Examen de l’Authenticité des Signatures dans un Litige Contractuel

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Examen de l’Authenticité des Signatures dans un Litige Contractuel

Le 1er août 2009, [Y] [H] et son épouse [U] [H] ont contracté un prêt immobilier de 106 133 euros auprès de la CRCAMT 31, remboursable en 240 mensualités. Un avenant en février 2018 a modifié la durée du prêt à 139 mois. Ils ont également souscrit une assurance couvrant le prêt en cas de décès ou d’incapacité. À partir de février 2018, [Y] [H] a été en arrêt maladie et a reçu une incapacité permanente partielle de 25 %. En novembre 2018, il a été reconnu comme travailleur handicapé et a demandé à la CRCAMT 31 que l’assurance prenne en charge le remboursement du prêt, mais la banque a refusé, affirmant qu’il avait renoncé à la garantie d’incapacité temporaire. Après avoir été reconnu en invalidité niveau 2 en octobre 2020, il a de nouveau sollicité la prise en charge, sans succès. En octobre 2020, il a contesté la signature sur le contrat d’assurance, mais la banque a maintenu sa position. En mars 2021, [Y] [H] a assigné la CRCAMT 31 en justice pour faire reconnaître l’assurance et obtenir le paiement des échéances. Le tribunal a débouté [Y] [H] en septembre 2022, et il a fait appel. En avril 2023, il a demandé l’infirmation du jugement et la reconnaissance de l’assurance, tandis que la CRCAMT 31 a demandé la confirmation du jugement et le rejet des demandes de [Y] [H].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG
22/03429
17/09/2024

ARRÊT N° 322

N° RG 22/03429 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PAK3

MN / CD

Décision déférée du 01 Septembre 2022 – Tribunal de première instance de TOULOUSE – 21/01848

M. GUICHARD

[Y] [H]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2]

ADD – EXPERTISE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

*

ARRÊT DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANT

Monsieur [Y] [H]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Marion LAVAL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2] 31

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

M. NORGUET, conseillère

S. MOULAYES, conseillère

Greffier, lors des débats : M. POZZOBON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure :

Le 1er août 2009, [Y] [H] et son épouse [U] [H] ont souscrit auprès de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 2] et du Midi-Toulousain (ci-après la CRCAMT 31) un contrat de prêt immobilier n°T1DZDX012PR d’un montant de 106 133 euros, remboursable en 240 échéances mensuelles d’un montant de 654,39 euros.

Par avenant du 5 février 2018, la durée a été portée à 139 mois avec une échéance finale au 5 septembre 2029.

les époux [H] ont parallèlement souscrit, par l’intermédiaire de la CRCAMT 31 et auprès de la CNP Assurances, le 23 juillet 2009, une assurance couvrant le prêt à 100% en cas de décès, de perte totale et irréversible d’autonomie ou d’incapacité partielle.

A compter du 26 février 2018, [Y] [H] a été placé en arrêt maladie. Une incapacité permanente partielle lui a été accordée à hauteur de 25 %.

Le 7 novembre 2018, [Y] [H] a bénéficié d’une reconnaissance de travailleur handicapé par la MDPH de la Haute-Garonne.

Il en a alors informé la CRCAMT 31 pour que l’assurance souscrite prenne le relais du remboursement du prêt. La banque lui a répondu qu’il avait renoncé à la garantie couvrant le risque d’incapacité temporaire totale à la souscription du contrat.

[Y] [H] a été reconnu en invalidité niveau 2 à compter du 1er octobre 2020 et a, à nouveau sollicité la prise en charge du prêt par l’assurance. La banque lui a fait la même réponse négative en lui joignant la copie de son adhésion initiale.

Par courrier du 30 octobre 2020, [Y] [H] a indiqué ne pas y reconnaître sa signature. La banque a maintenu sa position. [Y] [H] a sollicité à nouveau cette prise en charge par courrier recommandé du 18 janvier 2021, sans réponse de la banque.

Le 30 mars 2021, [Y] [H] a assigné la CRCAMT 31 devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir confirmé l’existence de l’assurance garantissant le paiement de son prêt en cas d’invalidité et la condamnation en paiement de la CRCAMT 31 au paiement des échéances du prêt échues et à échoir outre 10 000 euros de dommages et intérêts.

Le 1er septembre 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

dit n’y avoir a rabattre l’ordonnance de clôture,

débouté [Y] [H] de ses demandes,

l’a condamné aux dépens,

dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

rappelé que le jugement était de droit exécutoire par provision.

Par déclaration en date du 23 septembre 2022, [Y] [H] a relevé appel du jugement du tribunal judiciaire aux fins d’en voir réformés les chefs de dispositif l’ayant débouté de ses demandes, condamné aux dépens et ayant dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 27 mars 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions N°2 notifiées en date du 4 avril 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [Y] [H] demande, au visa de l’article 1103 du code civil :

l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes,

qu’il soit reconnu que l’assurance de prêt souscrite auprès de la CNP assurances par l’intermédiaire de la CRCAMT 31 est mobilisable,

la condamnation de la CRCAMT 31 au paiement de la somme de 34 682,67 euros (654,39 euros d’échéances mensuelles * 53 mois depuis juin 2018) à parfaire au jour de l’arrêt,

sa condamnation au paiement des futures échéances du prêt jusqu’à complet remboursement du prêt,

sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

sa condamnation au paiement de 2 500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En réponse, vu les conclusions notifiées le 9 janvier 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles la CRCAMT 31 sollicite, au visa des articles 1366 du Code civil, les articles 287, 325 et 331 du Code de procédure civile :

la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a jugé que la signature apposée sur le formulaire d’assurance n’est pas de la main de [Y] [H],

en conséquence, le rejet de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions de [Y] [H],

la condamnation de [Y] [H] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

la condamnation de [Y] [H] aux entiers dépens de l’instance d’appel.

MOTIFS

Sur la production par la banque des originaux des documents contestés

La banque conteste la prise en charge du prêt pendant l’arrêt de travail de [Y] [H], franchise contractuelle de 90 jours comprise, en affirmant que celui-ci a expressément renoncé, lors de la conclusion de l’assurance du prêt, à la garantie de l’Incapacité Temporaire Totale, et produit au soutien de cette affirmation une copie de son exemplaire « prêteur » du contrat d’assurance supportant deux signatures de l’appelant dont l’une dans un encart spécifique libellé : « Option Median avec ou sans perte d’emploi : par dérogation à la proposition ci-dessus et après avoir été informé des conséquences de mon choix, je renonce définitivement à la garantie de l’Incapacité Temporaire Totale ».

[Y] [H], qui produit les pièces attestant de la réalité de sa situation médicale, dénie cette seconde signature, apparaissant dans cet encart, en soutenant qu’il s’agit d’une falsification. Il produit, pour en attester, la copie carbone originale « emprunteur » de son contrat d’assurance, laquelle ne comporte qu’un seul exemplaire de sa signature, en bas de page, et sur laquelle l’encart susmentionné est totalement vierge. Il fournit aussi la copie « emprunteur » du contrat d’assurance signé par son épouse, [U] [O] épouse [H], le même jour en tant que co-emprunteuse, laquelle est également vierge de toute mention dans l’encart en cause.

Il revient à la banque qui, en regard des éléments de sinistre justifiés par l’appelant et de sa dénégation de signature, maintient son refus de garantie, de prouver l’existence et l’opposabilité de la clause du contrat excluant ladite garantie.

Bien que la banque admette qu’elle possède les exemplaires « prêteur » originaux des deux contrats d’assurance signés par les deux co-emprunteurs et prétend les produire, la cour constate que ne sont jointes à son dossier que des copies-impression couleur de ces contrats originaux, lesquels sont particulièrement reconnaissables pour être constitués de feuilles cartonnées et de papier pelure. L’examen de ces deux pièces en original est nécessaire à l’appréciation de l’authenticité des mentions et signatures portées sur lesdits contrats et notamment de la renonciation effective à la garantie, puisque [Y] [H] le conteste.

Les deux parties se sont expliquées dans leurs écritures sur l’opportunité de la réalisation d’une expertise graphologique.

Dès lors, la cour, au vu des pièces du dossier et de l’obligation de la banque qui est recherchée, considérant que l’examen de la copie « emprunteur » en original du contrat de [Y] [H] et des signatures portées dessus par un expert s’impose en l’espèce, ordonne une vérification d’écriture dans les conditions décrites au dispositif, aux frais avancés de la banque dès lors qu’elle supporte la charge de la preuve, celle-ci devant fournir à l’expert désigné les originaux des exemplaires « emprunteurs » des contrats concernés, notamment celui relatif à [Y] [H].

L’affaire et les parties sont renvoyées à la date mentionnée dans le dispositif ci-dessous et les demandes des parties sont réservées ainsi que les dépens jusqu’à l’arrêt au fond.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Avant dire droit sur les autres demandes,

 

Ordonne une vérification d’écriture et commet pour y procéder M. [I] [D], inscrit sur la liste des Experts Judiciaires près la Cour d’Appel de Toulouse, demeurant [Adresse 1], lequel aura pour mission de:

 

1°/ Réunir contradictoirement les parties, recueillir leurs explications, et se faire remettre tous documents utiles, à l’accomplissement de sa mission, notamment des éléments de comparaison d’écriture, des échantillons d’écriture ou de signatures et les originaux des contrats concernés,

2°/ Dire si les signatures figurant dans l’exemplaire « prêteur » original de la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 2] et du Midi-Toulousain du contrat « assurance des prêts particuliers et à l’habitat ‘ Crédit Jassure ‘ Notice d’information AD 831- 01-2008 » signé par celui-ci le 23 juillet 2009 et notamment celle figurant dans l’encart « Option Median avec ou sans perte d’emploi : par dérogation à la proposition ci-dessus et après avoir été informé des conséquences de mon choix, je renonce définitivement à la garantie de l’Incapacité Temporaire Totale » sont de la main de [Y] [H],

Dit que les parties devront transmettre leur dossier complet directement à l’expert, et ce au plus tard le jour de la première réunion d’expertise,

 

Dit que l’expert procédera à ses opérations en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception et leurs avocats avisés,

 

Rappelle qu’en application de l’article 278 du Code de procédure civile, l’Expert pourra, en cas de besoin, prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour lui de joindre à son mémoire de frais et honoraires celui de son homologue,

Dit que l’Expert devra communiquer un projet de son rapport aux parties en leur impartissant un délai de 3 semaines pour émettre tout dire écrit le cas échéant,

Dit que l’Expert devra communiquer aux parties et déposer au greffe de la cour d’appel de Toulouse  son rapport définitif comportant réponse aux dires éventuels, ce avant le 10 février 2025, sauf prorogation demandée au juge par l’expert et adressera copie complète à chacune des parties (y compris la demande de fixation de rémunération), conformément à l’article 173 du code de procédure civile

Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 2] 31 devra consigner entre les mains du Régisseur d’Avances et de Recettes de la Cour une provision de 1 500 euros à valoir sur la rémunération de l’Expert, et ce avant le 1er novembre 2024,

Dit qu’en cas de défaillance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel [Localité 2] 31 dans le versement de la consignation dans le délai susvisé, [Y] [H] pourra y procéder à son tour dans les mêmes conditions, ce avant le 10 décembre 2024,

Rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article 271 du Code de Procédure Civile, à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’Expert sera caduque, à moins que la partie à laquelle incombe la consignation n’obtienne judiciairement la prorogation du délai de consignation, ou le relevé de caducité,

Dit qu’en cas de refus ou d’empêchement de l’expert de remplir sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance,

Désigne le magistrat de la mise en état de la 2ème chambre section 1 pour suivre les opérations d’expertise,

 

Renvoie la cause et les parties à l’audience de mise en état du JEUDI 13 MARS 2025 à 14 heures,

 

Réserve les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente.


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