Sursis à Statuer et Validité des Actions du Mandataire Liquidateur : Analyse des Conditions et Conséquences

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Sursis à Statuer et Validité des Actions du Mandataire Liquidateur : Analyse des Conditions et Conséquences

M. [D] a été condamné aux dépens de l’incident, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 14 décembre 2023 pour fixation au fond et clôture de l’instruction, intervenue le 13 mai 2024, avec une audience prévue le 27 mai 2024.

M. [U] [D] a demandé un sursis à statuer en raison d’une procédure pénale en cours à son encontre, tout en soulevant des fins de non-recevoir concernant l’irrecevabilité de l’action de la Selarl [S] & Associés, mandataire liquidateur des sociétés Up Appart, Amont et Pad. Il a contesté la preuve des faits reprochés, affirmant que son activité de construction-vente impliquait des exercices déficitaires normaux et qu’il n’y avait pas eu de détournement d’actifs.

La Selarl [S] & Associés a demandé la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Toulouse, qui avait prononcé la faillite personnelle de M. [U] [D] pour 10 ans et une incapacité d’exercer une fonction publique élective pour 5 ans, tout en reprochant à M. [D] d’avoir poursuivi une activité déficitaire et d’avoir tenu une comptabilité incomplète.

Le Ministère Public a également demandé la confirmation du jugement en ce qui concerne le rejet de certaines demandes, tout en proposant une interdiction de gérer pour une durée de 15 ans, justifiée par la gestion des biens des sociétés comme s’ils étaient personnels. Toutefois, il a noté que les preuves de détournement d’actifs et d’augmentation frauduleuse du passif n’étaient pas suffisamment établies. La comptabilité des sociétés Amont et Pad a été jugée non conforme aux obligations légales, ce qui a conduit à la recommandation d’une interdiction de gérer.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
23/01627
24/09/2024

ARRÊT N°332

N° RG 23/01627 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PNNJ

SM / CD

Décision déférée du 23 Février 2023 – Tribunal de Commerce de toulouse – 2022F00316

M. FANTINI

[U] [D]

C/

S.E.L.A.R.L. [S] ET ASSOCIES

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

*

ARRÊT DU VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANT

Monsieur [U] [D]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Thomas NECKEBROECK, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. [S] ET ASSOCIES

Prise en la personne de Maître [Z] [S] en qualité de Mandataire Judiciaire des sociétés UP APPART, AMONT et PAD

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric BENOIT-PALAYSI de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

EN PRESENCE DU :

MP PG COMMERCIAL

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère, chargée du rapport et I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

S. MOULAYES, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure

La Sas Up Appart, la Sas Amont, et la Sccv Pad, toutes dirigées par Monsieur [U] [D], ont été placées en redressement judiciaire par jugements du tribunal de commerce de Toulouse, respectivement des 23 juin 2020, 6 octobre 2020 et 13 octobre 2020 ; la Selarl [S] & Associés, prise en la personne de Maître [Z] [S], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 27 juillet 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la confusion des trois procédures de redressement judiciaire ouvertes au bénéfice de ces sociétés, avec confusion des masses actives et passives.

Le 4 novembre 2021, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de ces trois sociétés, et a désigné la Selarl [S] & Associés, prise en la personne de Maître [Z] [S], en qualité de liquidateur judiciaire ; cette décision a été confirmée par arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse du 21 septembre 2022.

Par acte du 19 janvier 2022, la Selarl [S] & Associés, prise en la personne de Maître [Z] [S], en qualité de mandataire judiciaire des sociétés Sas Up Appart, Sas Amont, et Sccv Pad, a fait délivrer assignation à Monsieur [D] devant le tribunal de commerce de Toulouse, aux fins de le faire condamner a une mesure de faillite personnelle, avec les effets qui y sont attachés à savoir une interdiction de gérer, la reprise des poursuites par les créanciers après clôture pour insuffisance d’actif, des procédures collectives des sociétés Up Appart, Amont et Pad, la mise sous contrôle des droits de vote de Monsieur [D] dans les personnes morales dont il est actionnaire, outre une éventuelle incapacité élective, le tout avec exécution provisoire.

