Conflit sur l’exécution contractuelle et modalités de paiement dans le cadre d’un projet de construction

·

·

Conflit sur l’exécution contractuelle et modalités de paiement dans le cadre d’un projet de construction

M. [U] [P] et Mme [Y] [H] ont engagé la société GCC BTP en mars 2017 pour des travaux de rénovation et d’extension de leur maison. Un devis a été accepté, prévoyant un montant total de 187 528,17 euros TTC et un démarrage des travaux en avril 2017, avec une livraison prévue pour avril 2018. En juillet 2017, des travaux complémentaires ont été convenus pour 8 095,92 euros TTC. En février 2018, les travaux ont été interrompus en raison de factures impayées, notamment une facture de ravalement. Les époux ont mis en demeure la société de terminer les travaux, tandis que la société a réclamé le paiement des factures. En juin 2018, les époux ont résilié le contrat et restitué le matériel de la société. En août 2018, la société a assigné les époux en justice pour obtenir le paiement de sa créance et la résiliation judiciaire du contrat. Le tribunal a condamné les époux à payer certaines sommes à la société et a prononcé la résiliation du contrat, tout en rejetant certaines demandes de la société. Les époux ont interjeté appel, demandant la réformation du jugement et la résiliation du contrat aux torts de la société. La société a demandé la confirmation du jugement. L’affaire est en cours d’examen par la cour d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 septembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
21/00495
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54C

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 SEPTEMBRE 2024

N° RG 21/00495 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UI5X

AFFAIRE :

[U] [P], [Y] [H] épouse [P]

C/

S.A.S. GUILLAUME [D] CONSTRUCTION BTP – GCC BTP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/05692

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY,

Me Oriane DONTOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U] [P]

né le 25 Juin 1975 à [Localité 7] (59)

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Plaidant : Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX, vestiaire : 42

Madame [Y] [H] divorcée [P]

née le 19 Avril 1972 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Plaidant : Me Alexandre ALJOUBAHI, avocat au barreau de PERIGUEUX, vestiaire : 42

APPELANTS

S.A.S. GUILLAUME [D] CONSTRUCTION BTP – GCC BTP agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Plaidant : Me Mélanie TUJAGUE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R035

INTIMÉE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 10 Juin 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [P] et Mme [Y] [H] épouse [P] ont confié, en mars 2017, à la société Guillaume [D] construction bâtiment travaux publics (ci-après « la société GCC BTP ») un marché de travaux portant sur la rénovation et l’extension de la même superficie de leur maison, située [Adresse 2] à [Localité 4] (78).

La société GCC BTP leur a adressé par courriel un premier devis le 13 décembre 2016, puis un devis modifié le 11 février 2017, accepté le 24 mars 2017 par retour de courriel, par M. [P].

Ont ainsi été édités, le 28 mars 2017, un devis n°16-10-066 version 4A d’un montant total de 187 528,17 euros TTC, prévoyant un démarrage des travaux en semaine 14 pour une durée prévisionnelle de 12 mois, ainsi qu’un devis n°16-10-066 version 4B d’un montant de 2 222 euros TTC relatif à l’installation, la protection et le nettoyage du chantier.

Le chantier a démarré en avril 2017 et la livraison a été prévue pour le 10 avril 2018.

En juillet 2017, les parties sont convenues de travaux complémentaires concernant l’aménagement des combles moyennant une somme de 8 095,92 euros TTC.

En février 2018, les travaux ont été interrompus, la société GCC BTP reprochant notamment aux époux [P] de ne pas lui avoir réglé une facture n°18-01-189 relative au ravalement de la maison, d’un montant initial de 18 648,42 euros, ultérieurement ramené à 11 850,98 euros, somme dont elle sollicitait le paiement aux termes d’une lettre de mise en demeure par avocat du 14 mars 2018.

Les époux [P] ont quant à eux mis en demeure la société GCC BTP, par lettre d’avocat du 14 mars 2018, de procéder à l’achèvement complet de ses prestations au plus tard le 3 avril 2018 et à défaut réclamé une résiliation unilatérale des contrats.

