Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la non-remise d’informations essentielles dans un contrat de crédit

·

·

Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la non-remise d’informations essentielles dans un contrat de crédit

La société Cofidis a accordé à M. et Mme [B] un prêt personnel de 10.500€ remboursable en 72 mensualités et un crédit renouvelable d’un montant maximum de 6.000€, avec des avenants modifiant les conditions initiales. Suite à des impayés, Cofidis a prononcé la déchéance des termes des contrats par courriers recommandés en décembre 2020. En août 2021, Cofidis a assigné M. et Mme [B] pour faire constater la déchéance et obtenir le paiement des sommes dues. Le tribunal a déclaré l’action en paiement pour le prêt personnel forclose, a jugé irrecevable la demande de paiement pour ce contrat, mais a reconnu la recevabilité de la demande pour le crédit renouvelable. Le tribunal a également condamné M. et Mme [B] à payer une somme de 2.304,52€ et a autorisé un plan de remboursement. Cofidis a interjeté appel, contestant la forclusion et demandant la constatation de la déchéance des contrats, ainsi que le paiement de montants plus élevés. L’appel a été signifié à M. et Mme [B], qui n’ont pas constitué avocat, et l’arrêt sera rendu par défaut.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Grenoble
RG
22/04506
N° RG 22/04506

N° Portalis DBVM-V-B7G-LT4A

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 17 SEPTEMBRE 2024

Appel d’une décision (N° RG 21/00601)

rendue par le Juge des contentieux de la protection de VIENNE

en date du 05 août 2022

suivant déclaration d’appel du 19 décembre 2022

APPELANTE :

S.A. COFIDIS S.A au capital de 50 000 000,00 €, immatriculée au RCS de LILLE sous le n°325 307 106, dont le siege social est [Adresse 6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siege

représentée par Me Johanna ABAD de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE – AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

M. [M] [B]

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Mme [X] [N] épouse [B]

née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 5] (SENEGAL)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

non représentés

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 mai 2024 Madame Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Cofidis a consenti à M. [M] [B] et Mme [X] [B] née [N]’:

selon offre acceptée le 5 août (et non pas mars) 2016, un prêt personnel n°28972000259249 d’un montant de 10.500€, remboursable en 72 mensualités de 179,92€, au taux annuel effectif global de 7,33% et au taux débiteur fixe de 7,14%.

selon offre acceptée le 25 août 2016, un crédit renouvelable n°28987000266201 d’un montant de 10.500€ d’un montant maximum autorisé de 1.000€, les mensualités de remboursements et les taux d’intérêts variant en fonction des sommes empruntées’; par avenants successifs en date des 30 juin 2017 et 19 septembre 2018, le montant maximum autorisé a été porté à 6.000€, et par avenant du 2 octobre 2018, les taux d’intérêts ont été revus.

A la suite d’impayés, Cofidis a prononcé la déchéance du terme du prêt du 5 mars 2016 et du crédit renouvelable du 25 août 2016 par courriers recommandés avec AR du 18 décembre 2020 distribués le 19 décembre 2020.

Par acte extrajudiciaire du 9 août 2021, Cofidis a fait assigner M. et Mme [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Vienne aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme, à défaut la résiliation des contrats et la déchéance du terme et condamner les emprunteurs aux causes des prêts.

Par jugement contradictoire du 5 août 2022 le tribunal précité a’:

constaté que l’action en paiement diligentée par Cofidis au titre du contrat de prêt consenti par contrat du «’25 mars 2016’» (comprendre 5 août 2016) aux époux [B] est forclose,

en conséquence,

déclaré irrecevable, la demande en paiement de Cofidis au titre du contrat de prêt consenti par contrat du «’25 mars 2016’» (comprendre 5 août 2016) à M. et Mme [B],

déclaré la société Cofidis recevable en ses demandes faites au titre du contrat de crédit renouvelable consenti le 25 août 2016 à M. et Mme [B],

dit que Cofidis est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit renouvelable consenti le 25 août 2016 à M. et Mme [B],

condamné solidairement M. et Mme [B] à payer à Cofidis la somme de 2.304,52€, intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2020 et jusqu’à parfait paiement,

dit que le taux d’intérêt ne sera pas majoré,

rejeté la demande de Cofidis faite au titre de la clause pénale,

autorisé M. et Mme [B] à se libérer de leur dette en 7 mensualités de 300€ et une dernière échéance correspondant au solde de la dette, sauf meilleur accord des parties,

dit que la première mensualité devra être réglée au plus tard dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision et les suivantes au plus tard le 10 de chaque mois, sauf meilleur accord des parties sur une autre date d’échéance,

dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité, suivi d’une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l’intégralité de la somme sera due et Cofidis sera autorisée à solliciter du juge de l’exécution la saisie des rémunérations de M. et Mme [B] sans qu’il soit nécessaire de rendre un nouveau jugement,

rappelé que conformément à l’article 1343-5 du code civil, la décision suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier,

rejeté les demandes plus amples ou contraires,

rejeté les demandes de toutes les parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. et Mme [B] aux dépens,

rappelé que le jugement est exécutoire par provision.

Par déclaration déposée le 19 décembre 2022, Cofidis a relevé appel.

Aux termes de ses uniques conclusions déposées le 9 mars 2023 sur le fondement des articles L.312-39 du code de la consommation et 1217 et 1224 du code civil, Cofidis demande à la cour de’:

infirmer le jugement déféré en ce qu’il a’:

constaté que l’action en paiement qu’elle a diligenté au titre du contrat de prêt consenti par contrat du «’25 mars 2016’» à M. et Mme [B] est forclose,

en conséquence, déclaré irrecevable, sa demande en paiement au titre du contrat de prêt consenti par contrat du «’25 mars 2016’»’» à M. et Mme [B],

dit qu’elle est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit renouvelable consenti le 25 août 2016 à M. et Mme [B],

condamné solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 2.304,52€, intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2020 et jusqu’à parfait paiement,

dit que le taux d’intérêt ne sera pas majoré,

rejeté sa demande faite au titre de la clause pénale,

autorisé M. et Mme [B] à se libérer de leur dette en 7 mensualités de 300€ et une dernière échéance correspondant au solde de la dette, sauf meilleur accord des parties’;

dit que la première mensualité devra être réglée au plus tard dans le délai d’un mois suivant la notification de la présente décision et les suivantes au plus tard le 10 de chaque mois, sauf meilleur accord des parties sur une autre date d’échéance’;

dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité, suivi d’une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l’intégralité de la somme sera due et elle sera autorisée à solliciter du juge de l’exécution la saisie des rémunérations de M. et Mme [B] sans qu’il soit nécessaire de rendre un nouveau jugement,

rejeté les demandes plus amples ou contraires,

rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

et statuant à nouveau,

à titre principal,

constater l’acquisition de la clause résolutoire et la déchéance du terme,

à titre subsidiaire,

prononcer la résiliation des contrats et la déchéance du terme pour manquement aux obligations contractuelles,

en tout état de cause’:

débouter M. et Mme [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer

au titre du contrat de prêt personnel du 5 «’mars’» (août) 2016, la somme de 7048,10€ outre les intérêts contractuels au taux de 7,14 % à compter du 18 décembre 2020, date de la mise en demeure,

au titre du contrat de crédit renouvelable du 25 août 2016 et de ses avenants, la somme de 6.663,31€, outre les intérêts contractuels au taux de 9,706 % à compter du 18 décembre 2020, date de la mise en demeure,

condamner solidairement M. et Mme [B] à lui payer la somme de 800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile par Me Johanna Abad, avocat, qui en a fait la demande.

L’appelante fait valoir en substance que’:

son action au titre du contrat de prêt du «’25 mars 2016’» (comprendre 5 août 2016) initiée le 9 août 2021 est recevable, le premier incident de paiement non régularisé datant du 10 octobre 2019,

la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue, d’une part au motif que la notice d’assurance pour chacun des contrats était attachée à la liasse contractuelle remise aux emprunteurs qui ont coché la case attestant en avoir reçu un exemplaire, d’autre part au motif qu’elle a consulté le FICP pour le contrat de crédit renouvelable après la signature de l’offre préalable par les emprunteurs mais avant l’acceptation du prêteur et le déblocage des fonds.

La déclaration d’appel a été signifiée dans les formes des articles 656 et 658 du code de procédure civile à M. et Mme [B] qui n’ont pas constitué avocat’; l’arrêt sera rendu par défaut.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2024.

MOTIFS

Il est relevé que Cofidis et le premier juge ont daté le contrat de prêt personnel du 25 mars 2016 alors qu’il est établi par le contrat versé aux débats que celui-ci est daté du 5 août 2016.

Sur la recevabilité de l’action en paiement au titre du contrat de prêt du 5 août 2016

C’est à la faveur d’une exacte appréciation et analyse des faits de l’espèce que le premier juge a dit cette action forclose car initiée par assignation du 9 août 2021, soit plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé affectant la mensualité de juillet 2019.

En effet, la démonstration de Cofidis pour dire la première échéance impayée au mois d’octobre 2019 est erronée en ce qu’elle intègre dans son calcul une somme de 7.333,49€ au titre des paiements effectués par les emprunteurs, sans en déduire le montant de 345,84€ correspondant non pas à des mensualités de remboursement (196,52€) mais à des frais.

Le jugement querellé est en conséquence confirmé sur cette forclusion.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Selon l’article L.311-19 du code de la consommation dans sa version applicable au litige ( désormais L. 312-29) ‘lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est fournie à l’emprunteur, sur support papier, ou tout autre support durable. Cette notice comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.

L’article L. 311-48 ancien (L. 341-4 nouveau), précise que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles (‘) L.311-19 est déchu du droit aux intérêts.’

La clause type, figurant au contrat de prêt selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu et pris connaissance de la notice d’assurance, constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, et’ un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l’offre de’ prêt pour apporter la preuve de l’effectivité de la remise.

La notice d’assurance’ versée aux débats par Cofidis et qui figure en pages 20 et 21 du contrat de crédit renouvelable du 25 août 2016 n’est pas signée ni’ paraphée par M. et Mme [B], un’ tel paraphe ou signature bien que non exigés par le code de la consommation étant toutefois de nature à faire cette preuve, à défaut d’autres indices, une telle formalité n’étant pas impossible ainsi qu’en atteste le fait que les emprunteurs ont signé la fiche de dialogue.

Il doit dès lors être considéré que Cofidis ne rapporte pas suffisamment la preuve du respect de’ l’obligation qui lui incombe quant à la remise effective de cette fiche aux emprunteurs, la clause de reconnaissance type et pré-imprimée figurant en page 8 du contrat étant plus qu’insuffisante à faire à elle seule cette preuve, étant rappelé que les dispositions du code de la consommation sont d’ordre public.

La déchéance du droit aux intérêts contractuels est donc confirmée à l’égard de Cofidis au titre du contrat du 25 août 2016 ce qui implique corrélativement le rejet de sa demande au titre de l’indemnité contractuelle de 8’%

Le défaut de communication de la notice d’assurance’ se suffit à lui-même pour fonder la déchéance du droit aux intérêts, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer plus avant sur l’autre motif de déchéance retenu par le premier juge (non consultation du FICP).’

La condamnation de M. et Mme [B] au paiement de la somme de 2.304,52€ au titre du contrat de crédit renouvelable telle que fixée par le premier juge après déchéance du droit aux intérêts est en conséquence confirmée, y compris en ce qu’il a été dit que le taux d’intérêt légal ne sera pas majoré, Cofidis n’ayant pas discuté’ ce point’ pour le cas où cette déchéance serait confirmée.

Sur les délais de paiement

Bien qu’ayant relevé appel des dispositions du jugement relatives à ces délais de paiement, Cofidis ne présente aucun fait, comme le lui impose l’article 9 du code de procédure civile, et ne vise aucune pièce dans ses conclusions comme le prescrit l’article 954 du code de procédure civile, et ne développe pas non plus des moyens en fait ou en droit au soutien d’une demande d’infirmation sur ce point.

Le jugement est en conséquence confirmé sur l’octroi de ces délais.

Sur les mesures accessoires

Succombant dans son recours, Codifis est condamnée au dépens d’appel et conserve la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la cour.

Les mesures accessoires de première instance sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel, par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement déféré,

Ajoutant,

Déboute la société Cofidis de sa demande présentée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x