Validité de la mise en demeure et conséquences sur la déchéance du terme dans le cadre d’un contrat de prêt

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Validité de la mise en demeure et conséquences sur la déchéance du terme dans le cadre d’un contrat de prêt

La société anonyme Creatis a accordé un contrat de regroupement de crédits à M. [Y] [Z] et M. [J] [H] pour un montant de 52.000 euros, remboursable sur 144 mois. En raison d’incidents de paiement, Creatis a prononcé la déchéance du terme du prêt. Par la suite, Creatis a assigné M. [Z] devant le juge des contentieux de la protection, qui a condamné M. [Z] à payer une somme de 51.901,59 euros, ainsi que des intérêts et des frais. Creatis a ensuite assigné M. [H] pour obtenir le même montant. M. [H] a réagi en assignant M. [Z] en garantie et a demandé le rejet des demandes de Creatis. Le juge a débouté Creatis et M. [H] de leurs demandes respectives, condamnant Creatis à verser 800 euros à M. [H]. Creatis a interjeté appel de ce jugement. M. [H] a également assigné M. [Z] en intervention forcée dans le cadre de l’appel. Les deux affaires ont été jointes. Creatis a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de condamner M. [H] à payer la somme due, tandis que M. [H] a demandé la confirmation du jugement et a accusé Creatis de manquement à son devoir d’information.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Pau
RG
23/00413
LB/ND

Numéro 24/2893

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 26/09/2024

Dossier : N° RG 23/00413 – N° Portalis DBVV-V-B7H-IOE5

Nature affaire :

Prêt – Demande en remboursement du prêt

Affaire :

S.A. CREATIS

C/

[J] [H]

[Y] [Z]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 26 septembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 Mai 2024, devant :

Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,

Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A. CREATIS

immatriculée au RCS de Lille sous le n° SIREN B 419 446 034,

représentée par son Président du Directoire domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique DE GINESTET DE PUIVERT de la SELARL DE GINESTET DE PUIVERT, avocat au barreau de Dax

INTIMES :

Monsieur [J] [H]

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 11]

[Adresse 12]

[Localité 6]

Représenté par Me Michèle KAROUBI, avocat au barreau de Pau

Monsieur [Y] [Z]

assigné en intervention en appel en garantie

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 8]

assigné

sur appel de la décision

en date du 10 NOVEMBRE 2022

rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PAU

RG : 22/241

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 5 novembre 2018, la société anonyme Creatis a consenti à M. [Y] [Z], emprunteur, et à M. [J] [H], co-emprunteur, un contrat de regroupement de crédits d’un montant de 52.000 euros d’une durée de 144 mois remboursable par mensualités hors assurance facultative de 463,14 euros au taux débiteur fixe de 4,31% l’an et au taux effectif global de 5,88% l’an.

Suite à des incidents de paiement non régularisés, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme du prêt le 7 juillet 2021.

Par assignation du 9 août 2021, la société anonymye (SA) Creatis a attrait M. [Z] devant le juge des contentieux de la protection de Pau qui a, par jugement réputé contradictoire du 3 février 2022 :

Condamné M. [Y] [Z] à payer à la société Creatis la somme de 51.901,59 euros, outre intérêts contractuels à compter du 28 juillet 2021,

Condamné M. [Y] [Z] à payer à la société Creatis la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Par acte d’huissier de justice du 23 mars 2022 la société Creatis a fait assigner M. [J] [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau. Elle a demandé de le voir condamner à lui payer les sommes de 51.901,59 euros assortie des intérêts au taux contractuel sur le capital restant dû à compter du 28 juillet 2021, de 650 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par acte de commissaire de justice du 18 août 2022, M. [J] [H] a assigné M. [Y] [Z] en garantie devant le juge des contentieux de la protection de Pau.

