Évaluation de la Proportionnalité des Engagements de Caution dans le Cadre des Obligations Financières

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Évaluation de la Proportionnalité des Engagements de Caution dans le Cadre des Obligations Financières

La Banque populaire Loire et lyonnais a eu pour client la société Globalis compétences, dont M. [U] était le gérant. M. [U] s’est porté garant de divers engagements de la société, d’abord pour 10.000 euros en août 2011, puis pour 18.000 euros en mai 2012, et enfin pour 10.000 euros en octobre 2013. En avril 2015, la société a été placée en redressement judiciaire, suivi d’une liquidation judiciaire en janvier 2016. La banque a déclaré des créances totalisant 13.547,95 euros. En février 2016, elle a mis en demeure M. [U] de régler 14.118,57 euros. En mai 2017, la banque a cédé ses créances à la société Intrum Debt Finance AG. En novembre 2019, Intrum a mis en demeure M. [U] pour un remboursement de 15.183,85 euros, puis l’a assigné en justice. Le tribunal de commerce de Lyon a jugé en mars 2021 que les engagements de caution étaient manifestement disproportionnés, prononçant la déchéance d’Intrum de son droit de se prévaloir des cautionnements et déboutant ses demandes. Intrum a interjeté appel en avril 2021, demandant la réformation du jugement. M. [U] a demandé la confirmation du jugement en janvier 2022, tout en contestant la créance d’Intrum. Les débats sont fixés au 19 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG
21/02829
N° RG 21/02829 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NQ6W

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 18 mars 2021

RG : 2019j1930

La société INTRUM DEBT FINANCE AG

C/

[U]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 19 Septembre 2024

APPELANTE :

La société INTRUM DEBT FINANCE AG (anciennement dénommée INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG), société anonyme de droit suisse, immatriculée au Registre du Commerce du Canton de ZUG (SUISSE) sous le numéro CHE-100.023.266, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité de droit audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3] (SUISSE)

Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS SPE SOUS FORME DE SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768

INTIME :

M. [B] [U]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 806

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 02 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2024

Date de mise à disposition : 19 Septembre 2024

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La Banque populaire Loire et lyonnais (la banque) comptait parmi ses clients la société Globalis compétences dont M. [B] [U] était le gérant.

Le 30 août 2011, M. [U] s’est porté garant de tout engagement de la société, à hauteur de 10.000 euros pour une durée de deux ans.

Le 11 mai 2012, M. [U] s’est à nouveau porté caution solidaire, pour un montant de 18.000 euros, d’un prêt professionnel de 15.000 euros consenti par la banque le 25 juin suivant à la société Globalis compétences.

Le 23 octobre 2013, M. [U] s’est également porté caution solidaire pour un montant de 10.000 euros sur une autorisation de découvert de compte professionnel accordée par la banque.

Le 14 avril 2015, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Globalis compétences, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 janvier 2016.

La Banque populaire a régulièrement déclaré ses créances d’un montant de 6 681,57 euros pour le solde débiteur du compte professionnel et d’un montant de 6.866,38 euros pour le prêt.

Le 23 février 2016, la banque a mis en demeure M. [U] en qualité de caution, de régler la somme 14.118,57 euros outre intérêts débiteurs à courir.

Le 12 mai 2017, la Banque populaire Loire et lyonnais devenue Banque populaire Auvergne Rhône Alpes, a cédé ses créances relatives à la liquidation judiciaire de la société Globalis compétences, à la société Intrum Debt Finance AG (la société Intrum).

Le 12 novembre 2019, la société Intrum a mis en demeure M. [U] de lui rembourser la somme 15.183.85 euros au titre de ses engagements de caution solidaire, puis, le 29 novembre suivant, elle l’a assigné en paiement devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 18 mars 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

– dit et jugé que les engagements de caution, objets de la présente procédure, étaient manifestement disproportionnés lors de leur souscription et le demeurent au jour de l’introduction de la présente instance,

– prononcé la déchéance de la société Intrum Debt Finance AG de son droit de se prévaloir desdits cautionnements,

– débouté la société Intrum Debt Finance AG de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions formées à l’encontre de M. [U],

– condamné la société Intrum Debt Finance AG à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros au titre de l`article 700 du code de procédure civile,

– rejeté comme non fondés toutes autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

– condamné la société Intrum Debt Finance AG aux entiers dépends de l’instance.