Le 13 juin 2022, le tribunal correctionnel de Toulouse a reconnu Monsieur [D] coupable d’abus de biens sociaux au préjudice des Sas Up Appart et Amont, et abus de confiance au préjudice de la Sccv Pad.

Il a en revanche été relaxé du délit de banqueroute par tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière de la Sas Up Appart.

A titre de peine complémentaire le tribunal a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer toute activité en lien avec la construction, la conception, la vente ou la rénovation de biens immobiliers pendant 5 ans, avec exécution provisoire, et une interdiction définitive, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société avec exécution provisoire également.

Sur intérêts civils le tribunal a rejeté la demande du liquidateur concernant les faits de banqueroute, a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Selarl [S] es qualité, et a condamné Monsieur [D] à payer au mandataire liquidateur les sommes de :

– 458 396€ au titre de l’abus de biens sociaux, à la société UP APPART,

– 522 894€ au titre de l’abus de confiance, à la société PAD,

– 332 778€ au titre de l’abus de biens sociaux à la société AMONT,

et ce avec intérêt au taux légal à compter du jour du jugement.

Monsieur [U] [D] a interjeté appel de ce jugement correctionnel.

Par jugement du 23 février 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :

– rejeté la demande de sursis à statuer ;

– rejeté la demande formulée sur le droit d’agir de la Selarl [S] & Associés;

– rejeté la demande d’irrecevabilité fondée sur le fondement juridique de l’assignation ;

– prononcé la faillite personnelle de M. [U] [D] domicilié Chez Mme [L] [Adresse 6], né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 9], pour une durée de 10 ans ;

– rejeté la demande de reprise des droits de poursuite des créanciers;

– rejeté la demande de mise sous contrôle des droits de vote de M. [U] [D] ;

– rejeté la demande de cession des droits sociaux des sociétés ;

– prononcé l’incapacité d’exercer une fonction publique élective de M. [U] [D] pour une durée de 5 ans ;

– dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Monsieur [U] [D] aux dépens.

Par déclaration du 4 mai 2023, Monsieur [U] [D] a formé appel des chefs de jugement qui ont :

– rejeté la demande de sursis à statuer ;

– rejeté la demande formulée sur le droit d’agir de la Selarl [S] & Associés ;

– rejeté la demande d’irrecevabilité fondée sur le fondement juridique de l’assignation ;

– prononcé la faillite personnelle de M. [U] [D] domicilié Chez Mme [L] [Adresse 6], né le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 9], pour une durée de 10 ans ;

– prononcé l’incapacité d’exercer une fonction publique élective de M. [U] [D] pour une durée de 5 ans ;

– condamné Monsieur [U] [D] aux dépens.

Par ordonnance du 9 novembre 2023, le conseiller de la mise en état, saisi par Monsieur [D], a :

– dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;

– constaté que les fins de non-recevoir présentées par M. [D] excèdent les pouvoirs du conseiller de la mise en état et les a déclaré irrecevables,

– condamné M. [D] aux dépens de l’incident,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience de mise en état du 14 décembre 2023 pour fixation au fond et clôture de l’instruction.

La clôture est intervenue le 13 mai 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience du 27 mai 2024.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions d’appelant notifiées le 3 août 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de Monsieur [U] [D] demandant de :

– In limine litis, à titre principal, et à toutes fins, vu l’article 378 du Code de procédure civile :

– ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale visant Monsieur [U] [D],

– dire que toute partie intéressée pourra faire réinscrire cette affaire au rang des affaires en cours de la Cour en justifiant de la levée de la cause de sursis à statuer,

– réserver toutes les autres demandes.

