Principes de Contradiction et Mesures Conservatoires : Équilibre entre Créance et Protection des Droits

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Principes de Contradiction et Mesures Conservatoires : Équilibre entre Créance et Protection des Droits

La SA BANQUE CIC SUD OUEST a obtenu une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 24 avril 2023, permettant l’inscription d’une hypothèque judiciaire provisoire sur deux immeubles appartenant à Monsieur [X] [J] pour garantir une créance de 402.000 euros. Monsieur [J] a ensuite assigné la banque pour obtenir la mainlevée de cette mesure. Lors de l’audience du 9 juillet 2024, il a demandé la mainlevée de l’hypothèque ou, à défaut, une limitation de celle-ci à 300.000 euros sur un seul bien, tout en sollicitant la condamnation de la banque aux dépens et à lui verser 3.000 euros. Il a argumenté qu’il n’y avait pas de péril pour le recouvrement de la créance, compte tenu de la valeur de son patrimoine immobilier. La banque a contesté ces demandes, affirmant que la menace pour le recouvrement était réelle en raison de la situation financière de la société 2MT RESTAURATION, dont Monsieur [J] était président. Elle a également demandé la condamnation de Monsieur [J] aux dépens et à lui verser 3.000 euros. L’affaire a été mise en délibéré pour le 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Bordeaux
RG
24/04373
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 17 Septembre 2024

DOSSIER N° RG 24/04373 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZD4M
Minute n° 24/ 327

DEMANDEUR

Monsieur [X] [J]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 5]

représenté par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A. BANQUE CIC SUD OUEST, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 456 204 809, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 09 Juillet 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 17 septembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux rendue le 24 avril 2023, la SA BANQUE CIC SUD OUEST a fait procéder à une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire sur deux immeubles appartenant à Monsieur [X] [J] sis à [Localité 13] (17) par acte du 4 mai dénoncé le 12 mai 2023 et à [Localité 11] par acte du 3 mai dénoncé le 9 mai 2023 (33) en garantie d’une somme de 402.000 euros en principal.

Par acte de commissaire de justice signifié le 24 mai 2024, Monsieur [J] a fait assigner la SA BANQUE CIC SUD OUEST afin de voir ordonnée la mainlevée de la mesure conservatoire.

A l’audience du 9 juillet 2024, Monsieur [J] sollicite à titre principal la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire et à titre subsidiaire la limitation du montant garanti par celles-ci à la somme de 300.000 euros portant sur le seul bien sis à [Localité 11] (33), avec augmentation si besoin, du montant garanti sur le bien sis à [Localité 13]. En tout état de cause, il sollicite la condamnation de la défenderesse aux dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [J] fait valoir qu’il n’existe pas de péril pour le recouvrement de la créance invoqué par le CIC au regard de la valeur de son patrimoine immobilier évaluée à la somme de 1.375.000 euros, cette condition de validité de la mesure conservatoire ne pouvant découler de son seul refus de payer les sommes réclamées en raison d’une contestation de fond. Subsidiairement, il soutient que la sureté prise est excessive au regard du montant de la créance et sollicite que celle-ci ne porte que sur l’immeuble sis à [Localité 13], libérant ainsi le bien sis à [Localité 11] de toute hypothèque afin de faciliter sa vente déjà en cours.

A l’audience du 9 juillet 2024 et dans ses dernières écritures, la SA CIC SUD OUEST conclut à l’irrecevabilité des dernières écritures du demandeur au regard de leur communication tardive et au rejet de toutes ses prétentions. Elle sollicite également la condamnation du demandeur aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La défenderesse soutient que la menace pour le recouvrement de sa créance, par ailleurs non contestée, est réelle au regard du placement en redressement judiciaire de la société 2MT RESTAURATION, débitrice principale, dont il était président mais également de la société GP FINANCE, co-caution des engagements bancaires consentis. Elle soutient qu’il n’a pas répondu aux mises en demeure et n’a pas commencé à acquitter la dette conséquente dont il est débiteur. A titre subsidiaire, elle s’oppose à tout cantonnement de l’hypothèque judiciaire en soulignant que l’avis de valeur ne concerne qu’un bien et n’est pas daté, le bien sis à [Localité 11] étant en vente depuis un long moment pour une valeur revue à la baisse. Elle souligne que la mesure conservatoire ne fait pas obstacle à la vente de l’immeuble.

L’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur la recevabilité des conclusions de Monsieur [J]

L’article 16 du Code de procédure civile prévoit : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. »

En l’espèce, Monsieur [J] a notifié ses dernières pièces et conclusions le 8 juillet 2024, veille de l’audience. La défenderesse n’a donc pu en prendre connaissance et consulter son conseil pour le cas échéant y répondre dans un délai raisonnable. Les dernières écritures communiquées par le demandeur seront par conséquent écartées des débats.

– Sur l’hypothèque conservatoire

L’article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire. »
Deux conditions cumulatives sont donc imposées par ce texte pour la prise d’une mesure conservatoire : l’existence d’une apparence de créance et une menace sur son recouvrement.

Il est constant qu’une apparence de créance est suffisante et que celle-ci doit seulement être vraisemblable et son montant peut être fixé de façon provisoire. La menace pour le recouvrement de la créance peut quant à elle être fondée sur la situation objective du débiteur ou résulter d’une appréciation des conséquences subjectives de son attitude.
La charge de la preuve de la réunion de ces conditions repose sur la partie se prévalant de la qualité de créancier.

L’article R532-9 du même code prévoit :
« Lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties, le débiteur peut faire limiter par le juge les effets de la sûreté provisoire s’il justifie que les biens demeurant grevés ont une valeur double du montant de ces sommes. »

En l’espèce, Monsieur [J] ne fait porter son argumentation que sur le péril pour le recouvrement de la créance, la question de l’apparence de créance détenue par la défenderesse n’étant pas discutée, nonobstant le litige au fond concernant la validité du cautionnement consenti.
Il y a donc lieu de considérer que cette condition de validité de la mesure conservatoire est remplie pour une apparence de créance à hauteur de 402.000 euros.

Le demandeur produit une évaluation du bien sis à [Localité 13] établie en avril 2024 pour une valeur oscillant entre 550.000 et 610.000 euros. Il verse également aux débats deux mandats de vente de l’immeuble sis à [Localité 11] en date du 19 mars 2024 pour un prix de 825.000 euros. Il n’est pas fait état dans la présente instance d’une vente intervenue ou d’un compromis en cours de signature.

Si la valeur du patrimoine ainsi établie est en effet suffisante pour garantir le recouvrement de la créance revendiquée à hauteur de 402.000 euros, il reste que la prise d’une hypothèque judiciaire provisoire est nécessaire pour préserver les droits du créancier notamment en cas de vente du bien sis à [Localité 11] et au regard de l’absence de liquidité immédiate d’un patrimoine de nature immobilière.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de mainlevée de la mesure conservatoire. En l’absence de production d’un état hypothécaire permettant de vérifier l’existence d’autres sûretés inscrites sur ces immeubles et au regard du montant conséquent de la créance garantie, la valeur du bien sis à [Localité 11] restant sujette à caution en l’absence de vente conclue au prix annoncé depuis plus de 6 mois et l’hypothèque n’empêchant pas la vente du bien immobilier, il n’y a pas lieu de modifier l’assiette de la mesure conservatoire.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [J], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [X] [J] de toutes ses demandes ;

VALIDE l’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire prise par la SA BANQUE CIC SUD OUEST sur les biens appartenant à Monsieur [X] [J] pour sûreté et conservation de la somme de 402.000 euros outre les intérêts au taux contractuel majoré depuis le 23 novembre 2022 jusqu’au règlement définitif, sis :
– [Adresse 12] cadastré section AV numéro [Cadastre 3] pour 6a87 ca et AV numéro [Cadastre 7] pour 24 ca, par acte du 3 mai 2023 dénoncé le 9 mai 2023
– [Adresse 14], cadastré section DP numéro [Cadastre 8] pour 9a 33ca, DP numéro [Cadastre 4] pour 2a 73 ca et DP numéro [Cadastre 6] pour 2a 13 ca, par acte du 4 mai 2023 dénoncé par acte du 12 mai 2023 ;
CONDAMNE Monsieur [X] [J] payer à SA BANQUE CIC SUD OUEST la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [X] [J] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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