M. [J] [H] a demandé au juge des contentieux de la protection :

A titre principal, de dire la société Creatis irrecevable et mal fondée en son action et de la débouter de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, de dire que [Y] [Z] sera condamné à le relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre,

De prononcer la déchéance du droit de la société Creatis aux intérêts du crédit consenti,

De dire que les intérêts perçus seront imputés sur le capital,

De condamner la société Creatis à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

M. [Y] [Z] n’a pas comparu et n’a pas été représenté devant le juge des contentieux de la protection.

Suivant jugement réputé contradictoire du 10 novembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau a :

Débouté la SA Creatis de ses demandes,

débouté M. [J] [H] de son appel en garantie de [Y] [Z],

condamné la SA Creatis à payer 800 euros à M. [J] [H],

condamné la société Creatis aux dépens d’instance,

débouté les parties de toutes autres demandes non satisfaites,

rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

Par déclaration en date du 6 février 2023, la SA Creatis a relevé appel de ce jugement (affaire N° RG 23/413).

Par acte de commissaire de justice du 15 mai 2023, remis à étude, M. [J] [H] a fait assigner M. [Y] [Z] en intervention forcée à fin d’appel en garantie devant la cour d’appel de Pau (affaire enrôlée sous le numéro 23/01390).

M. [Y] [Z] n’a pas constitué avocat devant la cour.

Par ordonnance du 1er juin 2023, le magistrat de la mise en état a prononcé la jonction entre l’affaire n°RG 23/01390, et l’affaire N°RG 23/413 l’affaire se poursuivant sous le numéro RG 23/413.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2024.

*

Vu les dernières conclusions de la SA Creatis notifiées le 28 février 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Pau en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes à l’encontre de Monsieur [J] DE PINHO

BRANDAO

INFIRMER le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Pau en ce qu’il l’a condamnée à payer à Monsieur [J] [H] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

REFORMER le jugement :

DECLARER acquise la déchéance du terme.

CONDAMNER sur les fondements des articles L312-1 et suivants du code de la consommation Monsieur [J] [H] à lui payer la somme de 51.901,59 € assortie des intérêts au taux du contrat sur le capital restant dû à compter du 28/07/2021

DEBOUTER Monsieur [J] [H] de son appel incident

CONDAMNER sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Monsieur [J] [H] à lui payer une indemnité de 850 euros

CONDAMNER sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile Monsieur [J] [H] à supporter la charge des dépens de première instance et d’appel.

*

Vu les dernières conclusions de M. [J] [H] notifiées le 07 février 2024 aux termes desquelles il demande à la Cour de :

A TITRE PRINCIPAL

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions

A TITRE SUBSIDIAIRE

INFIRMER le jugement querellé

Et statuant à nouveau

DIRE ET JUGER QUE la Société CREATIS a manqué à son devoir de mise en garde

et d’information précontractuelle

CONDAMNER la SA CREATIS à lui verser des dommages et intérêts d’un montant de 51.901,59 € assortie des intérêts au taux du contrat sur le capital restant dû à compter du 28/07/2021 :

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

INFIRMER le jugement querellé

Et statuant à nouveau

CONDAMNER M. [Y] [Z] à le relever et garantir de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre

EN TOUTE HYPOTHESE

PRONONCER la déchéance du droit de la société CREATIS aux intérêts du crédit

consenti.

DIRE que les intérêts perçus seront imputés sur le capital.

CONDAMNER la société CREATIS et M. [Z] solidairement entre eux à verser

la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 ainsi que les entiers dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS :

En l’espèce, l’assignation en intervention forcée à fin d’appel en garantie devant la cour d’appel de Pau a été signifiée à [Y] [Z] par acte remis à étude.

Il sera donc statué par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 du code de procédure civile.

Sur la validité de la déchéance du terme

Le juge des contentieux de la protection a retenu que seul M. [Y] [Z] a été destinataire d’une mise en demeure et de la notification de la déchéance du terme en date du 7 juillet 2021, M. [J] [H] n’ayant été destinataire que du détail de la créance restant due. Il en a déduit que la déchéance du terme n’était pas acquise à la SA Creatis qui a été en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. [J] [H].

