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Le code source d’un Crawler à l’origine d’atteinte à une base de données n’a pas nécessairement à être communiqué au titulaire des droits.
Si des logiciels peuvent effectivement constituer un des outils pour parvenir à la contrefaçon alléguée, leurs fichiers, codes sources et les scripts ne sont cependant pas nécessaires à la solution du litige, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge en a ordonné la communication sous la forme d’un résumé, conformément à l’article R.153-7 du code du commerce, après avoir mis en balance à la fois les intérêts légitimes de la société LBC s’agissant de la preuve des faits de contrefaçon allégués et le secret des affaires de la société DIRECTANNONCES, préservant ainsi les codes sources de son logiciel. En revanche, s’agissant des exports et des résultats des requêtes faites sur la base de données de la société DIRECTANNONCES et sur Directmandat à partir des mots clefs très précisément définis en lien avec le litige et listés dans l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, la cour considère qu’ils ne peuvent être considérés comme protégés par le secret des affaires, ces résultats étant accessibles par tout client de la société DIRECTANNONCES ayant accès à Directmandat ou à sa base de données et pour lesquels elle ne justifie pas de l’existence d’une clause de confidentialité. Ces éléments sont, en outre, nécessaires à la solution du litige en ce qu’ils peuvent permettre d’établir la matérialité et l’étendue des faits de contrefaçon allégués des droits de la société LBC sur sa base de données, sauf pour la cour, comme le premier juge, à ordonner la communication des « export-immo-annonces » sous la forme expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCE, ce dernier élément constituant une donnée relevant du secret des affaires tel que rappelé ci-dessus. Pour rappel, les dispositions légales (voir infra) organisent une protection légale du secret des affaires prenant en compte, sous l’office du juge, les intérêts divergents en présence. Dans ce cadre, le juge statue, sans audience, sur la communication des pièces et leurs modalités, après avoir été rendu, le cas échéant, seul destinataire du mémoire de la partie invoquant le secret des affaires, l’article R. 153-3 ne lui imposant nullement d’entendre « séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce » mais prévoyant uniquement, s’agissant d’une faculté, la possibilité laissée à son choix d’introduire, ou non, une nouvelle phase de contradictoire. Le secret des affaires est défini à l’article L.151-1 code du commerce, selon lequel « Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivant: 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ; 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.» Puis, en vertu de l’article L.153-1 du même code, « Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense : 1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ; 2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ; 3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil; 4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires. » Puis, selon l’article R.153-3, « A peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci : 1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ; 2° Une version non confidentielle ou un résumé ; 3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires. En vertu de l’article R.153-4, « Le juge statue, sans audience sur la communication ou la production de la pièce et ses modalités. » Enfin en application des articles R.153-5, R.153-6 et R.153-7 , « le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n’est pas nécessaire à la solution du litige », « le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires. Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu’une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce » et, « lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d’un résumé, selon les modalités qu’il fixe. » |
Résumé de l’affaire : La société LBC France, exploitant des sites de petites annonces, a obtenu un jugement interdisant à la société ENTREPARTICULIERS.COM d’extraire des données de sa base. Après avoir soupçonné la société DIRECTANNONCES d’extractions illicites, LBC a fait saisir des éléments au siège de DIRECTANNONCES. Cette dernière a contesté la saisie en référé, mais le tribunal a maintenu le séquestre. En appel, la cour a partiellement levé la saisie pour certains documents. Les deux sociétés ont ensuite interjeté appel de l’ordonnance concernant le secret des affaires, avec des demandes contradictoires sur la restitution des pièces saisies et la mise en place d’un cercle de confidentialité. La cour a prononcé la jonction des instances en juin 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024
(n° 105/2024, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 23/14918 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGYD
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 03 août 2023 du président du tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 21/09194
APPELANTES
S.A. DIRECTANNONCES
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 422 787 853, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B1167
S.A.S. LBC FRANCE
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 521 724 336, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Me Carolle SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2406
INTIMÉES
S.A. DIRECTANNONCES
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 422 787 853, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B1167
S.A.S. LBC FRANCE
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 521 724 336, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Me Carolle SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2406
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, présidente de chambre et Mme Déborah BOHÉE, conseillère chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
– Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
– Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
– Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
contradictoire ;
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, et par Soufiane HASSAOUI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société LBC France (ci-après la société LBC), immatriculée le 14 avril 2010, exploite le site internet «leboncoin.fr» depuis 2011, ainsi que le site « avendrealouer.fr », et leurs applications respectives.