Par lettre du 29 mai 2018, ils leur ont demandé de justifier de l’achèvement des travaux facturés sous quinze jours et de procéder à l’achèvement des travaux intérieurs et extérieurs restant à réaliser dans un délai de deux mois, sous peine de résiliation immédiate du marché à ses frais et risques en application des articles 1222 et 1226 du code civil.

Par lettre de leur conseil du 8 juin 2018, les époux [P] ont notifié la résiliation du marché « aux frais et risques de l’entreprise » avec effet au 15 juin 2018 et ont convoqué la société GCC BTP à une réunion sur le chantier afin de procéder contradictoirement au constat de l’avancement des travaux, à la réception des travaux en l’état, au retrait de tous matériels et matériaux et à la remise en état du terrain.

Le 15 juin 2018, le matériel appartenant à la société GCC BTP lui a été restitué devant huissier.

Par acte d’huissier du 2 août 2018, la société GCC BTP a fait assigner les époux [P] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins notamment d’obtenir le paiement de sa créance au titre du solde du marché, l’indemnisation de son préjudice et la résiliation judiciaire du contrat de travaux.

Par un jugement contradictoire du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– condamné solidairement M. et Mme [P] à payer à la société GCC BTP :

– 11 850,98 euros au titre de la facture n°18-01-189, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 14 mars 2018, date de la mise en demeure,

– 2 106,50 euros TTC au titre de la facture n°17-03-153,

– 783,52 euros au titre de la réparation de son préjudice financier,

– rejeté les demandes formées par la société GCC BTP au titre des pénalités de retard, de l’indemnité de recouvrement et des travaux non facturés,

– débouté M. [P] et Mme [P] de l’intégralité de leurs demandes,

– prononcé la résiliation du contrat de travaux liant les parties à la date du jugement,

– dit que cette résiliation entraîne la livraison du chantier en l’état actuel et sa réception par M. et Mme [P],

– condamné solidairement M. et Mme [P] à payer à la société GCC BTP la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– condamné solidairement M. et Mme [P] aux dépens.

Le tribunal a tout d’abord retenu l’existence d’un marché de travaux liant la société GCC BTP aux époux [P], M. [P] ayant expressément confirmé à M. [D], gérant de la société GCC BTP, son accord pour l’exécution des travaux.

Il a estimé que la société GCC BTP justifiait des travaux effectués et de l’avancement du chantier, conformément aux conditions définies dans les devis objet de l’accord des parties et qu’elle était donc en droit de solliciter le paiement de sa créance.

Il a néanmoins rejeté la demande au titre des travaux effectués et non encore facturés, faute de preuve.

Il a retenu que les maîtres d’ouvrage n’étaient pas fondés à invoquer une absence de validation des travaux lors d’un « point mensuel » en l’absence de modalités contractuelles en ce sens et a relevé que le montant du marché s’élevait à la somme de 198 826,67 euros et qu’ils avaient réglé une somme totale de 170 219,55 euros depuis le début du chantier.

Il a écarté le rapport non contradictoire établi par M. [N] concluant à une surfacturation des travaux en relevant que ce dernier ne pouvait pas retenir un coefficient de minoration dans la mesure où le chantier n’était pas achevé. Il a estimé que les constats d’huissier démontraient que le chantier n’était pas achevé mais que l’absence de finition ne saurait faire échec au paiement des travaux. Il a considéré que le retard invoqué n’était pas d’une gravité suffisante pour justifier une résolution du contrat et que la réalité du trop-versé invoqué n’était pas justifié.

Le tribunal a également prononcé la résiliation judiciaire du contrat. Les époux [P] engageant leur responsabilité du fait du préjudice consécutif à leur inexécution.

Par déclaration du 26 janvier 2021, M. [P] et Mme [H] divorcée [P] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°4 remises au greffe le 10 mai 2023, M. [P] et Mme [H] demandent à la cour de :

– réformer le jugement sauf en ce qu’il a rejeté les demandes formées par la société GCC BTP au titre des pénalités de retard, de l’indemnité de recouvrement et des travaux non facturés,

– juger recevable et bien-fondée leur demande d’exception d’inexécution,

– prononcer la résiliation ou résolution du marché aux torts exclusifs de la société GCC BTP à compter du 15 juin 2018,

– fixer à la date du 15 juin 2018 la réception des travaux,

– débouter la société GCC BTP de sa demande de paiement de la somme de 11 850,98 euros TTC au titre de la facture n°18.01.189,

– débouter la société GCC BTP de sa demande de paiement de la somme de 2 106,50 euros TTC au titre de la facture n°17-03-153,

– condamner la société GCC BTP à leur verser la somme de 22 244,85 euros TTC à raison du trop-versé sur l’exécution des devis,

– condamner la société GCC BTP à leur verser la somme de 7 500 euros TTC à titre de dommages et intérêts en raison de l’augmentation du délai du chantier, des nuisances considérables qu’il a occasionnées, de la nécessité de faire intervenir de nouveaux entrepreneurs et des surcoûts,

– condamner la société GCC BTP à leur verser la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société GCC BTP aux entiers dépens de l’appel et de la première instance.

Aux termes de ses conclusions n°3 remises au greffe le 5 mai 2023, la société Guillaume [D] construction BTP demande à la cour de :

– confirmer l’intégralité du jugement,

– rejeter les demandes formulées par M. [P] et Mme [H] à son encontre,

– en tout état de cause, les condamner solidairement à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Dontot, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mai 2023 l’affaire a été initialement fixée à l’audience de plaidoirie du 3 juillet 2023 puis a été renvoyée à l’audience du 10 juin 2024 en raison de l’indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 23 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement des factures et la demande reconventionnelle d’exception d’inexécution

L’intimée réclame le paiement d’une somme de 11 850,98 euros TTC (facture n°18-01-189) et d’une somme de 2 106,50 euros TTC (facture n°17-03-15).

Elle fait valoir qu’elle a adressé aux maîtres d’ouvrage, entre mars 2017 et le 13 décembre 2017 neuf factures qui n’ont posé aucune difficulté, que le 2 janvier 2018, elle a adressé, par courriel, la facture n°18-01-189 et rappelé que la facture d’installation de chantier d’un montant de 2 222,22 euros n’avait toujours pas été réglée. Suite aux contestations émises, elle a rectifié et ramené le montant de la facture n°18-01-189 de 18 648,42 euros à 11 850,98 euros.

Elle fait valoir que les parties étaient convenues d’un paiement à l’avancement des travaux et non d’un paiement en fonction d’une réunion mensuelle pour validation d’avancement et qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause ces modalités de paiement.

Elle estime que les appelants ont fait procéder à une expertise non contradictoire dans le seul but de se soustraire à l’obligation de paiement et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d’une des parties. Elle affirme que les appelants ne rapportent pas la preuve du bien-fondé de leur refus de paiement.

Elle dénonce que les maîtres d’ouvrage se sont octroyés le droit de refuser le paiement des travaux par prudence. Elle souligne qu’en janvier 2018, il n’était nullement question de réception ni de retenue pour satisfaire aux réserves et qu’ils étaient encore redevables d’une somme de 31 909,71 euros conformément au marché signé.

Pour s’opposer au paiement, les appelants invoquent les articles 1217 et 1219 du code civil et font valoir qu’ils avaient accepté le paiement des factures en fonction de l’avancement des travaux et à condition qu’un point mensuel soit fait pour valider cet avancement.

Ils estiment que sans validation des travaux effectués, ils n’avaient pas à régler la facture et qu’en outre, la facture litigieuse comportait une erreur de 7 228,24 euros ce qui démontre qu’elle ne reflétait pas la réalité.

Ils rappellent qu’en janvier 2018, ils avaient déjà réglé 170 219,56 euros TTC sur un montant total de 198 826,67 euros TTC et soutiennent qu’ils étaient fondés à retenir une somme de 11 850,98 euros au titre des 5 % du devis.

Ils se plaignent également de la durée des travaux, exposant que l’extension n’a pas été livrée en octobre 2017 comme prévu et qu’on ne leur a communiqué aucun planning prévisionnel.

Ils ajoutent que la société GCC BTP s’est opposée à l’établissement d’un constat de chantier intermédiaire puis a décidé de ne plus intervenir tant que la facture réclamée ne serait pas réglée.

