Le 11 août 2008, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie a accordé un prêt immobilier de 106 000 € à M. [I] et Mme [G]. En juillet 2014, le couple s’est séparé, et en octobre 2016, une ordonnance a attribué à M. [I] la charge exclusive des mensualités du prêt. Le divorce a été prononcé en décembre 2018. À partir de novembre 2020, les paiements ont cessé. En 2021, la banque a mis en demeure les débiteurs, entraînant la déchéance du terme. En août 2021, la banque a assigné M. [I] et Mme [G] pour obtenir le paiement de la dette. Le tribunal a condamné les deux à payer une somme de 79 941,11 € avec intérêts, et a également condamné M. [I] à verser une somme à Mme [G]. M. [I] a fait appel de ce jugement en février 2023, demandant une révision des montants dus et un échelonnement de paiement. Mme [G] a également contesté le jugement, arguant que certaines clauses du prêt étaient abusives et demandant l’inexigibilité de la créance. La banque a demandé la confirmation du jugement initial, tout en révisant le montant de la créance.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/00827 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PW7G
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 10 janvier 2023
Tribunal judiciaire de Perpignan – N° RG 21/02044
APPELANT :
Monsieur [U] [I]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Wendy SORIANO, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
Madame [M] [G]
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 7] (PORTUGAL)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué sur l’audience par Me Sarah BABAHACENE, avocat au barreau de MONTPELLIER
LA Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie
exerçant sous le nom commercial Crédit Agricole des Savoie
immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’ANNECY sous le numéro 302 958 491,
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Julien CODERCH de la SCP SAGARD – CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l’audience par Me Philippe CODERCH HERRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 juillet 2024,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Philippe BRUEY, Conseiller
Mme Marie-José FRANCO, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
lors de la mise à disposition : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
* *
FAITS ET PROCÉDURE
1- Le 11 août 2008, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie (ci-après CRCAM / la banque) a consenti à M [U] [I] et Mme [M] [G], alors son épouse, un prêt immobilier n°00000128265 d’un montant de 106 000 €, productif d’intérêts au taux annuel de 5,3 % remboursable en 300 mensualités.
2- En juillet 2014, le couple s’est séparé.
3- Le 10 octobre 2016, l’ordonnance de non conciliation a mis à la charge exclusive de M [I] les mensualités de l’emprunt s’agissant d’un bien propre du mari.
Le 3 décembre 2018, un jugement de divorce a été rendu et transcrit sur les actes d’état civil le 12 avril 2019.
4- A compter du 15 novembre 2020, les échéances du prêt ont cessé d’être honoré.
5- Les 27 avril et 1er juin 2021, par lettres recommandées avec accusés de réception, la banque a mis en demeure les débiteurs d’avoir à régulariser leur situation, sans succès, emportant déchéance du terme.
6- C’est dans ce contexte que par acte du 24 août 2021, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Savoie a fait assigner M. [G] et Mme [I] afin d’obtenir paiement.
7- Par jugement réputé contradictoire, M. [I] n’ayant pas constitué avocat, rendu sous le bénéfice de l’exécution provisoire, en date du 10 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Perpignan a :
Condamné solidairement M [I] et Mme [G] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 79 941,11 €, outre les intérêts au taux de 5,30 % l’an sur la somme de 79 387,79 € depuis le 21 juillet 2021 jusqu’au complet paiement ;
Condamné M [I] à payer à M [G] la somme de 39 970,55 € correspondant à sa condamnation au titre de l’action récursoire ;
Condamné M [I] à verser à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné M [I] et Mme [G] aux entiers dépens ;
Rejeté les demandes plus amples ou contraires.
