La société Cofidis a accordé un prêt de 24 300 euros à M. [I] [P] le 1er juillet 2019, avec un taux d’intérêt de 5,90% sur 120 mensualités. M. [I] [P] n’a pas respecté ses obligations de paiement. Cofidis a mis en demeure M. [I] [P] par lettre recommandée le 28 décembre 2021, puis a notifié la déchéance du terme le 18 janvier 2022. Le 25 mars 2022, Cofidis a assigné M. [I] [P] devant le tribunal pour obtenir le paiement de 23 208,45 euros, ainsi que des frais. Le juge a constaté des manquements aux obligations de la société en matière de crédit à la consommation, a condamné M. [I] [P] à payer 16 450,02 euros, et a débouté Cofidis de sa demande de frais. Cofidis a interjeté appel le 26 septembre 2022, demandant l’infirmation du jugement et le paiement intégral des sommes dues. M. [I] [P] n’a pas comparu ni constitué avocat. L’arrêt sera rendu par défaut.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Décision du Juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de BELLEY
du 27 juin 2022
RG : 11-22-71
S.A. COFIDIS
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 19 Septembre 2024
APPELANTE :
S.A. COFIDIS
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau d’AIN
INTIME :
M. [I] [P]
né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 6]
[Adresse 7]
[Localité 1]
défaillant
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 09 Mai 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Juin 2024
Date de mise à disposition : 19 Septembre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Joëlle DOAT, présidente
– Evelyne ALLAIS, conseillère
– Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Arrêt rendu par défaut publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et demandes des parties
Par offre préalable acceptée le 1er juillet 2019, la société Cofidis a consenti à M. [I] [P] un prêt d’un montant de 24 300 euros dans le cadre d’un regroupement de crédits, avec intérêts au taux de 5,90% l’an, remboursable en 120 échéances de 268,56 euros chacune, hors assurance.
Les échéances n’ont pas été régulièrement honorées.
Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 28 décembre 2021, la société Cofidis a mis en demeure M. [I] [P] de régler les échéances impayées dans un délai de 8 jours et l’a informé qu’à défaut de versement dans le délai imparti, la déchéance du terme serait acquise et la totalité des sommes exigible.
Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 18 janvier 2022, la déchéance du terme a été notifée à M. [I] [P].
Par acte d’huissier du 25 mars 2022, la société Cofidis a fait assigner M. [I] [P] devant le juge des contentieux du tribunal de proximité de Belley aux fins de la voir condamner au paiement des sommes de :
– 23 208, 45 euros avec intérêts au taux conventionnel à compter du 17 janvier 2022,
– 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Lors de l’audience, le juge des contentieux de la protection a relevé d’office les moyens tirés du non respect des dispositions du code de la consommation concernant le bordereau de rétractation, la fipen, la vérification de la solvabilité de l’emprunteur et la police inférieure au corps 8 et sollicité les observations de la société Cofidis sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels pouvant en découler.
La société Cofidis a réitéré ses demandes, estimant qu’elle avait respecté ses obligations et que la déchéance du droit aux intérêts n’était pas encourue.
M. [I] [P], cité à étude n’a pas comparu, et ne s’est pas fait représenter.
Par jugement du 27 juin 2022, le juge des contentieux de la protection a :
– déclaré recevable l’action de la société Cofidis,
– condamné M. [I] [P] à payer à la société Cofidis la somme de 16 450,02 euros au titre du solde du contrat de crédit n°[Numéro identifiant 3],
– dit que cette somme portera intérêts au taux légal non majoré à compter de la mise en demeure du 18 janvier 2022,
– rappelé qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans le cadre de ladite procédure,
– débouté la société Cofidis de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [I] [P] aux dépens.
Par déclaration du 26 septembre 2022, la société Cofidis a interjeté appel du jugement.
