Analyse des obligations contractuelles et des délais de forclusion dans le cadre d’un prêt

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Analyse des obligations contractuelles et des délais de forclusion dans le cadre d’un prêt

Le 24 septembre 2014, Mme [R] [T] [N] et M. [X] [K] ont contracté un prêt de 68 000 € auprès de la S.A. Financo pour financer un camping-car, remboursable en 156 mensualités avec un TEG de 5,51 %. À partir de mai 2020, les emprunteurs ont cessé de rembourser le prêt. M. [K] a alors saisi la commission de surendettement, qui a déclaré sa demande recevable, décision contestée par la S.A. Financo. Le tribunal judiciaire de Béziers a confirmé cette décision le 26 novembre 2020. Le 25 juin 2021, Financo a tenté sans succès de régulariser la situation avec Mme [T] [N]. Le 7 octobre 2021, Financo a assigné Mme [T] [N] en paiement. Par jugement du 3 mai 2022, le tribunal a condamné Mme [T] [N] à payer 50 208,25 € à Financo, avec intérêts, et a débouté les parties de leurs autres demandes. Mme [T] [N] a fait appel le 7 juin 2022, contestant la décision et invoquant la forclusion de l’action et la responsabilité de Financo pour manquement à son obligation de mise en garde. Financo a demandé la confirmation du jugement et le paiement des échéances impayées.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Cour d’appel de Montpellier
RG
22/03017
ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/03017 – N° Portalis DBVK-V-B7G-POEQ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 mai 2022

Juge des contentieux de la protection – Tribunal judiciaire de BEZIERS – N° RG 21/00401

APPELANTE :

Madame [R] [T] [N]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée sur l’audience par Me Emmanuelle CARRETERO, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Karine MASSON, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006812 du 29/06/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

S.A. Financo – immatriculée au RCS de BREST sous le n° 338 138 795, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme PASCAL de la SARL CAP-LEX, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substituant sur l’audience Me Mathieu SPINAZZE du cabinet DECKER ‘ ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-José FRANCO, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 septembre 2014, Mme [R] [T] [N] et M.[X] [K] ont souscrit auprès de la S.A. Financo un prêt d’un montant de 68 000 € remboursable en 156 mensualités et moyennant un TEG de 5,51 %, permettant de financer un camping-car.

A compter du mois de mai 2020, les emprunteurs ont cessé d’honorer les échéances du prêt.

M. [K] a saisi la commission de surendettement des particuliers de l’Hérault qui a déclaré sa demande recevable. La S.A. Financo a contesté judiciairement cette décision. Par un jugement du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Béziers a confirmé la décision de la commission.

Le 25 juin 2021, par courrier recommandé, la S.A. Financo a, sans succès, invité Mme [T] [N] à régulariser la situation.

C’est dans ce contexte que par acte du 7 octobre 2021, la S.A. Financo a fait assigner en paiement Mme [T] [N].

Par jugement contradictoire en date du 3 mai 2022, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Béziers a :

Condamné Mme [T] [N] à payer à la S.A. Financo la somme de 50 208,25 € majorée des intérêts au taux contractuel depuis l’assignation ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamné Mme [T] [N] aux dépens.

Mme [T] [N] a relevé appel de ce jugement le 7 juin 2022.

PRÉTENTIONS

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 5 septembre 2022, Mme [T] [N] demande en substance à la cour de réformer la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas retenu la forclusion de l’action et la responsabilité contractuelle de la S.A. Financo, en conséquence de quoi,

Juger que l’action introduite par la S.A. Financo est forclose ;

En tout état de cause, juger que la S.A. Financo a commis une faute contractuelle en ne mettant pas en garde Mme [T] [N] sur son risque d’endettement excessif ; condamner la S.A. Financo à payer à Mme [T] [N] la somme de 50 208 € de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde ;

Le cas échéant, si la forclusion n’était pas retenue par la cour, ordonner la compensation des sommes dues par les parties respectives ;

En tout état de cause, condamner la S.A. Financo à payer à Mme [T] [N] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Par uniques conclusions remises par voie électronique le 30 novembre 2022, la S.A. Financo demande en substance à la cour de à titre principal, confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et à titre subsidiaire, de :

Condamner Mme [T] [N] au paiement des échéances échues impayées d’un montant de 3 170,65 € outre les intérêts de retard courant jusqu’à la date du règlement effectif, à un taux égal à celui du contrat de prêt ;

Condamner Mme [T] [N] à reprendre les paiements des échéances futures ;

Condamner Mme [T] [N] à payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 23 mai 2024.

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

– Sur la forclusion de l’action :

Mme [T] [N] fait grief au premier juge d’avoir déclaré l’action en paiement de la société Financo recevable après avoir fixé la date du premier impayé non régularisé au 24 juin 2020 alors que selon elle, depuis le mois de décembre 2016, aucune échéance n’a été régularisée.

En vertu de l’article L311-52 du code de la consommation dans sa version applicable à l’espèce :

« Le tribunal d’instance connaît des litiges nés de l’application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 11° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 311-47.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 331-7 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 331-7-1.»

Le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé conformément aux modalités prévues par les dispositions de l’article 1256 ancien du code civil applicable à l’espèce, à savoir l’imputation des paiements sur les échéances impayées les plus anciennes.

Or, il ressort de l’historique des règlements du prêt produit par la société Financo que si des incidents de paiement sont intervenus à compter du mois de décembre 2016, des paiements ont été effectués jusqu’au 9 avril 2020 qui ont eu pour effet de régulariser les échéances impayées les plus anciennes par application de la règle rappelée ci-avant, ce qui conduit la cour à fixer le premier incident de paiement non régularisé au 10 décembre 2019.

L’assignation en paiement ayant été signifiée le 7 octobre 2021, l’action de la S.A. Financo ne peut qu’être déclarée recevable et le jugement déféré confirmé de ce chef.

– Sur l’obligation de mise en garde :

Mme [T] [N] fait également grief au premier juge de n’avoir pas avoir retenu la faute de son prêteur dans le respect de son devoir de mise en garde lié au risque d’endettement alors que les données chiffrées relatives aux revenus des emprunteurs telles que figurant sur la fiche dialogue ne correspondaient pas à celles ressortant des bulletins de paie de M. [K], son co-emprunteur, de sorte que la banque ne pouvait ignorer le risque d’endettement contre lequel elle ne les a pas mis en garde.

Le prêteur est tenu sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du code civil applicable à l’espèce d’un devoir de mise en garde d’un emprunteur non averti quant au risque d’endettement né de l’octroi d’un prêt et il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a vérifié lors de l’octroi du crédit les capacités financières de l’emprunteur.

En l’espèce, la S.A. Financo produit une fiche dite « dialogue » que Mme [T] [N] ne conteste pas avoir signée aux côtés de M. [K] [X] son co-emprunteur, portant mention de revenus mensuels d’un montant de 2 209 € pour Monsieur et de 933 € pour Madame pour un montant mensuel de charges de 733 €.

Si le montant mensuel moyen du salaire perçu par M. [K] tel qu’il ressort des trois bulletins de paie versées aux débats par le prêteur et contemporains de l’octroi du prêt, s’avère inférieure de 200 € au montant qu’il a déclaré, pour s’élever à 2021 € le montant total des revenus des co-emprunteurs s’établissait à 3275 € le reste à vivre du couple à 1917, 94 € après déduction de leurs charges mensuelles et de la mensualité du prêt consenti d’un montant mensuel de 624,64 € et le taux d’endettement à près de 20%, les emprunteurs ayant en outre mentionné être propriétaires de leur habitation principale depuis 27 ans et n’ayant déclaré aucun autre prêt en cours.

Au regard de ces éléments, c’est à juste titre que le tribunal n’a pas retenu l’existence d’un risque particulier d’endettement et jugé à bon droit que le prêteur n’était pas tenu à un devoir de mise en garde.

Mme [T] [N] ne formulant aucune critique du jugement en ce qu’il a fixé le montant de la créance de la S.A. Financo à la somme de 50 208, 25 € outre intérêts au taux contractuel et l’intimée justifiant du bien-fondé de cette demande en paiement par la production d’une mise en demeure adressée à la débitrice le 10 avril 2020 d’avoir à régulariser sa situation dans le délai d’un mois demeurée vaine, et d’un décompte de créance arrêté au 27 août 2021 tenant compte des versements effectués après la déchéance du terme, la cour confirmera le jugement en toutes ses dispositions.

Partie succombante, Mme [T] [N] sera condamnée aux dépens d’appel par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [N] aux dépens d’appel.

La condamne à payer à la S.A. Financo la somme de 1 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


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