Reconnaissance de la qualité de salarié en faveur de l’associé minoritaire

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Reconnaissance de la qualité de salarié en faveur de l’associé minoritaire

La société [P] et compagnie, spécialisée dans la restauration, a pour associé fondateur M. [K] [H], qui détient 23% des parts. Mme [I] [P], présidente de la société et compagne de M. [H], est également impliquée. M. [H] a été engagé en tant que serveur en novembre 2016, puis promu cadre directeur d’établissement en décembre 2016. En avril 2018, il a été condamné pour violences volontaires sur Mme [I] [P], entraînant son incarcération jusqu’en septembre 2018. Après son incarcération, la société a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire en septembre 2019. M. [H] a été licencié pour faute lourde en mai 2019. Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes, qui a jugé celui-ci justifié et a débouté M. [H] de ses demandes d’indemnités. M. [H] a interjeté appel de cette décision, demandant la reconnaissance de son statut de salarié et la nullité de son licenciement. La SELARL Garnier-[D], en tant que liquidateur, a demandé la confirmation du jugement initial. L’AGS CGEA a également pris position sur les demandes d’indemnités et les créances. L’ordonnance de clôture de l’affaire a été rendue le 2 avril 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/00506
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024

(n° /2024, 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00506 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE6PM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MEAUX – RG n° 20/00260

APPELANT

Monsieur [K] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

INTIMEES

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5], représentée par sa Directrice, dûment habilitée [M] [O],

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

SELARL GARNIER [D] prise en la personne de Maître [C] [D] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] ET COMPAGNIE agissant poursuite et diligences de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Florence FREDJ-CATEL, avocat au barreau de Meaux

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme MEUNIER Guillemette, présidente de chambre

Mme NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère

Mme MARQUES Florence, conseillère rédactrice

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Clara MICHEL, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société [P] et compagnie a comme activité la restauration.

M. [K] [H] était associé fondateur de la S.A.S. [P] et compagnie, détenant 23% de la société.

Mme [I] [P] était la présidente de la société et la compagne de M. [K] [H].

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er novembre 2016, M. [H] a été engagé par la société [P] et compagnie en qualité de serveur, niveau 1, échelon 1, statut employé, moyennant une rémunération mensuelle de 1481,82 euros.

Par avenant à effet du 1er décembre 2016, M. [H] a été promu aux fonctions de « cadre directeur d’établissement », niveau 5, échelon 1, moyennant une rémunération de 2 393,99 euros.

La convention collective applicable est celle des hôtels, cafés, restaurants.

Par jugement en date du 9 avril 2018 du tribunal correctionnel de Meaux, M. [H] a été reconnu coupable des faits de violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours, en l’espèce 15 jours, commises le 17 février 2018 sur la personne de Mme [I] [P] et ce en état de récidive légale.

M. [H] a été incarcéré du 19 février 2018 au 11 septembre 2018. Il a été condamné à la peine de 10 mois d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Il avait notamment l’interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mars 2018, il a averti la société [P] et Compagnie de son incarcération. Il a informé la société de sa libération en date du 11 septembre 2018 par courrier du 31 octobre 2018.

Par jugement du 8 avril 2019, le tribunal de commerce de Meaux a ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société [P] et compagnie, transformée en liquidation judiciaire par jugement du 2 septembre 2019.

La SELARL Garnier-[D], prise en la personne de Maître [C] [D], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

M. [H] a fait l’objet, après convocation et mise à pied du 13 mai 2019, puis entretien préalable fixé au 23 mai suivant, d’un licenciement par courrier en date du 31 mai 2019 pour faute lourde.

