Validité et portée des engagements de cautionnement : analyse des conditions de signature et de disproportionnalité

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Validité et portée des engagements de cautionnement : analyse des conditions de signature et de disproportionnalité

Le 21 avril 2010, le Crédit du Nord a accordé un prêt de 250 000 euros à la société Nord cash et associés, garanti par le cautionnement de son gérant, M. [M], jusqu’à 162 500 euros. Le 16 août 2010, une ouverture de crédit de 40 000 euros a été consentie, également garantie par M. [M]. Ce dernier a ensuite signé un acte de cautionnement général le 8 février 2013 pour un montant de 26 000 euros.

Le 7 mai 2014, la société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire en juillet 2015. Le Crédit du Nord a déclaré ses créances et a mis en demeure M. [M] de régler les sommes dues. En août 2019, la banque a assigné M. [M] en paiement. Le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a jugé le cautionnement du 21 avril 2010 valable et a condamné M. [M] à payer 61 699,57 euros pour le prêt, ainsi que 10 317,68 euros pour le découvert, tout en lui accordant des délais de paiement.

M. [M] a fait appel de ce jugement, demandant l’annulation ou l’infirmation de la décision, tout en contestant la validité des cautionnements. La Société générale, ayant repris les droits du Crédit du Nord, a demandé la confirmation du jugement. Les parties ont présenté leurs conclusions, et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoiries.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Douai
RG
22/04514
République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 26/09/2024

N° de MINUTE :

N° RG 22/04514 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UQC3

Jugement n° 2019002896 rendu le 12 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Boulogne sur Mer

APPELANT

Monsieur [I] [M]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6], de nationalité française

demeurant [Adresse 2] – [Localité 5]

représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assisté de Me Arnaud Ehora, avocat au barreau d’Amiens, avocat plaidant

INTIMÉE

SA Société Générale, venant aux droits de la SA Crédit du Nord, à la suite d’un traité de fusion absorption représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3] – [Localité 4]

représentée par Me Jean-Sébastien Delozière, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

DÉBATS à l’audience publique du 22 mai 2024 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d’instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 avril 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 21 avril 2010, la banque Crédit du Nord a consenti à la société Nord cash et associés un prêt d’un montant de 250 000 euros pour financer la création d’un fonds de commerce d’achat et vente aux particuliers garanti par le cautionnement solidaire de son gérant et associé, M. [I] [M], dans la limite de 162 500 euros pour une durée de neuf années.

Par acte du 16 août 2010 la banque a consenti à la société Nord cash et associés une ouverture de crédit par découvert en compte d’un montant de 40 000 euros, à compter du 1er juin 2010, garanti par le cautionnement de M. [M] dans la limite de 52 000 euros pour une durée de vingt-sept mois.

M. [M] s’est par ailleurs porté caution de toutes sommes qui pourraient être dues par la société Nord cash et associés au Crédit du Nord dans la limite de 26 000 euros et pour une durée de dix ans, suivant un acte de cautionnement général en date du 8 février 2013.

Le 7 mai 2014 le tribunal de commerce d’Arras a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Nord cash et associés, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 juillet 2015. La banque a déclaré des créances au titre du prêt professionnel et du solde débiteur du compte à la procédure collective de la société, admises par ordonnance du juge-commissaire du 18 mars 2015, puis a mis en demeure la caution de régler les sommes dues.

