Preuve de la concurrence déloyale : le recours à l’article 145 du Code de procédure civile

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Preuve de la concurrence déloyale : le recours à l’article 145 du Code de procédure civile
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La société PCB Agencement, spécialisée dans le commerce de gros d’équipements pour magasins, a licencié M. [C] pour faute grave en avril 2021, après son engagement en 2010. Un protocole transactionnel a été signé entre eux le 28 avril 2021. M. [Z] a également été licencié pour faute grave en juin 2021 après avoir été engagé en 2015. Peu après, M. [C] et M. [Z] ont cofondé la S.A.R.L. Agencement ACM, active dans le conseil et l’assistance en agencement de magasins. PCB Agencement, PCB Bâtiment et Clare’Elec, toutes dirigées par la même personne, ont accusé Agencement ACM de concurrence déloyale, notamment de détournement de fichiers clients, et ont demandé une mesure d’instruction pour prouver ces actes. Le tribunal a accepté leur demande le 20 janvier 2023, et une mesure de constat a été réalisée le 3 avril 2023. Agencement ACM a contesté cette ordonnance en référé, mais le tribunal a rejeté sa demande le 26 juillet 2023, tout en condamnant Agencement ACM à verser 1 000 € à PCB Agencement. Agencement ACM a interjeté appel, et les procédures ont été jointes. Les plaidoiries sont fixées au 18 juin 2024. Agencement ACM demande l’infirmation de l’ordonnance de juillet 2023, tandis que PCB Agencement et ses sociétés demandent la confirmation de cette ordonnance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG n°
23/06351
N° RG 23/06351 -N°Portalis DBVX-V-B7H-PEPH

Décision du ribunal de Commerce de Lyon au fond

du 26 juillet 2023

RG : 2023r524

S.A.R.L. AGENCEMENT ACM

C/

S.A.S. CLARE’ELEC

S.A.S. PCB AGENCEMENT

S.A.S. PCB BATIMENT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 18 Septembre 2024

APPELANTE :

AGENCEMENT ACM, SARL, société à responsabilité limitée, au capital social de 10.000 euros, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 900 472 069, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 9] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Mathieu MARTIN de la SELARL ADVALORIA, SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 88

INTIMÉES :

1) La société PCB BATIMENT, SAS au capital de 8 000 €, immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 435 366 455, dont le siège est situé [Adresse 1] [Localité 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

2) La société PCB AGENCEMENT, SAS au capital de 30 000 €, immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 484 571 922, dont le siège est situé [Adresse 1] [Localité 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

3) La société CLARE’ELEC, SAS au capital de 1000 €, immatriculée au RCS de Toulouse sous le n° 814 500 070, dont le siège est situé [Adresse 1] [Localité 3], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentées par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 768

Ayant pour avocat plaidant Me Cécile GUILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 11 Juin 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Juin 2024

Date de mise à disposition : 18 Septembre 2024

Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique DRAHI, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Bénédicte BOISSELET, président

– Véronique DRAHI, conseiller

– Antoine-Pierre D’USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

La société PCB Agencement immatriculée le 17 octobre 2005 a pour activité le commerce de gros équipements de magasins (présentoir, vitrine amovible, mannequin), hôtels, cafés et restaurants et plus généralement au profit de toutes entreprises et collectivités.

La société PCB Bâtiment immatriculée le 13 avril 2021 a pour activité l’étude, conception, réalisation d’aménagements professionnels d’agencement intérieur d’espace commercial, mise en ‘uvre des métiers du second oeuvre du bâtiment.

La SAS Clare’Elec immatriculée le 9 novembre 2015 est un bureau d’études et d’ingénierie pour la réalisation de travaux d’installation électriques dans tous types de locaux.

Ces 3 sociétés ont le même dirigeant.

Elles indiquent que la première est spécialisée dans la mise en ‘uvre d’agencements spécifiques de présentation destinés aux bureaux de Tabac, Presse et Librairie, que lors de la réalisation des agencements, des prestations de second ‘uvre et d’électricité peuvent être confiées respectivement aux sociétés PCB Bâtiment et Clare’elec.

M. [M] [C] a été engagé par la société PCB Agencement à compter du 1er octobre 2010 en qualité de conseiller technico-commercial. Il a été licencié pour faute grave par lettre du 2 avril 2021.

Le 28 avril 2021 la société PCB Agencement et M. [C] ont conclu un protocole transactionnel.

M [Z] [E] a été engagé par la société PCB Agencement à compter du 15 janvier 2015 en qualité de monteur. Il a été licencié pour faute grave le 8 juin 2021.

Le 16 juin 2021, a été immatriculée la S.A.R.L. Agencement ACM société co-gérée par [M] [C] et [Z] [E] ayant pour activité déclarée ‘le conseil et l’assistance aux entreprises dans le domaine de l’agencement de magasins, lieu de vente et l’aménagement de surface, la réalisation de travaux et l’installation de mobilier et équipement ainsi que le commerce de gros équipements de magasins de vente.’

Invoquant être victime d’agissements de concurrence déloyale (détournements de fichiers clients) commis par la société Agencement ACM, les sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et Clare’Elec ont sollicité une mesure d’instruction au visa de l’article 145 afin d’établir avant le procès la preuve des actes.

La requête a été déposée le 13 janvier 2023 et il y a été fait droit par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce de Lyon du 20 janvier 2023.

La mesure de constat a été exécutée le 3 avril 2023.

Par assignation du 02 mai 2023, la société ACM Agencement a saisi la juridiction des référés aux fins de voir ordonner la rétractation de l’ordonnance rendue le 20 janvier 2023.

Par ordonnance de référé du 26 juillet 2023 le président du tribunal de commerce de Lyon a :

Rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance formée par la société PCB (sic) Agencement ;

Rejeté la demande subsidiaire de modification de la même ordonnance et de désignation d’un expert ;

Rejeté la demande en condamnation en paiement pour procédure abusive ;

Condamné la société Agencement ACM à verser à la société PCB Agencement la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société Agencement ACM aux entiers dépens de la présente instance.

La S.A.R.L. Agencement ACM a interjeté appel par deux déclarations enregistrées le 4 août 2023 puis le 8 août 2023.

Une ordonnance de la présidente de la chambre du 13 septembre 2023 a ordonné la jonction des procédures N° RG 23/06422 – N° Portalis DBVX-V-B7H-PET3 et 23/06351 sous le seul N° RG 23/06351.

Selon avis de fixation et ordonnance de la présidente de la chambre du 14 septembre 2023, les plaidoiries ont été fixées au 18 juin 2024 avec clôture le 11 juin 2024.

Par conclusions régularisées au RPVA le 12 octobre 2023, la S.A.R.L. Agencement ACM demande à la cour :

Vu les articles 145, 494, 496 et 497 du Code de procédure civile,

Vu les articles L 151-1 et L 153-1 du Code de commerce,

Vu les dispositions des articles 699 et 700 du Code de procédure civile,

Déclarer recevable la société ACM Agencement ( sic) en son appel et bien fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;

Y faisant droit,

Infirmer l’ordonnance du juge des référés rendue le 26 juillet 2023, en ce qu’il a :

Débouté la société ACM Agencement de sa demande de rétractation de l’ordonnance n°2023OP00543 formée par la société PCB Agencement,

Rejeté la demande subsidiaire de modification de la même ordonnance et de désignation d’un expert,

Rejeté la demande en condamnation en paiement pour procédure abusive,

Condamné la société Agencement ACM à verser à la société PCB Agencement la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la société Agencement ACM aux entiers dépens de la première instance.

Et statuant à nouveau,

Rétracter l’ordonnance n°2023OP00543 sur requête formée par la société PCB Agencement.

En conséquence, toutes les mesures d’instruction prises en exécution de cette ordonnance étant nulles et non avenues,

Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie dressé par l’étude d’huissier de justice SAS Fradin Tronel Sassard & Associes, huissiers de justice, agissant en vertu de ladite ordonnance le 03 avril 2023 ;

Ordonner, aux frais des sociétés PCB Bâtiment, PCB Agencement et Clare’elec, la suppression de l’ensemble des éléments saisis et/ou constatés par l’étude d’huissier de justice SAS Fradin Tronel Sassard & Associes, huissiers de justice, du 3 avril 2023 sous astreinte de 15.000 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de trois jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir, sous contrôle de l’huissier instrumentaire qui a exécuté la mesure d’instruction et de l’expert informatique qu’il s’est commis, ce dont il sera dressé procès-verbal par ledit huissier qui en adressera sur le champ l’original à la société la société Agencement ACM ;

Débouter les sociétés PCB Bâtiment, PCB Agencement et Clare’elec de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Modifier l’ordonnance du 20 janvier 2023 comme suit :

Autoriser la communication des seuls éléments concernant Mme [T] / M. [K] / Mme [L] / M.[W] recueillis par le commissaire de justice lors de sa saisie dans les conditions suivantes :

que soit désigné, d’un commun accord entre les parties à l’instance un expert judiciaire inscrit dans le ressort de la cour d’appel de Lyon, aux frais de PCB Bâtiment, PCB Agencement et Clare’elec, qui aura pour mission, après avoir pris connaissance seule de l’ensemble des termes du litige, en ce compris les éléments mis sous scellés préalablement communiqués par l’huissier, de :

Convoquer les parties et, en présence d’un représentant de chacune des parties et de leur Conseil :

d’apprécier s’il convient de Limiter la communication ou la production de certaines pièces mises sous scellés à certains de ses éléments, ou en organiser la communication ou la production sous une forme de résumé ;

de Limiter cette communication aux seuls éléments concernant les clients listés expressément dans les ordonnances ;

de Limiter cette communication aux seuls éléments démontrant une action positive de détournement de client ou de prospect de la société ACM Agencement ;

de décider de Limiter la communication ou la production des dits éléments et/ou la communication ou la production sous une forme de résumé aux fins de préserver le secret des affaires ;

de clore ses opérations une fois la communication effectuée – qu’il en sera référé au président en cas de difficulté.

En tout état de cause,

Se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Condamner in solidum les sociétés PCB Bâtiment, PCB Agencement et Clare’elec à payer à 6. 000 € à la société la société ACM Agencement au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner in solidum les sociétés PCB Bâtiment, PCB Agencement et Clare’elec aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions régularisées au RPVA le 10 novembre 2023, la société PCB Bâtiment SAS, la société PCB Agencement SAS, la société Clare’elec SAS demandent à la cour :

Vu les articles 11, 145, 493, 874 et suivants du Code de procédure civile,

Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 26 juillet 2023.

En conséquence,

Débouter la société Agencement ACM de ses demandes d’infirmation tant en principal que subsidiaire ;

Débouter la société Agencement ACM de toutes ses demandes ;

Condamner la société Agencement ACM à payer la somme de 2 000 € chacune aux sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et Clare’elec, ainsi qu’aux dépens d’appel.

Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.

MOTIFS

Selon l’article 145 du Code de procédure civile, «’s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé’».

L’article 493 dispose que «’l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse’».

Selon l’article 494 la requête et l’ordonnance doivent être motivées.

Aux termes de l’article 496 « s’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance émane du premier président de la cour d’appel. Le délai d’appel est de 15 jours. L’appel est formé, instruit, et jugé comme en matière gracieuse. »

Sur le motif légitime d’établir ou conserver la preuve :

Le demandeur doit justifier d’un motif légitime, en ce sens qu’il lui appartient d’établir qu’un litige potentiel existe et qu’il a besoin à ce titre, pour l’engagement éventuel d’une procédure judiciaire, d’éléments de preuve qui lui font défaut.

Il doit établir que le procès est possible, mais l’article 145 du Code de procédure civile n’exige pas que le demandeur ait à établir le bien-fondé de l’action en vue de laquelle la mesure d’instruction est sollicitée.

La mesure doit être utile et pertinente.

Le juge de la rétractation doit apprécier l’existence d’un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant lui.

En l’espèce en considération des activités déclarées au registre du commerce et des sociétés, la société Agencement ACM est concurrente des requérantes.

La cour relève qu’en leur requête, les sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et Clare’elec indiquent avoir en consultant la page Facebook Agencement ACM, constaté la réalisation par cette société d’aménagements de plusieurs bureaux de Tabac Presse de manière strictement conforme aux projets d’agencements établis par la société PCB Agencement à l’occasion des prospections réalisées par M. [C] pour le compte de PCB.

La requête a ainsi cité 9 de ses anciens clients, en produisant des propositions qu’elle leur avait faites ainsi que des relevés de cotes établis par M. [C] et concernant :

[S] [P] Tabac Presse Loto [Localité 13] ;

[V] [Y] Tabac Presse à [Localité 5] ;

M. et Mme [N] à [Localité 10] ;

M. [F] [U] à [Localité 8] ;

Mme [I] et M. [B] à [Localité 4] ;

M. et Mme [X] à [Localité 7] ;

Mme [T] à [Localité 11] ;

M. et Mme [A] [O] à [Localité 6] ;

M. [D] [K] à [Localité 12].

Les requérantes qui ont ainsi accompagné leur requête de 39 pièces ont également produit des photos d’agencements réalisés chez ces clients afin de démontrer leur conformité avec ses propres propositions par le biais de M. [C]. Elles produisent également copie du portefeuille clients de celui-ci en un tableau comportant des commentaires qu’elle dit allacieux pour expliquer l’absence de concrétisation de contrats.

La requête a également indiqué que les détournements ne concerneraient pas seulement les fichiers clients mais aussi les études d’implantation du bureau d’études ou devis comprenant les descriptifs de travaux.

Si les appelants font valoir que les captures d’écran d’une page Facebook n’ont pas fait l’objet d’un constat d’huissier et qu’il ne ressort d’aucune pièce produite un quelconque acte de concurrence déloyale, la cour rappelle que les requérantes doivent justifier d’indices aux fins d’être autorisées à la mesure dans le but d’établir la preuve. Elles n’ont pas à rapporter une preuve au stade de la requête et l’ordonnance sur requête n’imposant pas la caractérisation d’une urgence, peu importe que les requérantes aient attendu avant de déposer leur requête.

Enfin les requérantes ont invoqué une perte de leur chiffre d’affaires en produisant un tableau certes établi par elles-mêmes relatif aux clients susvisés : 226 193 € pour PCB Agencement, de 119 142 € pour PCB Bâtiment, et de 70 755,20 € TTC pour Clare’elec.

Nonobstant le droit de messieurs [C] et [E] de créer leur propre enteprise et la signature de protocole selon lequel M. [C] n’aurait conservé de son emploi chez PCB Agencement aucune donnée ou document, l’affirmation par la société Agencement ACM de ce qu’elle est rapidement devenue distributeur exclusif des produits de la société Agencement Shop dans l’aménagement de magasins plus particulièrement tabacs, presse librairie, de ce que plusieurs des clients cités n’auraient en réalité été facturés que par Agencement Shop, ACM n’ayant que monter le mobilier, et de ce que des clients attestent de l’absence de démarchage, n’affecte pas la légitimité démontrée du motif à obtenir une mesure de constat.

La concurrence déloyale est donc contestée par les appelants mais la cour n’a pas à dire si la concurrence déloyale est établie, les indices suffisent. Par ailleurs, les pièces et conclusions n’appuient pas une volonté principale de prise de connaissance des éléments confidentiels et d’éradication d’un jeune concurrent émergeant anciennement salarié de l’une des requérantes.

La cour considère que les requérantes ont démontré d’indices laissant présumer l’existence d’actes de concurrence déloyale notamment par utilisation à leur insu et sans son accord d’informations qu’ils leur étaient propres et ont ainsi démontré d’un litige potentiel.

Le motif légitime est donc établi.

Sur la dérogation au contradictoire :

La requête doit contenir une motivation sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction et expliciter les circonstances qui justifient cette dérogation.

Le juge doit prendre en considération la requête dans son ensemble, la motivation requise pouvant découler de l’exposé par le requérant des circonstances de fait du litige, sans être nécessairement reprise dans un paragraphe dédié de la requête.

Si la requête est motivée, l’ordonnance du juge peut l’être par renvoi à la nature des faits et aux justifications du recours à une procédure non contradictoire énoncées par cette requête.

Le juge doit faire une appréciation in concreto.

La cour observe à l’examen de la requête et des pièces produites que la requête a évoqué un risque évident de déperdition des preuves nécessitant un effet de surprise.

Les requérantes ont par ailleurs développé le contexte de leur demande et le licenciement pour faute grave de messieurs [C] et [E] ayant créé dans un temps proche la société Acm Agencement exerçant une activité concurrente.

Le fait que selon l’appelante, M. [C] aurait respecté l’accord transactionnel en adressant à son ancien employeur tous les documents convenus ne suffit pas à écarter la justification de la dérogation au contradictoire puisque malgré ce protocole, les requérantes ont pu justifier d’indices d’utilisation de données leur appartenant.

L’effet de surprise est ainsi d’autant plus justifié pour éviter la suppression des fichiers, données, documents litigieux.

Sur la mesure ordonnée

La mesure doit être circonscrite dans le temps et dans son objet. Elle ne doit pas être une mesure d’investigation générale.

L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative des requérantes. Une demande d’expertise ne peut donc aboutir.

Cependant, nonobstant la justification d’un motif légitime de la nécessité de déroger au contradictoire, le juge saisi d’une demande de rétractation a le pouvoir de rétracter ou modifier la mission ordonnée.

Il est jugé de manière constante que « si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile, c’est à la condition que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée. »

La cour relève que le commissaire de justice a été autorisé à se faire remettre copie des documents entre la société Agencement ACM et tous clients ou prospects dont les noms sont les mêmes que ceux des clients prospects des requérantes telles que listés en pièces 5 et 6 et plus particulièrement des relevés de cotes, projets d’aménagement intérieur établis par le bureau d’études, coupe des mobiliers et vision 3D, devis de la société agencement ACM, devis des entreprises partenaires, factures, extraits de comptes clients, documents de travail depuis le 1er janvier 2021 au jour de la présente ordonnance.

D’après la requête, la pièce n°5 était le portefeuille de M. [C] arrêté en janvier 2021 (84 noms) et la pièce n°6 (91 noms) son portefeuille arrêté au 2 mars 2021.

Ces deux tableaux ne portent donc pas sur 200 prospects comme soutenu par l’appelante.

Il n’y a pas lieu de limiter la recherche aux quelques noms proposés par la société appelante.

Par ailleurs, comme le rappellent les requérantes, les meubles de tabac-presse ne font l’objet d’aucune protection intellectuelle ou industrielle.

Cependant, afin de respecter la proportionnalité de la mesure notamment au secret des affaires, il convient de limiter la recherche par le commissaire de justice par l’utilisation des mots clés consistant dans les noms des clients prospects des pièces 5 et 6 dont nombre d’entre eux sont communs aux deux tableaux en limitant la saisie aux relevés de cote, projets d’aménagement intérieur établis par le bureau d’études, coupe des mobiliers, vision 3D, extraits de comptes clients.

La cour retire par ailleurs de la mission qui ne doit pas constituer une mesure d’investigation « A faire, d’une façon générale toute recherche et constatation utile,

notamment d’ordre commercial et comptable, dans le but de rapporter la preuve des faits allégués de concurrence déloyale et à dresser procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis. »

La cour considère ainsi qu’en l’espèce, des mots clés personnalisés pertinents en lien avec le litige permettent de circonscrire la mesure d’instruction dans son objet alors que la mesure a également été circonscrite dans le temps, point non discuté.

La cour comprend des conclusions que les pièces et procès-verbal de constat sont toujours détenus par le commissaire de justice.

Après s’être fait assister si besoin de tout sachant pour prendre en compte les modifications apportées par le présent arrêt, le commissaire de justice devra remettre aux sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et SAS Clare’Elec le procès-verbal et les éléments saisis tels que conformes au présent arrêt, une fois acquis le caractère irrévocable de la présente décision.

Au cas où le procès-verbal de constat et pièces auraient été remis aux sociétés requérantes puisque l’ordonnance sur requête prévoyait que l’huissier les séquestrait une année, les sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et SAS Clare’Elec devront les remettre au commissaire de justice instrumentaire et ont interdiction de les utiliser.

Sur les demandes accessoires

La société Agencement ACM succombant, la cour confirme sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile la décision déférée.

A hauteur d’appel, la cour condamne également la société Agencement ACM à payer à chacune des intimées la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sa propre demande sur le même fondement ne peut qu’être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour d’appel,

Infirme partiellement la décision attaquée sur la mission dévolue au commissaire de justice.

Statuant à nouveau :

Dit n’y avoir lieu à rétractation intégrale de l’ordonnance du 13 janvier 2023,

Rétracte partiellement l’ordonnance du 13 janvier 2023 rendue par le Président du tribunal de commerce de Lyon en ce qu’elle a :

autorisé le commissaire de justice se faire remettre copie des documents entre la société Agencement ACM et tous clients ou prospects dont les noms sont les mêmes que ceux des clients prospects des requérantes tels que listés en pièces 5 et 6 et plus particulièrement des relevés de cote, projets d’aménagement intérieur établis par le bureau d’études, coupe des mobiliers et vision 3D, devis de la société agencement ACM, devis des entreprises partenaires, factures, extraits de comptes clients, documents de travail depuis le 1er janvier 2021 au jour de la présente ordonnance.

autorisé le commissaire de justice faire, d’une façon générale toute recherche, constatation utile, notamment d’ordre commercial et comptable, dans le but de rapporter la preuve des faits allégués de concurrence déloyale et à dresser procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis.

Dit que le commissaire de justice est autorisé se faire remettre copie des relevés de cote, projets d’aménagement intérieur établis par le bureau d’études, coupes des mobiliers et vision 3D, extraits de comptes clients depuis le 1er janvier 2021 au jour de la présente ordonnance,

Supprime de la mission impartie au commissaire de justice :

‘A faire, d’une façon générale toute recherche, constatation utile,

notamment d’ordre commercial et comptable, dans le but de rapporter la preuve des faits allégués de concurrence déloyale est adressé procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis.’

Dit que le commissaire de justice devra, si besoin avec l’aide d’un sachant, exclure des éléments récoltés à l’occasion de sa mission constituant copie des documents entre la société Agencement ACM et tous clients ou prospects dont les noms sont les mêmes que ceux des clients prospects des requérantes telles que listés et en pièces 5 et 6 : devis de la société agencement ACM, devis des entreprises partenaires, factures, documents de travail.

Dit que le commissaire de justice devra le cas échéant retirer de son constat toute constatation de sa part ‘d’une façon générale, toute recherche, constatation utile,

notamment d’ordre commercial et comptable, dans le but de rapporter la preuve des faits allégués de concurrence déloyale est adressé procès-verbal de tous les renseignements ainsi recueillis.’

Dit que le commissaire de justice remettra aux sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et SAS Clare’Elec et aux frais de celles-ci, le procès-verbal et les éléments saisis tels que conformes au présent arrêt, une fois acquis le caractère irrévocable de la présente décision.

Dit au cas où le procès-verbal de constat et pièces saisies auraient été remis aux sociétés requérantes les sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et SAS Clare’Elec devront les remettre dans le délai de quinzaine à compter de la notification du présent arrêt, au commissaire de justice instrumentaire et ont interdiction d’en faire un quelconque usage.

Confirme la décision attaquée sur le surplus.

Y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. Agencement ACM aux dépens à hauteur d’appel,

Condamne la S.A.R.L. Agencement ACM à payer à chacune des sociétés PCB Agencement, PCB Bâtiment et SAS Clare’Elec la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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