Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation

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Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation

La société Banque Postale Consumer Finance a accordé un crédit personnel de 10 000 euros à Mme [E] [M] en septembre 2019, remboursable en 61 mensualités. Suite à des impayés, la banque a demandé la déchéance du terme et a assigné Mme [M] en juillet 2022 pour le paiement du solde du prêt. Le tribunal a condamné Mme [M] à payer 8 193,80 euros, avec intérêts et capitalisation. Mme [M] a interjeté appel en janvier 2023, demandant l’infirmation du jugement, la déchéance des intérêts, un délai de grâce pour le paiement, ainsi qu’une indemnité de 2 000 euros. Elle conteste la validité des documents fournis par la banque et l’excès de l’indemnité contractuelle. En septembre 2023, la banque a été déclarée irrecevable à conclure pour non-respect des délais. L’affaire a été clôturée en mai 2024 et a été appelée à l’audience en juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/02113
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02113 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHA32

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 décembre 2022 – Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 22/06219

APPELANTE

Madame [E] [M]

née le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée et assistée de Me Pierre GALMICHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, anciennement dénommée la BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 11 septembre 2019, la société Banque Postale Consumer Finance a consenti à Mme [E] [M] un crédit personnel d’un montant en capital de 10 000 euros remboursable en 61 mensualités de 189,79 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,67 %, le TAEG s’élevant à 5,18 %, soit une mensualité avec assurance de 200,37 euros.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Banque Postale Consumer Finance a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 21 juillet 2022, la société Banque Postale Consumer Finance a fait assigner Mme [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 19 décembre 2022, a condamné Mme [M] au paiement des sommes de 8 193,80 euros avec intérêts au taux de 4,67 % à compter de l’assignation sur la somme de 8 160,38 euros et capitalisation dans les formes de l’article 1343-2 du code civil, de 50 euros au titre de l’indemnité de 8 %, a rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires et condamné Mme [M] aux dépens.

Le premier juge a considéré qu’il convenait de faire droit à la demande qui était fondée par les pièces produites et qu’il convenait de faire droit aux demandes dans leur totalité y compris la capitalisation des intérêts.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 20 janvier 2023, Mme [M] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 18 avril 2023, Mme [M] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Banque Postale Consumer Finance les sommes de 8 193,80 euros avec intérêts au taux de 4,67 % l’an à compter de l’assignation sur la somme de 8 160,38 euros, et leur capitalisation en les formes de l’article 1343-2 du code civil et de 50 euros au titre de l’indemnité de 8 %, et aux entiers dépens, et statuant à nouveau,

– de prononcer la déchéance de la totalité des intérêts réclamés par la société Banque Postale Consumer Finance, de supprimer l’indemnité contractuelle dont le paiement est demandé par la banque, de lui accorder un délai de grâce pour le paiement de toute condamnation qui pourrait résulter du jugement à venir selon l’échéancier suivant : 342 euros par mois pendant 23 mois et 327,80 euros pour le 24ème mois,

– de condamner la société Banque Postale Consumer Finance à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Banque Postale Consumer Finance aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Après avoir cité de très nombreux arrêts, elle fait valoir que le document fourni par la société Banque Postale Consumer Finance pour justifier de la consultation du FICP ne respecte pas les exigences de la jurisprudence et des textes car il est à en-tête de la banque et indique que, suite à la consultation, « il a été répondu le 2019-11-17 », sans que le résultat ne soit communiqué.

Elle indique que l’indemnité contractuelle est manifestement excessive au regard du préjudice subi par la banque et soutient être dans l’incapacité de faire face à la condamnation au regard de ses revenus et charges qu’elle détaille.

Par ordonnance du 19 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré la société Banque Postale Consumer Finance irrecevable à conclure faute d’avoir respecté le délai de 3 mois pour ce faire.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience le 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 11 septembre 2019 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.

La recevabilité de l’action de la société Banque Postale Consumer Finance au regard de la forclusion n’a pas été vérifiée par le premier juge. Or en application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office même en dehors de toute contestation sur ce point que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai.

En l’espèce, il résulte de l’historique de compte que le premier impayé non régularisé date du 20 mars 2021. Dès lors la banque qui a assigné le 21 juillet 2022 n’est pas forclose en son action et doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et de consulter le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6.

Il résulte de l’article L. 341-2 que lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

A l’époque de la signature du contrat, aucun formalisme n’était exigé quant à la justification de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers par les organismes prêteurs, l’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoit, dans sa rédaction applicable au litige avant sa modification par l’arrêté du 17 février 2020, qu’en application de l’article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l’article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l’article 2, conserver des preuves de cette consultation, de son motif et de son résultat, sur un support durable. En effet, la Banque de France ne délivrait pas de récépissé de la consultation de son fichier.

Pour démontrer avoir satisfait à son obligation de consultation préalable du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, la société Banque Postale Consumer Finance avait communiqué un document qui ne comporte pas la mention du résultat puisqu’il fait seulement état de ce qu’il y a été répondu le 17 septembre 2019. Dès lors ce document ne satisfait pas aux exigences de ce texte et la déchéance totale du droit aux intérêts doit être prononcée. Le jugement doit donc être infirmé.

Sur la déchéance du terme et les sommes dues

La société Banque Postale Consumer Finance avait produit en sus de l’offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, la mise en demeure avant déchéance du terme du 7 septembre 2021 enjoignant à Mme [M] de régler l’arriéré de 1 096,37 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme, celle du 29 novembre 2021 enjoignant à Mme [M] de régler l’arriéré de 1 761,02 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme et celle notifiant la déchéance du terme du 3 janvier 2022 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.

Il en résulte que la société Banque Postale Consumer Finance se prévalait de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l’article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées, soit 10 000 euros, la totalité des sommes payées, soit 2 868,16 euros, avant la déchéance du terme et 237,46 euros ensuite.

Il y a donc lieu de condamner Mme [M] à payer à la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 6 894,38 euros.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 312-39 du code de la consommation.

Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêts annuel fixe de 4,67 %.

Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil ni a fortiori de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit ne portera donc intérêts ni au taux conventionnel ni au taux légal et aucune majoration de retard ne sera due.

La capitalisation des intérêts est interdite par les dispositions de l’article L. 312-38 du code de la consommation et cette demande doit être rejetée.

Sur la demande de délais de paiement

Mme [M] justifie de ses difficultés financières et il doit dès lors être fait droit à sa demande de délais de paiement par mensualités de 342 euros comme elle le sollicite avec une clause de déchéance du terme.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné Mme [M] aux dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté la demande de la société Banque Postale Consumer Finance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens d’appel doivent être supportés par la société Banque Postale Consumer Finance qui succombe.

Il apparaît équitable de faire supporter la société Banque Postale Consumer Finance une part des frais irrépétibles engagés par Mme [M] dont la cour souligne qu’elle n’avait pas comparu en premier ressort. Il sera donc fait droit à la demande dans la limite de la somme de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné Mme [E] [M] aux dépens et a rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Banque Postale Consumer Finance recevable en sa demande ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

Condamne Mme [E] [M] à payer à la société Banque Postale Consumer Finance la somme de 6 894,38 euros au titre du solde du crédit ;

Ecarte l’application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et dit que cette somme ne portera donc pas intérêts même au taux légal ;

Autorise Mme [E] [M] à s’acquitter de cette somme par 20 mensualités de 342 euros, le 10 de chaque mois au plus tard et pour la première fois le 10 du mois suivant celui de la signification de la présente décision, le solde lors de la 21ème mensualité ;

Dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à bonne date et faute d’avoir régularisé dans les 15 jours de la réception d’une mise en demeure par lettre recommandée, la totalité de la somme sera due ;

Condamne la société Banque Postale Consumer Finance à payer à Mme [E] [M] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Banque Postale Consumer Finance aux dépens d’appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


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