Par acte du 9 août 2019 la banque a assigné en paiement la caution devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, qui a, par jugement contradictoire du 12 juillet 2022, écartant notamment le moyen de nullité du cautionnement du 21 avril 2010 et considérant que l’obligation de couverture du cautionnement du 16 août 2010 était expirée, a :

– dit et jugé valable l’engagement de caution du 21 avril 2010,

– condamné M. [M] à payer au Crédit du Nord la somme de 61 699,57 euros au titre du prêt professionnel de 250 000 euros correspondant à 50 % de l’encours exigible outre intérêts au taux contractuel de 3,60 % l’an à compter du 9 août 2019, date de l’assignation et jusqu’à parfait règlement avec capitalisation annuelle des intérêts,

– dit que le cautionnement du 8 février 2013 doit également recevoir application,

– condamné M. [M] à payer au Crédit du Nord la somme de 10 317,68 euros avec intérêts légaux à compter du 9 septembre 2019,

– accordé à M. [M] des délais de paiement, à savoir le paiement de la somme en principal en vingt-quatre mensualités soit vingt-trois mensualités de 3 000 euros et la vingt-quatrième pour le solde, le premier versement intervenant dans les trente jours de la signification du présent jugement,

– dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible,

– débouté le Crédit du Nord du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné M. [M] à payer au Crédit du Nord la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 69,59 euros TTC.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 septembre 2022, M. [M] relevé appel aux fins d’annulation ou d’infirmation du jugement, déférant à la cour l’ensemble des chefs de celui-ci à l’exception du chef déboutant le Crédit du Nord du surplus de ses demandes, fins et conclusions.

La Société générale, venant aux droits du Crédit du Nord en vertu d’un traité de fusion-absorption du 15 juin 2022, devenu définitif au 1er janvier 2023, a constitué avocat le 1er mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 26 mai 2023 M. [M] demande à la cour d’infirmer le jugement dans les termes de sa déclaration d’appel et, statuant à nouveau, de :

Sur le cautionnement lié au prêt professionnel,

à titre principal,

– déclarer le cautionnement du 21 avril 2010 nul et de nul effet,

– juger que la Société générale, venant aux droits du Crédit du Nord, est dans l’impossibilité de démontrer l’existence de son consentement à souscrire l’engagement de caution litigieux,

– la débouter de sa demande de condamnation à la somme de 61 699,57 euros au titre du prêt professionnel de 250 000 euros avec intérêts,

à titre subsidiaire,

– juger que l’engagement de caution du 8 février 2013 ne peut s’appliquer à l’obligation née du prêt professionnel,

– débouter la Société générale de sa demande de condamnation à ce titre,

à titre plus subsidiaire,

– juger que le cautionnement du 8 février 2013 était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

– par conséquent, juger que la Société générale ne peut s’en prévaloir et la débouter de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

– juger que le cautionnement souscrit le 8 février 2013 était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

– par conséquent, juger que la Société générale ne peut s’en prévaloir et la débouter de ses demandes formulées relativement au prêt professionnel,

à titre plus infiniment subsidiaire,

– juger que le montant maximal des sommes dues au titre de son engagement de caution relatif au prêt professionnel ne saurait excéder 26 000 euros,

– lui octroyer des délais de paiement sur deux ans pour lui permettre d’apurer sa dette en vingt-trois mensualités de 1 084 euros et une vingt-quatrième de 1 068 euros,

à titre encore plus infiniment subsidiaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il lui a octroyé des délais de paiement sur deux ans.

Sur le cautionnement lié au découvert bancaire,

à titre principal,

– constater l’extinction du cautionnement souscrit le ‘1er juin’ 2010,

– débouter la Société générale de l’intégralité de ses demandes à ce titre,

à titre subsidiaire

– juger que le cautionnement du ‘1er juin’ 2010 était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

– déclarer que la Société générale ne peut s’en prévaloir et la débouter de ses demandes,

à titre plus subsidiaire,

– débouter la Société générale de sa demande de condamnation basée sur l’acte de cautionnement du 8 février 2013,

à titre encore plus subsidiaire,

– juger que le cautionnement du 8 février 2013 était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

– par conséquent, juger que la Société générale ne peut s’en prévaloir et la débouter de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

– confirmer la décision en ce qu’elle lui a accordé des délais de paiement sur deux ans pour s’acquitter du règlement de sa condamnation à hauteur de 10 317,68 euros,

En tout état de cause,

– débouter la Société générale de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens d’instance d’appel,

