Conditions de recevabilité des demandes d’expertise et de provision dans le cadre d’un litige

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Conditions de recevabilité des demandes d’expertise et de provision dans le cadre d’un litige

Les époux [P] sont propriétaires d’une maison et ont engagé [C] [U] pour des travaux, incluant l’installation d’une cuve de récupération d’eaux de pluie. Ils constatent que la cuve est déformée et ne peut être fermée, et après avoir contacté [C] [U], ils sont renvoyés vers son assureur, qui refuse d’engager sa responsabilité. Une mise en demeure pour le remplacement de la cuve reste sans réponse. En juin 2022, les époux assignent [C] [U] en référé, demandant une expertise et le rejet de ses demandes de paiement. Ils soutiennent que les désordres de la cuve ne sont pas contestés et que la responsabilité de [C] [U] est engagée en raison du non-respect des consignes du fournisseur. [C] [U] demande à son tour le paiement d’une facture impayée et conteste la prescription de la demande des époux, arguant que les travaux réalisés ne relèvent pas de la prescription de deux ans. Il soutient également que la garantie pour les désordres de la cuve ne s’applique pas en raison de l’absence d’un exutoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG
24/00256
N° RG 24/00256 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HXVR – ordonnance du 25 septembre 2024

Minute N°2024/ 362
N° RG 24/00256 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HXVR

Le

1 CCC à Me COTE – 48

1 CCC + 1 CE à
Me SPAGNOL-18

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ EVREUX

JURIDICTION DES RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DU 25 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEURS :

Madame [Y] [X] épouse [P]
née le 25 Novembre 1991 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Monsieur [L] [P]
né le 14 Septembre 1991 à [Localité 6]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Olivier COTE, avocat au barreau de l’Eure

DÉFENDEURS :

Monsieur [C] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laurent SPAGNOL avocat au barreau de l’Eure

PRÉSIDENT : Sabine ORSEL

GREFFIER : Christelle HENRY

DÉBATS : en audience publique du 28 août 2024

ORDONNANCE :

– contradictoire, rendue publiquement et en premier ressort,
– mise à disposition au greffe le 25 septembre 2024
– signée par Sabine ORSEL, Présidente du Tribunal Judiciaire et Christelle HENRY, greffier

N° RG 24/00256 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HXVR – ordonnance du 25 septembre 2024

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[Y] [X] épouse [P] et [L] [P] sont propriétaires d’une maison située [Adresse 4] à [Localité 3]. Ils ont confié à [C] [U] la réalisation de travaux sur leur propriété selon devis des 20 janvier 2020, notamment la pose et l’installation d’une cuve de récupération d’eaux de pluie.

Se plaignant que la cuve est déformée, ce qui les empêche de la fermer, les époux [P] ont interpellé [C] [U] qui les a renvoyés vers son assureur, la SA MMA IARD, qui leur a indiqué que la responsabilité civile décennale de leur assuré ne pouvait être engagée.

Une mise en demeure de procéder au remplacement de la cuve a été adressée par lettre recommandée avec avis de réception à [C] [U], demeurée infructueuse.