La société Intrum a interjeté appel par déclaration du 20 avril 2021.

*

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 février 2022, la société Intrum Debt Finance AG demande à la cour, au visa des anciens articles 1134, 1154, 2288 et suivants et des nouveaux articles 1321 et suivants du code civil, de :

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 18 mars 2021 en ce qu’il a :

‘ dit et jugé que les engagements de caution, objet de la présente procédure, étaient manifestement disproportionnés lors de leur souscription et le demeurent au jour de l’introduction de la présente instance,

‘ prononcé la déchéance de la société Intrum debt finance AG de son droit à se prévaloir desdits cautionnements,

‘ débouté la société Intrum debt finance AG de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions formées à l’encontre de M. [U],

‘ condamné la société Intrum debt finance AG à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ rejeté comme non fondées toutes autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

‘ condamné la société Intrum Debt finance AG aux entiers dépens de l’instance.

Statuant à nouveau :

– recevoir comme régulières et bien fondées les demandes en paiement présentées par la société Intrum debt finance AG,

en conséquence,

– condamner M. [U] à payer à la société Intrum debt finance AG, en sa qualité de caution de la société Globalis compétences :

‘ la somme de 8.379,70 euros en principal, outre intérêts au taux de 3,85 % à compter du 18 septembre 2019, et jusqu’à parfait paiement, au titre du prêt n°00681327 souscrit le 25 juin 2012,

‘ la somme de 6.804,15 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2019, et jusqu’à parfait paiement, au titre du solde débiteur du compte courant ouvert au nom de la société Globalis compétence,

Y ajoutant en tout état de cause :

– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1154 ancien (1343-2 nouveau) du code civil,

– débouter M. [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [U] à payer à la société Intrum debt finance AG une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, d’appel et de toutes ses suites, en vertu de l’article 696 de ce même code.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 janvier 2022, M. [U] demande à la cour, au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation et l’article 1353 du code civil, de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 18 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire :

– dire et juger que la société Intrum debt finance AG ne justifie pas être créancière de M. [U] au titre des actes du 11 mai 2012 et 23 octobre 2013,

– débouter la société Intrum debt finance AG de l’ensemble de ses demandes,

A titre également subsidiaire :

– allouer à M. [U] des délais de paiement de 24 mois, sur la base de versements mensuels de 150 euros sur 23 mois, et le solde au terme de cette durée,

– ordonner que les sommes correspondantes aux échéances reportées portent intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal, et que les paiements s’imputent d’abord sur le capital,

En toute hypothèse :

– débouter la société Intrum debt finance AG de l’ensemble de ses demandes, prétentions, fins et moyens,

– condamner la société Intrum debt finance AG à verser à M. [U] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société intrum debt finance ag aux entiers dépens de l’instance.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 mars 2022, les débats étant fixés au 19 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la disproportion des engagements de caution

La société Intrum fait valoir que :

– au titre du cautionnement du 11 mai 2012, celui-ci n’est pas manifestement disproportionné en ce que, lors de sa souscription, M. [U] percevait un revenu de 18.300 euros et était titulaire des parts de la société Globalis Compétences qu’il avait constitué en 2004 ;

– le cautionnement du 23 octobre 2013 n’est pas non plus manifestement disproportionné, au vu des éléments déclarés par M. [U] dans la fiche de renseignement et y compris en tenant compte du précédent engagement de caution souscrit ;

– s’il était jugé que les cautionnements étaient manifestement disproportionnés au jour de leur souscription, il s’avère que M. [U] est aujourd’hui en mesure de faire face à ses engagements, compte tenu de ses revenus et de son patrimoine, M. [U] étant nu-propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur de 203.000 euros.

M. [U] réplique que :

– s’agissant du cautionnement du 11 mai 2012, il était déjà engagé en qualité de caution auprès de la même banque pour un montant de 10.000 euros, suivant un acte de cautionnement du 30 août 2011, ce qui représentait donc un engagement total de 28.000 euros ; ses revenus et charges représentaient un solde mensuel de 373 euros, son patrimoine était nul, et ses parts sociales n’avaient aucune valeur dès lors que les capitaux propres de la société étaient déjà très largement négatifs ; l’engagement de caution était donc manifestement disproportionné ;

– quant au cautionnement du 23 octobre 2013, lui-même était encore engagé au titre du cautionnement du 11 mai 2012 pour un montant de 18.000 euros, de sorte que le total de ses engagements de caution représentait la somme de 28.000 euros, pour un revenu net de 652 euros par mois ; s’il a déclaré une épargne de 9.000 euros, il convient d’en déduire le capital restant dû de 19.000 euros sur un emprunt contracté auprès de Cetelem, mentionné dans la fiche de renseignement ;

– les engagements de caution restent disproportionnés, à la date d’introduction de la procédure ; il ne peut être tenu compte de sa part de nue-propriété dans un bien immobilier dont l’usufruit est réservé à ses parents, ses droits à ce titre étant purement théoriques et le bien étant destiné à financer, au besoin, les frais de maison de retraite de ses parents ; ce patrimoine ne lui permet donc pas de faire face à ses engagements de caution.

Sur ce,

Selon l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-310 du 14 mars 2016, applicable au litige, ‘un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.’

La proportionnalité de l’engagement d’une caution s’apprécie soit au moment de sa conclusion, soit, en cas de disproportion initiale, lorsque la caution est appelée. La disproportion suppose que la caution soit, à la date où elle souscrit, dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus. La capacité de la caution à faire face à son obligation au moment où elle est appelée s’apprécie en considération de son endettement global, y compris celui résultant d’autres engagements de caution et quand bien même le juge a déclaré ces cautionnements antérieurs disproportionnés.

La disproportion manifeste de l’engagement de la caution s’apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction.

Quant aux parts sociales, il est constant que celles dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. L’évaluation des parts sociales détenues par la caution dans le capital de la société, débitrice principale, doit tenir compte du passif de cette société.

Il appartient à la caution qui l’invoque, de démontrer l’existence de la disproportion manifeste de son engagement au moment de la conclusion de celui-ci et, si le cautionnement est disproportionné lors de sa souscription, il appartient alors au créancier d’établir qu’au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son engagement.

Enfin, la caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d’anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée au créancier. L’absence de fiche de renseignements établie par la banque au jour du cautionnement n’est aucunement sanctionnée par la nullité du cautionnement, dès lors qu’aucun texte ne le prévoit ; il appartient seulement à la caution d’établir qu’à la date de sa souscription, l’engagement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

En l’espèce, s’agissant du cautionnement du 11 mai 2012 consenti pour un montant de 18.000 euros, M. [U] s’était déjà porté caution le 30 août 2011 auprès de la même banque et pour le même débiteur principal, dans la limite de 10.000 euros. Ce précédent engagement, qui ne pouvait être ignoré de la banque, doit donc être pris en compte.

La fiche de renseignement jointe au cautionnement du 11 mai 2012 porte la mention ‘NEANT’ dans les cases relatives au patrimoine mobilier et au patrimoine immobilier, aucune autre précision ne figurant dans ce document.

M. [U] produit son avis d’imposition sur les revenus de l’année 2012, lequel établit qu’il percevait un revenu annuel de 18.300 euros, soit de 1.525 euros mensuel. Il justifie de ses charges à l’époque, pour un montant mensuel de 999 euros, de sorte qu’il disposait d’un revenu net mensuel de 526 euros.

Il en résulte que le cautionnement souscrit le 11 mai 2012, lequel a porté ses engagements à 28.000 euros, était manifestement disproportionné au regard de sa situation financière et patrimoniale.

S’agissant du cautionnement du 23 octobre 2013, à cette date le premier cautionnement de 10.000 euros souscrit le 30 août 2011 avait pris fin, mais le deuxième cautionnement du 11 mai 2012 pour la somme de 18.000 euros était toujours en cours et devait donc être pris en compte pour vérifier la disproportion de l’engagement.

La fiche de renseignements établie le 23 octobre 2013 par M. [U] mentionne un revenu net de 2.000 euros par mois et des charges mensuelles de 1.347 euros, soit un solde disponible de 653 euros par mois. Il est, en outre, mentionné une épargne de 9.000 euros et des parts dans la société Globalis compétences, sans aucune précision toutefois concernant cette dernière mention.

S’agissant de la valeur de ces parts sociales, le capital social était de 20.000 euros mais la société Globalis compétences avait, à tout le moins, un prêt de 15.000 euros à son passif.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le cautionnement du 23 octobre 2013, qui portait à 28.000 euros le total des engagements de caution consentis par M. [U] et représentait ainsi un peu plus du triple de son épargne, était manifestement disproportionné compte tenu de ses biens, revenus et charges.

Les deux cautionnements invoqués par le créancier étant manifestement disproportionnés au jour de leur souscription, il appartient à celui-ci d’établir qu’au jour où il a assigné en paiement M. [U], ce dernier est revenu à meilleure fortune et se trouve ainsi en mesure de faire face à ses engagements de caution.

A ce titre, la société Intrum produit une état hypothécaire établissant que M. [U] a reçu en donation, par acte du 3 juillet 2014 soit antérieurement à l’assignation, la nue-propriété de la moitié indivise d’un bien immobilier, pour un montant évalué à 203.00 euros.

Il convient de rappeler que la disproportion manifeste de l’engagement de caution s’apprécie par rapport aux biens de la caution sans distinction. Il en résulte que la nue-propriété d’un bien immobilier doit être prise en compte dans la consistance du patrimoine, quand bien même elle ne pourrait être engagée pour l’exécution de la condamnation éventuelle de la caution, en l’absence d’accord de l’usufruitier.

Il est précisé, dans la fiche de synthèse produite avec l’état hypothécaire, qu’aucune inscription ne grève le bien concernant les parts et portions appartenant à M. [B] [U]. Quant à la réserve du droit de retour et la clause d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer, également mentionnées dans cette fiche, celles-ci n’affectent pas les droits de M. [U].

En conséquence, M. [U] dispose d’un patrimoine suffisant pour répondre de ses engagements de caution, quand bien même ce capital n’est pas immédiatement disponible.

Il convient, dès lors, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur la force probante du cautionnement souscrit le 11 mai 2012

M. [U] fait valoir que l’acte de cautionnement du 11 mai 2012 est incomplet, en ce que la première page n’est pas remplie et la quatrième page est manquante ; ce document ne permet pas de justifier du crédit couvert par l’engagement, ni d’identifier la caution ; la société Intrum est défaillante dans sa charge probatoire.

La société Intrum réplique que, s’il ne peut être contesté que M. [U] a omis de compléter la première page de l’acte de cautionnement, il a toutefois rédigé de façon manuscrite la mention prévue au code de la consommation et a paraphé chaque page ; que M. [U] ne conteste ni son écriture, ni sa signature, lesquelles sont identiques à l’autre acte de cautionnement invoqué ; qu’il s’est engagé en toute connaissance de cause.

Sur ce,

L’examen de l’acte de cautionnement du 11 mai 2012 établit que le crédit garanti est un prêt de 15.000 euros sur soixante mois consenti par la banque à la société Globalis compétences, de sorte que l’objet du cautionnement est identifié. La banque produit, joint à ce cautionnement, le contrat de prêt afférent (sa pièce n° 2).

Quant à l’absence, en première page, de la mention de l’identité de la caution, M. [U] ne conteste ni sa signature ni son écriture apposées en page 3 pour la reproduction manuscrite des dispositions de l’article L. 342-1, devenu L. 332-1, du code de la consommation. Celles-ci sont d’ailleurs identiques à la signature et à l’écriture de la mention d’engagement de caution figurant dans l’acte du 23 octobre 2013, lequel comporte tous les éléments d’identité de M. [U].

En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter l’engagement de caution du 11 mai 2012.

Sur les sommes dues

La société Intrum fait valoir que :

– au titre du cautionnement du 11 mai 2012, la créance a certes été admise pour 6.866,38 euros, mais les intérêts sont également dus ;

– au titre du cautionnement du 23 octobre 2013, la durée d’engagement de deux années correspond à la durée de l’obligation de couverture de M. [U], ce qui signifie que toute dette née entre sa conclusion et son terme doit être garantie par M. [U], ce qui est le cas en l’espèce ; la créance a été déclarée pendant la période de couverture puis admise au passif de la société Globalis Compétences en mars 2016 soit postérieurement à la fin de la période de couverture, et n’a pas été contestée de sorte qu’elle est figée ; sa créance est donc bien justifiée ;

– elle est fondée à solliciter la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1154, devenu 1343-2, du code civil.

M. [U] réplique que :

– pour le cautionnement du 11 mai 2012, la créance n’a été admise au passif de la procédure collective que pour la somme de 6.866,38 euros alors que la société Intrum réclame la somme de 8.319,70 euros ;

– l’engagement de caution du 23 octobre 2013 a été conclu pour une durée de deux ans et a donc pris fin le 23 octobre 2013, or, la société Intrum ne justifie pas du solde du compte courant à cette date mais uniquement au 28 mai 2015, de sorte qu’elle ne justifie pas du montant de sa créance.

Sur ce,

Il convient de rappeler que la décision d’admission de la créance au passif du débiteur principal en procédure collective est opposable à la caution tant en ce qui concerne l’existence que le montant de la créance.

S’agissant du cautionnement du 11 mai 2012, la créance de la banque, aux droits de laquelle vient la société Intrum, déclarée le 28 mai 2015 a été admise le 7 mars 2016 pour la somme de 6.866,38 euros au titre du prêt n° 00681327, outre intérêts au taux conventionnel de 3,85 % et indemnité d’exigibilité de 342,81 euros.

Or, il résulte du décompte de créance produit par la société Intrum et arrêté au 18 septembre 2019, que la somme de 8.379,70 euros correspond, en principal, intérêts et indemnité, à cette créance admise.

En conséquence, M. [U] sera condamné à payer à la société Intrum la somme de 8.379,70 euros outre intérêts au taux de 3,85 % l’an sur la somme en principal de 6.866,38 euros, à compter du 19 septembre 2019.

S’agissant du cautionnement du 23 octobre 2013 affecté à la garantie d’un découvert en compte, la créance de la banque à l’égard du débiteur principal a été déclarée à la procédure collective le 28 mai 2015 pour la somme de 6.681,57 euros, et admise le 7 mars 2016 pour ce montant.

Si l’engagement de caution du 23 octobre 2013 a été souscrit pour une durée de deux ans, soit jusqu’au 23 octobre 2013, force est de constater que le montant du solde débiteur arrêté au 28 mai 2015, soit dans le délai du cautionnement.

La société Intrum justifie donc de sa créance, contrairement à ce que soutient M. [U] qui sera ainsi condamné à lui payer la somme de 6.804,15 euros outre intérêts au taux légal sur la somme en principal de 6.681,57 euros, à compter du 19 septembre 2019.

La capitalisation des intérêts échus pour une année étant sollicitée par la société Intrum, il convient de l’ordonner, en application de l’article 1154, devenu 1343-2, du code civil.

Sur les délais de paiement

M. [U] sollicite les plus larges délais de paiement, compte tenu de sa situation financière.

La société Intrum ne forme aucun moyen à ce titre.

Sur ce,

Selon l’article 1244-1, devenu 1343-5, du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Toutefois, en l’espèce, l’action a été introduite par assignation du 29 novembre 2019, soit il y a près de cinq ans, de sorte que M. [U] a de facto déjà bénéficié de larges délais de paiement et qu’il n’y a donc pas lieu d’accueillir sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [U] succombant à l’instance, il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [U] à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de huit mille trois cent soixante dix-neuf euros et soixante-dix centimes (8.379,70 euros) outre intérêts au taux de 3,85 % l’an sur la somme en principal de 6.866,38 euros, à compter du 19 septembre 2019, au titre du cautionnement souscrit le 11 mai 2012 ;

Condamne M. [U] à payer à la société Intrum Debt Finance AG la somme de six mille huit cent quatre euros et quinze centimes (6.804,15 euros) outre intérêts au taux légal sur la somme en principal de 6.681,57 euros, à compter du 19 septembre 2019, au titre du cautionnement souscrit le 23 octobre 2013 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année, en application de l’article 1154, devenu 1343-2, du code civil ;

Condamne M. [U] aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette les demandes formées par les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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