– In limine litis, à titre subsidiaire, et à toutes fins, vu l’article 122 du Code de procédure civile,

– juger irrecevable, pour défaut de droit d’agir, l’action intentée par la Selarl [S] & Associés, prise en la personne de Maître [Z] [S] en sa qualité de Mandataire Liquidateur des Sociétés Up Appart, Amont et Pad,

– juger irrecevable l’action intentée le 19 janvier 2022 par la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S] en sa qualité de Mandataire Liquidateur des Sociétés Up Appart, Amont et Pad sur le fondement de l’article L.653-3 du Code de commerce,

– condamner la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S] en sa qualité de Mandataire Liquidateur des Sociétés Up Appart, Amont et Pad à verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S] en sa qualité de Mandataire Liquidateur des Sociétés Up Appart, Amont et Pad aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Thomas NECKEBROECK, Avocat, sur son affirmation de droit.

– Sur le fond, rejetant toutes conclusions contraires comme irrecevables et en tous cas, mal fondées :

– réformer le Jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 23 février 2023 (RG n°2022F00316) en ce qu’il a :

– prononcé la faillite personnelle de Monsieur [U] [D] pour une durée de 10 ans ;

– prononcé l’incapacité d’exercer une fonction publique élective de Monsieur [U] [D] pour une durée de 5 ans ;

– condamné Monsieur [U] [D] aux dépens.

Statuant à nouveau,

– débouter la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Up Appart, Amont et Pad de l’intégralité de ses demandes, prétentions, fins, moyens et conclusions,

Ainsi, vu les articles L.653-2 et L.653-10 du Code de commerce,

– débouter la Selarl [S] & Associés, prise en la personne de Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Up Appart, Amont et Pad de l’ensemble de ses demandes objets du présent appel,

– condamner la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Up Appart, Amont et Pad à verser à Monsieur [U] [D] la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Up Appart, Amont et Pad aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Thomas NECKEBROECK, Avocat, sur son affirmation de droit.

Monsieur [D] formule une nouvelle fois sa demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de l’appel formé à l’encontre de sa condamnation devant le tribunal correctionnel, estimant que les informations qui pourront alors être tirées de la procédure pénale seront utiles à la présente procédure.

Il soulève ensuite deux fins de non-recevoir, estimant d’une part que la Selarl [S] & Associés n’avait qualité pour l’assigner qu’à titre personnel, et non ès qualité ; d’autre part, il invoque une erreur de fondement juridique dans l’assignation, le mandataire liquidateur ayant fondé son action sur le texte relatif aux personnes physiques exerçant une activité commerciale, et non sur celui visant les dirigeants de personnes morales.

Sur le fond, il estime que le mandataire liquidateur ne rapporte pas la preuve des faits dont il se prévaut pour solliciter une sanction, et rappelle que son activité de construction vente implique nécessairement d’avoir un ou plusieurs exercices déficitaires, ces derniers constituant le portage d’opérations immobilières. Il affirme que la poursuite de son activité dans ces conditions ne constituait pas un abus.

S’agissant du détournement ou de la dissimulation de l’actif ou de l’augmentation frauduleuse du passif, il rappelle qu’il ne peut pas faire l’objet d’une faillite personnelle au visa de l’article L653-3 du code de commerce, dans la mesure où il n’est pas chef d’entreprise individuelle, et où en tout état de cause, il n’est pas démontré un détournement d’actif ou une dissimulation de celui-ci, une augmentation frauduleuse du passif et une poursuite d’activité abusive dans un but personnel.

Vu les conclusions d’intimé notifiées le 22 novembre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Selarl [S] & Associés, représentée par Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Sas Up Appart, Sas Amont, et Sccv Pad, demandant, aux visas des articles L653-3, L653-2, L653-9, L653-10, L653-1 et L653-4 du Code de Commerce, et de l’article L653-5 6° du Code Commerce, de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– rejeter toutes conclusions contraires comme infondées juridiquement.

– prononcer au bénéfice de Monsieur [D] une mesure de faillite personnelle avec les effets obligatoires qui y sont attachés, savoir :

– une interdiction de gérer, en application de l’article L653-2 du Code de Commerce,

– la reprise des poursuites des créanciers après clôture des procédures collectives des Sociétés Up Appart, Amont et Pad, pour insuffisance d’actif,

– la mise sous contrôle des droits de vote de Monsieur [D] dans les personnes morales en application de l’article L653-9 du Code de Commerce.

– arbitrer sur les mesures facultatives qui pourraient être prononcées contre Monsieur [U] [D]:

– la cession forcée des droits sociaux de Monsieur [D] au pro’t des créanciers, en application de l’article L653-9 du Code de Commerce,

– tout en arbitrant sur une éventuelle incapacité élective que le Tribunal pourrait prononcer contre ce dernier, en la motivant en application de l’article L653-10 du Code Commerce.

– condamner Monsieur [D] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

– condamner Monsieur [D] à payer à la Selarl [S] & Associés prise en la personne de Maître [Z] [S], en sa qualité de mandataire judiciaire des sociétés Up Appart, Amont et Pad la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Le mandataire reproche à Monsieur [D] d’avoir poursuivi abusivement l’activité déficitaire des sociétés, d’avoir détourné des actifs, et d’avoir tenu une comptabilité incomplète, les comptes n’ayant été communiqués que partiellement et tardivement, laissant par ailleurs apparaître des flux financiers anormaux et non justifiés.

Vu les conclusions notifiées le 5 février 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, par lesquelles le Ministère Public demande de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 23 février 2023 en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer dans l’attente de la décision pénale à intervenir, rejeté la demande formulée sur le droit d’agir de la Selarl [S] & Associés, rejeté la demande d’irrecevabilité fondée sur le fondement juridique de l’assignation, rejeté la demande de reprise des droits de poursuite des créanciers, la demande de mise sous contrôle des droits de vote de M. [U] [D], et la demande de cession des droits sociaux dont il est propriétaire ;

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 23 février 2023 en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de [U] [D] pour une durée de 10 ans et prononcé à son encontre une incapacité d’exercer une fonction publique élective pour une durée de 5 ans ;

Statuant à nouveau :

– prononcer une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pour une durée de QUINZE ANS.

Le Ministère Public estime que la procédure vient démontrer que Monsieur [U] [D] a disposé des biens des personnes morales dont il était le dirigeant comme de ses biens propres, justifiant ainsi une sanction commerciale.

Cependant, faute notamment de report de la date de cessation des paiements, la poursuite abusive dans un intérêt personnel d’une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements des personnes morales n’est pas suffisamment démontrée par le liquidateur dans ses conclusions en appel.

Il en est de même du détournement ou la dissimulation de tout ou partie des actifs des trois sociétés, et de l’augmentation frauduleuse de leur passif qui ne sont pas, en l’état, démontrées par la Selarl [S] et Associés.

Par ailleurs, si la relaxe pour les faits de banqueroute est définitive, du fait de l’absence d’appel principal du procureur de la République, il résulte de la procédure pénale que la comptabilité des sociétés Amont et Pad n’a pas été tenue de manière régulière ; il n’a d’ailleurs été produit au mandataire, tardivement, que la comptabilité concernant le dernier exercice avant la procédure collective, ce qui démontre qu’aucune comptabilité régulière n’était tenue auparavant.

Monsieur [D] ne peut pas justifier d’une comptabilité sincère ; le caractère incomplet de la comptabilité la rend non conforme aux obligations légales.

Le Ministère Public estime donc que ce grief est établi concernant les sociétés Amont et Pad, et justifie d’une interdiction de gérer compte tenu des griefs retenus, et de leur gravité.

MOTIFS

Sur le sursis à statuer

Monsieur [D], constatant qu’une partie de l’argumentaire du mandataire judiciaire repose sur des éléments de la procédure pénale, demande à la Cour de surseoir à statuer dans le cadre du présent litige, dans l’attente de la décision en appel relative à l’instance pénale le concernant.

L’article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Le sursis à statuer ne peut être ordonné que si cette mesure est nécessaire à une bonne administration de la justice.

En l’espèce, la Cour relève que l’appelant a formé une demande exactement similaire devant le conseiller de la mise en état, qui a rejeté la demande de sursis à statuer par ordonnance du 9 novembre 2023, aux motifs que les griefs invoqués par le liquidateur et ceux retenus par le tribunal sont distincts des éléments constitutifs des délits reprochés au dirigeant, que la cour sera en mesure d’apprécier si ces griefs sont constitués indépendamment de toute décision à intervenir dans le cadre de l’instance pénale et qu’il n’existe aucun risque de contrariété entre la décision pénale à intervenir et la faillite personnelle réclamée par le mandataire.

Il n’est justifié d’aucun élément nouveau survenu depuis cette décision, susceptible de la remettre en cause ; au surplus, le jugement correctionnel du 13 juin 2022 a relaxé Monsieur [D] du délit de banqueroute par tenue d’une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ; le parquet n’ayant pas relevé appel incident de cette relaxe partielle, aucun élément nouveau n’est à attendre sur cette partie du dossier pénal, qui fonde la demande de sanction du Ministère Public.

Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d’agir

Monsieur [D] reproche à la Selarl [S] et Associés de lui avoir fait délivrer assignation en sa qualité de mandataire liquidateur des trois sociétés débitrices, alors qu’il devait agir en son nom personnel, dans la mesure où les actions en faillite personnelle et en interdiction de gérer sont des actions attitrées ; il soulève ainsi une fin de non-recevoir tirée d’un défaut de droit d’agir du mandataire judiciaire.

Il ressort des dispositions de l’article L653-7 du code de commerce que sans les cas prévus aux articles L653-3 à L653-6 et L653-8 (faillite personnelle et interdiction de gérer), le tribunal est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public.

Dans l’intérêt collectif des créanciers, le tribunal peut également être saisi à toute époque de la procédure par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n’a pas engagé les actions prévues aux mêmes articles, après une mise en demeure restée sans suite dans un délai et des conditions fixés par décret en Conseil d’État. 

L’arrêt de la Cour de Cassation évoqué par Monsieur [D] au soutien de sa fin de non-recevoir, confirme dans son avant-dernier paragraphe, que le liquidateur d’une société qui engage une action contre le dirigeant de la société débitrice, agit en qualité d’organe de la procédure collective ; dans le cas d’espèce, le liquidateur exerçait à titre individuel, et devait donc se conformer aux prescription de l’article 960 alinéa 2 a) du code de procédure civile, ce qui n’est pas applicable au cas d’espèce.

Cette jurisprudence, citée par l’appelant lui-même, rappelle que la Selarl [S] & Associés ne pouvait donc pas agir en son nom personnel, et qu’elle n’était fondée à agir qu’en sa qualité de mandataire liquidateur des trois sociétés.

Monsieur [D] ne verse pas aux débats l’assignation dont il conteste la régularité, de sorte que la Cour n’est pas en mesure de vérifier les mentions portées sur celle-ci ; pour autant les parties s’entendent pour affirmer que l’assignation a été délivrée par le mandataire liquidateur, ès qualité, et non en son nom personnel, de sorte que sa régularité peut être constatée.

La fin de non-recevoir a donc été justement rejetée par les premiers juges ; leur décision sera confirmée.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de fondement de l’assignation

Monsieur [D] reproche ensuite au mandataire liquidateur d’avoir fondé son assignation sur les dispositions de l’article L653-3 du code de commerce, applicable aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ; or, en l’espèce c’est l’article L653-4 de ce même code, relatif aux dirigeants de personnes morales, qui trouve à s’appliquer.

Une nouvelle fois, si l’appelant soulève une fin de non-recevoir de ce chef, force est de constater qu’il ne produit pas l’assignation litigieuse.

Le mandataire liquidateur n’a toutefois pas contesté devant les premiers juges, que son acte introductif d’instance du 19 janvier 2022, visait l’article L653-3 du code de commerce.

Il a ensuite ajouté le visa de l’article L653-4 du code de commerce dans ses conclusions postérieures du 30 mars 2022.

En procédant à cette modification, le mandataire liquidateur n’a pas formé une demande additionnelle, mais a simplement rectifié une erreur de plume ; il n’a pas modifié ses demandes ni même ses moyens, mais s’est limité à viser le bon texte, ce qui a permis à Monsieur [D] d’exercer pleinement ses droits à la défense dans le cadre du jugement de première instance.

En tout état de cause, l’erreur sur le fondement juridique des demandes ne constitue pas une fin de non-recevoir, mais un vice de forme, susceptible d’être régularisée par un acte ultérieur conformément aux dispositions de l’article 115 du code de procédure civile.

Enfin, il appartient au juge du fond de requalifier le fondement de la demande, le cas échéant, sans qu’une irrecevabilité ne soit encourue.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu à fin de non-recevoir de ce chef ; le premier jugement sera confirmé.

Sur la sanction sollicitée

Il ressort des dispositions de l’article L653-4 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

1o Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2o Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3o Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4o Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;

5o Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Par ailleurs, aux termes de l’article L 653-5 du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle d’un dirigeant de société contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :

1o Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2o Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3o Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;

4o Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5o Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6o Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7o Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée.

L’article L653-8 ajoute que dans tous ces cas, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Enfin, selon l’article L653-11 de ce même code, lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction prévue à l’article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans. 

En l’espèce, le mandataire judiciaire adresse à Monsieur [D] les trois reproches suivants :

– avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale :

Le mandataire judiciaire reproche à Monsieur [D] d’avoir poursuivi l’activité dans les trois sociétés Up Appart, Amont et Pad, alors que ces sociétés enregistraient des pertes nettes importantes, et qu’il savait qu’en matière de vente en l’état futur d’achèvement, le défaut d’assurance dommages ouvrages faisait peser un risque de mévente et de moins-value.

Si la Selarl [S] & Associés produit des éléments comptables sur lesquels elle s’appuie pour démontrer que l’activité était déficitaire, la Cour ne peut que relever qu’elle ne rapporte pas la preuve des autres éléments constitutifs.

Ainsi, elle ne démontre pas le caractère abusif de la poursuite de l’activité ; le simple fait de poursuivre une activité malgré un déficit n’est pas suffisant à démontrer que s’en suivra inévitablement une aggravation du passif et une cessation des paiements.

Le mandataire judiciaire ne rapporte pas plus la preuve de l’intérêt personnel poursuivi par Monsieur [D] en ne mettant pas fin à l’activité de ces trois sociétés, dans la mesure où il n’évoque à aucun moment cet élément constitutif.

Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de procéder à de plus amples développements de ce chef, le mandataire judiciaire échoue à rapporter la preuve du comportement qu’il reproche à Monsieur [D].

– avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif de la personne morale :

Le détournement d’actif est réalisé par tout acte de disposition, positif et volontaire, portant sur un élément du patrimoine du débiteur, quel qu’il soit.

En l’espèce, le mandataire judiciaire renvoie aux éléments de la procédure pénale versés au dossier ; il ressort de ces pièces que de nombreux retraits d’espèce ont été réalisés sur les comptes des sociétés Amont et Up Appart ; Monsieur [D] a reconnu lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel, ainsi qu’il ressort de la motivation du jugement du 16 mai 2022, qu’une moitié de ces retraits ont servi à son usage personnel.

Par ailleurs la société Up Appart et la société Amont ont financé la location d’un bateau en Espagne pour une durée initiale de trois semaines, prolongée d’une semaine, aux mois de juillet et août 2019 ; les services enquêteurs ont pu établir que Monsieur [U] [D] était passager de ce bateau, accompagné d’une femme.

Ces deux mêmes sociétés ont payé aux mois de juillet et août 2019 (avant et après la location du bateau) un vol aller-retour [Localité 9] / [Localité 8] pour ces deux mêmes passagers.

Enfin, il résulte de ces mêmes procès-verbaux qu’un séjour a été réservé au mois d’avril 2019 dans un hôtel de luxe sur la commune de [Localité 7] (3 chambres pour 9 nuitées et 1 chambre pour 4 nuitées), pour la durée de célébration d’une fête religieuse, aux frais de la société Up Appart.

Devant la juridiction pénale, Monsieur [D] a admis par ailleurs avoir fait financer un véhicule Mercedes par la société Amont, pour ses besoins personnels, et avoir profité d’un séjour à New York aux frais de la société Up Appart.

Le père de l’appelant a par ailleurs confirmé devant le tribunal correctionnel, avoir été invité par son fils dans l’hôtel de luxe à Cannes pour célébrer une fête religieuse.

Dans ses conclusions, Monsieur [D] se limite à affirmer que le mandataire ne rapporte pas la preuve du détournement d’actif, en ce qu’il n’apporte aucun élément d’explication sur les procès-verbaux versés aux débats, qui font état pour certains d’actes réalisés en 2017, alors que la prescription en matière de faillite personnelle est de trois ans à compter du jugement d’ouverture.

Ces procès-verbaux sont toutefois suffisamment éloquents et sont corroborés par les déclarations de Monsieur [D] ; les faits évoqués ci-dessus datent tous de 2019 de sorte qu’ils sont antérieurs de moins de trois ans au jugement d’ouverture.

Ainsi, sans qu’il soit nécessaire de connaître l’issue de la condamnation pénale dont a fait l’objet Monsieur [D] sur le fondement de ces éléments, la Cour ne peut que constater que ces faits, qui ne sont pas contestés par l’appelant, sont constitutifs de détournements d’actifs, en ce qu’il a volontairement usé des fonds des deux sociétés Up Appart et Amont à des fins personnelles.

– avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables :

Il ressort des dispositions de l’article L123-12 du code de commerce que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement.

Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’entreprise.

Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

Cette obligation comptable incombe aux dirigeants de droit et de fait d’une personne morale, et est applicable en l’espèce à Monsieur [D] au titre des trois sociétés concernées par le présent litige.

La Cour de Cassation fait une appréciation in concreto de ce critère.

En l’espèce le mandataire judiciaire reproche à Monsieur [D] d’avoir tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière, et d’avoir tardivement communiqué les éléments comptables.

Il ressort des éléments de la procédure que Monsieur [D] n’a produit dans le cadre de la procédure collective, qu’une situation comptable arrêtée au 13 octobre 2020, établie par le nouvel expert-comptable de la structure ; le mandataire rappelle que ces comptes provisoires ne constituent pas de véritables comptes sociaux.

Le commissaire aux comptes a adressé à Monsieur [D] plusieurs courriers au mois de janvier 2020, lui rappelant les exigences légales et statutaires en matière d’établissement des comptes annuels, et a réclamé en vain la communication des comptes de la société Up Appart, clos au 30 juin 2019.

Dans son rapport au juge commissaire du 18 mai 2021, s’agissant du redressement judiciaire de la société Up Appart, le mandataire judiciaire indique qu’il n’existe pas de comptes sociaux pour les exercices 2018/2019 et 2019/2020, et qu’aucune assemblée générale n’est venue statuer sur le report de l’exercice social.

Dans le cadre de la procédure pénale, le comptable de la société a par ailleurs confirmé la tenue d’une comptabilité irrégulière, l’ayant conduit à mettre fin à ses fonctions au sein de la structure.

Devant la Cour, Monsieur [D] ne produit que les comptes annuels pour l’année 2020 de la société Pad, et les comptes annuels pour 2019 de la société Amont.

Le mandataire judiciaire produit quant à lui les éléments comptables partiels qui lui ont été communiqués concernant Up Appart.

Monsieur [D] ne conteste pas dans ses conclusions la tenue de comptabilités irrégulières ; dans le cadre de la procédure pénale il a admis avoir été « brouillon » dans la tenue des comptes, et la justification des dépenses.

Ces irrégularités ont retardé la découverte des déficits et détournements d’actif importants contraires à l’intérêt de la société ; dans ces conditions, ce manquement est également caractérisé.

Sur la sanction

Sur la faillite personnelle et l’interdiction de gérer

Le mandataire judiciaire demande à la Cour le prononcé d’une mesure de faillite personnelle, à titre de sanction des manquements relevés ; le Ministère Public quant à lui réclame une interdiction de gérer.

Il ressort des dispositions des articles L653-2, L653-9 et L653-10 du code de commerce, que la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.

Le tribunal peut, en outre, prononcer l’incapacité d’exercer une fonction publique élective si cette dernière est motivée.

Les dirigeants frappés de la faillite personnelle ou de l’interdiction de gérer sont privés de l’exercice de leur droit de vote dans les assemblées de la personne morale soumise à la procédure collective et peuvent être contraints de céder leurs actions ou parts sociales.

Les manquements ci-dessus visés justifient du prononcé d’une sanction professionnelle à l’égard de Monsieur [D] ; pour autant, la mesure de faillite personnelle, sollicitée par le mandataire judiciaire n’apparaît pas proportionnée aux manquements relevés, et la Cour prononcera à l’égard de l’appelant une interdiction de gérer.

Le premier jugement sera donc infirmé de ce chef.

Il est constant que l’interdiction de gérer doit être motivée tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé.

En l’espèce il ressort des développements qui précèdent, que Monsieur [D] a usé des actifs de ses sociétés comme de ses propres fonds, de manière considérable, pour financer des loisirs de luxe pour lui-même et sa famille ; s’il a pu évoquer devant la juridiction pénale des maladresses, il ne peut toutefois pas contester qu’il avait conscience de ses agissements en faisant financer par ses sociétés notamment des voyages personnels, sans lien avec son activité professionnelle.

Il a également admis s’être servi des actifs d’une société, afin d’assumer les dettes d’une autre société, générant ainsi des flux irréguliers entre les trois sociétés.

Il a par ailleurs fait preuve d’une grande négligence en matière de comptabilité, ayant fait obstacle à une découverte précoce des déficits et détournements, et empêchant tout redressement des sociétés.

Monsieur [D] a ainsi démontré son incapacité à gérer une entreprise, ainsi que son manque de probité, incompatible avec la sécurité des affaires ; ces manquements graves justifient du prononcé d’une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pour une durée de 10 ans.

Sur les autres sanctions

Monsieur [D] a par ailleurs formé appel du chef de jugement ayant prononcé l’incapacité d’exercer une fonction publique élective pour une durée de cinq ans ; cette sanction est prévue par l’article L653-10 du code commerce en cas de faillite personnelle.

En l’espèce, la Cour ayant écarté la faillite personnelle, pour prononcer une interdiction de gérer, cette sanction n’a pas lieu d’être et le premier jugement sera infirmé de ce chef.

Le mandataire liquidateur sollicite également, en application des dispositions de l’article L653-9 du code de commerce, la mise sous contrôle des droits de vote et la cession forcée des droits sociaux de Monsieur [D], ainsi que la reprise des poursuites individuelles par les créanciers après clôture des opérations de liquidation judiciaire.

La Cour ne peut toutefois que constater que le premier jugement a rejeté ces demandes, et que la Selarl [S] & Associé n’a pas formé appel incident sur ces chefs de décision, de sorte que la Cour n’en est pas saisie.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [D], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ; pour ce même motif, le premier jugement ayant mis à sa charge les dépens de première instance sera confirmé.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ; Monsieur [D] et la Selarl [S] & Associés seront déboutés de leurs demandes sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme les dispositions du jugement déféré, sauf en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [U] [D], ainsi qu’une incapacité d’exercer une fonction publique élective pour une durée de 5 ans à son encontre ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce à l’encontre de Monsieur [U] [D] une interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 10 ans ;

Dit qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R 128-1 et suivants du code du commerce, cette interdiction de gérer fera l’objet d’une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Déboute Monsieur [U] [D] et la Selarl [S] & Associés en sa qualité de mandataire liquidateur des sociétés Up Appart, Amont et Pad, de leurs demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne Monsieur [U] [D] aux entiers dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le Greffier La Présidente

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