M. [N] [L], Mme [G] [L], M. [U] [H] et M. [F] [W] étaient associés de la société DFVM Motos, gérée par M. [N] [L]. Le 13 juillet 2012, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] a accordé à la société un découvert de 100 000 euros. Les associés se sont portés cautions solidaires pour un montant de 50 000 euros chacun. Le 21 décembre 2016, la société a été placée en liquidation judiciaire, et la Caisse a déclaré une créance de 96 146,56 euros. Après des mises en demeure infructueuses, la Caisse a assigné les cautions en paiement. Ces dernières ont soulevé une exception d’incompétence et contesté la validité de leurs engagements de caution. Le tribunal de commerce d’Angers a jugé le 2 octobre 2019 qu’il était compétent, a débouté les cautions de leurs demandes et les a condamnées à payer la créance. Les cautions ont interjeté appel, et la Caisse a formé un appel incident. L’instruction de l’affaire a été clôturée le 21 mai 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/LD
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/02248 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ES7F
Jugement du 02 Octobre 2019
Tribunal de Commerce d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 2018000165
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2024
APPELANTS :
Mme [G] [Y] épouse [L]
née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 16] (95)
[Adresse 17]
[Localité 9]
M. [N] [L]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 15] (37)
[Adresse 1]
[Localité 12]
M. [U] [H]
né le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 14] (28)
[Adresse 5]
[Localité 13]
M. [F] [W]
né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 19]
[Adresse 11]
[Localité 7]
Représentés par Me Noura AMARA LEBRET, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Me Grégoire NORMIER, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LONGUE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Guillaume QUILICHINI de la SCP PROXIM AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS substitué par Me Christophe RIHET
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 04 Juin 2024 à 14H00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M.CHAPPERT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 17 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [L], Mme [G] [L] née [Y], son épouse, M. [U] [H] et M. [F] [W] étaient associés de la société DFVM Motos, dont M. [N] [L] était le gérant.
Selon acte sous seing privé du 13 juillet 2012, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] a consenti à la société DFVM Motos une ouverture de crédit par découvert en compte d’un montant de 100 000 euros pour une durée indéterminée, productive d’intérêts à un taux variable.
Par actes sous seing privé des 13 et 23 juillet 2012, M. et Mme [L], M. [H] et M. [W] se sont, chacun, portés cautions solidaires et indivisibles de la société DFVM Motos pour paiement de la somme de 50 000 euros et à due concurrence des sommes dues par la société DFVM Motos. M. et Mme [L] se sont engagés simultanément et ont signé leurs actes de cautionnement en des termes identiques.
Par jugement du 21 décembre 2016, le tribunal de commerce d’Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société DFVM Motos.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société DFVM Motos pour la somme de 96 146,56 euros outre les intérêts.
Par lettres recommandées du 20 janvier 2017, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] a vainement mis en demeure chacune des cautions solidaires et indivisibles, de lui régler les sommes dues au titre de l’ouverture de crédit.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] s’est prévalue détenir une créance d’un montant de 96 146,56 euros outre les intérêts au taux de 2,659% à compter du 18 octobre 2017.
Par actes d’huissier du 24 décembre 2017, la Caisse de crédit mutuel de Longué a fait assigner M. et Mme [L], MM. [H] et [W], devant le tribunal de commerce d’Angers en exécution de leurs engagements de caution, sollicitant la condamnation de chacun d’eux au paiement de la somme de 50 000 euros outre les intérêts légaux à compter du 20 janvier 2017, à due concurrence de sa créance due au titre de l’ouverture de crédit du 13 juillet 2012.
M. et Mme [L], MM. [H] et [W] ont soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Saumur au visa de l’article L. 721-3 du code de commerce. Subsidiairement, ils ont conclu à la nullité de leurs engagements de caution respectifs en raison de leur disproportion à leurs biens et revenus en invoquant les dispositions de l’article L. 332-1 du code de la consommation. Plus subsidiairement, ils ont sollicité que leur soient octroyés les plus larges délais de paiement en cas de condamnation de l’un d’eux.
Par jugement du 2 octobre 2019, le tribunal de commerce d’Angers:
– s’est déclaré matériellement compétent pour statuer sur le litige,
– a débouté M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] de l’ensemble de leurs demandes,
– a condamné solidairement M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] au paiement de la somme de 96 146,56 euros au titre de l’ouverture de crédit du 13 juillet 2012 outre les intérêts légaux à compter du 20 janvier 2017 dans la limite de 50 000 euros chacun,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 18 novembre 2019, Mme [L], M. [L], M.[H] et M. [W] ont interjeté appel de ce jugement en attaquant expressément chacune de ses dispositions.
La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 18] a formé appel incident.
Mme [L], M. [L], M. [H] et M. [W], d’une part, et la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18], d’autre part, ont conclu.
Une ordonnance du 21 mai 2024 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Mme [L], MM. [L], [H] et [W] demandent à la cour de :
vu les articles 73 et suivants du code de procédure civile,
vu l’article L. 721-3 du code de commerce,
vu l’article L. 332-1 du code de la consommation,
vu l’article 1343-5 du code civil,
– recevoir et dire bien fondées leurs conclusions,
– infirmer le jugement entrepris,
– recevoir l’exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Saumur,
– et condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] à payer à chacun des défendeurs la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– subsidiairement, dire nuls les engagements de caution contractés par eux en raison de leur disproportion à leurs biens et revenus,
– et condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] à payer à chacun d’eux la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– infiniment subsidiairement, accorder les plus larges délais de paiement en cas de condamnation de l’un d’eux.
La Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] prie la cour de :
vu l’article L. 332-1 du code de la consommation,
vu l’article 1244-1 du code civil dans sa version en vigueur lors de la conclusion des contrats,
vu les articles 9, 73, 75, 90, 699 et 700 du code de procédure civile,
– la recevoir en ses conclusions d’intimée et l’y déclarer recevable et bien fondée,
– rejeter les conclusions, fins et prétentions de Mme [L] née [Y], MM. [L], [H], [W], les déclarant mal fondées,
– les en débouter,
en conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Angers du 2 octobre 2019 en ce qu’il :
* s’est déclaré matériellement compétent pour statuer sur le présent litige,
* a débouté M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] de l’ensemble de leurs demandes,
* a condamné solidairement M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] au paiement de la somme de 96146,56 euros au titre de l’ouverture de crédit du 13 juillet 2012 outre les intérêts légaux à compter du 20 janvier 2017 dans la limite de 50 000 euros chacun,
* condamné M. [H], M. [W], M. [L] et Mme [L] aux entiers dépens,
* dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement ;
– infirmer le jugement du tribunal de commerce d’Angers du 2 octobre 2019 en ce qu’il a :
* dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– condamner in solidum Mme [L] née [Y], MM. [L], [H], [W] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
en tout état de cause,
– condamner in solidum Mme [L] née [Y], MM. [L], [H], [W] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum Mme [L] née [Y], MM. [L], [H], [W] aux entiers dépens d’instance.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe:
– le 11 juin 2021 pour Mme [L], M. [L], M. [H], M.[W],
– le 22 juillet 2021 pour la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18].
Sur l’exception d’incompétence
Les appelants font valoir, d’une part, qu’un autre dossier opposant les mêmes parties sur d’autres cautionnements a fait l’objet d’une instance devant le tribunal de grande instance de Saumur, d’autre part, pour critiquer les motifs du jugement ayant retenu le caractère commercial des cautionnements, que seul M.[L] était gérant de la société débitrice principale et que les parts sociales de cette société étaient attribuées de manière inégale entre les associés.
Mais c’est à juste titre que la Caisse de crédit mutuel de Longué répond que ces moyens sont inopérants dès lors qu’étant juridiction d’appel des décisions tant du tribunal de commerce que du tribunal judiciaire situés dans son ressort, la cour d’appel, investie de la plénitude de juridiction, doit statuer sur le litige conformément aux dispositions de l’article 90 du code de procédure civile.
Sur la demande de nullité des engagements de caution
M. et Mme [L], MM. [H] et [W] sollicitent, sur le fondement de l’article L. 332-1 du code de la consommation, le prononcé de la nullité de leurs engagements de caution en invoquant leur caractère disproportionné tant au jour de la signature des actes qu’au moment où ils ont été appelés.
Mais aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation, devenu L. 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il résulte de ce texte que la sanction prévue en cas de disproportion de l’engagement de caution aux biens et revenus de la caution n’est pas la nullité de l’engagement.
En conséquence, la demande de Mme [L], MM. [L], [H] et [W] tendant à voir prononcer la nullité de leurs engagements de caution sur le fondement de l’article L. 332-1 précité ne peut qu’être rejetée.
Sur les délais de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur, et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Les sommes réclamées sont dues depuis le 20 janvier 2017. Les débiteurs ont donc déjà bénéficié, de fait, de très larges délais sans, pour autant, effectuer des paiements. En outre, les débiteurs, qui ne justifient pas de leurs situations actuelles, n’offrent pas de régler leurs dettes dans le délai de deux années prévu par l’article 1343-5 du code civil. Il s’ensuit que leur demande de délai est rejetée par confirmation du jugement.
Sur les frais et dépens
Il y a lieu de confirmer le jugement du chef des dépens mais de l’infirmer en ce qu’il a rejeté la demande de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner les appelants, in solidum, à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Mme [L], MM. [L], [H], [W] seront condamnés in solidum à verser à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
la cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Dit n’y avoir lieu à statuer sur l’exception d’incompétence.
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions sauf celle qui rejette la demande de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] au titre des frais irrépétibles de première instance.
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne Mme [L], MM. [L], [H] et [W], in solidum, à payer à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Condamne Mme [L], MM. [L], [H] et [W] in solidum à verser à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 18] la somme de 2 000euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Condamne Mme [L], MM. [L], [H] et [W] in solidum aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
S. TAILLEBOIS C. CORBEL