La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres a agi en tant que caution solidaire pour la SCI Velasquez concernant les dettes de la SARL Lhoumeau Jacky, entrepreneur pour un marché de travaux. Après l’inexécution des obligations par la SARL, la SCI a appelé la caution à hauteur de 17 997,60 euros. La caution a payé cette somme, mais a ensuite cherché à se faire rembourser par la SARL, qui a refusé. La Caisse a alors assigné la SCI Velasquez pour obtenir le remboursement. Le tribunal a débouté la Caisse de ses demandes, entraînant un appel de sa part. La Caisse demande maintenant la réformation du jugement, tandis que la SCI Velasquez souhaite la confirmation de la décision initiale. L’affaire est prévue pour une audience en juin 2024, avec l’instruction clôturée en mai 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 19 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/00057 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MPZL
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-MARITIME-DEUX SEVRES
c/
S.C.I. VELASQUEZ
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le 19/09/2024 à :
Maître Annie TAILLARD et Maître Paul-andré VIGNÉ
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 20/08211) suivant déclaration d’appel du 05 janvier 2022
APPELANTE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE-MARITIME-DEUX SEVRES Coopérative de crédit à capital variable, RCS 399 354 810, agissant en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siége social sis [Adresse 2]
Représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Me Pierre BOISSEAU de la SCP ROUDET BOISSEAU LEROY DEVAINE MOLLE BOURDEAU, avocat plaidant au barreau de SAINTES
INTIMÉE :
S.C.I. VELASQUEZ RCS DE BORDEAUX agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentée par Maître Paul-andré VIGNÉ de la SCP TMV, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
Greffier lors du prononcé : Mélina POUESSEL, greffier placé
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Par acte du 8 janvier 2018, la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres s’est portée caution solidaire à l’égard de la SCI Velasquez, maître d’ouvrage, des dettes de la SARL Lhoumeau Jacky, désormais SARL Bonneau, entrepreneur chargé du lot chauffage climatisation d’un marché de travaux conclu le 23 octobre 2017, dans la limite de 17 997,60 euros, représentant 5 % du montant des travaux par application de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1971.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 avril 2019, se prévalant de l’inexécution de ses obligations par la société Lhoumeau Jacky, le créancier, la SCI Velasquez a appelé la caution, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres, à hauteur de 17 997,60 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 mai 2019, la SCI Velasquez a communiqué à la caution des justificatifs, à savoir, un procès-verbal de réception des travaux du 5 décembre 2018 et le rapport final de contrôle technique du 29 janvier 2019. La caution a payé la somme de 17 977,50 euros au maître de l’ouvrage qui lui en a donné quittance subrogative le 27 août 2019.
A la suite du refus de remboursement par le débiteur principal à la caution qui l’avait mis en demeure d’y procéder le 28 février 2020, au motif que la somme correspondait à une facture établie par la société Lhoumeau Jacky le 20 décembre 2018 et acquittée par la SCI Velasquez le 29 novembre 2019, la caution a sollicité de ce dernier, par lettre reçue le 6 juillet 2020 et par sommation interpellative du 3 août 2020, la communication des devis, factures de reprise des travaux objet des réserves et mises en demeure adressées au débiteur.
Le créancier a alors communiqué une mise en demeure du 2 mars 2020 adressée à son débiteur, ainsi que deux factures.
Par acte d’huissier du 14 octobre 2020, la Caisse régionale de crédit mutuel de Charente-Maritime-Deux Sèvres a assigné la SCI Velasquez aux fins notamment de la voir condamner au paiement de la somme de 17 997,60 euros, portant intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2019 avec anatocisme, en répétition de l’indu.
Par jugement contradictoire du 30 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– débouté la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres et la SCI Velasquez de l’ensemble de leurs prétentions,
– condamné la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres aux dépens,
– rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
La société Caisse Régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime-deux Sèvres a relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 janvier 2022, en ce qu’il a :
– débouté la société coopérative à capital variable Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres de l’ensemble de ses prétentions et notamment :
– déclarer la société SCI Velasquez mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter,
– condamner la société SCI Velasquez à rembourser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres la somme de 17 997,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2019,
A titre subsidiaire, la condamner à payer cette même somme à titre de dommages et intérêts
En tout état de cause,
– ordonner la capitalisation à compter de l’assignation des intérêts échus par année entière,
– condamner la société SCI Velasquez à payer une indemnité de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
– condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 15 avril 2024, la Caisse Régionale de Crédit agricole Mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres demande à la cour de :
– réformer le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 novembre 2021,
Statuant à nouveau,
– condamner la société SCI Velasquez à rembourser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres la somme de 17 997,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2019,
A titre subsidiaire, la condamner à payer cette même somme à titre de dommages et intérêts,
– ordonner la capitalisation à compter de l’assignation des intérêts échus par année entière,
– condamner la société SCI Velasquez à payer une indemnité de 6 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel et dont distraction au profit de Maître Annie Taillard avocats aux offres de droit.
Par dernières conclusions déposées le 9 avril 2024, SCI Velasquez, demande à la cour de :
– confirmer le jugement du 30 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux dans l’instance n° 20/08211 en ce qu’il a débouté la CRCAM de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la SCI Velasquez,
En conséquence
– débouter la CRCAM de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions à l’encontre de la SCI Velasquez.
– condamner la CRCAM à payer à la SCI Velasquez la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la CRCAM aux entiers dépens, de première instance et d’appel.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 3 juin 2024.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 21 mai 2024.
I Sur l’action en répétition de l’indu.