La SA Creatis soutient qu’elle justifie avoir adressé le 1er juin 2021 à M. [J] [H] une mise en demeure préalablement à la déchéance du terme à la dernière adresse connue de ce dernier qui n’a jamais fait connaître son changement d’adresse. Elle explique que la mise en demeure préalable à la déchéance du terme est valable et qu’elle a produit tous ses effets par application de l’article L. 312-9 du code de la consommation et des stipulations du contrat. Elle fait valoir que M. [J] [H] a ensuite reçu notification de la déchéance du terme et une mise en demeure de payer ; elle ajoute que l’assignation prononce en outre la déchéance du terme et vaut mise en demeure de payer et que la déchéance du terme est acquise.

M. [J] [H] fait valoir que la banque ne justifie pas de l’envoi ou de la réception du courrier de déchéance du terme du 7 juillet 2021. Il ajoute que le courrier du 1er juin 2021 préalable à la déchéance du terme n’a pas été porté à sa connaissance et que la société Creatis ne rapporte pas la preuve de la validité de la mise en demeure alors que l’accusé de réception n’est pas signé et que la preuve du contenu de la lettre recommandée n’est pas rapportée. Il ajoute que la banque produit un courrier ainsi qu’un accusé de réception retourné « destinataire inconnu à l’adresse » de sorte qu’elle aurait dû envoyer une seconde mise en demeure ou procéder par voie d’huissier. Il ajoute que le courrier en date du 1er juin 2021 ne peut valoir déchéance du terme dans la mesure où ne figure pas le montant du capital exigible.

Il résulte de la jurisprudence de la cour de cassation que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (cour de cassation, civ 1ère, 3 juin 2015, n° 14-15.655).

En l’espèce le contrat de prêt litigieux stipule page 23/48 dans le paragraphe « Défaillance de l’emprunteur-Exigibilité anticipée » : « (‘) Creatis pourra résilier le contrat de crédit après mise en demeure restée infructueuse et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. (‘) »

La société Creatis justifie de l’envoi à M. [Y] [Z] d’un courrier recommandé avec avis de réception du 1er juin 2021 de mise en demeure préalable à la déchéance du terme de payer les échéances échues et impayées et indemnités de retard pour la somme totale de 4.501,71 euros (distribué le 3 juin 2021), ainsi que de l’envoi d’un courrier recommandé avec accusé de réception du 7 juillet 2021 lui notifiant la déchéance du terme et le mettant en demeure de payer la somme totale de 51.786,83 euros.

S’agissant de M. [J] [H], elle produit un courrier recommandé avec avis de réception de mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 1er juin 2021 de payer la somme totale de 4.501,71 euros au titre des échéances échues et impayées et indemnités de retard dans un délai de 30 jours. Ce courrier précise notamment « A défaut d’avoir reçu dans ce délai le règlement de l’intégralité de la somme ci-dessus mentionnée, nous prononcerons la déchéance du terme contractuel de votre prêt, ce qui rendra immédiatement exigibles, outre les échéances échues impayées à l’issue de ce délai, le capital restant dû de votre emprunt ainsi que l’indemnité légale de 8% calculée sur ce capital. (‘) ». La société Creatis produit également la photocopie d’un avis de réception portant la date du 1er juin 2021, le nom de M. [J] [H], l’adresse « [Adresse 9] [Localité 7] » avec la mention cochée « « Destinataire inconnu à l’adresse ».

Au regard de la date du courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juin 2021, de celle concordante figurant sur l’avis de réception sur lequel figure également le nom et l’adresse de M. [J] [H], la banque justifie bien de l’envoi à ce dernier du dit courrier à l’adresse qui y est mentionnée.

M. [J] [H] ne justifie pas qu’il a informé la banque de son changement d’adresse. Cette adresse était la dernière adresse connue de la société Creatis ainsi que cela résulte de l’acte de signification du jugement 10 novembre 2022 à la banque à l’initiative de M. [J] [H] sur lequel figurait également cette adresse. M. [J] [H] ne peut donc invoquer le caractère inopérant de cette mise en demeure en raison de sa non-distribution qui résulte de son seul fait, étant précisé que le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure adressée par lettre recommandée n’affecte pas sa validité. (Cour de cassation, civ. 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).

Il n’est pas contesté que M. [J] [H] n’a pas régularisé les échéances impayées dans le délai imparti (pas plus que M. [Y] [Z] précédemment condamné ne l’avait fait).

La société Creatis ne justifie pas de l’envoi du courrier du 7 juillet 2021 de notification de la déchéance du terme, en l’absence de production d’un avis de réception, ou de toute preuve à cet égard.

Toutefois, lorsqu’une mise en demeure adressée par la banque à l’emprunteur, et précisant qu’en l’absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l’expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification (Cour de cassation, civ. 1ère, 10 novembre 2021, n°19-24.386).

Au regard de l’ensemble de ces éléments il convient de dire que la déchéance du terme du prêt souscrit le 5 novembre 2018 a été valablement prononcée à l’égard de M. [J] [H] par la société Creatis.

Sur la responsabilité contractuelle de la banque

M. [J] [H] demande à titre subsidiaire de dire que la société Creatis a manqué à son devoir de mise en garde et d’information précontractuelle et de la condamner à lui verser des dommages et intérêts d’un montant de 51.901,59 euros assortie des intérêts au taux du contrat sur le capital restant dû à compter du 28 juillet 2021.

M. [J] [H] soutient que la société Creatis a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et a ainsi engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil en ce qu’elle devait vérifier ses capacités financières avant de donner son concours et l’aviser des conséquences du prêt au regard de l’absence d’intérêts à se porter co-emprunteur et du risque en cas de défaillance de l’emprunteur. A cet égard il souligne que le prêt a été souscrit dans le seul intérêt de M. [Z] car il avait pour objet de racheter uniquement des crédits lui incombant et était au surplus destiné à faire des travaux d’aménagement dans la maison dont il était seul propriétaire. Il ajoute que sa situation financière ne lui aurait pas permis de bénéficier d’un prêt, qu’il n’a pas fait de fausse déclaration et que l’offre a été signée le 5 novembre 2018 alors que l’établissement bancaire ne disposait pas de l’ensemble des éléments pour finaliser le dossier.

Il avance que la banque ne démontre pas qu’elle a exécuté son obligation d’information précontractuelle à son égard dans la mesure où la fiche d’informations précontractuelles normalisées ne comporte pas sa signature ni ses initiales.

M. [J] [H] fait valoir en outre que les manquements de la banque à ses obligations lui ont causé un préjudice de perte de chance de ne pas contracter.

La société Creatis répond qu’elle n’a pas manqué à son obligation de conseil au regard des éléments qui ont été portés à sa connaissance lors de la conclusion du prêt alors qu’elle n’avait pas, en sa qualité de prêteur, à s’immiscer dans la gestion des affaires de son client. Elle ajoute que les comptes entre les codébiteurs solidaires ne lui sont pas opposables.

Elle fait valoir qu’elle n’a pas davantage manqué à son devoir de mise en garde qui s’apprécie au regard de la situation des emprunteurs solidaires car le prêt consenti n’était pas disproportionné à leurs revenus, a permis une diminution de la charge de remboursement mensuel par un allègement de la durée d’amortissement et une diminution du taux d’intérêt par rapport aux prêts rachetés. Elle ajoute que M. [J] [H] a fait une déclaration inexacte s’agissant de ses revenus en signant la fiche de dialogue.

La société Creatis soutient qu’elle n’a en outre pas manqué à son devoir d’information car elle apporte la preuve de la remise de la FIPEN par la production de la liasse précontractuelle et de la lettre d’envoi de celle-ci, corroborant la reconnaissance par les deux emprunteurs que cette fiche d’information leur a bien été remise. Elle précise que les emprunteurs ont notamment signé la fiche de dialogue et une lettre de mise en garde du 5 novembre 2018 extrait de la liasse précontractuelle et que la concordance de la numérotation des pages démontre que les pièces contractuelles signées sont extraites de la liasse précontractuelle qui leur a été envoyée.

Elle en déduit que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue.

L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il convient de rappeler que la banque dispensatrice de crédit, qui n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l’opportunité des opérations auxquelles il procède, n’est pas tenue, en cette seule qualité d’une obligation de conseil envers l’emprunteur, sauf si elle en a pris l’engagement, ni d’une obligation de mise en garde sur les risques de l’opération financée (Cour de cassation, chambre commerciale, 5 décembre 2018, pourvoi n°17-17.257).

En conséquence, alors qu’une telle obligation n’était pas contractuellement mise à sa charge, la société Creatis, qui n’avait pas à s’immiscer dans les affaires de ses clients, n’ était pas tenue d’une obligation de conseil à l’égard de Messieurs [Z] et [H] s’agissant du prêt de regroupement de crédits qui leur était consenti alors qu’ils résidaient ensemble. En outre l’ obligation de mise en garde ne peut porter sur les risques de l’opération financée.

Il incombe à l’emprunteur de rapporter la preuve de l’existence de l’obligation de mise en garde en démontrant que le concours n’était pas adapté à ses capacités financières et le risque d’endettement né de l’octroi du crédit.

Lorsque la preuve de l’existence de l’obligation de mise en garde est rapportée, il incombe au dispensateur de crédit de démontrer qu’il l’a exécutée et ainsi, qu’il s’est renseigné sur la situation de son contractant. En l’absence d’anomalie apparente, le dispensateur de crédit peut se fier aux informations déclarées par l’emprunteur sans être tenu de procéder à leur vérification.

Par ailleurs le caractère adapté du prêt doit s’apprécier au regard des capacités de remboursement globales de coemprunteurs solidaires (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 29 juin 2022, n°21-11.690).

En l’espèce, la société Creatis devait donc apprécier les capacités de remboursement globales de Messieurs [Z] et [H], coemprunteurs solidaires.

Ces derniers ont déclaré dans la fiche de dialogue percevoir des revenus mensuels de 1610,54 euros pour M. [Z], et de 1.274,05 euros pour M. [H], soit au total 2.884,59 euros. En souscrivant le crédit de restructuration, avec un allongement de la durée de remboursement et un taux d’intérêt de 4,31% l’an, les mensualités d’emprunt étaient diminuées à 463,14 euros alors qu’elles s’élevaient auparavant au total à la somme de 679,92 euros. Au regard de leurs revenus cumulés, il n’est pas démontré que le concours n’était pas adapté aux capacités financières de Messieurs [Z] et [H], ni le risque d’endettement né de l’octroi du crédit. En outre la souscription du crédit de restructuration qui réduisait le montant total de la mensualité supportée par les emprunteurs sans coût supplémentaire ne créait pas de risque d’endettement nouveau. Il s’en suit qu’il n’est pas démontré que la société Creatis était tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de M. [H] lors de l’octroi du prêt litigieux.

La Cour de cassation juge que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (Cour de cassation 1ère Civ., 7 juin 2023, pourvoi n° 22-15.552).

En l’espèce, aux termes de l’offre préalable de crédit qu’ils ont acceptée le 5 novembre 2018 Messieurs [Z] et [H] ont reconnu « avoir pris connaissance de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées ».

Par application de l’article devenu L. 341-4 alinéa 1erdu code de la consommation (applicable dans sa version en vigueur au moment de la souscription du crédit) la société Creatis encourt la déchéance du droit aux intérêts.

Il s’agit d’un indice de sa remise effective aux emprunteurs qui n’est pas corroboré par d’autres éléments. En effet le spécimen de la liasse précontractuelle du contrat de regroupement de crédits produit par la société Creatis ne comporte ni paraphe ni signature s’agissant de cette fiche ; en outre une simple concordance de la numérotation des pages entre ce document non signé inclus dans la liasse produite, et des documents contractuels signés par le ou les emprunteurs (fiche de dialogue, mandat de prélèvement SEPA, lettre de mise en garde concernant le financement additionnel octroyé et lettre sur les conditions de la demande du 5 novembre 2018) n’a pas en l’espèce de valeur probante quant au contenu des autres documents figurant dans la liasse effectivement remis aux emprunteurs. La fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées  non signée émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt signée par les emprunteurs quant à la remise effective de cette fiche.

