Clarification des responsabilités en matière de dommages et recours à la provision

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Clarification des responsabilités en matière de dommages et recours à la provision

La SCP Measson Dussaut, représentée par la SASU Vethau puis la SELAS Mon Véto, a confié des travaux à la SAS Ferronnerie Adam, comprenant la fourniture et pose de persiennes, d’un habillage mural et d’une enseigne, ainsi qu’une découpe laser. Suite à des désordres constatés, la SCP a assigné la SAS Ferronnerie Adam devant le tribunal pour expertise. Un rapport d’expertise a révélé plusieurs désordres, dont des efflorescences et des coulures de rouille. En janvier 2024, le juge des référés a condamné la SAS Ferronnerie Adam à verser une somme provisionnelle pour la reprise des travaux liés à l’un des désordres, tout en déboutant la demande de dommages et intérêts. La SELAS Mon Véto a fait appel de cette décision, demandant des condamnations supplémentaires pour les désordres non pris en compte. La SASU Ferronnerie Adam a contesté sa responsabilité, tandis que la SMABTP et la SA Solatrag ont demandé la confirmation de l’ordonnance. L’instruction a été clôturée en juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
24/00432
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 24/00432 – N° Portalis DBVK-V-B7I-QDJW

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 19 JANVIER 2024

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BEZIERS

N° RG 23/00697

APPELANTE :

SELAS MON VETO, venant aux droits de la SASU VETHAU suivant acte de fusion-absorption, inscrite au RCS de MELUN sous le n° 431 982461, dont le siège social est

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean Marc NGUYEN-PHUNG de la SELARL SELARL PHUNG 3P, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Emilie TURCAN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEES :

S.A.S.U. FERRONNERIE ADAM prise en la persone de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

S.A. SMABTP

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Benjamin JEGOU de la SCP SELARL AVOCARREDHORT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

S.A. SOLATRAG représentée par son président directeur général domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Benjamin JEGOU de la SCP SELARL AVOCARREDHORT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 05 Juin 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 juin 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Gilles SAINATI, président de chambre

M. Thierry CARLIER, conseiller

M. Fabrice DURAND, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Hélène ALBESA

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Hélène ALBESA, greffier.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCP Measson Dussaut aux droits de laquelle est venue la SASU Vethau puis aujourd’hui la SELAS Mon Véto a confié des travaux à la SAS Ferronnerie Adam.

Ces travaux ont fait l’objet de trois devis établis le 1er novembre 2019 et consistent en :

– La fourniture et pose de persiennes fixes et roulantes pour un montant de 10 255,20 euros TTC ;

– La fourniture et la pose d’un habillage mural pour un montant de 11 540,40 euros TTC ;

– La fourniture et la pose d’une enseigne pour un montant de 16 436,40 euros TTC.

Un quatrième devis a été établi le 14 novembre 2019 pour la découpe Laser sur tôle, pour un montant de 2 016 euros toutes taxes comprises.

La SA Solatrag, assurée par la SMABTP, est intervenue dans la réalisation des travaux.

Se plaignant de désordres, la SCP Measson Dussault a fait assigner la SAS Ferronnerie Adam devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers aux fins d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, le juge des référés a ordonné une expertise et désigné Monsieur [I] [P] pour la réaliser.

Par ordonnance du 4 novembre 2022, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la SA Solatrag et à son assureur la SMABTP.

Le 24 février 2023, l’expert a déposé son rapport, il retient plusieurs désordres, notamment ;

– Désordre n° 1 : apparition d’efflorescences blanchâtres sur les lames de brise soleil ;

– Désordre n° 3 : coulures de rouille sur le bandeau d’enseigne.

Par exploits de commissaire de justice des 20 et 31 juillet 2023, la SASU Vethau a fait assigner la SAS Ferronnerie Adam, la SA Solatrag et son assureur la SMABTP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de sommes provisionnelles pour la reprise des travaux outre des dommages et intérêts.