La société appelante, au visa des articles 1302 alinéa 1er, 1302-3, 1352-7 du code civil, souligne que lorsque son adversaire a mobilisé sa garantie, il n’ignorait pas qu’il ne déposait pas d’une créance effective, la somme réclamée correspondant à une facture réglée avec retard et n’avait pas vocation à lui être remboursée au titre du garant de l’entreprise.
Elle précise que la société intimée n’a jamais été en mesure de justifier d’une créance à l’égard de la société qu’elle garantissait au titre de la garantie de parfait achèvement.
Elle reproche au premier juge d’avoir retenu que le paiement effectué au titre de la convention serait exclusif de toute action en répétition de l’indu, alors que les textes précités n’excluent pas une telle action et visent au contraire une action universelle.
Ainsi, elle conteste que le règlement intervenu l’ait été en exécution de la convention passée entre les parties et corresponde au paiement d’une dette de sa part ou à l’exécution de son obligation.
Elle estime qu’il importe peu qu’elle ait effectué volontairement le paiement et que seule l’existence ou l’absence d’une créance permet de déterminer l’existence de l’indu, donc qu’elle dispose d’une action en répétition de l’indu à l’encontre du bénéficiaire du cautionnement réglé.
De même, si elle ne remet pas en cause qu’elle a été induite en erreur par la communication du procès-verbal de réception, des observations émises par le bureau de contrôle, ceux-ci n’ont pas justifié au final l’imputabilité des réserves à la société cautionnée ou l’exécution de la garantie de parfait achèvement.
Elle rappelle avoir sollicité le remboursement de la somme objet du litige par lettre recommandée du 29 juin 2020, puis par sommation interpellative du 3 août suivant et qu’il n’est toujours pas justifié de ce que l’appel à sa garantie soit fondé, ou d’une créance.
Elle ajoute que sa garantie n’a pas vocation à se substituer à la garantie décennale, qui relève d’une autre assurance et que l’expertise amiable de son adversaire ne fournit aucune précision sur l’imputabilité des désordres, ni les modalités de reprise ou leur coût.
Elle dénonce enfin que la retenue de garantie de 5% correspondant au montant des travaux sollicités ait été affectée à sa cliente pour régler sa facture.
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En vertu de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
Il est constant qu’en application de ce texte, il n’existe pas de paiement indu lorsque le règlement est intervenu en exécution d’une convention passée entre les parties.
La société appelante ne remet pas en cause qu’elle a réglé volontairement la somme de 17.997,60 € au titre de la convention de garantie de parfait achèvement au vu de la demande et de la production par la partie intimée du procès-verbal de réception et des observations du bureau de contrôle du chantier litigieux.
Elle ne conteste pas davantage que son paiement soit intervenu au titre du contrat de cautionnement du 8 janvier 2018 conclu au profit de la société Lhoumeau devenue la société Bonneau.
Dès lors, il ne peut s’agir que d’un différend relevant de l’exécution de cette convention et non pas d’une action en restitution de l’indu, exclue du fait du cadre dans lequel le versement est intervenu, en l’absence de preuve d’une fraude. En effet, le paiement a pu être sollicité par la société intimée alors qu’elle pensait avoir une créance, faute de démontrer qu’elle avait conscience lors de sa demande que la garantie objet du litige ne pouvait pas être mobilisée.
Il s’ensuit que cette contestation n’est pas fondée et que le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.
II Sur la demande sur le fondement de la responsabilité civile.
La société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres estime que l’appel en garantie effectué par son adversaire constitue une faute à son égard engageant sa responsabilité sur le fondement des articles 1240 ou subsidiairement 1231 et suivants du code civil.
Elle note que la décision attaquée a écarté le premier fondement au regard de l’existence du contrat de cautionnement, mais que le bénéficiaire n’a pas souscrit à la moindre obligation à ce titre.
Surtout, elle se prévaut qu’au contraire de ce qu’a retenu le premier juge, il revient à la société Velasquez de démontrer qu’elle avait une créance à l’égard de sa cliente, la société Lhoumeau, et donc que sa garantie à ce titre devait jouer.
Elle ajoute qu’il n’a jamais été répondu à ses mises en demeure de justifier de cet élément, ni d’une malfaçon imputable à sa cliente.
Elle en déduit un préjudice direct correspondant à la somme qu’elle a adressée à la partie intimée en dehors de toute obligation.
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Il résulte de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Comme cela a été retenu ci-avant la faute alléguée par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres est intervenue dans le cadre de l’exécution d’un contrat de cautionnement liant cet organisme de financement et la société Lhoumeau et dont bénéficiait la société Velasquez.
S’il existait sans conteste une obligation unilatérale de la part de l’appelante à l’égard de cette dernière, il est incontestable que celle-ci résulte du contrat précité du 8 janvier 2018, ce qui exclut, comme l’a exactement relevé le premier juge, le régime de responsabilité extracontractuelle.
S’agissant de la question de la responsabilité contractuelle, il doit être souligné que la société Velasquez, notamment à la lecture du procès-verbal de réception des travaux objets du litige du 5 décembre 2018 et du rapport d’expertise amiable était fondée à penser que la garantie de parfait achèvement pouvait jouer.
Il n’est donc pas établi de mauvaise foi de la part de cette partie, ni même de faute dans le fait qu’elle ait sollicité la caution, quand bien même les sommes ne serait finalement pas contractuellement dues.
Il s’ensuit qu’il ne saurait exister de responsabilité au vu des faits fondant la demande faite à ce titre.
Cette prétention sera donc rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef.
III Sur les demandes annexes.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
L’équité exige que la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres soit condamnée à verser à la société Velasquez une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.
Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres, qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.
LA COUR,
CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 30 novembre 2021,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres à régler à la société Velasquez une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;
CONDAMNE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Charente-Maritime-Deux Sèvres aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Mélina POUESSEL, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,