Sur la recevabilité des conclusions et la contestation des obligations contractuelles

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Sur la recevabilité des conclusions et la contestation des obligations contractuelles

La SARL Pétrocom a contesté une ordonnance de référé en appel, demandant l’infirmation de cette ordonnance, le rejet des demandes de la SAS SEMIP, ainsi qu’une condamnation de cette dernière à lui verser des frais. Pétrocom soutient que SEMIP ne justifie pas de l’urgence de ses demandes et qu’il existe une contestation sérieuse concernant l’achèvement des travaux et des malfaçons. En réponse, la SAS SEMIP a demandé la confirmation de l’ordonnance de référé, affirmant que sa créance est incontestable et que les réserves avaient été levées. Elle a également souligné que les procès-verbaux de réception avaient été signés en présence de Pétrocom, qui n’avait pas émis de réclamations concernant des travaux inachevés. L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024, après quoi Pétrocom a soumis de nouvelles conclusions, auxquelles SEMIP a réagi en demandant leur irrecevabilité.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Reims
RG
24/00464
ARRET N°

du 24 septembre 2024

N° RG 24/00464 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FO4R

S.A.R.L. PETROCOM

c/

S.A.S. SOCIETE D EQUIPEMENT DE MAINTENANCE D INSTALLATION S PETROLIERES SEMIP

Formule exécutoire le :

à :

Me Laureen MELIS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

d’une ordonnance de référé rendue le 06 mars 2024 par le tribunal de commerce de REIMS

La société Pétrocom, SARL au capital de 10.000 € dont le siège social est [Adresse 1], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Reims sous le n°882 255 607 représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Laureen MELIS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

La SOCIETE D’EQUIPEMENT DE MAINTENANCE D’INSTALLATIONS PETROLIERES (SEMIP) ), SAS au capital de 100.000 € dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Bobigny sous le n°397 777 947 représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Guillaume PERRON, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Nathalie ROBINAT, avocat au barreau de BOBIGNY, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l’audience publique du 01 juillet 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 24 septembre 2024

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

La SARL Pétrocom a pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce de station-service situé [Adresse 4] à [Localité 3].

Elle a fait réaliser des travaux de construction à compter de 2021 et la Société d’Equipement de Maintenance d’Installation Pétrolière (SEMIP) a été retenue pour exécuter plusieurs lots.

La SEMIP a fait assigner la société Pétrocom devant le juge des référés du tribunal de commerce de Reims par acte du 3 janvier 2024 afin d’obtenir la condamnation de celle-ci à lui payer une provision de 37 888.80 euros TTC.

La société Pétrocom a invoqué la nullité de l’assignation et, subsidiairement, conclu au rejet des demandes de la SEMIP.

Par ordonnance du 6 mars 2024, le juge des référés :

– S’est déclaré compétent,

– A reçu la SEMIP en sa demande et l’a déclarée bien fondée,

En conséquence,

– A condamné la société Pétrocom à verser à la SEMIP, à titre de provision, la somme de 37 888.80 euros assortie de l’intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 décembre 2023,

– Condamné la société Pétrocom à verser à la SEMIP la somme de 240 euros au titre des frais de recouvrement,

– Condamné la société Pétrocom à régler à la SEMIP la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

– Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

– Condamné la société Pétrocom aux entiers dépens de l’instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 40.65 euros TTC.

Il a relevé que l’assignation contient clairement l’exposé des moyens en droit et l’indication des modalités de comparution, que les réserves faites à la réception des travaux ont été ensuite levées, qu’il est impossible de tirer des conclusions du constat de commissaire de justice produit par la société Pétrocom, que le gérant de cette société a indiqué par écrit, procéder au règlement de façon imminente et ce, à plusieurs reprises et que la société a toujours un solde débiteur de 37 888.80 euros dans l’état financier daté du 21 décembre 2023.

La SARL Pétrocom a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 21 mars 2024.

Par conclusions notifiées le 26 avril 2024, la SARL Pétrocom sollicite :

– L’infirmation de l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions,

– Le rejet des demandes de la SAS SEMIP,

– La condamnation de la SAS SEMIP à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de 1ère instance et d’appel,

– Sa condamnation aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel, en ce compris le coût du procès-verbal de constat établi par Me [I] [T] le 6 février 2024 pour un coût de 441.20 euros TTC, dont distraction au profit de Me Laureen Melis.

Elle soutient que la SEMIP ne justifie pas de l’urgence de ses demandes et invoque l’existence d’une contestation sérieuse en ce qu’elle fait reproche à la SEMIP de ne pas avoir achevé ses travaux et d’être à l’origine de malfaçons. Elle affirme que cette dernière ne peut se prévaloir des deux procès-verbaux de réception établis le 6 avril 2024 parce qu’ils ne sont pas signés par elle.

Par conclusions notifiées le 15 mai 2024, la SAS SEMIP sollicite la confirmation de l’ordonnance de référé, le rejet des demandes de la société Pétrocom et sa condamnation à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Elle fait valoir que la démonstration d’une urgence n’est pas requise et affirme que sa créance n’est pas contestable. Elle affirme en ce sens que les deux procès-verbaux ont été signés en présence du représentant de la société Pétrocom, qui n’a formulé aucune observation, que les 5 réserves ont été levées, que dans des mails postérieurs, cette société s’est engagée expressément à solder sa dette, qu’elle ne lui a jamais adressé de réclamation à propos de travaux inachevés ou mal réalisés, même après réception de l’assignation et que les contestations émises au vu du constat du commissaire de justice portent sur des travaux qui ne lui incombaient pas.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024. La société Petrocom a notifié de nouvelles conclusions et une pièce le même jour.

La SEMIP a notifié des conclusions le 21 juin 2024 afin que ces nouvelles conclusions et pièce soient déclarées irrecevables et écartées des débats comme postérieures à l’ordonnance de clôture.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées le 18 juin 2024 par la société Pétrocom

Selon l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

La copie de l’ordonnance de clôture a été portée à la connaissance des parties par message RPVA envoyé par le greffe le 18 juin 2024 à 10 heures 24.

La SARL Petrocom a notifié ses conclusions n°2 et une pièce n°2 le même jour, à 22 heures 51, donc postérieurement à l’ordonnance de clôture.

Ces conclusions et cette pièce doivent donc être déclarées irrecevables et la cour statuera au vu des pièces et écritures notifiées par la société Petrocom le 26 avril 2024 rappelées dans l’exposé du litige.

Sur la demande de provision

Il résulte de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La société Semip justifie, pour chacune des sommes qu’elle réclame, d’un devis revêtu d’une signature et d’une mention  » bon pour accord « , attribuées à la société Petrocom, sans contestation de cette dernière.

La société Petrocom assure que les travaux n’ont pas été achevés et invoque des malfaçons.

La société Semip se prévaut de deux procès-verbaux de réception dont seul un, se rapportant au devis n°2021/11/00932 du 22 novembre 2021, concerne des travaux dont le paiement est en cause dans la présente affaire, à hauteur de 1 198.80 euros.

Ce procès-verbal porte la signature de la société Pac Ingénierie, maître d »uvre, en qualité de  » représentant légal du maître d’ouvrage « , mais il n’est pas justifié de cette qualité, alors que la société Petrocom objecte qu’elle n’a pas signé le procès-verbal.

La société Semip affirme que le dirigeant de la société Petrocom était présent, sans que cela ne ressorte des mentions du procès-verbal.

En outre, cet acte indique que les travaux et prestations prévus au marché ont été exécutés à l’exception des suivants : mise en peinture de la collerette dépotage E10, shunts liaisons équipotentielles des plateaux de réservoirs et transmission du DOE.

Or, si la société SEMIP justifie avoir mis le DOE à la disposition du maître d »uvre, les copies de photographies, en noir et blanc, qu’elle produit, ne suffisent pas à justifier de la levée des autres réserves.

La contestation élevée par la société Petrocom quant à l’achèvement des travaux est donc sérieuse.

Celle-ci produit en outre un procès-verbal de constat d’un commissaire de justice, établi le 6 février 2024 faisant état de :

– L’allumage permanent et non pas seulement nocturne de l’éclairage des pistes de ravitaillement en carburant et de la piste de lavage,

– D’un enrobé fissuré et se creusant par endroit avec un caniveau bouché,

– La présence d’ornières de boue en entrée et sortie de station,

– L’absence de raccordement de l’évacuation d’eau dans les toilettes,

– Traces d’infiltration sur le mur en parpaings côté route et au sol.

S’il ne ressort pas des devis que l’éclairage des pistes et le raccordement de l’évacuation dans les toilettes étaient à la charge de la société SEMIP et si le mur en parpaing évoqué ne peut, faute de plus amples précisions, être localisé et donc rattaché à des travaux incombant à la société SEMIP, le devis n°2021/11/00932 du 22 novembre 2021 prévoit bien la réalisation d’un caniveau en béton armé au paragraphe  » travaux pour la distribution « , de sorte que le constat de désordres l’atteignant sont de nature à rendre sérieuse la contestation de la société Petrocom.

Ce même devis prévoit la reprise des espaces verts au titre des  » travaux lavage « . Or, les photographies jointes au procès-verbal de constat montrent que la zone boueuse et marquée d’ornières se trouve à proximité de la zone de lavage et les mentions du devis ne permettent pas de l’exclure des travaux que la société Semip devait réaliser, puisque ces travaux sont comptabilisés pour un prix d’ensemble, sans précision de surface.

La société Semip se prévaut de courriers électroniques échangés avec la société Petrocom, dans lesquels cette dernière annonce l’envoi de chèques en paiement et, in fine, qu’elle attend un remboursement de la TVA de la part du Trésor Public.

Ce dernier message, daté du 3 octobre 2022, n’est pas de nature ôter tout caractère sérieux aux contestations présentes de la société Petrocom puisqu’il a été rédigé alors que la société SEMIP réclamait à celle-ci une somme de 57 127.20 euros, donc supérieure à celle dont elle demande paiement dans la présente instance.

Au vu de ces éléments, la contestation opposée par la société Petrocom à la demande de la société Semip est suffisamment sérieuse pour faire obstacle à l’octroi d’une quelconque provision à cette dernière, le jugement étant infirmé de ce chef et de celui condamnant la société Petrocom au titre des frais de recouvrement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société Semip succombe en ses demandes. Elle doit donc supporter les dépens, de première instance et d’appel, et sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile doit être rejetée. Le jugement sera donc infirmé de ces chefs.

Il est équitable d’allouer à la société Petrocom la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Me Laureen Melis sera autorisée à recouvrer les dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement,

Déclare irrecevables les conclusions n°2 et la pièce n°2 notifiées le 18 juin 2024 par la SARL Petrocom,

Infirme l’ordonnance rendue le 6 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce de Reims en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision de la SAS Semip,

Condamne la SAS Semip à payer à la SARL Petrocom la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute la SAS Semip de sa propre demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Semip aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Laureen Melis.

Le greffier La présidente


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