Le site « avendrealouer.fr » est spécialisé dans la publication de petites annonces de ventes et de locations de biens immobiliers anciens, tandis que « leboncoin.fr » est un site français de petites annonces en ligne, qui permet aux internautes de publier des petites annonces dans de nombreux domaines, lesquelles sont classées, en premier lieu, par régions, mais également par catégories, dont la catégorie « Immobilier ».
La société DIRECTANNONCES exploite quant à elle, depuis 1999, le site internet éponyme «Directannonces.com», sur lequel elle propose un service payant de pige immobilière qui permet à ses abonnés de consulter directement l’ensemble des annonces immobilières de particuliers, extraites et collectées par elle, au moyen d’un logiciel dédié, dénommé «DirectMandat», et ce, à partir de différentes parutions accessibles sur internet.
Revendiquant la qualité de producteur de base de données pour l’administration de son site «leboncoin.fr », la société LBC a sollicité et obtenu, par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 1er septembre 2017, qu’il soit fait défense à la société ENTREPARTICULIERS.COM de procéder à l’extraction ou à la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement substantielles du contenu de cette base de données.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 2 février 2021 qui a par ailleurs reconnu que la société LBC est également producteur de la sous-base de données «immobilier» du site le boncoin.fr, le pourvoi formé par société ENTREPARTICULIERS.COM ayant été rejeté par la Cour de cassation le 5 octobre 2022 (Cass Civ 1ère 21-16.307).
Soupçonnant que la société DIRECTANNONCES procédait également à des extractions illicites de sa base de données au moyen de son logiciel « DirectMandat », la société LBC a sollicité le 31 mai 2021 et obtenu, par une ordonnance rendue sur requête le 2 juin 2021, l’autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de cette société.
Les opérations ont été réalisées les 15, 16 et 17 juin 2021 et l’huissier a placé sous séquestre provisoire l’ensemble des éléments saisis.
Par acte d’huissier du 2 juillet 2021, la société LBC a fait assigner la société DIRECTANNONCES devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de ses droits sur la base de données dont elle soutient être l’auteur et le producteur. L’audience de plaidoirie a été fixée au 14 novembre 2024.
Parallèlement, par acte d’huissier délivré le 8 juillet 2021, la société DIRECTANNONCES a fait assigner en référé la société LBC devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris afin d’obtenir, à titre principal, la mainlevée totale de la saisie et la restitution de l’ensemble des pièces, et subsidiairement, le cantonnement de la mesure.
Par ordonnance du 18 janvier 2022, le magistrat délégué du Président du tribunal judiciaire de Paris a :
dit n’y avoir lieu à mainlevée, qu’elle soit totale ou partielle, de la saisie autorisée par ordonnance rendue à la requête de la société LBC le 2 juin 2021 ;
dit que la société DIRECTANNONCES devra remettre au juge des référés, au plus tard pour le 18 mars 2022 :
1° La version confidentielle des pièces saisies les 15,16 et 17 juin 2021 dont elle sollicite la protection par les règles applicables au secret des affaires ;
2° Une version expurgée de ces mêmes pièces ;
3° Un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires ;
dit que les modalités du cercle de confidentialité déterminant les conditions de la communication de ces pièces, ainsi que les personnes autorisées à en prendre connaissance, seront fixées après leur transmission et maintenu dans cette attente le séquestre provisoire ;
réservé les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Suivant appel interjeté le 18 février 2022 par la société DIRECTANNONCES, la cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 19 avril 2023, confirmé l’ordonnance, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à mainlevée partielle de la saisie autorisée par ordonnance rendue à la requête de la société LBC le 2 juin 2021, et statuant à nouveau et y ajoutant, a notamment ordonné la mainlevée partielle de la saisie autorisée par ordonnance rendue à la requête de la société LBC le 2 juin 2021, s’agissant des documents saisis datés antérieurement au 2 juillet 2016, à l’exception des programmes, logiciels et codes sources saisis, ordonné, en conséquence, la restitution par la SCP [O], Perrot et Taupin, huissiers de justice associés à la société DIRECTANNONCES de ces éléments, dans un délai de trente jours à compter de la signification de la décision et débouté la société LBC de sa demande de mainlevée du séquestre.
Suivant arrêt du 28 février 2024, la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt par la société DIRECTANNONCES.
C’est dans ce contexte qu’a été rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris l’ordonnance dont appel du 3 août 2023 portant sur le secret des affaires qui a statué en ces termes :
Vu le procès-verbal de saisie-contrefaçon (droits d’auteur et sui generis du producteur de base de données) dressé par Maître [O] à la requête de la société LBC les 15, 16 et 17 juin 2021,
Vu l’ordonnance de référé mainlevée du 18 janvier 2022,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 avril 2023 (ayant prononcé un cantonnement de la mesure) et le pourvoi du 9 mai 2023,
Vu l’article 579 du code de procédure civile,
Vu la prorogation au 10 juillet 2023 accordée par le juge des référés à la société Directannonces pour déposer un mémoire établi conformément aux dispositions de l’article R.153-3 du code de commerce,
Vu les articles L. 153-1 et R.153-2 et suivants du code de commerce,
Vu le mémoire n°2 établi par la société Directannonces, reçu au greffe le 6 juillet 2023,
DIT que les pièces placées sous séquestre par Me [O] les 15, 16 et 17 juin 2021 seront communiquées directement par le conseil de la société DIRECTANNONCES a’ la société LBC selon les modalités suivantes :
s’agissant des codes sources des logiciels Crawler Immo et Scripts Images : sous la forme du résumé propose’ en pièce « résumés logiciel Crawler Immo et Scripts Images » du dossier B annexe’ au mémoire n°2 ‘secret des affaires’ de la société DIRECTANNONCES,
s’agissant des fichiers « export » (qui contiennent les annonces téléchargées sur le site de la société LBC par la société DIRECTANNONCES au moyen de ses logiciels) :
sous leur forme appréhendée par Me [O] (ce qui correspond aux fichiers ‘export-directannonces-jcrawler.xls’ et ‘export-directannonces-jcrawler-log.xls’ du dossier A annexe’ au mémoire ‘secret des affaires’, ainsi qu’a’ tous les fichiers des dossiers C et D annexés a’ ce même mémoire),
sous la forme expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCES pour lequel cette extraction a été réalisée pour le fichier csv « export-immo-annonces » (version figurant dans le dossier B annexe’ au mémoire),
DIT qu’en cas de difficulté il nous en sera référé ;
RAPPELLE que conformément aux dispositions de l’article R. 153-8 du code de commerce, les éléments actuellement tenus sous séquestre y seront maintenus jusqu’a’ l’expiration du délai d’appel ou jusqu’a’ l’arrêt de la cour d’appel a’ intervenir si un appel est interjeté.
La société DIRECTANNONCES a interjeté appel de cette ordonnance le 31 août 2023 et l’instance a été enrôlée sous le N° de RG 23/14918.
La société LBC a interjeté appel de cette ordonnance le 22 septembre 2023 et l’instance a été enrôlée sous le N° de RG 23/15769.
Dans ses dernières conclusions n°2 transmises le 14 mars 2024, la société DIRECTANNONCES, appelante et intimée, demande à la cour de :
Vu l’article 378 du Code de procédure civile,
Vu les articles R.153-1 et suivants du Code de commerce,
In limine litis et à titre principal,
SURSOIR A STATUER jusqu’au prononcé d’une décision irrévocable à intervenir dans le cadre du litige opposant DIRECTANNONCES à LBC France actuellement pendant devant la 3ème chambre, 2èmesection du Tribunal judiciaire de Paris enrôlée sous le n° de RG 21/09261 ;
DIRE que l’affaire sera à nouveau fixée à la demande de la partie la plus diligente,
À titre subsidiaire,
REFORMER l’ordonnance (secret des affaires) du 3 août 2023 du Tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a :
« DIT que les pièces placées sous séquestre par Me [O] les 15, 16 et 17 juin 2021 seront communiquées directement par le conseil de la société DIRECTANNONCES à la société LBC selon les modalités suivantes :
S’agissant des codes sources des logiciels Crawler Immo et Scripts Images : sous la forme du résumé proposé en pièce ‘résumés logiciel Crawler Immo et Scripts Images’ du dossier B annexé au mémoire n°2 ‘secret des affaires’ de la société DIRECTANNONCES,
S’agissant des fichiers ‘export’ (qui contiennent les annonces téléchargées sur le site de la société LBC par la société DIRECTANNONCES au moyen de ses logiciels) :
– sous leur forme appréhendée par Me [O] (ce qui correspond aux fichiers ‘export-DIRECTANNONCES-jcrawler.xls’ et ‘export-DIRECTANNONCES-jcrawler-log.xls’ du dossier A annexé au mémoire ‘secret des affaires’, ainsi qu’à tous les fichiers des dossiers C et D annexés à ce même mémoire),
– sous la forme expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCES pour lequel cette extraction a été réalisée pour le fichier csv ‘export-immo-annonces’ (version figurant dans le dossier B annexé au mémoire,
DIT qu’en cas de difficulté il nous en sera référé ; »
Et statuant à nouveau,
À titre principal,
JUGER n’y avoir lieu à la levée du séquestre au profit de LBC France ;
ORDONNER à Maître [L] [O] de la SCP [O], Perrot et Taupin, huissiers de justice de restituer à DIRECTANNONCES l’intégralité des éléments séquestrés entre ses mains, à savoir :
– Le programme « CRAWLER IMMO » avec ses codes sources et de compilation ;
– Les scripts utilisés pour redimensionner les photographies avec les codes sources ;
– Les fichiers exports correspondant au résultat des requêtes SQL effectués;
– Le fichier Word rédigé par Maître [L] [O], huissier de justice, dénommé « Liste des requêtes et résultats » ;
À titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour venait à ordonner la levée totale ou partielle du séquestre au profit de LBC France :
ORDONNER à Maître [L] [O] de la SCP [O], Perrot et Taupin, huissiers de justice de :
– Expurger des pièces saisies les éléments datés antérieurement au 2 juillet 2016, conformément à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 avril 2023 ;
– Communiquer à LBC France les fichiers protégés par le secret des affaires figurant dans le Dossier A uniquement dans leurs versions expurgées desdites informations, à savoir les fichiers figurant dans le Dossier B et intitulés :
– « Résumés Logiciel Crawler Immo et Scripts Images » ;
– « export-directannonces-jcrawler.xls » ;
– « export-directannonces-jcrawler log.xls » ;
– « export-immo-annonces » ;
– « Liste des requêtes et résultats expurgée dénomination commerciale couverte par le secret des affaires » ;
– Restituer à DIRECTANNONCES l’intégralité des fichiers couverts par le secret des affaires figurant dans le Dossier A, à savoir :
– Le programme « CRAWLER IMMO » avec ses codes sources et de compilation,
– Les scripts utilisés pour redimensionner les photographies avec les codes sources ;
– Les deux fichiers exports intitulés « export-directannonces-jcrawler.xls » et « export-directannonces-jcrawler-log.xls » ;
– Le fichier export intitulé « export-immo-annonces-[Suivi du nom du client]»
– Le fichier Word rédigé par Maître [L] [O], huissier de justice, dénommé « Liste des requêtes et résultats »
À titre très subsidiaire, et à défaut d’ordonner la communication des versions expurgées des fichiers et/ ou des résumés figurant dans le Dossier B :
RESTREINDRE le cercle de confidentialité à l’avocat de LBC France et au conseiller technique le cas échéant désigné par LBC France ;
JUGER que les frais d’expertise du conseiller technique le cas échéant désigné par LBC France seront à sa charge exclusive ;
ORDONNER la signature d’un accord de confidentialité i) interdisant à toute personne désignée dans le cadre du cercle de confidentialité, en ce compris l’avocat de LBC France et le cas échéant son conseiller technique, toute utilisation ou divulgation des pièces soumises à son examen et des informations qu’elles contiennent, et en particulier de divulguer les éléments/informations soumis à leur examen à d’autres personnes que celles désignées dans le cadre du cercle de confidentialité y compris en ce qui concerne LBC France, ses représentants légaux, salariés et collaborateurs (interne ou externe), et à les employer à d’autres fins que la procédure de tri, ii) engageant les personnes désignées dans le cadre du cercle de confidentialité à les conserver selon des modalités de protection suffisantes empêchant à tout tiers au cercle de confidentialité d’y avoir accès, et les détruire intégralement une fois qu’une décision mettant définitivement fin à la présente procédure aura été rendue ;
En tout état de cause,
DEBOUTER LBC France de son appel, de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER LBC France au paiement de la somme de 10.000 € (dix mille euros) en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 9 avril 2024, la société LBC, appelante et intimée, demande à la cour de:
Vu l’article R.151-1 et suivants du code de commerce,
réformer l’ordonnance de référés en date du 3 août 2023 en toutes ses dispositions ;
À titre principal,
ordonner la libération entière ou partielle du séquestre et la remise de tout ou partie des pièces saisies à LBC FRANCE par l’huissier instrumentaire ayant pratiqué la saisie;
À titre subsidiaire,
ordonner la mise en en place d’un cercle de confidentialité comprenant les conseils respectifs des parties et un conseiller technique choisi par chacune des parties auxquels il serait ordonné de :
transmettre, sous contrôle de l’huissier de justice instrumentaire en charge du séquestre, dans le cercle de confidentialité, tous les éléments délimités par la Cour comme pouvant relever du secret des affaires ;
observer, analyser, tester, étudier les comportements, les paramètres et les fonctionnalités des éléments considérés comme confidentiels et expliquer en quoi ils permettraient ou non de faire la preuve de la contrefaçon, et notamment de démontrer la fréquence et le volume des extractions ou réutilisations opérées, ainsi que les données (ou typologie de données) extraites ou réutilisées depuis les bases de données de LBC FRANCE ;
remettre au juge des observations écrites sur les éléments ainsi observés, analysés, testés et étudiés.
ordonner la libération entière du séquestre et la remise de tout ou partie des pièces ainsi libérées à LBC FRANCE par l’huissier instrumentaire ayant pratiqué la saisie ;
En tout état de cause,
débouter la société DIRECTANNONCES de toutes ses demandes, fins et conclusions;
condamner la société DIRECTANNONCES au paiement de la somme de 14.000 euros au titre de l’article 700 CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La jonction entre les deux instances a été prononcée par la cour le 19 juin 2024, l’affaire étant retenue sous le n° de RG 23/14918.
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé des exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
À titre liminaire, il n’y a pas lieu, comme le sollicite la société DIRECTANNONCE, d’ordonner à Maître [L] [O], huissiers de justice d’expurger des pièces saisies les éléments datés antérieurement au 2 juillet 2016, conformément à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 avril 2023, puisque ce point a déjà été jugé de manière définitive dans l’arrêt mentionné.
Sur la demande de sursis à statuer
La société DIRECTANNONCES demande à la cour de sursoir à statuer jusqu’au prononcé d’une décision irrévocable à intervenir dans le cadre du litige au fond actuellement pendant devant le tribunal judiciaire de Paris. Elle affirme que le sursis à statuer n’est ni dilatoire, ni contraire à l’article L. 341-1 du code propriété intellectuelle, puisque la société LBC a souhaité que soit préalablement tranchée au fond, sans attendre la libération du séquestre et en dépit du caractère pendant de la présente procédure d’appel, la question de sa qualité alléguée de producteur de bases de données et celle de la contrefaçon prétendue, de sorte que les pièces saisies et séquestrées ne sont pas nécessaires à la preuve de ces faits. Elle souligne que la communication des codes sources de ses logiciels permettrait en outre à la société LBC France de mettre en place des contre-mesures techniques afin d’empêcher la collecte du contenu des annonces avant même qu’une décision ait tranché la qualité à agir de cette dernière, outre que les opérations de tri sont fastidieuses.
La société LBC conclut au rejet de la demande de sursis comme étant manifestement dilatoire et contraire à la procédure de saisie-contrefaçon prévue par l’article L. 343-1 du code de la propriété intellectuelle conçue à des fins probatoires, cette dernière ne saurait être suspendue dans l’attente d’une décision irrévocable au fond sur sa qualité de producteur de base de données et, ce, d’autant que près de trois ans après la saisie, elle n’a toujours pas pu prendre connaissance des éléments nécessaires à l’entière résolution de son action au fond. La société LBC rappelle que les demandes de mainlevée du séquestre et de communication de pièces tendent à l’obtention d’une description détaillée des actes de contrefaçon commis par la société DIRECTANNONCES et à déterminer et faire cesser le préjudice. Elle souligne que si le tribunal venait à la débouter de ses demandes au titre de la contrefaçon, les éléments de preuve recueillis dans le cadre de la saisie-contrefaçon lui seront nécessaires à hauteur d’appel, et que si le tribunal faisait droit à ses demandes, elle aura besoin également de ces éléments en cas d’appel de son adversaire.
La cour rappelle que, hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité du sursis à statuer, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
En l’espèce, la cour considère que la mainlevée du séquestre et la communication des pièces ayant fait l’objet d’une saisie contrefaçon les 15, 16 et 17 juin 2021, alors que la mainlevée de cette mesure a fait l’objet d’un contentieux clos par un arrêt de la Cour de cassation rendu le 28 février 2024, ne peuvent être suspendues à une décision irrévocable sur le fond portant sur la qualité de producteur de base de données de la société LBC ou sur l’existence d’actes de contrefaçon, cette mesure ayant précisément des fins probatoires, comme le prévoit l’article L.343-1 du code de la propriété intellectuelle, conformément à l’article 3 de la directive n°2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, et alors que les éléments saisis présentent un intérêt pour le litige au fond s’agissant notamment de quantifier les éventuelles extractions de données et les faits de contrefaçon allégués et d’apprécier le préjudice éventuellement subi par la société LBC.
Quant à l’étendue de la communication des pièces saisies, elle ne relève pas de l’examen du bien-fondé de la demande de sursis mais de l’examen des secrets d’affaire invoqués par la société DIRECTANNONCES.
La demande de sursis à statuer, qui ne procède pas de l’intérêt d’une bonne justice, doit en conséquence être rejetée.
Sur les demandes relatives à l’ordonnance du 3 août 2023
La société LBC reproche d’abord au juge des référés de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire, ni le principe de l’égalité des armes, avant de rendre son ordonnance en ne lui offrant pas la possibilité, dans le cadre d’un cercle de confidentialité, d’accéder au mémoire, au résumé et aux pièces versées par la partie adverse et de présenter ses observations en réponse, contrairement à ce qui avait été annoncé dans l’ordonnance du 18 janvier 2022. Elle estime également que cette ordonnance comporte une omission de statuer, en ce que le juge des référés n’a pas non plus statué sur la libération du séquestre, et ainsi sur le sort des pièces saisies, outre que la communication ordonnée ouvre des difficultés d’exécution. Elle plaide ainsi que dans la mesure où elle n’a pas eu connaissance des mémoires déposés par son adversaire, elle n’a aucun moyen de contrôle sur les pièces qui pourraient lui être communiquées dans ce cadre.
Elle demande en conséquence, à titre principal, que la cour fasse le tri entre les éléments relevant du secret des affaires et ceux n’en relevant pas, soulignant qu’aucun secret des affaires n’a justifié cette mise sous séquestre, puisque l’ordonnance autorisant les opérations de saisie-contrefaçon avait déjà strictement limité la mission de l’huissier de justice en rejetant les demandes relatives à la saisie de documents afférents à la clientèle de son adversaire et en ciblant les mots-clefs devant faire l’objet de recherches, de sorte que chacun des éléments mis sous séquestre est nécessaire à la résolution du litige car ne portant nullement sur les pratiques commerciales de la société DIRECTANNONCE avec les tiers. Elle ajoute, s’agissant du programme informatique « crawler immo » développé spécialement afin de permettre la récupération des annonces sur son site, qu’il n’est pas protégé par le secret d’affaires car il concerne directement et exclusivement son site et permet l’extraction et la réutilisation illicite de ses annonces, l’accès à ses codes sources étant indispensable pour lui permettre de démontrer l’origine et de connaître la fréquence et l’ampleur des extractions illicites opérées. Elle précise qu’il en est de même pour les scripts permettant de redimensionner ses photos ou des exports correspondant aux résultats des requêtes SQL effectuées et de la liste des requêtes et résultats réalisée par l’huissier de justice permettant d’obtenir la preuve de l’ampleur des extractions et des réutilisations commises par la société DIRECTANNONCE à son préjudice.
A titre subsidiaire, elle demande la mise en place d’un cercle de confidentialité comprenant les conseils des parties assistés, chacun, d’un conseiller technique.
La société DIRECTANNONCE soutient essentiellement que la communication de l’ensemble des pièces visées dans l’ordonnance n’est pas nécessaire à la solution du litige, outre que certains fichiers contiennent des secrets d’affaires (soit pour être propres à son savoir-faire et ayant une valeur commerciale effective et notamment le programme binaire et des codes sources du «CRAWLER IMMO », et des scripts utilisés pour redimensionner les photographies des annonces, soit pour contenir le nom de ses clients), le juge des référés ayant omis d’ordonner à l’huissier de justice de restituer les fichiers originaux saisis pour lesquels il a ordonné leur communication à la société LBC dans une version expurgée des informations relevant du secret d’affaires et ayant omis de statuer sur le sort du fichier dénommé « liste des requêtes et résultats » rédigé par l’huissier de justice au cours de la saisie-contrefaçon. Plus précisément, elle souligne que la communication du code source de son logiciel n’est pas nécessaire puisque son adversaire n’agit pas en contrefaçon de logiciel et que la communication des autres documents n’est pas davantage nécessaire à la solution du litige cantonné au débat relatif à la preuve de la qualité de producteur de bases de données et des actes de contrefaçon.
A titre subsidiaire, elle formule une demande de communication encadrée, et, à titre très subsidiaire, une communication dans le cadre d’un cercle de confidentialité.
Elle conteste les griefs opposés par la société LBC estimant que le juge des référés n’a pas violé le principe du contradictoire, ni commis une omission de statuer, rappelant que les articles L.153-1 et suivants du code du commerce organisent une protection légale du secret des affaires en prenant compte, sous l’office du juge, les intérêts en présence et retenant que ces textes ne prévoient nullement une communication automatique des pièces en cause dans le cadre d’une procédure de tri et ce, alors que le juge statue sans audience. Elle soutient que la mesure ordonnée par le juge permet à l’huissier de justice de contrôler la nature des documents transmis à son adversaire dans le respect des décisions déjà intervenues.
Sur ce,
Le secret des affaires est défini à l’article L.151-1 code du commerce, selon lequel « Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivant:
1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.»
Puis, en vertu de l’article L.153-1 du même code, « Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :
1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;
2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;
3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil;
4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires. »
Puis, selon l’article R.153-3, « A peine d’irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce ;
2° Une version non confidentielle ou un résumé ;
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires.
Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce.
En vertu de l’article R.153-4, « Le juge statue, sans audience sur la communication ou la production de la pièce et ses modalités. »
Enfin en application des articles R.153-5, R.153-6 et R.153-7 , « le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n’est pas nécessaire à la solution du litige », « le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu’elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires. Dans ce dernier cas, le juge désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu’une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce » et, « lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d’un résumé, selon les modalités qu’il fixe. »
Sur la validité intrinsèque de l’ordonnance
Les dispositions ainsi rappelées organisent une protection légale du secret des affaires prenant en compte, sous l’office du juge, les intérêts divergents en présence. Dans ce cadre, le juge statue, sans audience, sur la communication des pièces et leurs modalités, après avoir été rendu, le cas échéant, seul destinataire du mémoire de la partie invoquant le secret des affaires, l’article R. 153-3 ne lui imposant nullement d’entendre « séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce » mais prévoyant uniquement, s’agissant d’une faculté, la possibilité laissée à son choix d’introduire, ou non, une nouvelle phase de contradictoire.
En conséquence, il ne peut être soutenu qu’en statuant par ordonnance uniquement sur les secrets d’affaire invoqués et la communication des pièces séquestrées, le juge des référés aurait violé le principe du contradictoire ou le principe de l’égalité des armes, l’organisation d’un cercle de confidentialité ne constituant qu’une modalité de communication de ces documents.
Il ne peut davantage être reproché au premier juge une omission de statuer car il s’est prononcé sur le sort de l’ensemble des pièces qui ont fait l’objet d’une saisie, soit les logiciels « Crawler Immo » et Script images ainsi que les fichiers export et a rappelé expressément que, conformément à l’article R.153-8 du code du commerce, « les éléments actuellement tenus sous séquestre y seront maintenus jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel à intervenir si un appel est interjeté. » Il y a seulement lieu pour la cour de compléter l’ordonnance s’agissant du sort du fichier « liste des requêtes et résultats », point qui sera examiné dans le cadre de la demande de mainlevée du séquestre.
Enfin, si la société LBC a rencontré des difficultés concernant l’exécution de la décision, il lui appartenait, le cas échéant, d’en référer au magistrat, comme ce dernier le mentionnait dans la décision déférée.
Il s’ensuit que la décision déférée ne peut être infirmée pour ces motifs.
Sur le secret des affaires invoqué et les modalités de communication des pièces séquestrées
Il convient de rappeler que l’huissier de justice a placé sous séquestre, à la requête de la société DIRECTANNONCES, l’intégralité des éléments recueillis, soit le programme « Crawler immo », les scripts utilisés pour redimensionner les photos, les exports correspondant au résultat des requêtes SQL effectuées
2: soit le résultat des commandes utilisées pour extraire les données de la base de la société DIRECTANNONCES.
, ainsi qu’un document au format Microsoft Word qu’il a lui-même rédigé, dénommé « listes des requêtes et des résultats »
Au vu des explications des parties ainsi que du mémoire produit conformément aux dispositions précitées et à l’ordonnance du 18 janvier 2022 définitive sur ce point, la cour considère que les logiciels « Crawler Immo » et de redimensionnement de photographie intitulé « Scripts Images », ne constituent pas des informations généralement connues ou aisément accessibles pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité, revêtent une valeur commerciale effective, et font l’objet de la part de leur détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, pour en conserver le caractère secret, s’agissant de logiciels spécifiquement conçus et détenus par la société DIRECTANNONCES pour les besoins de son activité de pige immobilière et propres à son savoir-faire, dont l’accès est réservé à la seule direction informatique et qui sont placées sur un serveur protégé contre toute intrusion de tiers.
Par ailleurs, si ces logiciels peuvent effectivement constituer un des outils pour parvenir à la contrefaçon alléguée, leurs fichiers, codes sources et les scripts ne sont cependant pas nécessaires à la solution du litige, de sorte que c’est à juste titre que le premier juge en a ordonné la communication sous la forme d’un résumé, conformément à l’article R.153-7 du code du commerce, après avoir mis en balance à la fois les intérêts légitimes de la société LBC s’agissant de la preuve des faits de contrefaçon allégués et le secret des affaires de la société DIRECTANNONCES, préservant ainsi les codes sources de son logiciel.
S’agissant des exports et des résultats des requêtes faites sur la base de données de la société DIRECTANNONCES et sur Directmandat à partir des mots clefs très précisément définis en lien avec le litige et listés dans l’ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, la cour considère qu’ils ne peuvent être considérés comme protégés par le secret des affaires, ces résultats étant accessibles par tout client de la société DIRECTANNONCES ayant accès à Directmandat ou à sa base de données et pour lesquels elle ne justifie pas de l’existence d’une clause de confidentialité.
Ces éléments sont, en outre, nécessaires à la solution du litige en ce qu’ils peuvent permettre d’établir la matérialité et l’étendue des faits de contrefaçon allégués des droits de la société LBC sur sa base de données, sauf pour la cour, comme le premier juge, à ordonner la communication des « export-immo-annonces » sous la forme expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCE, ce dernier élément constituant une donnée relevant du secret des affaires tel que rappelé ci-dessus.
Il en est de même du document rédigé par l’huissier de justice dans le cadre de ses opérations intitulé « Liste des requêtes et résultats » qui constitue une synthèse des requêtes ainsi effectuées, et n’est pas protégé par le secret des affaires, et qui doit être communiqué à la société LBC, s’agissant d’une pièce utile pour la solution du litige, à l’exception toutefois de la requête numérotée 38 où figure le nom d’un client de la société DIRECTANNONCES, identité qui devra être masquée dans l’intitulé de la requête et dans le nom du fichier, pour les mêmes motifs qu’exposés précédemment.
Pour l’ensemble de ces raisons, il n’y a pas lieu d’organiser un cercle de confidentialité, et l’ordonnance déférée doit être confirmée, sauf pour la cour à ordonner, en outre, la levée du séquestre dans les conditions précisées au dispositif.
Sur les autres demandes
La société DIRECTANNONCES, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société DIRECTANNONCES à verser à la société LBC, une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société DIRECTANNONCES de sa demande de sursis à statuer,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions sauf pour la cour à la compléter comme suit,
Y ajoutant,
Ordonne la mainlevée partielle du séquestre suite aux opérations de saisie-contrefaçon menées les 15, 16 et 17 juin 2021 au siège de la société DIRECTANNONCES dans les conditions suivantes :
Ordonne à Maître [L] [O] de la SCP [O], Perrot et Taupin, huissiers de justice de communiquer à la société LBC France l’ensemble des fichiers « exports» qui contiennent les annonces téléchargées sur le site LBC par la société DIRECTANNONCES au moyen de ses logiciels tels qu’ils lui ont été remis (correspondant aux fichiers «export-directannonces-jcrawler.xls» et «export-directannonces-jcrawlerlog.xls») et pour le fichier «export-immo-annonces », sous la forme expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCES,
Ordonne à Maître [L] [O] la communication du document intitulé « Liste des requêtes et résultats » à la société LBC France, à l’exception de la requête numérotée 38 qui devra être expurgée du nom du client de la société DIRECTANNONCES,
Ordonne à Maître [L] [O] de restituer à la société DIRECTANNONCES les fichiers correspondant au programme « CRAWLER IMMO » et aux scripts utilisés pour redimensionner les photographies avec les codes sources, tels qu’ils lui ont été remis,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société DIRECTANNONCES aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la société DIRECTANNONCES à verser à la société LBC FRANCE, une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE