Analyse des principes de procédure civile en matière d’absence de comparution et d’expertise

·

·

Analyse des principes de procédure civile en matière d’absence de comparution et d’expertise

Le 31 octobre 2023, le président du tribunal judiciaire de Lille a désigné un expert dans le cadre d’une affaire impliquant la SCI LE DIAMANT et la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT, ainsi que la S.A. ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT, concernant des travaux de rénovation d’un immeuble. Le 19 mars 2024, la SCI LE DIAMANT a assigné la S.A. ERGO et le liquidateur de la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT pour obtenir la reconnaissance de la mission d’expertise, la jonction de cette affaire avec la procédure principale, et un complément à la mission de l’expert. L’audience a eu lieu le 16 avril 2024, puis a été renvoyée au 3 septembre 2024. La SCI LE DIAMANT a réitéré ses demandes, tandis que la société ERGO a demandé le rejet de la demande de complément de mission et a pris acte de la demande d’extension des opérations d’expertise. Le liquidateur n’a pas constitué avocat. Les écritures des parties ont été soutenues oralement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
24/00570
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises – OC RG initial n°23/1143
N° RG 24/00570 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YEJD
SL/ST

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
DU 24 SEPTEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.C.I. LE DIAMANT
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Franck SPRIET, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Emmanuel BEAUCOURT, avocat au barreau de CHAMBERY, plaidant

DÉFENDEURS :

Me [Z] [N] ès qualité de liquidateur de la société RENOVATION CONSTRUCTION AMENAGEMENT
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparant

Société ERGO France
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Jean BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Samuel TILLIE, Premier Vice-Président adjoint, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT lors des débats et Sébastien LESAGE lors de la mise à disposition

DÉBATS à l’audience publique du 03 Septembre 2024

ORDONNANCE du 24 Septembre 2024

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

Par ordonnance du 31 octobre 2023 prononcée dans l’affaire enregistrée sous le numéro de registre général 23/1143, le président du tribunal judiciaire de LILLE statuant en référé a, sur la demande de la SCI LE DIAMANT, à l’encontre de la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT et la S.A. ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT (ERGO), désigné M. [D] [M] en qualité d’expert, concernant des travaux de rénovation de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 6].

Par assignations délivrées à sa demande le 19 mars 2024 à la S.A. ERGO et à Me [Z] [N] en qualité de liquidateur de la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT, la S.C.I. LE DIAMANT demande au président du tribunal judiciaire statuant en référé de :
– déclarer commune et opposable la mission d’expertise aux défendeurs,
– ordonner la jonction de cet appel en cause avec la procédure principale portant le numéro de registre général 23/1143,
– compléter la mission de l’expert comme suit : indiquer les éléments techniques d’appréciation d’une Réception tacite ou judiciaire des travaux ou d’une résolution judiciaire du contrat,
– réserver les dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 16 avril 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 3 septembre 2024.

La demanderesse, représentée, sollicite le bénéfice de ses dernières écritures, formulant les mêmes demandes que celles formulées dans son acte introductif d’instance.

Aux termes de ses conclusions, la société ERGO, représentée par son avocat, demande au président du tribunal judiciaire, statuant en référé, de :
– débouter la SCI LE DIAMANT de sa demande de complément de mission tendant à ce qu’il soit confié à l’expert la mission d’indiquer les éléments techniques d’appréciation d’une réception tacite ou judiciaire des travaux ou d’une résolution judiciaire du contrat ;
– donner acte à la société ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur la demande formée par la SCI LE DIAMANT tendant à l’extension des opérations d’expertise Maître [Z] [N] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT ;
– réserver les dépens.

Me [Z] [N] en qualité de liquidateur de la SAS RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT, régulièrement cité, n’a pas constitué avocat.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la non-comparution du défendeur et l’office du juge

L’article 472 du code de procédure civile énonce que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
L’article 473 du même code dispose que « lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur ».

En l’espèce, il convient donc de statuer dans les conditions de l’article 472 par décision réputée contradictoire conformément à l’article 473.

Sur la demande de jonction

L’article 367 du code de procédure civile dispose que le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. L’article 368 du même code prévoit que les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire.

En l’espèce, l’affaire enrôlée sous le numéro de registre général n°23/1143 a fait l’objet d’une ordonnance rendue par le juge des référés le 31 octobre 2023 de sorte que cette instance n’est plus pendante devant la juridiction statuant en référé.

Par conséquent, il ne pourra être fait droit à la demande de jonction.

Sur l’extension de la mesure d’expertise à Me [Z] [N]

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Justifie d’un motif légitime au sens de ce texte la partie qui démontre la probabilité de faits susceptibles d’être invoqués dans un litige éventuel.
En l’espèce, la société demanderesse justifie d’un motif légitime de rendre communes les opérations d’expertise à Me [Z] [N], lequel a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de VALENCIENNES du 22 janvier 2024.

Sur l’extension de la mission d’expertise

L’article 236 du code de procédure civile dispose que “le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien”. L’article 245 alinéa 3 du même code, précise que l’avis de l’expert doit être sollicité, lorsqu’il s’agit d’étendre la mission de l’expert ou de confier une mission complémentaire à un autre technicien.
La S.C.I. LE DIAMANT sollicite que la mission de l’expert soit étendue à “indiquer les éléments techniques d’appréciation d’une réception tacite ou judiciaire des travaux ou d’une résolution judiciaire du contrat” en application des articles 145 et 236 du code de procédure civile.
Pour cela, la demanderesse fait valoir que cette extension de mission est nécessaire à la résolution du litige puisqu’elle permettrait à la juridiction de statuer sur le point de départ des garanties légales (achèvement, biennale et décennale) et sur les responsabilités, alors même que selon elle, la S.A. ERGO prétend que les travaux n’ont pas été réceptionnés.
La S.C.I. LE DIAMANT précise que la réception des travaux pourrait correspondre à la signature du bail de location de l’immeuble entre [X] [I] et la S.C.I. LE DIAMANT puisqu’à cette date, l’immeuble pourrait être considéré comme habitable.
La requérante ajoute qu’une réception judiciaire peut être prononcée, l’expert devant alors énumérer les éventuelles réserves et proposer une date de réception des travaux, sans rechercher la volonté des parties et sans que cette réception judiciaire ne soit subordonnée à l’achèvement de l’ouvrage. Elle déclare que le défaut de conformité aux normes électriques pourra faire partie des réserves à la réception des travaux puisque ce défaut ne remet pas en cause la solidité de l’ouvrage.

La S.A. ERGO s’oppose à la demande de la S.C.I. LE DIAMANT. Elle soutient que l’extension de mission est dépourvue d’utilité dès lors que les travaux n’ont pas été réceptionnés, ne sauraient être réceptionnés en l’état et que la demanderesse n’a jamais eu l’intention de les réceptionner.
Pour cela, la S.A. ERGO affirme qu’il n’existe aucune interprétation possible quant à la volonté du maître de l’ouvrage de ne pas réceptionner les travaux. En effet, selon la défenderesse, la S.C.I. LE DIAMANT n’a jamais fait preuve d’une volonté équivoque de réceptionner les travaux puisque dans l’assignation de la procédure initiale, elle indiquait n’avoir pas pris possession de l’ouvrage et que la location des lieux demeurait impossible, que les affirmations récentes d’une location de l’immeuble à [X] [I] est corroboré par un document rédigé le 16 mai 2024 (filigrane par le logiciel d’assistance à la rédaction du bail) et que la SCI LE DIAMANT connaît le risque pour la sécurité des personnes liées à la non-conformité électrique depuis le 1 janvier 2023, date à laquelle la SCI a alerté la société RCA sur les conclusions du passage d’Enedis sur le chantier. Enfin, la SA ERGO VERSICHERUNG AKTIENGESELLSCHAFT précise que cette extension de mission est d’un caractère d’ordre purement juridique sur lequel il n’appartient à l’expert de se prononcer.

En l’espèce, il n’est pas justifié que l’avis de l’expert commis ait été recueilli s’agissant d’une extension du contenu de sa mission de sorte que la demande en ce sens présentée par la S.C.I. LE DIAMANT ne pourra prospérer.

Il convient donc de rejeter la demande d’extension de la mission allouée à l’expert.

Sur les dépens

Le juge des référés a l’obligation de statuer sur les dépens en application des dispositions de l’article 491 du code de procédure civile.

Dès lors, il convient de débouter les parties ayant sollicité que les dépens soient réservés.

La SCI LE DIAMANT dans l’intérêt et à la demande de laquelle la mesure d’instruction est ordonnée en avancera les frais et supportera les dépens de la présente instance.

Sur l’exécution provisoire

En vertu des dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, l’exécution provisoire sera de droit.

DECISION

Par ces motifs, le juge des référés statuant après débat en audience publique par ordonnance réputée contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe et rendue en premier ressort,

Vu l’ordonnance de référé du 31 octobre 2023 (RG n° 23/01143) ;

Rejette la demande de jonction ;

Déclare communes à Me [Z] [N] en qualité de liquidateur de la S.A.S. RENOVATION CONSTRUCTION AMÉNAGEMENT les opérations d’expertise précédemment ordonnées par ordonnance de référé du 31 octobre 2023 (RG n° 23/01143) pour les opérations accomplies postérieurement à son intervention ;

Dit que S.C.I. LE DIAMANT communiquera sans délai à Maître [Z] [N] l’ensemble des pièces déjà produites par les parties ainsi que les notes rédigées par l’expert ;

Dit que l’expert devra convoquer Me [Z] [N] en sa qualité précitée à la prochaine réunion d’expertise au cours de laquelle il sera informé des diligences déjà accomplies et invité à formuler ses observations ;

Accorde à l’expert un délai supplémentaire de deux mois pour déposer son rapport ;

Dit n’y avoir lieu à la provision complémentaire ;

Dit que dans l’hypothèse où la présente décision est portée à la connaissance de l’expert après dépôt de son rapport, ses dispositions seront caduques ;

Rejette la demande d’extension de la mission de l’expert ;

Laisse à la S.C.I. LE DIAMANT la charge des dépens ;

Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par le juge et le greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Samuel TILLIE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x