8- Le 13 février 2023, M [I] a relevé appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS
9- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 10 mai 2023, M. [I] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :
Constater que le montant de la dette due à la CRCAM est de 79 050,16 € ;
Condamner Mme [G] à payer à la CRCAM la somme de 55 335,112 € ;
Constater que M [I] est redevable de la somme de 23 715,04 € ;
Accorder un échelonnement de paiement à M [I] à hauteur de 450 € par mois pour régler sa dette à hauteur de 23 715,04 € ;
Condamner Mme [G] à payer la somme de 2 000 € à M [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
10- Par uniques conclusions remises par voie électronique le 10 août 2023, Mme [G] demande à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné solidairement avec M [I] à payer à la CRCAM la somme de 79 941,11 €, outre les intérêts au taux de 5,30 % l’an sur la somme de 79 387,79 € depuis le 21 juillet 2021 jusqu’au complet paiement, ainsi qu’aux entiers dépens, et statuant à nouveau, de :
Juger que la clause d’exigibilité immédiate du prêt en cas de défaillance de l’emprunteur comprise dans l’offre de prêt est abusive ;
Juger que la CRCAM s’est rendue coupable d’une faute à l’égard de Mme [G] ;
Réputer non écrite la clause abusive ;
En conséquence,
Prononcer l’inexigibilité de la totalité de la créance réclamée par la CRCAM tenant l’absence totale de préavis d’une durée raisonnable ;
Débouter la CRCAM de sa demande tendant à voir condamner M [I] et Mme [G] à la somme de 79 941,11 € outre les intérêts au taux de 5,30 % l’an sur la somme de 79 387,79 € depuis le 21 juillet 2021, date de la mise en demeure, jusqu’au complet paiement ;
Pareillement, débouter la CRCAM de sa demande tendant à voir condamner M [I] et Mme [G] à la somme de 86 925,40 € outre les intérêts sur la somme de 72 197,43 € au taux de 5,30 % depuis le 23 mai 2023, jusqu’au complet paiement ;
Plus encore, prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM tenant l’existence d’une clause abusive constitutive d’une faute ;
A défaut, substituer le taux légal au taux conventionnel ;
En toutes hypothèses,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions. En conséquence, condamner M [I] à garantir et relever Mme [G] de la totalité des sommes dues solidairement par eux au CRCAM au titre du prêt n°000001282565 ;
En cas de condamnation de Mme [G] à une quelconque somme, lui accorder des délais de paiement avec échelonnement sur deux ans ;
Condamner toute partie succombante à payer à Mme [G] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
11- Par dernières conclusions remises par voie électronique le 12 septembre 2023, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel des Savoie demande à la cour de :
Débouter Mme [G] de ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf sur le quantum de la créance de la CRCAM ;
Jugeant à nouveau sur ce point, condamner solidairement M [I] et Mme [G] à la CRCAM la somme de 86 925,40 € outre les intérêts sur la somme de 72 197,43 € au taux de 5,30 % depuis le 23 mai 2023 jusqu’au complet paiement ;
Y ajoutant, condamner M [I] et Mme [G] solidairement à payer à la CRCAM la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
12- Vu l’ordonnance de clôture du 10 juin 2024.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Sur la régularité de la déchéance du terme
13- au visa des arrêts de la Cour de cassation n° 21-16476 et 21-16044 du 22 mars 2023 et des dispositions de l’article R 212-2 4° et 8° du code de la consommation Mme [G] oppose à la demande en paiement de la banque, le caractère abusif des clauses relatives aux intérêts de retard et à la déchéance du terme, indépendamment de leurs modalités de mise en oeuvre. Elle conclut à l’annulation de la déchéance du terme en date du 1er juin 2021 et à l’inexigibilité du capital restant dû ; à la déchéance du droit aux intérêts en raison de la faute de la banque qui a eu recours à une clause abusive.
14- la banque conteste la transposition de la jurisprudence citée à l’espèce au regard du libellé de la clause d’exigibilité immédiate ; quant à la clause relative aux intérêts de retard, elle n’est que la retranscription des dispositions du code de la consommation (L.312-22 dans sa rédaction applicable).
15- l’acte de prêt contient pages 7 et 8 un paragraphe dénommé DECHEANCE DU TERME EXIGIBILITE DU PRESENT PRET ainsi libellé :
a) le prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, par la seule survenance de l’un quelconque des événements ci-après et sans qu’il soit besoin d’aucun préavis et d’aucune formalité judiciaire :
– en cas de diminution de la valeur de la garantie
– en cas de non paiement des sommes exigibles ou d’une seule échéance, malgré une mise en demeure de régulariser, adressée à l’emprunteur, par tout moyen et restée sans effet pendant 15 jours.
(…)
16- une telle clause, qui laisse aux co-emprunteurs solidaires, un délai raisonnable de quinzaine pour régulariser l’arriéré et éviter ainsi l’exigibilité immédiate du capital ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable.
17- la banque, en exécution de cette clause d’exigibilité, a adressé par courrier recommandé du 27 avril 2021, délivré à madame le 30 avril 2021, pli avisé et non réclamé à monsieur à la même date, une mise en demeure de procéder, dans un délai de quinze jours à réception, au versement de la somme de 3509,02€.
18- la banque n’a appliqué la déchéance du terme que par courrier recommandé du 1er juin 2021, retiré par madame le 4 juin et par monsieur le 8 juin.
19- ainsi, en laissant à chaque emprunteur solidaire un délai raisonnable pour parvenir à régulariser l’arriéré de manière à éviter l’exigibilité immédiate du capital, la banque, en appliquant largement la clause d’exigibilité, n’a commis aucune faute dans l’exécution contractuelle.
Le prononcé de la déchéance du terme est régulier et produit ses effets.
20- la clause de stipulation des intérêts de retard est ainsi libellée :
‘Toute somme non payée à son échéance ou à sa date d’exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d’intérêts de retard dont le taux est précisé au paragraphe ‘taux des intérêts de retard’ ou pour les prêts soumis au code de la consommation au paragraphe ‘défaillance de l’emprunteur’.
Ce dernier paragraphe distingue la situation de la défaillance de l’emprunteur sans déchéance du terme, auquel cas le capital restant dû produira, de plein droit à compter du jour du retard, un intérêt majoré de trois points qui se substituera au taux d’intérêt annuel pendant toute la période de retard de la situation de la défaillance de l’emprunteur avec défaillance du terme auquel cas le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts mais non payés, les sommes dues restant produisant un intérêt de retard à un taux égal à celui du prêt, le prêteur demandant en outre une indemnité égale à 7% des sommes dues en capital et en intérêts échus.
21- l’article L312-22 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à l’espèce, disposait que :
‘En cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, il peut majorer, dans des limites fixées par décret, le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, ne peut excéder un montant qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, est fixé suivant un barème déterminé par décret.’
22- la clause relative aux intérêts de retard insérée à l’acte de prêt est donc une déclinaison conforme aux dispositions légales applicables et ne crée aucun déséquilibre significatif au sens de l’article L132-1 du code de la consommation pas plus que son exécution n’est constitutive d’une faute de la banque.
La clause de stipulation des intérêts de retard est régulière et produit ses effets.
Sur le quantum de la créance
23- M. [I] conteste le quantum de la créance de la banque en ce que le décompte arrêté au 1er juin 2021 annexé à la lettre de déchéance du terme mentionne pour la période antérieure à celle-ci la comptabilisation tout à la fois d’intérêts de retard au taux du prêt de 5,30% et au taux majoré de 8,30%.
24- M. [I] fait une lecture orientée et spécieuse du décompte puisqu’il n’est pas sans savoir qu’une échéance d’emprunt est composée d’une part en capital et d’une part en intérêts conformément au tableau d’amortissement. Ainsi, les échéances impayées du 15/11/2020 au 01/06/2021 se composent de 2211,58€ au titre du capital et de 1884,81€ au titre des intérêts contractuels. S’y ajoutent les intérêts au taux majoré de 8,30% calculés à hauteur de 82,22€ sur cette période.
25- le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné solidairement les co-emprunteurs à payer à la banque la somme de 79941,11€ avec intérêts au taux de 5,30% sur la somme de 79387,79€ à compter du 21 juillet 2021, sans autre égard pour la demande reconventionnelle de la banque qui n’a pas formé d’appel incident, se limitant à demander de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le quantum de la créance mais sans formuler de demande d’infirmation à ce titre.
26- s’agissant de l’action récursoire de Mme [G], M. [I] se limite à des allégations selon lesquelles elle aurait encaissé l’ensemble des loyers perçus au titre du bien immobilier, sans aucune offre de preuve autre que des mails imputés à sa propre mère sans lien avec ses dires.
Mme [G] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions de telle sorte que la cour n’est pas saisie de l’appel incident qu’elle semble toutefois formuler en demandant à être relevée et garantie par M. [I] de la totalité des sommes dues au Crédit Logement, partie au demeurant étrangère à l’instance.
27- s’agissant des délais de paiement sollicités tant par M. [I] que par Mme [G], aucun ne justifie d’une situation économique propre à les leur allouer pas plus qu’ils n’exposent en quoi et comment ils pourraient se libérer de leur dette dans le délai de l’article 1343-5 du code civil. Ils seront déboutés de cette demande.
28- parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile,M. [I] et Mme [G] supporteront solidairement les dépens d’appel.
Statuant contradictoirement
Confirme le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples
Condamne solidairement M. [U] [I] et Mme [M] [G] aux dépens d’appel.
Condamne solidairement M. [U] [I] et Mme [M] [G] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel des Savoie la somme de 2000€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT