Analyse des conditions de mise en œuvre d’une expertise préalable dans le cadre d’un litige immobilier

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Analyse des conditions de mise en œuvre d’une expertise préalable dans le cadre d’un litige immobilier

La S.C.I. JULIA a engagé la S.A.R.L. ARS pour des travaux de rénovation de toiture, avec un devis accepté et une facture réglée en 2021. En 2023, la S.C.I. JULIA a constaté des anomalies, notamment un revêtement de sol non conforme et des éléments de ventilation enlevés. Elle a donc assigné la S.A.R.L. ARS en mai 2024 pour obtenir la désignation d’un expert et réclamer 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’audience initiale a eu lieu le 11 juin 2024, puis a été renvoyée au 3 septembre 2024. À cette date, la S.C.I. JULIA a réaffirmé sa demande, tandis que la S.A.R.L. ARS a demandé au juge de se prononcer sur la demande d’expertise et a exprimé des réserves, tout en sollicitant la condamnation de la demanderesse aux frais.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
24/00900
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Référés expertises
N° RG 24/00900 – N° Portalis DBZS-W-B7I-YJO7
SL/ST

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

DU 24 SEPTEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

S.C.I. JULIA
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par Me Juliette COUSIN, avocat au barreau de LILLE

DÉFENDERESSE :

S.A.R.L. ARS ( ETANCHEITE – HALTE HUMIDITE )
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Myriam LATRECHE, avocat au barreau de LILLE

JUGE DES RÉFÉRÉS : Samuel TILLIE, Premier Vice-Président adjoint, suppléant le Président en vertu des articles R. 212-4 et R. 212-5 du Code de l’Organisation Judiciaire

GREFFIER : Martine FLAMENT lors des débats et Sébastien LESAGE lors de la mise à disposition

DÉBATS à l’audience publique du 03 Septembre 2024

ORDONNANCE du 24 Septembre 2024

LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Après avoir entendu les parties comparantes ou leur conseil et avoir mis l’affaire en délibéré, a statué en ces termes :

La S.C.I. JULIA, propriétaire d’un immeuble situé au [Adresse 7] à [Localité 8] (59), a confié à la S.A.R.L. ARS des travaux de rénovation de sa toiture suivant devis accepté du 24 août 2021 et facture acquittée du 21 octobre 2021 pour un prix de 20 494,13 €.

Exposant avoir constaté en 2023 que le revêtement de sol posé sur le toit de l’immeuble par la SARL ARS n’est pas celui qui était prévu par le devis et que la société aurait enlevé le chapeau de toiture de la ventilation mécanique contrôlée et le tuyau d’évacuation, la société JULIA a, par acte du 23 mai 2024, fait assigner la société ARS devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé, pour obtenir la désignation d’un expert, au visa des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, outre la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens étant réservés.

L’affaire a été appelée à l’audience du 11 juin 2024 et renvoyée à la demande des parties pour être plaidée le 3 septembre 2024.

A cette date, la société demanderesse, représentée par son avocat, sollicite le bénéfice de son exploit introductif d’instance.

Aux termes de ses conclusions, la société défenderesse, représentée par son avocat, sollicite que le juge des référés :
– prenne acte que la société ARS s’en rapporte à son appréciation sur la demande d’expertise judiciaire,
– prenne acte de ses protestations et réserves d’usage,
– condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est fait référence à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties qui ont été soutenues oralement.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la non-comparution du défendeur et l’office du juge

L’article 472 du code de procédure civile énonce que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ».
L’article 473 du même code dispose que « lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur ».

En l’espèce, il convient donc de statuer dans les conditions de l’article 472 par décision réputée contradictoire conformément à l’article 473.

Sur la demande d’expertise

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé. Il suffit qu’un procès futur soit possible, qu’il ait un objet et un fondement suffisamment déterminé, que le demandeur produise des éléments rendant crédibles ses suppositions, sans qu’il n’y ait lieu à exiger un commencement de preuve des faits invoqués, que l’expertise est justement destinée à établir; que sa solution puisse dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, que celle-ci ne soit pas vouée à l’échec en raison d’un obstacle de fait ou de droit et ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
L’existence de contestations, même sérieuses, ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, l’application de ce texte n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des personnes appelées comme parties à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.

La SARL ARS formule les protestations et réserves d’usage concernant la demande d’expertise.

La SCI JULIA communique à l’appui de sa demande :
– le devis du 24 août 2021 et la facture du 15 octobre 2021 prévoyant “la fourniture et pose d’une isolation thermique fixée mécaniquement en mousse rigide de polyisocyanurate, revêtue sur les deux faces IKO ENERTHERM” avec “fourniture et pose d’un revêtement en étanchéité membrane EPDM” (pièces n°1 et n°2 demandeur),
– un mail du 17 mai 2024 envoyé par Monsieur [R] [H] de la société COTE COUVERTURE qui atteste par la production de photographies qu’entre la toiture en février 2021 et la toiture en mai 2024, “les deux sorties de toiture sur trois ont été supprimées” et que “la réfection de la toiture a été réalisée au moyen d’un complexe d’étanchéité bitumeux” (pièce n°4 demandeur)
– une attestation non datée de Monsieur [O] [P] de la société SARL EUROCLIM qui déclare “la disparition du conduit d’extraction et la présence d’un tuyau PVC de diamètre 100 qui ne peut en aucun cas être utilisé à cet effet”.

Dès lors, les pièces produites aux débats rendent vraisemblable l’existence des désordres invoqués, de sorte que la SCI JULIA justifie d’un motif légitime pour obtenir la désignation d’un expert en vue d’établir, avant tout procès, la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

En conséquence, et sans que la présente décision ne comporte de préjugement quant aux fautes éventuelles, aux responsabilités encourues, et aux garanties mobilisables, dont l’appréciation relève du fond, il sera fait droit à la demande d’expertise suivant les modalités fixées à la présente ordonnance.

La détermination de la mission de l’expert relève de l’appréciation du juge, conformément aux dispositions de l’article 265 du code de procédure civile.

Sur la demande de la SARL ARS

Il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur le droit pour une partie d’opposer ultérieurement aux autres parties toutes exceptions, fins de non-recevoir ou moyens de défense au fond, sans aucun élément de fait.

En conséquence, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes formulées en ce sens par la SARL ARS.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le juge des référés a l’obligation de statuer sur les dépens en application des dispositions de l’article 491 du code de procédure civile. Il ne saurait donc réserver les dépens comme sollicité par la demanderesse.

La SCI JULIA dans l’intérêt et à la demande de laquelle la mesure d’instruction est ordonnée en avancera les frais et supportera les dépens de la présente instance.

A ce stade de la procédure, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, les frais et dépens par elle engagés dans le cadre de la présente instance au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La demande formulée en ce sens par la SCI JULIA sera rejetée.

Sur l’exécution provisoire

La présente décision, susceptible d’appel est exécutoire par provision, en application des dispositions des articles 484, 514 et 514-1, alinéa 3, du code de procédure civile.

DECISION

Par ces motifs, le juge des référés, statuant après débat en audience publique, par ordonnance réputée contradictoire prononcée par mise à disposition au greffe et rendue en premier ressort ;

Ordonne une expertise et Désigne en qualité d’expert :

Monsieur [T] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]

expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de DOUAI, lequel pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Fixe la mission de l’expert comme suit :
– se rendre sur les lieux dans l’immeuble situé au [Adresse 7] à [Localité 8] (59), après y avoir convoqué les parties,
– se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission;
– examiner les défauts, malfaçons, non-façons, non-conformités allégués dans l’assignation ; Les décrire en indiquer l’origine, l’étendue, la nature, l’importance, la date d’apparition, selon toute modalité technique que l’expert estimera nécessaire; en rechercher la ou les causes et déterminer à quels intervenants, ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions;
– dire si les travaux contestés ont été réalisés conformément aux documents contractuels et conformément aux règles de l’art;
– décrire les travaux de reprise et procéder à un chiffrage desdits travaux,
– fournir tous éléments techniques et de fait de nature à déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état ;
– dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l’aggravation des désordres et du préjudice qui en découle, soit pour prévenir les dommages à la personne ou aux biens; Dans l’affirmative, à la demande d’une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire, dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible;
– fournir toutes les indications sur la durée prévisible des réfections ainsi que sur les préjudices accessoires qu’ils pourraient entraîner tels que privation ou limitation de jouissance ;
– donner son avis sur les comptes entre les parties ;

Dit que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils,
– recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés ;
– se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– définir un calendrier prévisionnel de ses opérations à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
→ en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations,
→ en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent, sur le fondement de l’article 280 du code de procédure civile, et dont l’affectation aux parties relève du pouvoir discrétionnaire de ce dernier au sens de l’article 269 du même code ;
→ en fixant aux parties un délai impératif pour procéder aux interventions forcées ;
→ en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– adresser aux parties au terme de ses opérations, un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse, communication d’un projet de rapport) et y arrêter le calendrier impératif de la phase conclusive de ses opérations, compte-tenu des délais octroyés devant rester raisonnable :
→ fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
→ rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.

Fixe à 2500 € (deux mille cinq cents euros) le montant de la provision à valoir sur les frais d’expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse auprès de la régie d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Lille au plus tard le 5 novembre 2024 ;

Dit que faute de consignation de la présente provision initiale dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera aussitôt caduque et de nul effet, sans autre formalité requise ;

Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport et en copie sous forme d’un fichier PDF, enregistré sur une clef USB, au greffe du tribunal judiciaire de Lille, service du contrôle des expertises, [Adresse 1], [Localité 4], dans le délai de huit mois, à compter de la consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge chargé du contrôle des expertises ;

Dit que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

Laisse à la charge de la S.C.I. JULIA les dépens de la présente instance ;

Déboute la S.C.I. JULIA de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La présente ordonnance a été signée par le juge et le greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS

Sébastien LESAGE Samuel TILLIE


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