Ils soulignent que les constats d’huissier établis le 7 mars puis le 15 juin 2018 ont permis de mettre en évidence les inexécutions et des malfaçons tandis que l’expertise amiable réalisée par M. [N] a démontré des désordres et des inachèvements. Ils estiment que des travaux importants n’ont pas été réalisés alors qu’ils étaient payés.

Enfin, ils considèrent qu’ils pouvaient s’opposer au paiement puisque les travaux n’étaient pas correctement réalisés, comme le démontrent les attestations et les factures de travaux de reprise produites et surtout, que la société GCC BTP avait abandonné le chantier le 9 février 2018.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, celui qui s’en prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’article 9 du code de procédure civile rappelle qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

À l’appui de sa demande, la société GCC BTP verse aux débats, la facture n°18-01-189 relative au ravalement rectifiée le 30 janvier 2018, dix-neuf photos attestant des différentes étapes et de sa réalisation à la fin du mois de décembre 2017 et un tableau récapitulatif de chantier adressé le 9 février 2018. Cette créance est justifiée, comme l’a justement retenu le tribunal.

Elle produit également la facture n°17-03-15 d’un montant de 2 106,50 euros TTC relative à la mise en ‘uvre d’une protection et le nettoyage quotidien. Cette facture tient compte de la durée effective du chantier et est contestée par les maîtres d’ouvrage qui expriment une opposition de principe sans préciser ni justifier d’une non-réalisation. De plus, les photos des constats d’huissier, qui attestent d’une suspension de chantier, ne suffisent pas à rapporter cette preuve. Cette créance est également justifiée.

La cour note que les appelants ne remettent nullement en cause la réalisation des travaux de ravalement. Ils ne peuvent par conséquent invoquer l’article 1217 du code civil.

La cour constate que la facture n°18-01-189 n’est pas contestée dans son principe, ni dans son montant mais que les appelants invoquent l’exception d’inexécution définie à l’article 1219 du même code : « Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave ».

Il incombe au juge d’apprécier si l’inexécution invoquée est suffisamment grave.

Il ressort des débats qu’après avoir, durant neuf mois, réglé neuf des dix factures présentées, les maîtres d’ouvrage ont refusé de régler la facture n°18-01-189 du 2 janvier 2018, rectifiée le 15 janvier 2018, invoquant pour la première fois et pour justifier leur refus de paiement, l’absence de validation des travaux effectués.

Néanmoins, de l’examen des devis et des courriels échangés validant l’accord des parties, il ressort que le deuxième point des conditions financières mentionne : « suite des paiements en fonction de l’avancement du chantier. Un point mensuel sera fait pour valider l’avancement ».

Comme l’a justement relevé le tribunal, les réunions mensuelles, qui ne sont pas contestées, n’ont jamais fait l’objet de comptes-rendus écrits et n’ont jamais été conditionnelles au paiement. Aucune obligation contractuelle n’est démontrée sur ce point. Le tribunal a fait une juste appréciation des conditions du contrat.

Il résulte de ces mentions que les paiements sont faits au fur et à mesure de l’avancement du chantier et rien ne justifie la remise en cause de ces modalités de paiement qui ont été appliquées durant les neuf premiers mois.

En l’espèce, il est suffisamment démontré que le ravalement objet de la facture a été réalisé avant l’édition de la facture. S’il est patent que la première facture comportait une erreur, celle-ci a été rectifiée dans les quinze jours, cette erreur ne remet pas en cause la réalité des travaux effectués et facturés.

Pour légitimer leur refus, les appelants invoquent également, tout à la fois, la durée du chantier, le refus de l’entreprise de faire établir un constat de chantier, l’importance des sommes déjà versées, leur droit à la retenue des 5 %, l’absence de planning prévisionnel, l’abandon du chantier, les inexécutions, les malfaçons, les désordres, les inachèvements.

Il doit être relevé qu’outre la gravité de l’inexécution, celle-ci ne peut être qu’antérieure au refus pour légitimer celui-ci. Cette preuve incombe à celui qui se prévaut de l’exception.

Les pièces et les débats montrent que le retard invoqué n’est pas établi en janvier 2018 au regard du délai contractuel de livraison initialement fixé par les parties, que la communication d’un planning prévisionnel n’est pas contractuelle ni une condition du paiement et que la suspension du chantier est intervenue postérieurement au refus de payer.

En outre, les échanges de courriers mettent en évidence que les relations sont devenues subitement conflictuelles à compter du 15 janvier 2018, que les maîtres d’ouvrage ont revendiqué pour la première fois des pénalités de retard, souhaité avancer la date de réception et modifié les conditions contractuelles de paiement.

La société GCC BTP s’est opposée à ces modifications des termes du contrat.

Au final, les appelants ne justifient pas du bien-fondé de leur refus d’exécuter leur obligation de paiement des factures exigibles.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement.

Sur les demandes de résiliation du contrat

Les appelants reprochent à l’intimée d’avoir refusé la reprise des travaux mal réalisés et la poursuite des travaux restants et produisent deux mises en demeure de reprendre les travaux adressées les 14 mars et 29 mai 2018. Ils estiment que la société GCC BTP a commis une faute justifiant la résiliation à ses torts le 15 juin 2018, date du constat d’huissier et de la réception des travaux.

Ils ajoutent qu’ils n’ont pas pu se permettre, à l’approche de l’hiver et au vu des frais déjà engagés, d’attendre qu’une expertise judiciaire soit diligentée et qu’ils ont quand même fait établir deux constats d’huissier et une expertise amiable avant de procéder aux travaux de reprise indispensables.

L’intimée conteste la détermination de l’avancement des travaux et les prétendues surfacturation sur la base d’une expertise non contradictoire, destinée à faire procéder à la résiliation du marché et à sa réception en l’état sans s’acquitter des sommes dues.

Elle souligne qu’elle n’a absolument pas abandonné le chantier mais qu’elle a été contrainte, le 9 février 2018, de suspendre son exécution dans l’attente du règlement des sommes dues et que les maîtres d’ouvrage ont eux-mêmes provoqué cette situation.

Elle ajoute que lors des constats d’huissier, l’état des travaux se trouvait à un stade de suspension du chantier et non au stade de livraison du chantier avec réserves.

Elle estime par conséquent que la résiliation doit être prononcée pour défaut de paiement au jour du jugement et que les maîtres d’ouvrage n’étaient pas fondés à résilier unilatéralement le contrat.

Réponse de la cour

La condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, le juge peut prononcer au vu des dispositions de l’article 1184 (devenu 1217) du code civil, la résiliation de tout contrat synallagmatique dès lors qu’il peut être imputé à l’un des cocontractants, un manquement suffisamment grave, qui justifie la rupture des relations entre les parties. La partie lésée peut en demander la résolution si elle rapporte la preuve d’une inexécution ou de manquements suffisamment graves.

Aux termes de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

L’article 9 du code de procédure civile rappelle qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il ressort des débats et des pièces produites que le chantier n’a pas été « abandonné » comme allégué sans fondement par les appelants mais qu’il a été suspendu par la société GCC BTP suite au refus de paiement par les maîtres d’ouvrage des factures émises pour des travaux réalisés. Dans ces conditions, l’interruption du chantier et son non-achèvement suite à l’impossibilité pour la société GCC BTP d’accéder au chantier ne peut justifier une demande de résiliation unilatérale du contrat par les maîtres d’ouvrage.

En l’état des pièces produites, il ne peut être reproché à la société GCC BTP un retard suffisamment grave pour justifier une résiliation alors que ce retard ne lui est pas imputable.

Enfin, s’agissant des non-exécutions ou mauvaises exécutions invoquées, au regard du contexte litigieux, de l’absence d’accord des parties sur les modalités de l’expertise non contradictoire diligentée par les maîtres d’ouvrage et des contestations, il appartenait à ces derniers de recourir à une expertise judiciaire afin d’établir contradictoirement les éventuelles malfaçons ou non-façons.

Dans ces conditions, le tribunal a retenu à juste titre que les maîtres d’ouvrage n’étaient pas fondés à notifier unilatéralement la résiliation du contrat.

Il est manifeste en revanche que l’inexécution par les époux [P] de leur obligation de paiement constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat à la date du jugement.