M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Meaux, le 22 mai 2020 aux fins de voir notamment, constater qu’il a été salarié de la société [P] et compagnie de novembre 2016 au 31 mai 2019, constater que les fautes qui lui sont reprochées sont prescrites et dire que le licenciement dont il a fait l’objet est sans cause réelle et sérieuse. Il sollicite que la société [P] et compagnie soit condamnée à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement en date du 16 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Meaux, a :

– jugé le licenciement pour faute lourde prononcé à l’encontre de M. [K] [H] justifié ;

– jugé que M. [K] [H] ne disposait pas de la qualité de salarié au sein de la société [P] et compagnie ;

– débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

– débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité légale de licenciement et indemnité compensatrice de congés payés ;

– débouté M. [K] [H] de ses demandes de rappel de salaire au titre de mars 2017, août 2017, octobre 2017 et de la période de février 2018 au 31 mai 2019 ;

– fixé au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. [P] et compagnie la somme de 1 490,64 € au titre des rappels de salaire des mois de septembre, novembre et décembre 2017 et janvier 2018 ;

– débouté M. [K] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour paiement partiel des salaires ;

– dit ne pas y avoir lieu ni à exécution provisoire ni à capitalisation des intérêts ;

– débouté la SELARL Garnier-[D], ès qualités de liquidateur de la S.A.S. [P] et compagnie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis les dépens à la charge de Maître [D], ès qualité de liquidateur de la S.A.S. [P] et compagnie.

Par déclaration au greffe en date du 3 janvier 2022, M. [H] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 2 avril 2022, M. [H] demande à la cour de :

Vu les article L.1235-3,L.1332-4, R1234-2 du code du travail,

Vu l’article 1353 du code civil,

Vu l’article 505 du code de procédure pénale,

Vu la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Meaux rendu le 16 septembre 2021 en ce qu’il a :

* jugé le licenciement pour faute lourde prononcé à l’encontre de M. [K] [H] justifié ;

* jugé que M. [K] [H] ne disposait pas de la qualité de salarié au sein de la société [P] et compagnie ;

* débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

* débouté M. [K] [H] de sa demande d’indemnité légale de licenciement et indemnité compensatrice de congés payés ;

* débouté M. [K] [H] de ses demandes de rappel de salaires au titre de mars 2017, août 2017, octobre 2017 et de la période de février 2018 au 31 mai 2019 ;

* fixé au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.S. [P] et compagnie la somme de 1 490,64 euros au titre des rappels de salaire des mois de septembre, novembre et décembre 2017 et janvier 2018 ;

* débouté M. [K] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour paiement partiel des salaires ;

* dit ne pas avoir lieu ni à exécution provisoire ni à capitalisation des intérêts ;

Et statuant à nouveau,

– juger que M. [K] [H] a été salarié de la société [P] et compagnie du 23 mars 2016 au 31 mai 2019 ;

– juger que les fautes reprochées à M. [K] [H] sont prescrites ;

En conséquence,

– juger que le licenciement dont a fait l’objet M. [K] [H] est sans cause réelle et sérieuse;

– fixer la créance au passif de la société [P] et compagnie selon le détail suivant :

* 29 228,02 euros de rappel de salaires du mois de mars 2017 au 31 mai 2019 ;

* 2 922,80 euros de congés payés y afférents ;

* 9 126,50 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 7 822,71 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 782,27 euros de congés payés y afférents ;

* 1 629,72 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

* 3 700 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 2 000 euros de dommages-intérêts pour le paiement partiel de ses salaires ;

– condamner la SELARL Garnier-[D] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] et compagnie à remettre à M. [K] [H] les documents afférents à la rupture du contrat de travail conformes à la décision à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– déclarer le jugement opposable au CGEA Ile-de-France Est ;

– fixer les dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la société [P] et compagnie ;

– dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir;

– ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil.

Aux termes de ses uniques conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 22 juin 2022, la SELARL Garnier [D] prise en la personne de Maître [C] [D] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] et compagnie demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L. 1235-3 du Code du travail,

Vu les dispositions du Code de procédure civile,

Vu la Convention collective,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

A titre principal :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Meaux le 16 septembre 2021, en ce qu’il a débouté M. [K] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

si la Cour d’appel devait reconnaître à M. [K] [H] la qualité de salarié, et considérer que les faits fautifs sont prescrits :

– juger que le licenciement intervenu repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouter M. [K] [H] de ses demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– débouter M. [K] [H] de ses demandes de rappel de salaire pour la période du mois de mars 2017 au 31 mai 2019 et des congés payés y afférents ;

– juger ce que de droit en ce qui concerne l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents, l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité de congés payés;

-débouter en tout état de cause, M. [K] [H] des demandes indemnitaires fondées sur les dispositions de l’article L.1235-3 du Code du travail, ainsi que sur les demandes indemnitaires à hauteur de 2 000 euros pour dommages et intérêts pour le paiement partiel des salaires;

En tout état de cause,

– juger la décision à intervenir opposable à l’AGS dans les limites de sa garantie légale;

– Condamner Monsieur [K] [H] à payer à la SELARL Garnier [D] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] et compagnie la somme de 4 500 sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

– condamner Monsieur [K] [H] aux dépens, en ce compris les frais d’exécution.

Aux termes de ses dernières conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 11 janvier 2023, l’AGS CGEA [Localité 5] demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris ;

– le débouter de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

– débouter M. [K] [H] de ses demandes ;

A défaut,

Vu l’article L 1235-3 du code du travail,

– réduire à 0.5 mois le montant de son indemnité pour licenciement injustifié ;

– fixer au passif de la liquidation les créances retenues ;

– dire le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L 3253-19 du code du travail ;

Vu l’article L 3253-8 du code du travail,

– exclure l’astreinte de la garantie de l’AGS ;

– exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les articles L.3253-6, L.3253-8 et L.3253-17 du code du travail,

– dire le jugement opposable dans la limite d’un plafond toutes créances brutes confondues ;

Vu l’article L 621-48 du code de commerce,

– rejeter la demande d’intérêts légaux ;

– dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et, en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux dernières conclusions échangées en appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la qualité de salarié de M. [K] [H]

L’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. C’est à la partie qui invoque l’existence d’une relation contractuelle d’apporter la preuve du contrat de travail. En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

Le liquidateur conteste la qualité de salarié de M. [H] en faisant valoir que celui-ci est associé fondateur de la société avec 21% des actions, les autres actionnaires étant sa compagne, anciennement assistante maternelle et diplômée de la petite enfance et le père de cette dernière, artisan boucher, et qu’il était un ancien salarié de la société B28, restaurant qui exploitait précédemment le fonds de commerce racheté par la société [P] et Compagnie suite à sa liquidation judiciaire. Le liquidateur souligne que l’administrateur judiciaire a relevé que M. [H] a entrepris d’effectuer d’importants travaux de rénovation des cuisines, sans obtenir auparavant l’autorisation du bailleur, et qu’après avoir été engagé en qualité de serveur, il a, un mois plus tard, été promu au poste de directeur et gérait la salle du restaturant et l’ensemble des salariés.

Le liquidateur remarque qu’à la suite de la condamnation pénale de M. [H] et de l’interdiction qui lui a été faite d’entrer en contact avec Mme [P], cette dernière a été contrainte de reprendre la gestion totale de l’entreprise jusque là assurée par M. [H], dirigeant de fait de la société. Il retient ainsi que si le simple fait d’être associé dans une structure n’exclut pas l’existence d’un contrat de travail, en revanche, la participation active et le fait de se conduire en gérant de fait, excluent de facto la possibilité pour celui qui agit de la sorte de revendiquer la qualité de salarié.

Il soutient également que M. [H] se conduisait en gérant, ne recevait d’ordre de personne, prenait des décisions relatives aux travaux, engageait la société et apparaissait aux yeux des tiers comme le dirigeant de fait de la société. Selon lui, le contrat de travail dont se prévaut M. [H] est donc un contrat apparent et qu’en réalité aucun lien de subordination n’a existé entre lui et la société. Le liquidateur verse aux débats le rapport établi par l’administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Meaux, le 9 avril 2019.

L’AGS s’oppose à la reconnaissance de la qualité de salarié de M. [H].

M. [H] répond qu’il verse aux débats un contrat de travail écrit, des bulletins de salaires, un relevé de cotisation au régime des retraites des salariés, une convocation à un entretien préalable assorti d’une mise à pied conservatoire et une lettre de licenciement si bien qu’il rapporte la preuve d’un contrat apparent et qu’il incombe au liquidateur qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.

Il rappelle qu’il exerçait la fonction de Cadre Directeur d’établissement, fonction supposant une autonomie dans l’organisation de son travail, ce qui n’exclut pas le lien de subordination; qu’il devait respecter des ordres comme la remise en place de la salle; que Mme [P] elle-même a attesté de ses horaires qu’elle contrôlait. Il indique également que la société disposait bien d’un pouvoir de sanction à son encontre puisqu’elle l’a mis à pied puis licencié.

M. [H] fait enfin valoir qu’il a bien effectué une prestation de travail à l’occasion de laquelle il pouvait faire des heures supplémentaires et pour laquelle il recevait une rémunération. Il rappelle par ailleurs que l’existence d’un mandat social n’est pas exclusif d’un contrat de travail, que l’administrateur judiciaire a lui même précisé qu’il était salarié de la société et que sa qualité de concubin de la présidente n’empêche pas l’existence d’un contrat de travail.

Au cas d’espèce, le salarié verse notamment aux débats le contrat de travail en date du 1er novembre 2016, son avenant en date du 1er décembre 2016, des bulletins de salaire de janvier à juillet 2017, de septembre 2017 et de novembre et décembre 2017.

Ce faisant, M. [H] établit l’existence d’un contrat de travail apparent. Il appartient au liquidateur d’établir la preuve de son caractère fictif.

En l’état des éléments soumis à son appréciation, la cour constate que la prestation de travail et la rémunération sont établis.

Concernant le lien de subordination, la cour constate que le liquidateur ne verse aux débats aucun élément laissant penser que Mme [P], es qualité de Présidente de la société, n’exerçait aucun pouvoir de direction et ne donnait aucune instruction à M. [H], celui-ci se comportant comme un gérant de fait, étant remarqué qu’il entrait dans ses fonctions de directeur du restaurant de gérer les autres salariés; que sa qualité d’associé minoritaire est insuffisante à combattre la présomption de salariat comme son initiative supposée dans la rénovation des cuisines, laquelle a d’ailleurs été décidée alors qu’il ne bénéficait pas encore de contrat de travail. La qualité de compagne de la Présidente ne peut établir l’absence de lien de subordination.

Dès lors, le liquidateur échoue à apporter la preuve de l’absence d’un lien de subordination entre l’entreprise et M. [H].

La qualité de salarié de M. [H] est retenue. Le jugement est infirmé de ce chef.

2-Sur la demande de rappel de salaire

2-1Sur la demande de rappel de salaire, heures supplémentaires prévues au contrat de travail et primes de Mars à août 2017

Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a réglé les salaires dûs à son salarié.

Le salarié affirme-sans être contredit- ne pas avoir été réglé de l’intégralité de ses salaires, heures supplémentaires et primes sur la période considérée.

Il est en conséquence dû la somme de 5792,78 euros de ce chef, heures supplémentaires contractuelles et primes incluses, outre la somme de 579,27 euros au titre des congés payés afférents. Ces somme seront fixées au passif de la liquidation judiciaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2-1 Sur la demande de rappel de salaire, heures supplémentaires prévues au contrat de travail et des primes du 1er septembre 2017 à janvier 2018

Le salarié soutient qu’il n’a pas été payé au taux horaire minimal de 13,16 euros à compter de septembre 2017 compte tenu de sa classification et que le contrat de travail prévoyait un temps de travail de 179, 83heures par mois pour un salaire de 2393,99 euros. Il souligne par ailleurs que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été payées, en tout cas pas en totalité, de septembre 2017 à janvier 2018; qu’il n’a pas été payé de son salaire en octobre 2017 et qu’il lui reste dû un reliquat de salaire pour novembre et décembre 2017 et janvier 2018.

Il rappelle qu’il appartient à l’employeur d’établir qu’il a réglé à son salarié ses salaires.

Le liquidateur se contente d’indiquer que M. [H] n’a pas contesté sa rémunération pendant la durée du contrat.

La cour constate qu’aux termes du contrat de travail, les parties ont convenues d’un salaire d’un montant de 2393,99 euros pour une durée de travail de 179,83 heures mensuelles. Les bulletins de salaires versés aux débats permettent de constater que M. [H] était payé 13,03 euros de l’heure, soit la somme de 1976,26 pour 151,67 heures alors que la convention collective prévoit un taux horaire de 13,16 euros à compter de septembre 2017.

Il résulte des pièces versées aux débats que le salarié peut prétendre à un rappel de salaire, d’heures supplémentaires contractuelles en l’état des éléments apportés qui ne sont pas contredits par d’autre décompte de l’employeur chargé de les contrôler et de primes pour un montant de 3908,52 euros, outre celle de 390,85 au titre des congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire.

Le jugement est partiellement infirmé de ce chef.

2-2- Sur la demande de rappel de salaire pour la période de février 2018 au 31 mai 2019

La cour constate que le contrat de travail a été, du fait de l’incarcération de M. [H], suspendu du 18 février au 11 septembre 2018. Par ailleurs, au titre des obligations de son sursis avec mise à l’épreuve de deux ans, il a été fait interdiction à M. [H] d’entrer en contact avec Mme [P]. Ainsi, M. [H] ne peut valablement soutenir qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur à sa sortie de détention, puisque cela était impossible en raison de sa condamnation. Il est ainsi débouté de sa demande.

Le jugement et confirmé de ce chef.

3-Sur la demande de dommages et intérêts pour le paiement partiel des salaires

M. [H] ne justifie d’aucun préjudice de ce chef. Il est débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

4-Sur l’indemnité compensatrice de congés payés.

La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Au cas d’espèce, si au dispositif des conclusions de M. [H], il est sollicité la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la somme de 3700 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, il n’est présenté aucun moyen au soutien de cette demande dans le corps desdites conclusions.

M. [H] est débouté de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.

5-Sur le licenciement pour faute lourde de M. [H]

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L’employeur se plaçant sur le terrain d’un licenciement pour faute lourde doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise et qu’ils procèdent d’une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, intention qui doit être appréciée strictement et résulter d’éléments objectifs, étant en outre rappelé qu’aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

La lettre de licenciement en date du 31 mai 2019 est rédigée comme suit : « Monsieur,

Nous avons eu à déplorer à votre égard des agissements constitutifs d’une faute lourde dont nous voulions vous faire part lors de notre entretien prévu au 23 mai 2019.

Or, vous ne vous êtes pas présenté à votre entretien préalable et de ce fait nous n’avons pu recueillir vos explications et votre positionnement quant à votre licenciement.

En effet, le 17 février 2018 vous avez porté des coups physiques sur votre gérante et sur votre lieu de travail.

De tels agissements ont conduit à l’engagement d’une procédure pénale et à une interdiction de votre part d’approcher de la personne de votre Gérante, tant les faits sont d’une particulière gravité.

Cette conduite témoigne incontestablement d’une intention de nuire.

Elle met par ailleurs en cause la bonne marche du service.

De surcroît, nous avons découvert en fin d’année 2018, lors de l’élaboration des comptes annuels, un détournement de votre part des chèques destinés à payer des fournisseurs du café.

Il apparaît clairement que ce chèque a été utilisé pour le paiement d’un certain [E] [R], inconnu du registre des fournisseurs du café.

Encore une fois, cette conduite de votre part témoigne incontestablement de votre volonté de nuire à l’établissement.

Votre absence à votre entretien préalable ne nous a pas permis de recueillir des explications au sujet de ce chèque.

Pour toutes ces raisons nous avons décidé de vous licencier pour faute lourde.

Compte tenu de la nature de celles-ci et de ses conséquences, votre maintien dans l’entreprise est impossible.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement dès l’envoi de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis et de licenciement.

Vous pouvez vous présenter dans les meilleurs délais pour y retirer votre solde de tout compte, votre certificat de travail et les autres documents que nous devons vous remettre.

Veuillez agréer, Monsieur [H], l’expression de nos sentiments distingués ».

Le liquidateur n’établit pas les faits de détournement de chèques destinés au paiement des fournisseurs de café.

Les faits fautifs de violences volontaires sur la conjointe de M. [H], également Présidente de la société, sont parfaitement établis, M. [H] ayant été définitivement déclaré coupable de ces faits par jugement contradictoire à l’égard de M. [H], du tribunal correctionnel de Meaux en date du 9 avril 2018, étant souligné que Mme [P] s’était constituée partie civile.

En l’absence d’appel, la décision est devenue définitive le 29 avril 2018. Par ailleurs, la société a été avertie par le salarié de son incarcération le 2 mars 2018 et de sa libération le 11 septembre 2018.

La procédure de licenciement ayant été engagée plus de deux mois après que le jugement soit devenu définitif et que l’entreprise en a eu connaissance, ces faits ne pouvaient, en raison de leur prescription, valablement fonder la procédure de licenciement de M. [H], lequel est, dès lors, sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 2607,57 euros

6-1-Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salarié peut prétendre à trois mois de préavis en application de la convention collective. Il lui est dû de ce chef la somme de 7822,71 euros, outre la somme de 782,27 euros pour les congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-2-Sur l’indemnité légale de licenciement

En application de l’article R 1234-2 du code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité d’un montant de 1466,75 euros. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-3-Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l’employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable aux entreprises employant habituellement moins de 11 salariés, comme c’est le cas en l’espèce, M. [H] peut prétendre, au regard de son ancienneté dans l’entreprise, à une indemnité équivalente au minimum à 0,5 mois et au maximum à 3 mois de salaire brut.

En considération notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [K] [H], de son âge au jour de son licenciement ( 46 ans), de son ancienneté à cette même date ( 2 ans et 3 mois, compte tenu de la suspension du contrat de travail pendant la période d’incarcération), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 1303,78 euros ( 0,5 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d’ordonner la remise des bulletins de paie, d’une attestation Pôle Emploi, devenue France Travail et d’un certificat de travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans astreinte.

8–Sur la garantie des AGS

La garantie de l’ AGS CGEA [Localité 5] interviendra dans les termes et conditions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail.

Il sera ajouté au jugement de ce chef.

9-Sur les intérêts et leur capitalisation

La société a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 8 avril 2019, lequel a arrêté le cours des intérêts légaux.

M. [K] [H] a saisi le conseil de prud’hommes le 22 mai 2020.

Il n’y a en conséquence pas lieu à intérêts, ni à ordonner leur capitalisation.

10-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d’appel seront mis à la charge de la société en liquidation judiciaire.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit du liquidateur judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. [K] [H] de sa demande de rappel de salaire pour la période de février 2018 au 31 mai 2019, de sa demande de dommages et intérêts pour le paiement partiel des salaires, de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que M. [K] [H] avait la qualité de salarié de la société [P] et compagnie,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [K] [H],

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société [P] et compagnie les créances de M. [K] [H] comme suit :

-5792,78 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mars à août 2017 inclus, outre celle de 579,27 euros au titre des congés payés afférents,

-3908,52 euros à titre de rappel de salaire pour la période de septembre 2017 à janvier 2018 inclus, outre celle de 390,85 euros au titre des congés payés afférents,

-7822,71 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 782,27 euros au titre des congés payés afférents,

-1303,78 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1466,75 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

RAPPELLE que le jugement de redressement judiciaire a arrêté le cours des intérêts légaux,

ORDONNE à la SELARL Garnier [D] prise en la personne de Maître [C] [D] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] et compagnie de remettre à M. [K] [H] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification,

DIT n’y avoir à astreinte,

DIT que la garantie de l’AGS CGEA de [Localité 5] s’applique pour les créances précitées dans les conditions et limites légales et réglementaires,

DÉBOUTE la SELARL Garnier [D] prise en la personne de Maître [C] [D] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société [P] et compagnie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

MET les dépens d’appel à la charge de la société en liquidation judiciaire,

REJETTE toute autre demande.

Le greffier La présidente de chambre


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