » figurant dans la mention manuscrite ressort aisément de la lecture de la première page de l’acte, étant précisé que chaque page est numérotée et datée, et qu’étant gérant de la société, la caution ne pouvait pas ignorer la teneur de la convention de compte courant qu’elle avait signée une année plus tôt au nom et pour le compte de la société ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la lettre X de la formule légale doit être remplacée, dans la mention manuscrite apposée par la caution, par le nom ou la dénomination sociale du débiteur garanti, la cour d’appel a violé le texte susvisé (…) ;

« Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 août 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bastia » (Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-24.400, Bull. 2018, IV, n° 58).

En l’espèce, la mention manuscrite en dernière page de l’acte du 23 juin 2015 suivie de la signature de la caution est ainsi libellée:

« En me portant caution du bénéficiaire du crédit dans la limite de la somme de 199 200 € (cent-quatre-vingt-dix-neuf mille deux cent euros) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 8 ans, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si le bénéficiaire du crédit n’y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec le bénéficiaire du crédit, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement le bénéficiaire du crédit. ».

La cour ne peut que constater que cette mention manuscrite ne spécifie pas précisément l’identité du bénéficiaire du crédit, à savoir la « société Azur imagerie médicale », et se contente de faire état du « bénéficiaire du crédit ».

Le cautionnement contrevient donc aux dispositions susvisées de l’article L 341-2 du code de la consommation et est donc nul, puisque dans la mention portée par la caution sur l’acte, le débiteur principal n’est pas désigné par son nom ou sa dénomination sociale mais par l’indication du « bénéficiaire du crédit ».

C’est donc à tort que le juge de première instance a considéré que la caution, dirigeante de la société débitrice (société Azur imagerie médicale ), ne pouvait ignorer la portée de ses engagements alors qu’elle a elle-même signé l’acte de prêt le même jour en sa qualité de gérante.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation déjà citée (Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-24.400, arrêt déjà cité), il importe peu que le bénéficiaire du crédit puisse être identifié dans le reste de l’acte de cautionnement.

Il convient, en conséquence, de prononcer l’annulation du cautionnement, de débouter la banque de ses demandes en paiement et d’infirmer le jugement de première instance.

Sur les autres demandes

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné Mme [R] [X] [F] à payer à la SA Banque Populaire du Sud une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Banque Populaire du Sud qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 16 juin 2022 du tribunal judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce l’annulation de l’acte de cautionnement du 23 juin 2015,

Déboute la SA Banque Populaire du Sud de ses demandes en paiement,

Condamne la SA Banque Populaire du Sud aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à Mme [R] [X] [F] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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