Sur la demande en paiement d’une somme de 783,52 euros au titre de la rétention du matériel

L’intimée soutient que l’accès au chantier lui a été interdit, que les maîtres d’ouvrage se sont opposés abusivement à la restitution des matériels professionnels jusqu’au 15 juin 2018, malgré plusieurs tentatives de récupération. Elle justifie avoir dû racheter certains d’entre eux.

Pour s’opposer à cette demande, les appelants font valoir, au visa de l’article 2286 du code civil, que la rétention du matériel était légitime, que l’intimée a fait preuve d’une totale mauvaise foi alors qu’ils recherchaient une solution amiable et qu’elle avait décliné toutes les convocations qui lui auraient permis de récupérer son matériel. Ils estiment en outre que cette rétention n’a pas causé de préjudice.

Selon eux, le coût des travaux de reprise avait pour origine des fautes d’exécution et le retard du chantier justifiait la résolution du contrat.

Réponse de la cour

Le droit de rétention prévu à l’article 2286 du code civil suppose une créance certaine, liquide et exigible et n’est pas applicable en l’espèce.

Les échanges de courriers témoignent des demandes faites, à compter du 14 mars 2018 pour récupérer le matériel laissé sur le chantier et du refus de restitution, constaté par huissier le 27 avril. Ce refus a duré jusqu’au 15 juin 2018, date de restitution sous contrôle d’huissier.

Rien ne justifie ce refus qui a nécessairement causé un préjudice puisqu’il est justifié que certains matériels ont dû être rachetés.

Partant, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande de fixation de la réception des travaux

Le tribunal a dit que « la résiliation entraîne la livraison du chantier en l’état actuel et sa réception par les maîtres d’ouvrage ».

L’intimée réclame la confirmation du jugement sur ce point.

Les appelants ont réclamé l’infirmation et la fixation à la date du 15 juin 2018 la réception des travaux.

Ils font valoir que le procès-verbal de constat pour la réception des travaux a été dressé le 15 juin 2018 et le constat de chantier a été réalisé par M. [N], ingénieur, spécialisé en travaux publics, à la date du 30 juin 2018.

Réponse de la cour

Aux termes de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La réception de l’ouvrage est donc un acte juridique par lequel le maître de l’ouvrage manifeste sa volonté d’accepter l’ouvrage tel qu’il a été réalisé.

L’achèvement de la totalité de l’ouvrage n’est pas une condition de la réception de l’ouvrage.

La présence de vices de construction, des malfaçons ou non-façons ne font pas obstacle à la réception de l’ouvrage.

En l’espèce, les parties conviennent qu’il n’y a pas eu de réception expresse.

En effet, en cas de conflit, la réception judiciaire peut être demandée par l’une des parties cocontractantes si les constructeurs sont dûment appelés à la cause pour que le caractère contradictoire soit respecté mais cela suppose que l’ouvrage soit en état d’être reçu, ce qui n’implique pas l’achèvement des travaux. Les deux parties s’accordent sur le prononcé d’une réception judiciaire des travaux mais pas sur sa date.

En l’espèce, les maîtres d’ouvrage produisent un procès-verbal de réception rédigé le 15 juin 2018 mais non signé par les parties, en l’absence de M. [D], un procès-verbal de constat d’huissier du même jour et un rapport d’état des lieux réalisé à leur demande par M. [N].

Il ressort du constat d’huissier que M. [N], également présent, évoque l’absence de réception concernant les combles, les deux chambres, le local chauffe-eau et le bureau.

M. [N] précise dans son rapport du 30 juin 2018 que les ouvrages ne peuvent pas faire l’objet d’une réception de fin de travaux. Ce sont pourtant les pièces à l’appui de la demande de réception à cette date.

Il est manifeste que ni l’huissier, ni M. [N] ne maîtrise la notion de réception telle que définie supra.

L’intimée revendique une réception à la date de la résiliation du contrat mais n’a développé aucun argument en défaveur d’une réception au 15 juin.

Les pièces produites montrent que le 15 juin 2018, les travaux, même inachevés, étaient en état d’être reçus et la réception est par conséquent prononcée à la date du 15 juin 2018. Le jugement est partiellement infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de restitution du trop-versé

Les appelants réclament une somme de 22 244,85 euros, estimant que les travaux ont été soit mal réalisés, soit non réalisés et qu’ils ont payé plus qu’ils n’auraient dû.

Ils font valoir que les désordres constatés par l’huissier et par l’expert ne relevaient pas de simples finitions et que l’intimée n’apporte pas la preuve contraire.

Ils précisent que les radiateurs ont dû être déposés, que les enduits ont dû être repris et qu’il a fallu mettre l’extension hors gel.

Ils soutiennent avoir été facturés pour des travaux non encore réalisés ou imparfaitement réalisés, soulignant que le chantier a été mal protégé.

Ils soulignent qu’ils ont dû faire terminer les travaux les plus urgents par d’autres entreprises moyennant une somme de 24 759,65 euros et qu’ils n’ont pas la capacité financière de refaire tous les travaux de gros ‘uvre.

L’intimée rétorque que l’expertise non contradictoire produite, qu’elle conteste, ne démontre pas le trop-perçu qu’ils invoquent et que les appelants, qui n’ont jamais engagé d’expertise judiciaire, se sont mis eux-mêmes dans une situation impossible pour démontrer leur préjudice.

Elle soutient que le calcul de M. [N] pour déterminer la part des travaux réalisés est hasardeux et qu’il ne tient pas compte de la livraison intégrale des matériaux sur des postes non encore facturés.

Elle ajoute que d’autres entreprises sont intervenues sur le chantier depuis le 9 février 2018 et qu’il lui a été fait interdiction d’accéder au chantier pour le terminer.

Réponse de la cour

Il est admis que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande d’une des parties. Le juge doit donc vérifier si l’expertise amiable non contradictoire est corroborée par d’autres éléments de preuve.

En l’espèce, le rapport de M. [N] est contesté par l’intimée qui invoque son absence d’impartialité, les maîtres d’ouvrage ayant décidé de choisir et de rémunérer leur expert. Celui-ci a conclu que les travaux avaient fait l’objet d’une surfacturation, ce qui n’est corroboré par aucune autre pièce du dossier. Son décompte résulte d’un calcul effectué sous sa seule appréciation et la surfacturation invoquée est insuffisamment démontrée. Dans ce contexte, les maîtres d’ouvrage auraient dû recourir à un expert judiciaire pour rapporter la preuve de leurs allégations. En l’état, le trop-versé n’est pas démontré et c’est donc par de justes motifs que la cour reprend à son compte que le tribunal a rejeté cette demande. Partant le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle d’indemnisation

Les appelants réclament une somme de 7 500 euros en réparation de leur préjudice financier et moral.

Ils font valoir que la relation contractuelle a commencé à se déliter dès le mois d’août 2017 lorsqu’ils se sont aperçus que la société GCC BTP ne mettait pas suffisamment de moyen humain pour terminer les travaux dans le délai prévu. Ils soutiennent qu’elle n’a recherché aucune solution pour les rassurer et qu’ils ont vécu tout l’hiver dans une maison à moitié habitable et mal isolée suite à l’abandon du chantier en février 2018.

L’intimée fait valoir que les maîtres d’ouvrage n’ont pas respecté leur obligation de paiement et invoquent à tort une exception d’inexécution, qu’ils ont résidé dans leur maison durant toute la durée du chantier et qu’aucun préjudice ne lui est imputable.

Les éléments qui précèdent montrent que les maîtres d’ouvrage se sont eux-mêmes placés dans une situation rendant impossible la poursuite et l’achèvement du chantier, pourtant recherchés par l’entreprise.

Ce faisant, ils ne rapportent nullement la preuve d’une faute imputable à la société GCC BTP à l’origine des préjudices allégués.

Le jugement qui rejette leur demande est confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants, qui succombent, supporteront la charge de leurs frais irrépétibles et des dépens d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable d’octroyer à l’intimée une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a fixé la réception à la date du jugement ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Prononce la réception du chantier à la date du 15 juin 2018 ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [U] [P] et Mme [Y] [H] à payer à la société Guillaume [D] construction bâtiment travaux publics(« GCC BTP ») une somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [U] [P] et Mme [Y] [H] aux entiers dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x