Par conséquent la banque n’établit pas la remise effective de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées à M. [H] ni sa conformité aux prescriptions du code de la consommation, laquelle ne peut être vérifiée par le juge. La banque encourt de ce fait la déchéance du droit aux intérêts, sanction qui n’est pas demandée par l’emprunteur à ce titre.

M. [H] ne démontre pas en quoi l’absence de remise de cette fiche lui aurait causé un préjudice, notamment une perte de chance de ne pas contracter.

Il en résulte que la responsabilité de la banque ne peut davantage être engagée pour manquement à son obligation précontractuelle d’information.

Par conséquent, à défaut de démontrer l’existence d’ une obligation contractuelle de la banque de conseil ou de mise en garde, M. [H] ne démontre pas que les conditions d’engagement de la responsabilité de la société Creatis sont remplies. Il sera donc débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Sur l’appel en garantie

L’article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, M. [H] demande la condamnation de M. [Z] à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en sa qualité de co emprunteur.

Il fait valoir que M. [Z] a indiqué dans le cadre d’un document qu’il s’engageait à régler la totalité du crédit dans la mesure où il en était le seul bénéficiaire, mais qu’après avoir réglé une somme de 500 euros par mois pour régler sa dette il semble qu’il soit désormais défaillant. A l’appui de cette demande, il produit, outre des avis d’imposition de ses propres revenus, une attestation dactylographiée (sa pièce numéro 1), comportant une date et une signature manuscrites aux termes desquelles M. [Z] atteste que M. [H] s’est porté coemprunteur avec lui sur le prêt de 52.000 euros afin qu’il puisse l’obtenir, qu’il n’a pas bénéficié du moindre euro des fonds cités et qu’il souhaiterait que M. [H] soit désolidarisé de cette dette dans son entièreté. Ce document mentionne qu’il a repris des virements mensuels d’un montant de 500 euros.

M. [H] disposera d’un recours contre son co-obligé en tant que codébiteur solidaire s’il paye au-delà de sa part, uniquement pour les sommes qui excèderaient sa propre part.

La lettre qu’il produit est une déclaration d’intention de M. [Z].

M. [H] qui s’est engagé aux côtés de M. [Z] en tant que coemprunteur solidaire vis-à-vis de la banque ne précise aucunement le fondement juridique de sa demande dirigée contre son co-emprunteur tendant à être relevé et garanti de la totalité des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en faveur de la société Creatis.

Faute d’en préciser le fondement juridique, sa demande tendant à voir condamner M. [Z] à le relever et garantir de toute condamnation dirigée à son encontre est infondée et doit être rejetée.

Sur la demande en paiement de la banque

La société Creatis sollicite la condamnation de M. [H] à lui payer la somme de 51.901,59 euros avec intérêts au taux du contrat sur le capital restant dû à compter du 28 juillet 2021.

M. [H] demande de déchoir la banque de son droit aux intérêts en faisant valoir que l’offre qu’il a signée ne comprend pas le formulaire détachable de rétractation conformément aux dispositions des articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation. Il ajoute que rien ne permet de corroborer que le modèle d’offre comprenant le formulaire détachable lui a été remis. Selon lui, la société Creatis ne peut se retrancher derrière la liasse contractuelle, aucun des documents n’étant contresignés. Il relève au surplus que l’ensemble des documents de cette liasse sont datés du 5 novembre 2018, de même que les courriers et l’offre de crédit qui a été signée le même jour pour en déduire que ces documents ne lui ont pas été préalablement communiqués.

La société Creatis répond que les griefs de l’intimé sont infondés et qu’elle a droit aux intérêts contractuels en ce qu’elle a respecté les prescriptions du code de la consommation et qu’il a été remis aux emprunteurs une liasse précontractuelle constituée d’un exemplaire du contrat à conserver par l’emprunteur qui comprend en pages 31/48 et 37/48 le bordereau de rétractation, lequel n’a pas à figurer sur l’exemplaire à destination du prêteur.

Il résulte des dispositions des articles L. 312-21 et R. 312-9 du code de la consommation applicables au regard de la date de la souscription du contrat qu’un formulaire détachable de rétractation, conforme au modèle type joint en annexe de ce code, doit être joint à l’exemplaire du contrat de prêt remis à l’emprunteur.

La cour de cassation juge qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles. Ainsi la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n° 19-18.971).

Par conséquent la société Creatis doit rapporter la preuve qu’elle a satisfait aux obligations que lui impose le code de la consommation en fournissant à M. [H] un bordereau de rétractation conforme au modèle type.

En l’espèce, l’offre préalable de crédit signée par M. [H] produite par la banque ne comporte pas le formulaire détachable de rétractation prévu par les articles susvisés.

Le contrat de prêt signé par M. [H] comporte une clause type mentionnant qu’il a reconnu « rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation».

Cet indice n’est pas corroboré par un autre élément prouvant la remise du bordereau de rétractation aux emprunteurs. En effet il n’est pas démontré que le spécimen de la liasse précontractuelle du contrat de regroupement de crédits produit par la société Creatis, qui ne comporte ni paraphe ni signature s’agissant des exemplaires de l’offre préalable de crédit comportant le bordereau de rétractation, leur a été remis ; une simple concordance de la numérotation des pages entre ces documents non signés inclus dans la liasse produite, et des documents contractuels signés par le ou les emprunteurs n’a pas de valeur probante quant au contenu des autres documents figurant dans la liasse effectivement remise aux emprunteurs. Un tel document non signé émanant de la seule banque ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt.

Par conséquent la banque n’établit pas la remise effective du formulaire détachable de rétractation à M. [H] ni sa conformité aux prescriptions du code de la consommation, laquelle ne peut être vérifiée par le juge.

Par application de l’article devenu L. 341-4 alinéa 1erdu code de la consommation (applicable dans sa version en vigueur au moment de la souscription du crédit) la société Creatis encourt la déchéance du droit aux intérêts.

En raison des manquements précités, et par application des dispositions de l’article L. 341-4 alinéa 1er et suivants du Code de la consommation, le prêteur doit être déchu du droit aux intérêts.

Conformément à l’article L. 341-8 du Code de la consommation en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

La déchéance totale du droit aux intérêts étant prononcée en l’espèce en application de l’article L. 341-4 alinéa 1er susvisé, les sommes dues correspondent à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [H] et M. [Z] (52000 euros) et les règlements effectués par ces derniers qui s’élèvent à la somme de 9.447,42 € au vu de l’historique du prêt, soit la somme de 42.552,58 euros.

Il convient par conséquent de condamner M. [H] à payer à la société Creatis la somme de 42.552,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2022 date de l’assignation valant mise en demeure postérieure à la déchéance du terme, à défaut de preuve de l’envoi à l’intimé d’une telle mise en demeure antérieurement.

Il y a lieu de rappeler que cette condamnation est solidaire avec celle prononcée à l’encontre de M. [Y] [Z] par le juge des contentieux de la protection de Pau par jugement réputé contradictoire du 3 février 2022.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SA Creatis aux dépens et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [H], qui succombe pour l’essentiel, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile.

Il convient de rejeter les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant par la société Creatis que par M. [H].

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré prononcé le 10 novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la déchéance du terme du prêt souscrit le 5 novembre 2018 a été valablement prononcée à l’égard de M. [J] [H] par la société Creatis ;

Déboute M. [H] de sa demande en dommages et intérêts ;

Prononce la déchéance totale du droit aux intérêts de la société Creatis à l’égard de M. [J] [H] s’agissant du prêt souscrit le 5 novembre 2018 ;

Condamne M. [J] [H] à payer à la société anonyme Creatis la somme de 42.552,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2022 ;

Rappelle que cette condamnation est solidaire avec celle prononcée à l’encontre de M.[Y] [Z] par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pau par jugement réputé contradictoire du 03 février 2022.

Déboute M. [H] de sa demande d’appel en garantie à l’encontre de M. [Y] [Z] ;

Condamne M. [J] [H] aux dépens de première instance et d’appel.

Rejette les demandes formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente


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