Par ordonnance du 19 janvier 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers a :

– Dit n’y avoir lieu à référé sur le fondement de l’article 834 du code de procédure civile ;

– Dit n’y a voir lieu à référé sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile s’agissant du désordre n° 1 ;

– Condamné la SAS Ferronnerie Adam à payer à la SASU Vethau la somme provisionnelle de 10 200 euros toutes charges comprises correspondant aux travaux de reprise du désordre n°3 ;

– Dit que la précédente condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente ordonnance et qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

– Dit n’y avoir lieu à réactualisation de la créance en application de l’indice BT01 ;

– Débouté la SASU Vethau de sa demande de dommages et intérêts ;

– Condamné provisoirement la SAS Ferronnerie Adam, au paiement des entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire ;

– Condamné la SAS Ferronnerie Adam à payer à la SASU Vethau la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rappelé que la décision bénéficiait de l’exécution provisoire.

Par déclaration d’appel cantonné, reçue par le greffe le 25 janvier 2024, la SELAS Mon Véto venants aux droits de la SASU Vethau suivant acte de fusion-absorption, a relevé appel de cette ordonnance en ce qu’elle a :

– Dit n’y avoir lieu à référé sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile s’agissant du désordre n° 1.

Dans ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 19 mars 2024, la SELAS Mon Véto demande à la cour d’appel de :

– Confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a condamné à titre provisionnel solidairement les sociétés Ferronerie Adam et Solatrag à payer la somme totale de 10 200 euros, somme à réactualiser par application de l’indice BT 01, outre les intérêts de droits à compter du 5 août 2021, au titre des travaux de reprise du désordre n°3 ;

– Infirmer la même ordonnance partiellement ;

– Condamner à titre provisionnel solidairement les sociétés Ferronerie Adam, Solatrag et SMABTP à payer la somme totale de 12 000 euros, somme à réactualiser par application de l’indice BT 01, outre les intérêts de droits à compter du 5 août 2021, montant nécessaire à la reprise du désordre n° 1 ;

– Les condamner sous la même solidarité à payer à titre provisionnel la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;

– Ordonner que conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus qui seraient dus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts ;

– Les condamner sous la même solidarité à payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en ce compris le coût de l’expertise et celui de tous constats établis.

Dans ses dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 13 mars 2024, la SASU Ferronnerie Adam demande à la cour d’appel de :

– Juger que seule la responsabilité délictuelle de la société Solatrag peut être recherchée ;

– Tenant la difficulté sérieuse soulevée par les conclusions du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [P] et l’absence d’urgence démontrée ;

– Confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé n’y avoir lieu à référé s’agissant du désordre n°1 ;

– Infirmer l’ordonnance entrepris pour le surplus en ce qu’elle a :

o Condamné la SASU Ferronnerie Adam à payer la somme provisionnelle de 10 200 euros toutes taxes comprises correspondant aux travaux de reprise du désordre n° 3 ;

o Condamné la SASU Ferronnerie Adam aux entiers dépens ;

o Condamné la SASU Ferronnerie Adam à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejeter l’ensemble des demandes provisionnelles in solidum formées à l’encontre de la SASU Ferronnerie Adam ;

En tout état de cause :

– Condamner toute partie succombante au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de la SASU Ferronnerie Adam par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions, enregistrées par le greffe le 22 mars 2024, la SMABTP et la SA Solatrag demandent à la cour d’appel de :

– Confirmer l’ordonnance de référé du 19 janvier 2024 ;

Si mieux n’aime la cour, statuant à nouveau :

– Dire n’y avoir lieu à référé sur la demande formée par la société Mon Véto à l’encontre la société Solatrag et de la SMABTP ;

– Débouter la société Mon Véto de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

En toute état de cause :

– Condamner la société Mon Véto à verser à la société Solatrag la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Mon Véto à verser à la SMABTP la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la société Mon Véto aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 5 juin 2024.

MOTIFS

Sur les effets du cantonnement de l’appel.

La SASU a formé un appel à l’égard de l’ordonnance de référé du 19 janvier 2024 (cf DA du 25 janvier 2024) cantonné au désordre n°1 et aucun appel incident n’est venu élargir la saisine de la cour, situation que soulèvent la compagnie SMABTP et la SA SOLATRAG,

En conséquence toute autre demande est irrecevable, la décision du juge des référé étant définitive pour les autres points qui figurent dans le dispositif de l’ordonnance.

Sur la demande de provision au titre du désordre n° 1 (le brise soleil)

Le juge des référés a estimé qu’il n’y avait pas lieu à référé car :

– Si l’existence de la créance n’est pas sérieusement contestable, l’expert n’a pas précisé expressément le taux de responsabilité qu’il impute à la SAS Ferronnerie Adam et à la SA Solatrag ;

– Ce taux de responsabilité nécessite une appréciation qui échappe à la compétence du juge des référés, un débat au fond apparaissant opportun sur ce point.

La SELAS Mon Véto venant aux droits de la SASU Vethau demande l’infirmation de l’ordonnance et estime que l’expert a conclu à ce que les fautes cumulées de la SAS Ferronnerie Adam et la SA Solatrag ont participé directement au dommage et il importe peu à ce stade et pour la SELAS Mon Véto que la quote-part de responsabilité de chacune des entreprises responsables soit précisément déterminée ; chaque responsable doit être condamné à réparer l’entier dommage. En d’autres termes, il n’y aurait pas lieu à tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs qui n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers mais non le caractère et l’étendue de leur obligation à l’égard de la victime.

La SASU Ferronnerie Adam, en demandant la confirmation de l’ordonnance, souligne que l’expert a retenu minoritairement sa responsabilité et la SASU Vethau ne précise pas le fondement juridique de cette condamnation si ce n’est l’urgence ou l’absence de contestation sérieuse. Dès lors, il n’appartient pas au juge des référés de déterminer la quote-part de responsabilité des deux entreprises. La demande se heurte à une difficulté sérieuse.

La SA Solatrag et son assureur la SMABTP demandent la confirmation de l’ordonnance.

Ils estiment que la demande se heurte à une contestation sérieuse car l’analyse livrée par l’expert et les conséquences juridiques qui peuvent s’en évincer en termes de responsabilité de la SA Solatrag appellent des contestations et points de discussion (par ex. l’analyse d’une éventuelle faute) qui ne relèvent pas de la compétence du juge des référés.

Il ressort de l’analyse du rapport d’expertise que la responsabilité du désordre incombe à la SASU Ferronnerie Adam et à son sous-traitant la société Solatrag, c’est du reste ce que constate le premier juge en estimant que « la créance n’est pas sérieusement contestable » , toutefois il n’en tire pas les conséquences à l’égard de la SASU Vethau qui détient indubitablement une créance évaluée à 12 000 euros à l’égard des deux co-débiteurs, le juge des référé étant compétent au sens de l’article 835 al 1 « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire » et donc de statuer sans avoir a envisager un partage de responsabilités.

En conséquence, l’ordonnance de référé sera infirmée et la SASU Ferronnerie Adam et la société Solatrag et l’assurance SMABTP condamnées in solidum à payer la somme à la SELAS Mon Véto venant aux droits de la SASU Vethau la somme totale de 12 000 euros, somme à réactualiser par application de l’indice BT 01, outre les intérêts de droits à compter du 5 août 2021, montant nécessaire à la reprise du désordre n°1, avec application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La SASU Ferronnerie Adam et la société Solatrag et leurs assureurs, succombants, seront condamnés in solidum à payer à la SELAS Mon Véto venant aux droits de la SASU Vethau , en cause d’appel, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable toute autre demande compte tenu de l’appel cantonné au désordre n°1;

Statuant sur le seul chef concernant le désordre n°1 ;

Infirme l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de béziers en date du 19 janvier 2024 ;

Condamne in solidum la SASU Ferronnerie Adam et la société Solatrag et la compagnie d’assurances SMABTP à payer à la SELAS Mon Véto venant aux droitsde la SASU Vethau la somme totale de 12 000 euros, somme à réactualiser par application de l’indice BT 01, outre les intérêts de droit à compter du 5 août 2021, montant nécessaire à la reprise du désordre n°1, avec application de l’article 1343-2 du code civil.

Condamne in solidum la SASU Ferronnerie Adam et la société Solatrag et la compagnie d’assurances SMABTP à payer à la SELAS Mon Véto venant aux droitsde la SASU Vethau, la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700du code de procédure civile et aux entiers dépens.

le greffier le président


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