Par acte du 11 juin 2022, [Y] [X] épouse [P] et [L] [P] ont fait assigner [C] [U] devant le président de ce tribunal, statuant en référé. Dans leurs dernières conclusions, signifiées électroniquement le 26 août 2024, ils lui demandent de :
ordonner une expertise au visa de l’article 145 du code de procédure civile ;débouter [C] [U] de ses demandes, fins et prétentions ;débouter [C] [U] de sa demande de paiement de provision d’un montant de 3 519,90 euros, ainsi que de ses autres prétentions ;condamner [C] [U] à leur payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;condamner [C] [U] aux dépens.
Ils font valoir que :
ils disposent d’un motif légitime à ce qu’une expertise soit ordonnée en raison des désordres affectant la cuve, qui ne sont pas contestés par [C] [U] ;la cause du dommage n’est pas le défaut d’exutoire, mais le non respect de la part d'[C] [U] des consignes du fournisseur ;la demande reconventionnelle de provision est prescrite conformément aux dispositions de l’article L218-2 du code de la consommation qui prévoit que les actions des professionnels envers les consommateurs se prescrivent par deux années ;les travaux réalisés ne sont pas une transformation importante d’immeubles existants mais la réalisation d’un réseau d’eaux pluviales ;dès lors, ledit article est applicable en l’espèce ;l’article L441-10 du code de commerce n’est pas applicable au présent litige, puisque les dispositions du code de commerce ne sont pas applicables aux particuliers non-commerçants.
Dans ses dernières conclusions, signifiées électroniquement le 23 août 2024, [C] [U] demande au président de ce tribunal, statuant en référé, de :
A titre principal,
déclarer recevable et fondée sa demande en paiement ;débouter [Y] [X] épouse [P] et [L] [P] de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription ;condamner in solidum, à titre provisionnel, [Y] [X] épouse [P] et [L] [P], à lui payer, au titre au titre de sa facture du 20 mai 2022, la somme de 3 519,50 euros ;condamner in solidum, à titre provisionnel, [Y] [X] épouse [P] et [L] [P], à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,
mettre la provision à valoir sur la rémunération de l’expert à la charge de [Y] [X] épouse [P] et [L] [P], ainsi que les éventuels compléments de provisions susceptibles d’être ordonnés au profit de l’expert judiciaire.
Il fait valoir que :
la facture relative aux travaux litigieux a été réglée, mais pas la facture relative aux autres travaux commandés par les époux [P], datée du 20 mai 2022, d’un montant de 3 519,59 euros ;ni la réalité, ni la teneur des travaux ne sont contestées par les époux [P] ;l’article L221-2 du code de la consommation, qui prescrit par deux années l’action du professionnel à l’encontre d’un consommateur en raison d’une facture impayée, est exclu lorsqu’il s’agit de la transformation importante d’immeubles existants, ce qui est le cas en l’espèce ;de plus, s’il est jugé que cette disposition est applicable, le délai de prescription ne court qu’à compter de l’échéance de la facture qui, selon l’article L441-10 du code de commerce, ne peut excéder 60 jours après la date d’émission ;ainsi, la facture émise le 20 mai 2022 doit être considérée comme impayée à compter du 20 juillet 2022 ;dès lors, puisque les conclusions ont été signifiées le 11 juillet 2024, la demande n’est prescrite par le délai biennal de l’article L221-2 du code de la consommation ;comme indiqué sur le devis, l’argument des époux [P] selon lequel il est tenu de garantir les désordres affectant la cuve est inopérant, puisque le devis précise qu’aucun garantie ne sera due si un exutoire en épandage n’est pas réalisé par le client ;dès lors, bien que la cause du désordre puisse y trouver sa cause, sa responsabilité ne peut être engagée, et les époux [P] sont dépourvus de motif légitime.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande d’expertise
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Le motif légitime est un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure, qui doit être pertinente et utile, ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

En l’espèce, les demandeurs ne produisent aucun élément extérieur relatif au désordre allégué permettant d’apprécier sa nature, procédant uniquement par voie d’affirmation et ne justifient ainsi pas de la crédibilité de leurs suppositions.
La preuve de l’existence d’un motif légitime n’est ainsi pas rapportée et la demande sera rejetée.
Sur la demande de provision
L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dispose que « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable », le président du tribunal judiciaire peut « accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

En l’espèce, la question de l’applicabilité de la prescription de l’article L 218-2 du code de commerce suppose la qualification de la nature des travaux réalisés, qui relève de l’appréciation du juge du fond. Une contestation sérieuse est ainsi élevée sur l’existence de l’obligation et il n’y a lieu à référé.
La demande sera rejetée.
Sur les frais du procès
[Y] [X] épouse [P] et [L] [P], qui succombent, seront tenus aux dépens.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du défendeur les frais irrépétibles engagés pour les besoins de l’instance. Ils seront condamnés à lui verser la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le président du tribunal judiciaire,

REJETTE la demande d’expertise ;

REJETTE la demande de provision ;

CONDAMNE [Y] [X] épouse [P] et [L] [P] à payer à [C] [U] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [Y] [X] épouse [P] et [L] [P] aux entiers dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La greffière La présidente
Christelle HENRY Sabine ORSEL


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