Par conclusions signifiées à l’intimé défaillant le 19 octobre 2022, la société Cofidis demande à la cour :
– d’infirmer le jugement sauf sur les dispositions relatives aux dépens,
statuant à nouveau
– de débouter M. [P] [I] de l’intégralité de ses prétentions,
– de condamner M. [P] [I] à lui payer la somme de 23 208,45 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 17 janvier 2022,
– de condamner M. [I] [P] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner M. [I] [P] aux dépens d’appel au profit de maître Eric Dez, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
– le contrat répond aux exigences du code de la consommation concernant le bordereau de rétractation, M. [P] [I] ayant reconnu rester en possession de la notice d’assurance et d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation. Elle produit en outre la liasse contractuelle comprenant copie de l’offre remise à l’emprunteur avec le bordereau,
– la preuve de remise de la Fipen est rapportée, M. [I] [P] ayant signé l’offre aux termes de laquelle il reconnait avoir reçu et conservé la fiche d’information précontractuelle du contrat et avoir reçu les explications permettant de déterminer que le contrat est adapté à ses besoins et à sa situation financière, ce qui constitue un indice corroboré par la production d’un courrier du 28 juin 2019 comprenant des documents à signer avec un certain nombre de pièces justificatives et des documents à conserver contenant toutes les informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit au consommateur,
– M. [I] [P] n’ayant pas comparu, n’a pas soutenu ne pas avoir reçu l’intégralité des pièces composant le courrier du 28 juin 2019.
M. [I] [P] n’a pas constitué avocat.
La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à M. [I] [P] par acte de commissaire de justice du 28 octobre 2022.
L’acte a été remis à étude.
L’arrêt sera rendu par défaut.
– Sur la déchéance du droit aux intérêts
En application de l’article L 312-12 du code de la consommation, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l’article L. 312-5.(…).
Le non respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts en application de l’article L 341-1 du même code.
La charge de la preuve de la remise incombe au prêteur.
La signature par l’emprunteur de l’offre de crédit mentionnant qu’il reconnaît que le prêteur lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne constitue seulement un indice qu’il doit corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
En l’espèce, l’offre de prêt signée par M. [P] comporte la mention selon laquelle il reconnaît avoir reçu et conservé la fiche d’information précontractuelle du contrat. Si la société Cofidis indique que cet élément est conforté par un courrier du 28 juin 2019 et la liasse contractuelle contenant une fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédits au consommateur comportant l’identité du prêteur et les caractéristiques du crédit, il convient d’observer que la FIPEN ne comporte pas la signature ni même les initiales de l’emprunteur et émane du seul organisme de crédit. Dès lors, ce document ne peut utilement corroborer la clause type de l’offre de prêt et ce faisant, la société Cofidis ne démontre nullement avoir respecté son obligation de remise de la Fipen à l’emprunteur.
Dès lors, la société Cofidis ne justifie pas avoir satisfait à son obligation et doit donc être déchue du droit aux intérêts contractuels.
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
– Sur le montant de la créance
Selon l’article L 341-8 du code de la consommation, lorsque la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que le cas échéant au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
En l’espèce, il résulte des pièces communiquées que le montant du crédit s’élève à la somme de 24 300 euros et que M. [P] a versé la somme de 7 849,98 euros.
Il est donc redevable de la somme de 16 450,02 euros.
Si la société Cofidis est fondée à réclamer à l’emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû, à compter de la mise en demeure, le taux d’intérêt légal étant majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, toutefois l’article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de crédits aux consommateurs dispose que les Etats membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives.
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-565/12) a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal, si les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations.
La Cour de Justice a ainsi ajouté que, ‘si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif’, et qu’il appartient à la juridiction saisie ‘de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation’.
La cour doit ainsi apprécier la portée de la sanction prononcée et vérifier si elle revêt un caractère suffisamment dissuasif et effectif.
En l’espèce, le taux contractuel est de 5,90%. Compte tenu de l’intérêt légal lors de la mise en demeure de 0,76 % soit un taux d’intérêt légal majoré de 5,76 % et de celui à la date du présent arrêt soit 4,92% et donc un taux d’intérêt légal majoré de 9,92 %, l’application de l’intérêt légal majoré de cinq points conduirait à permettre au prêteur de percevoir des sommes qui ne seraient pas inférieures à celles dont il aurait pu bénéficier au titre des intérêts conventionnels dont il a été déchu.
Dès lors, pour assurer l’effectivité, le caractère proportionné et dissuasif de la sanction, il convient de condamner M. [I] [P] au paiement de la somme de 16 450,02 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 18 janvier 2022, et de confirmer le jugement déféré.
– Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives à l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.
Le recours de la société Cofidis ne prospérant pas, elle est condamnée aux dépens d’appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, la société Cofidis est déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
La Cour,
statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel,
Déboute la société Cofidis de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE