Gérant majoritaire de SARL : l’Obligation d’affiliation à l’URSSAF

·

·

Gérant majoritaire de SARL : l’Obligation d’affiliation à l’URSSAF

M. [B] [G] a été affilié au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants de juillet 2008 à février 2020 en tant que gérant majoritaire de la société [4]. Le 17 octobre 2016, il a contesté une contrainte émise par l’URSSAF pour le recouvrement de 3 588 euros de cotisations et majorations de retard pour plusieurs mois de 2016. Le tribunal a validé cette contrainte par un jugement du 17 juin 2021, condamnant M. [G] à payer la somme due ainsi que des frais et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en déboutant l’URSSAF de sa demande de dommages et intérêts. M. [G] a interjeté appel de ce jugement le 10 juillet 2021. Dans ses écritures, il demande l’infirmation du jugement et la nullité des mises en demeure et contraintes, tandis que l’URSSAF demande la confirmation du jugement et le paiement d’une somme supplémentaire par M. [G] au titre de l’article 700.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
21/04742
9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/04742 – N° Portalis DBVL-V-B7F-R33X

[B] [G]

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Mai 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Septembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 17 Juin 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de SAINT-BRIEUC – Pôle Social

Références : 19/00421

APPELANT :

Monsieur [B] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Olivier FROGER, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L’UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D’ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Madame [J] [E] en vertu d’un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [B] [G] a été affilié du 17 juillet 2008 au 27 février 2020 au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants au titre de son activité de gérant majoritaire de la société [4].

Le 17 octobre 2016, M. [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d’Armor d’une opposition à la contrainte du 14 septembre 2016 décernée par la caisse du régime social des indépendants Pays de la Loire, aux droits de laquelle vient l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Bretagne (l’URSSAF) pour le recouvrement de la somme de 3 588 euros en cotisations, contributions et majorations de retard afférentes aux périodes de février à avril 2016 ainsi que de juin et juillet 2016, signifiée par acte d’huissier le 10 octobre 2016.

Par jugement du 17 juin 2021, le tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

– validé la contrainte du 14 septembre 2016 signifiée le 10 octobre 2017 (sic) pour un montant de 3 588 euros (dont 188 euros de majorations de retard) correspondant aux cotisations et majorations de retard afférentes aux mois de février, mars, avril, juin et juillet 2016 ;

– condamné M. [G] à payer à l’URSSAF la somme de 3 588 euros ainsi que les frais de signification pour un montant de 70,98 euros ;

– condamné M. [G] à lui verser la somme de 150 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté l’URSSAF de sa demande au titre des dommages et intérêts et de l’amende civile ;

– condamné M. [G] aux dépens.

Par déclaration adressée le 10 juillet 2021 par courrier recommandé avec avis de réception, M. [G] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 juillet 2021.

Par ses écritures (communes à plusieurs dossiers) parvenues au greffe le 27 juillet 2023 auxquelles s’est référé son conseil à l’audience, il demande à la cour :

– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– de débouter l’URSSAF de sa demande de validation des quinze mises en demeure et des cinq contraintes ;

– de déclarer les mises en demeure nulles en l’absence de motif ;

– de déclarer les contraintes nulles en l’absence de motif et par erreurs de faux numéros de mises en demeure préalable et de mises en demeure préalable jamais adressées ;

– de débouter l’URSSAF de toute demande éventuelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de débouter l’URSSAF de toute demande éventuelle de dommages et intérêts ;

– de condamner l’URSSAF à lui verser 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 22 juin 2022 auxquelles s’est référée et qu’a développées sa représentante à l’audience, l’URSSAF demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

– condamner M. [G] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeter toute autre demande émanant de M. [G].

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [G] ne remet plus en cause son obligation d’affiliation à l’URSSAF.

Il fait valoir que les mises en demeure et la contrainte délivrées ne lui permettent pas de connaître l’étendue de son obligation en ce qu’elles ne comportent pas le motif et la cause du recouvrement ; qu’il y a des erreurs de date et qu’un numéro de dossier n’est pas un numéro de mise en demeure.

1. Sur la régularité de la procédure de recouvrement

Par application combinée des articles L. 244-1, L. 244-2 alinéa 1er, R.244-1 alinéa 1er et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige, toute action en recouvrement ou poursuite est obligatoirement précédée d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée au travailleur indépendant qui précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

La mise en demeure doit être, à peine de nullité, notifiée au débiteur des cotisations réclamées, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice (2e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-19.167).

La mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice (2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n° 16-12.189).

Si la régularité de la mise en demeure est contestée, il convient de rechercher si elle répond néanmoins aux exigences des textes susvisés (2e Civ., 12 février 2015, pourvoi n° 13-27.102 ; 2e Civ., 9 février 2017, pourvoi n°16-12.189).

Il convient de rappeler que :

– l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception vaut mise en demeure au sens de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale et, expédiée à l’adresse effective du débiteur, elle interrompt valablement le cours de la prescription triennale visée à l’article L. 244-3 du même code ;

– le défaut de réception effective par le cotisant de la mise en demeure qui lui avait été adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception n’en affecte pas la validité (2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n°17-23.034) ;

– la contrainte délivrée à la suite d’une mise en demeure restée sans effet doit permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ; à cette fin, il importe qu’elle précise à peine de nullité outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte ; en revanche, il n’est pas exigé que la mise en demeure ou la contrainte comporte des explications sur le calcul des cotisations et contributions ou mentionne l’assiette et le taux appliqué ;

– une contrainte est valablement décernée dès lors qu’elle fait référence à une mise en demeure (ou plusieurs) qui permet(ent) à l’assuré de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation par indication du montant et de la nature des sommes réclamées, de la période concernée et de la cause du redressement. (Cass Soc, 4 octobre 2001, pourvoi n°00-12.757 ; 2e Civ., 10 novembre 2011, pourvoi n° 10-23034 ; 2e Civ., 17 septembre 2015, pourvoi n° 14-24718 ; 2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n°17-19796) ;

– la date erronée de la mise en demeure à laquelle la contrainte fait expressément référence n’est pas de nature à remettre en cause la validité de la contrainte (2e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 18-25.735) si le cotisant est néanmoins en mesure de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation ;

– la validité d’une mise en demeure n’est pas affectée par la réduction ultérieure du montant de la créance de l’organisme de recouvrement (2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-24.831) ; de même s’agissant de la contrainte lorsque celle-ci mentionnait les sommes dues au titre des cotisations et des majorations de retard ainsi que les déductions correspondant aux versements effectués (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-19.959).

En l’espèce, la mise en demeure du 9 mars 2016 réceptionnée par M. [G] le 11 mars 2016 mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées :

la cause du recouvrement (« la somme dont vous êtes redevable envers la caisse RSI au titre des cotisations et contributions sociales obligatoires dont décompte ci-après ») ;

la nature des cotisations (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraites de base et complémentaire, formation professionnelle) ;

la période de référence (février 2016) ;

– les montants en cotisations et majorations de retard pour un total de 275 euros.

La mise en demeure du 8 avril 2016 réceptionnée par M. [G] le 14 avril 2016 mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées :

la cause du recouvrement (‘la somme dont vous êtes redevable envers la caisse RSI au titre des cotisations et contributions sociales obligatoires dont décompte ci-après’) ;

la nature des cotisations (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraites de base et complémentaire) ;

la période de référence (mars 2016) ;

– les montants en cotisations et majorations de retard pour un total de 98 euros.

La mise en demeure du 10 mai 2016 réceptionnée par M. [G] le 13 mai 2016 mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées :

la cause du recouvrement (‘la somme dont vous êtes redevable envers la caisse RSI au titre des cotisations et contributions sociales obligatoires dont décompte ci-après’) ;

la nature des cotisations (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraites de base et complémentaire) ;

la période de référence (avril 2016) ;

– les montants en cotisations et majorations de retard pour un total de 98 euros.

La mise en demeure du 8 juillet 2016 réceptionnée par M. [G] le 13 juillet 2016 mentionne, outre le délai d’un mois pour s’acquitter des sommes réclamées :

la cause du recouvrement (‘la somme dont vous êtes redevable envers la caisse RSI au titre des cotisations et contributions sociales obligatoires dont décompte ci-après’) ;

la nature des cotisations (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraites de base et complémentaire, allocations familiales, CSG-CRDS, formation professionnelle) ;

la période de référence (juin 2016 et juillet 2016) ;

– les montants en cotisations et majorations de retard pour un total de 3 236 euros.

Enfin, les mises en demeure indiquent comme voie de recours la saisine de la commission de recours amiable (au siège de la caisse), par lettre recommandée avec avis de réception, dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de celle-ci, ce qui est conforme aux dispositions de l’article R. 612-9 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l’espèce.

Force est de constater que ces mentions précises et complètes permettent à M. [G] de connaître la cause, la nature et l’étendue de ses obligations.

Aucune obligation de motivation tel que le fait valoir M. [G] n’est exigée.

La contrainte émise le 14 septembre 2016 à la suite de ces mises en demeure restées infructueuses porte comme référence le numéro de cotisant, les périodes mises en recouvrement (février 2016, mars 2016, avril 2016, juin 2016, juillet 2016), le montant réclamé pour chacune des mises en demeure en cotisations, majorations et somme restant due ainsi que le montant total (3 588 euros dont 188 euros de majorations de retard et 3 519 euros de cotisations et contributions, sous déduction d’une somme de 119 euros) et le numéro de chaque mise en demeure (1600042191, 1600061629, 1600080145 et 1600136072), qui correspond à celui figurant sur chacune d’elles en bas de page.

Les numéros que M. [G] attribue aux mise en demeure (2C 11609999363, 2C 11611413714, 2C 11613207649 et 2C 11616145573) sont les numéros de recommandé avec accusé de réception et nullement les numéros des mises en demeure.

L’erreur matérielle affectant les dates des mises en demeure (indiquées dans la contrainte comme étant le 10 mars 2016 au lieu du 9 mars 2016 et le 11 mai 2016 au lieu du 10 mai 2016) est indifférente dès lors qu’il n’est invoqué aucune autre mise en demeure qui aurait été décernée pour les mêmes périodes.

Force est de constater que les moyens soulevés par l’appelant et tirés de la nullité de la contrainte du 14 septembre 2016 et des mises en demeure afférentes ne sauraient prospérer ainsi que les premiers juges l’ont à juste titre retenu.

2. Sur le bien-fondé des sommes réclamées

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, en matière d’opposition à contrainte, il incombe à l’opposant de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’organisme social (2e Civ., 13 février 2014, pourvoi n° 13-13.921 , 2° Civ., 19 décembre 2013, pourvoi n°12-28.075).

M. [G], qui ne conteste pas les modalités de calcul des cotisations et majorations de retard réclamées par l’URSSAF qui les précise au surplus dans ses écritures, n’établit pas, par ses pièces, le caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’organisme social au titre des mises en demeure et contraintes énoncées ci-dessus, qui doivent être validées pour leur montant.

Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu’il a validé la contrainte du 14 septembre 2016 et condamné M. [G] au paiement de la somme de 3 588 euros outre les majorations de retard restant à courir jusqu’au complet paiement.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a condamné M.[G] à payer à l’URSSAF la somme non discutée de 70,98 euros au titre des frais de signification de la contrainte, conformément à l’article R. 133-6 du code de la sécurité sociale.

Il sera in fine précisé que l’URSSAF ne maintient pas en cause d’appel sa demande de dommages-intérêts et d’amende civile dont elle a été déboutée en première instance, de sorte qu’il n’y a pas lieu, comme le demande M.[G], de statuer sur ce point.

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n’apparaît pas équitable de laisser à la charge de l’URSSAF la totalité de ses frais irrépétibles.

M. [G] sera en conséquence condamné à lui verser à ce titre la somme de 500 euros.

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de M. [G] qui succombe à l’instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l’application des dispositions l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rappelle que la condamnation à paiement se substitue à l’exécution de la contrainte ;

Condamne M. [B] [G] à verser à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale Bretagne une indemnité de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [G] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x