Très subsidiairement, en cas de condamnation, limiter le montant total des condamnations à la somme de 26 000 euros et débouter la Société générale de toute prétention plus ample ou contraire.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 1er mars 2023 la Société générale demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions, et :

Si par impossible la cour infirmait le jugement en ce qu’il a considéré que l’obligation résultant du cautionnement du 16 août 2010 lié au découvert bancaire était éteinte, statuant à nouveau,

– juger que le cautionnement de du 16 août 2010 lié au découvert bancaire doit recevoir application dans la limite du montant garanti de 52 000 euros,

– condamner M. [M] en vertu de ses engagements de caution à lui payer les sommes de :

– 10 317,68 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017, date de la mise en demeure, et jusqu’à parfait règlement avec capitalisation annuelle des intérêts,

– 61 699,57 euros au titre du prêt professionnel de 250 000 euros correspondant à 50 % de l’encours exigible outre intérêts au taux contractuel de 3,60 % à compter du 11 mai 2017 date de la mise en demeure et jusqu’à parfait règlement avec capitalisation annuelle des intérêts,

– débouter M. [M] de toutes demandes plus amples ou contraires,

Si par impossible la cour infirmait le jugement en ce qu’il a jugé valable l’engagement de caution lié au prêt professionnel en date du 21 avril 2010, statuant à nouveau,

– juger que le cautionnement du 8 février 2013 doit recevoir application au prêt professionnel du 21 avril 2010 dans la limite du montant garanti de 26 000 euros,

– condamner M.  [M] en vertu de ses engagements de caution, à lui payer les sommes de :

– 10 317,68 euros au titre du solde débiteur du compte courant outre intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017 date de la mise en demeure et jusqu’à parfait règlement avec capitalisation annuelle des intérêts,

–  61 699,57 euros au titre du prêt professionnel de 250 000 euros correspondant à 50 % de l’encours exigible outre intérêts au taux contractuel de 3,60 % à compter du 11 mai 2017, date de la mise en demeure, et jusqu’à parfait règlement avec capitalisation annuelle des intérêts,

– débouter M. [M] de toutes demandes plus amples ou contraires,

En tout état de cause,

– le condamner à lui payer 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers frais et dépens d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 17 avril 2024 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoiries du 22 mai suivant.

* * * * *

MOTIFS

Sur le cautionnement du 21 avril 2010

Le premier juge a écarté les moyens tirés de la nullité du cautionnement et de son caractère manifestement disproportionné et a condamné la caution au paiement des sommes réclamées par la banque au titre du prêt (61 699,57 euros).

L’appelant conclut à la nullité de ce cautionnement sur le fondement des disposions de l’article L. 341-2 (numérotation visée dans ses conclusions erronée) du code de la consommation qui, dans sa version issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, applicable au cautionnement en cause, dispose que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d’une mention manuscrite précisément indiquée dans l’article.

En l’espèce, force est de constater que la mention apposée sur l’acte par M. [M] n’est pas suivie de sa signature ; contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, seul figure en bas de la page un paraphe constitué des initiales de M. [M], que l’on retrouve sur le bas des autres pages de l’acte de caution ainsi que les pages de l’acte du prêt cautionné, qui ne constitue nullement sa signature parfaitement distincte qui apparaît par ailleurs sur l’acte de prêt que M. [M] a signé en qualité de gérant de la société Nord cash et associés, sur les autres actes de caution, les trois fiches de renseignement de solvabilité et l’acte d’ouverture de crédit du 18 août 2010 versés aux débats.

Dès lors c’est à tort que le premier juge a estimé que la caution avait apposé une ‘signature abrégée’ valant approbation de la convention. Ainsi, à défaut de signature, il y a lieu de constater la nullité du cautionnement.

Sur le cautionnement du 16 août 2010

Le premier juge a considéré que le cautionnement du 16 août 2010 était arrivé à son terme le 16 novembre 2012, que la banque, qui indiquait clairement que la dette était née en 2014, ne démontrait pas qu’elle était née entre le 16 août 2010 et le 16 novembre 2012 et que l’obligation résultant de ce cautionnement était éteinte.

La cour constate, d’une part, que la banque rappelle à ce sujet qu’elle sollicite la confirmation du jugement et ne développe aucun moyen pour contester l’appréciation du premier juge sur l’extinction de l’obligation du cautionnement, et ne se prévaut finalement plus de cet acte à l’appui de sa demande relative aux sommes dues au titre du découvert en compte qu’à titre subsidiaire, et, d’autre part, qu’elle ne conteste pas le constat fait par le premier juge selon lequel elle indiquait que la dette était née en 2014, soit après l’extinction de l’obligation de couverture résultant du cautionnement, qui ne trouve dès lors pas à s’appliquer.

En outre, il ne peut être admis que cet engagement viendrait garantir les sommes dues au titre du prêt professionnel du mois d’avril 2010 dans la mesure où il n’a été souscrit que pour garantir l’engagement du débiteur principal en vertu de l’ouverture de crédit et qu’un cautionnement ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il est contracté.

La banque n’est donc pas fondée à se prévaloir dudit cautionnement.

Sur le cautionnement du 8 février 2013

Ayant écarté l’application du cautionnement du 16 août 2010 puis le moyen tiré de la disproportion manifeste du cautionnement du 8 février 2013, le premier juge a condamné la caution au paiement des sommes réclamées par la banque au titre du découvert en compte (10 317,68 euros).

M. [M] ne peut venir soutenir que la banque n’est pas fondée à se prévaloir du cautionnement signé en 2013 pour des sommes dues au titre du prêt du 21 avril 2010 au motif qu’il serait postérieur à l’obligation résultant du prêt et que le cautionnement ne peut couvrir que les dettes nées entre la date de sa conclusion et son terme. En effet, en vertu de ce cautionnement la caution garantit les engagements contractés par le débiteur principal avant le terme qu’il fixe, quelle que soit leur échéance ; l’article IV ‘opérations garanties’ de l’acte dispose d’ailleurs que ‘la caution garantit le paiement de toutes sommes dans la limite fixée au V des présentes que la caution peut ou pourra devoir à la banque au titre de l’ensemble de ses engagements sous quelques formes que ce soit’ ; rien n’interdit un cautionnement garantissant des dettes nées antérieurement à l’engagement.

L’appelant se prévaut par ailleurs du caractère manifestement disproportionné du cautionnement en vertu de l’article L. 332-1 du code de la consommation, ou plutôt de l’article L. 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au cautionnement litigieux, antérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution, qui se prévaut du caractère manifestement disproportionné du cautionnement lors de sa souscription, d’en rapporter la preuve.

Le créancier n’a pas l’obligation de faire établir une fiche de renseignements relative à la situation financière de la caution, de sorte qu’il ne peut être reproché en l’espèce à la banque de n’avoir pas obtenu de fiche de renseignements actualisée à la date du cautionnement et la caution reste libre de démontrer que sa situation a pu connaître des changements depuis les derniers renseignements communiqués à la banque.

Lors de la signature du cautionnement le 8 février 2013, la dernière fiche de renseignements dont la banque disposait au sujet de la situation financière de M. [M] avait été signée le 24 août 2012 et comportait les informations suivantes :

– M. [M] se déclare célibataire sans personne à charge, exerçant la profession de gérant de société depuis deux ans,

– il perçoit des revenus annuels professionnels pour un montant de 40 000 euros et des revenus ‘immobiliers’ pour un montant de 29 000 euros,

– il rembourse un prêt travaux dont le montant restant dû s’élève à 11 000 euros et représentant une charge annuelle de 3 000 euros et est propriétaire d’un immeuble estimé à 350 000 euros.

M. [M] verse aux débats son avis d’imposition de 2013 qui montre qu’il a déclaré pour l’année 2012 les revenus suivants :

– au titre des ‘salaires et assimilés’ : 51 666 euros

– au titre des revenus fonciers nets : 26 278 euros,

Il indique qu’à la date du cautionnement litigieux il remboursait encore le prêt immobilier qui n’apparaît pas sur la fiche de renseignements du 24 août 2012 mais qui avait été mentionné sur les deux fiches précédentes établies les 20 novembre 2009 et 22 décembre 2010 ; à cette dernière date il mentionnait un prêt immobilier souscrit auprès du crédit agricole dont le montant restant dû s’élevait à 140 000 euros, représentant une charge annuelle de 20 000 euros et dont l’échéance finale était prévue pour 2017. Il indique qu’en février 2013, il restait due une somme de 100 000 euros environ.

Il doit être également tenu compte pour apprécier la situation financière et patrimoniale de la caution des deux autres engagements de caution souscrits en 2010 que la banque ne pouvait ignorer puisqu’elle en était bénéficiaire, soit des charges à hauteur de 162 500 euros et 52 000 euros.

Au regard de la valeur de l’immeuble déclarée dans la fiche de renseignement du 24 août 2012, que la caution ne conteste pas et pour lequel elle ne communique aucune pièce permettant de retenir une valeur moindre, et du niveau de ses revenus, en tenant compte en outre de l’ensemble des engagements indiqués ci-dessus (prêt travaux, prêt immobilier et deux engagements de caution, représentant un passif de 325 500 euros), il n’apparaît pas que le cautionnement souscrit pour un montant de 26 000 euros était manifestement disproportionné au sens de l’article L. 341-4 du code de la consommation.

La banque est dès lors bien fondée à s’en prévaloir, et ce, en garantie des deux prêts souscrits par la société en 2010.

La banque invoque à titre principal une créance de 61 699,57 euros au titre du prêt professionnel avec intérêts au taux contractuel de 3,60 % à compter du 9 août 2019 et de 10 317,68 euros avec intérêts légaux à compter du 9 septembre 2019 au titre du découvert, sommes qui ne font l’objet d’aucune contestation.

Le montant total des créances étant supérieur à l’engagement de M. [M] il convient de le condamner à payer la somme de 26 000 euros avec intérêt au taux légal, aucun intérêt conventionnel ne pouvant plus être ajouté, à compter 9 août 2019.

Sur les délais de paiement

Il convient, conformément à la demande des deux parties, de confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé des délais de paiement, sauf à en modifier les modalités eu égard au montant des sommes mises à la charge de M. [M] en cause d’appel.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de confirmer le jugement s’agissant des dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, le principe d’une dette à l’égard de la banque étant confirmé, mais de mettre les dépens d’appel à la charge de la banque, certaines des contestations formées par M. [M] ayant été jugées bien fondées. En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que le cautionnement du 8 février 2013 doit également recevoir application et a débouté le Crédit du Nord du surplus de ses demandes, fins et conclusions, et en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Constate la nullité du cautionnement souscrit par M. [I] [M] au profit du Crédit du Nord, aux droits duquel intervient la Société générale, suivant acte du 21 avril 2010 en garantie des sommes dues par la société Nord cash et associés en vertu du contrat de prêt souscrit le 21 avril 2010 ;

Déboute la Société générale de ses demandes en vertu du cautionnement souscrit par M. [I] [M] au profit du Crédit du Nord le 16 août 2010 ;

Condamne M. [I] [M] à payer à la Société générale la somme de 26 000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 9 août 2019 au titre de son engagement de caution du 8 février 2013 ;

Dit que M. [I] [M] pourra s’acquitter de cette somme par vingt-trois mensualités de 1 083 euros la première étant due dans le mois suivant la signification du présent arrêt, et par une vingt-quatrième mensualité comprenant le solde, les frais et les intérêts, payable au plus tard le dernier jour du mois ;

Dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;

Condamne la Société générale aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


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