La Sarl La Machine à faire du bleu (LMB) est engagée dans la communication événementielle, tandis que la Sas Les Secrets d’Imanol (LSI), créée en novembre 2020, se consacre au négoce de vins et produits d’épicerie. Entre novembre et décembre 2020, LMB a accepté de payer des factures pour le compte de LSI, en lien avec le développement d’une activité de vente de coffrets cadeaux.
Le 24 mars 2021, LMB a mis en demeure LSI de régler une somme de 20 627,60 euros, sans succès. Le 19 avril 2021, LMB a déposé plainte contre un représentant de LSI pour escroquerie, abus de confiance et tentative d’extorsion. Le 12 octobre 2021, LMB a assigné LSI devant le tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir le paiement des sommes dues, mais LSI ne s’est pas présentée. Le tribunal a rendu un jugement le 12 septembre 2022, déboutant LMB de ses demandes et la condamnant aux dépens. LMB a interjeté appel le 26 septembre 2022, demandant la réformation du jugement et le paiement de diverses sommes par LSI, y compris des intérêts et des dommages et intérêts. LSI n’a pas constitué avocat pour cette procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N° 329
N° RG 22/03433 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PAMU
SM / CD
Décision déférée du 12 Septembre 2022 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2021J710
M. RIGAUD
S.A.R.L. LA MACHINE A FAIRE DU BLEU
C/
S.A.S.U. LES SECRETS D’IMANOL
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
*
ARRÊT DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
*
APPELANTE
S.A.R.L. LA MACHINE A FAIRE DU BLEU
Prise en la personne de Madame [V] [G], son représentant légal domicilié audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Alexandre MARTIN de la SELARL MARTIN-FRANCK AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.S.U. LES SECRETS D’IMANOL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Prise en la personne de son représentant légal Madame [L] [U] domiciliée
[Adresse 2]
[Localité 4]
NON REPRESENTE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
S. MOULAYES, conseillère
M. NORGUET, conseillère
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– REPUTE CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
La Sarl La Machine à faire du bleu, (ci-après LMB) a pour activité la communication événementielle.
La Sas Les Secrets d’Imanol (ci-après LSI), créée le 25 novembre 2020, a pour activité la négoce de vins, de conserveries et produits d’épicerie.
Durant les mois de novembre et décembre 2020 la société LMB expose avoir accepté de payer plusieurs factures à titre d’avance pour le compte de la société LSI, alors qu’elle se chargeait de développer pour le compte de cette dernière une activité de conception et vente de coffrets cadeaux pour les fêtes de fin d’année.
Par courrier recommandé du 24 mars 2021, la société LMB a mis en demeure la société LSI d’avoir à lui régler sous quinzaine la somme de 20 627,60 euros en paiement de la facture n°20/004, dont a été déduit un avoir n°20/006, en vain.
Le 19 avril 2021, les représentants de la société LMB ont déposé plainte auprès du procureur de la République à l’encontre de Monsieur [D], qui était leur interlocuteur dans le cadre de leurs relations avec la société LSI, des chefs d’escroquerie, abus de confiance et tentative d’extorsion.
Par acte du 12 octobre 2021, la société La Machine à faire du bleu a fait délivrer assignation devant le tribunal de commerce de Toulouse à la société Les Secrets d’Imanol, afin d’obtenir le paiement des sommes dues.
La Sas les Secrets d’Imanol était non comparante devant le tribunal de commerce.
Par jugement du 12 septembre 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a :
– débouté la Sarl la Machine à faire du bleu de ses demandes ;
– condamné la Sarl la Machine à faire du bleu aux dépens.
Par déclaration en date du 26 septembre 2022, la Sarl La Machine à faire du bleu a relevé appel du jugement. La portée de l’appel est la réformation de l’ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d’appel critique tous expressément.
La clôture est intervenue le 22 avril 2024, et l’affaire a été appelée à l’audience du 22 mai 2024.
Prétentions et moyens
Vu les conclusions d’appelant signifiées le 1er décembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Sarl La Machine à faire du bleu demandant, aux visas des articles 1342, 1217, 1221, 1222 et 1231-1 du code civil, de :
– réformer le jugement du 12 septembre 2022 en ce qu’il a :
– débouté la Sarl la Machine à faire du bleu de ses demandes ;
– condamné la Sarl la Machine à faire du bleu aux dépens,
Et Statuant à nouveau,
– condamner la société Les Secrets d’Imanol au paiement de la somme de 23 103,62 euros à la société La Machine à faire du bleu, assorti des intérêts légaux à compte de la date de mise en demeure du 24 mars 2021 ;
– condamner la société Les Secrets d’Imanol à verser à la société La Machine à faire du bleu la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;
– condamner la société Les Secrets d’Imanol au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle se prévaut de sa facture émise le 26 novembre 2020, reprenant l’ensemble des sommes avancées par la société LMB pour le compte de la société LSI ; elle affirme que cet élément suffit à déclarer sa créance certaine, liquide et exigible.
La Sas Les Secrets d’Imanol n’a pas constitué avocat dans le cadre de la présente procédure ; la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant ont été signifié le 1er décembre 2022 à personne auprès de son représentant légal Madame [L] [U].
En application de l’article 472 du Code de procédure civile, en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Lorsque la partie intimée ne constitue pas avocat, ou si ses conclusions ont été déclarées irrecevables, la cour doit examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s’est déterminé.
Sur la demande en paiement
En l’espèce, la société LMB affirme avoir été chargée par la société LSI de créer un concept de coffrets cadeaux pour Noël 2020 ; toutefois la société LSI était en cours de formation et ne pouvait pas elle-même se charger des paiements relatifs notamment aux matières premières, emballages, frais postaux.
Elle a donc accepté de faire l’avance de l’ensemble de ces frais, à charge de remboursement.
Toutefois, elle n’est jamais parvenue à obtenir ce remboursement.
Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En l’espèce, la Cour constate que la société LMB ne produit, à l’appui de sa demande, aucun contrat ou forme d’accord la liant à la société LSI, s’agissant d’une part de la mission qui lui a été confiée, et d’autre part de l’avance et du remboursement des frais objets du présent litige.
Elle verse aux débats une compilation de factures émanant de divers fournisseurs, certaines établies au nom des deux sociétés LMB et LSI, et d’autres uniquement au nom de LMB.
Les bons de livraison produits permettent de constater qu’une partie des marchandises devait être adressée directement à la société LSI ; ces bons de livraison ne sont pas contresignés par la société intimée.
A défaut de contrat, d’accord écrit, ou même de commencement de preuve d’un accord verbal, la Cour n’est pas informée des conditions établies entre les parties s’agissant de l’élaboration du projet de coffrets cadeaux.
Il ressort de l’article 9 du code de procédure civile, qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L’article 1353 du code civil ajoute que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Nul ne peut démontrer ce qu’il allègue par un acte dont il est le seul auteur.
En conséquence, il appartient à la société LMB, qui se prévaut d’une créance, de démontrer non seulement la matérialité de cette créance, mais également la qualité de débiteur de la société LSI.
Or, en l’espèce, la société LMB se limite à produire sa facture n°20/004 adressée à la société LSI le 26 novembre 2020, facture non détaillée qui ne permet pas de connaître la ventilation des postes de dépenses, ou même la nature des « matières premières » concernées, corroborée par aucun autre élément de la procédure.
La première partie de la facture correspond aux postes « création marque et communication » et « direction artistique et création du site », sans qu’il soit permis de déterminer les conditions de l’accord entre les parties sur la commande et le paiement de ces prestations.
S’agissant de la « fabrication des coffrets et matières premières », si certaines factures de fournisseurs sont éditées au nom des deux sociétés, aucun élément ne permet de démontrer les conditions dans lesquelles la société LMB devait facturer la société LSI, et en tout état de cause, aucune pièce versée aux débats ne permet de constater un engagement de remboursement de la part de la société LSI s’agissant des matières premières.
L’appelante produit en pièce n°16 un message électronique adressé par « Les Vins de Gédéon » aux deux gérants de la société LMB, signé en bas de page « Imanol », indiquant « je vais prendre en charge tous les paiements », et estime ainsi rapporter la preuve d’un engagement de remboursement.
Force est toutefois de constater que ce message n’émane pas de la société LSI, ni d’un représentant légal de celle-ci ; en effet, le Kbis versé aux débats et le procès-verbal de décisions extraordinaire du 30 juin 2022 permettent de constater que les Présidents successifs de la société sont Madame [S] [B], Monsieur [K] [E], et Madame [L] [U].
La Cour ne peut en conséquence pas en déduire un quelconque engagement de remboursement de la part de la société LSI.
Ainsi la société LMB ne rapporte pas la preuve d’un accord avec la société LSI ou ses représentants légaux, non seulement s’agissant de la commande de sa prestation, mais également concernant le financement des matières premières nécessaires à la confection et à l’envoi des coffrets cadeaux.
Les seuls contacts dont elle fait état s’agissant de ces coffrets cadeaux étaient avec un certain « Imanol », dont il n’est pas démontré qu’il avait un quelconque pouvoir décisionnel au sein de la société LSI.
Or, c’est bien à la société LSI que la société LMB a adressé sa facture, sa mise en demeure, ainsi que l’assignation dans le cadre du présent litige.
Dès lors, à défaut de démontrer les engagements dont elle se prévaut de la part de la société intimée, la société LMB ne pourra qu’être déboutée de sa demande en paiement ; le premier jugement sera en conséquence confirmé.
Sur le préjudice moral
Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Au soutien de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral, la société LMB invoque une inexécution contractuelle de la part de la société LSI, et affirme être victime d’escroquerie dans la mesure où LSI a bien facturé à ses clients des coffrets cadeaux, et a ainsi abusé de sa confiance.
Il a toutefois été précédemment indiqué que la société appelante ne rapporte pas la preuve d’un lien contractuel avec la société LSI, susceptible d’avoir été rompu par la société intimée.
Elle est par ailleurs défaillante dans l’administration de la preuve s’agissant d’un engagement de remboursement de la part de la société LSI.
Enfin, si LSI a effectivement vendu des coffrets cadeaux en décembre 2020, aucun élément ne permet de démontrer le lien entre ces ventes, et les dépenses engagées par LMB.
Dans ces conditions, la société LMB sera déboutée de sa demande ; une nouvelle fois, le premier jugement sera confirmé.
Sur les demandes accessoires
En l’état de la présente décision de confirmation, la Cour confirmera le chef de la première décision ayant mis les dépens à la charge de la société LMB ; elle sera également condamnée aux dépens d’appel.
La société LMB sera par ailleurs déboutée de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile ; le premier jugement ayant omis de statuer sur cette demande, la Cour statuera en ce sens, s’agissant tant des frais irrépétibles de première instance que d’appel.
La Cour statuant dans les limites de sa saisine, en dernier ressort, de manière réputée contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute la Sarl La Machine à faire du bleu de ses demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Condamne la Sarl La Machine à faire du bleu aux entiers dépens d’appel ;
Le Greffier La Présidente
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