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Le 8 juin 2016, [Y] [E] et [K] [P] ont commandé à la SAS AB Services une centrale aérovoltaïque pour leur maison à [Localité 1], pour un montant de 24 900 Euros. L’électricité produite devait être vendue à EDF. Pour financer l’installation, ils ont souscrit un emprunt auprès de la SA Cofidis. La SAS AB Services a pris en charge les démarches administratives et a réalisé l’installation en juillet 2016. M. [E] a signé plusieurs attestations confirmant la livraison et l’installation. En septembre 2016, ils ont remboursé le crédit par anticipation. En mars 2022, ils ont assigné la SAS Energygo (anciennement AB Services) et la SA Cofidis, demandant l’annulation du bon de commande et du contrat de crédit, invoquant des manœuvres frauduleuses et des irrégularités. Les défendeurs ont opposé la prescription de l’action. Le tribunal a déclaré l’action prescrite en juin 2023, condamnant [E] et [P] aux dépens. En mai 2024, ils ont interjeté appel, soutenant que leur action était recevable et que le bon de commande était nul. La SAS Energygo et la SA Cofidis ont contesté ces arguments, affirmant que le bon de commande était régulier et que les actions étaient prescrites.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
04 Septembre 2024
DB / NC
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N° RG 23/00731
N° Portalis DBVO-V-B7H- DEU3
———————
[Y] [E]
[K] [P]
C/
SAS ENERGYGO
SA COFIDIS
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 264-24
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
M. [Y] [E]
né le 6 juin 1950 à [Localité 8]
de nationalité française, retraité
Mme [K] [P]
née le 16 octobre 1951 à [Localité 7] (32)
de nationalité française, retraitée
domiciliés ensemble: [Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Elodie DRIGO, SELARL ALPHA CONSEILS, substituée à l’audience par Me Marie DULUC, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Océanne AUFFRET DE PEYRELONGUE, SELARL AUFFRET DE PEYRELONGUE, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX
APPELANTS d’un jugement du tribunal judiciaire d’AUCH en date du 26 juin 2023, RG 22/00377
D’une part,
ET :
SAS ENERGYGO
RCS LYON 525 176 228
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Romain LEHMANN, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Jessica BRON, SELARL C&S AVOCATS, avocate plaidante au barreau de LYON
SA COFIDIS
RCS LILLE METROPOLE 325 307 106
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et la SELARL HKH AVOCATS, avocats plaidants au barreau d’ESSONNE
INTIMÉES
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 03 juin 2024 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘
FAITS :
Selon bon n° 24771 signé hors établissement le 8 juin 2016, [Y] [E] et [K] [P] ont passé commande auprès de la SAS AB Services de la fourniture et de l’installation, sur une maison dont ils sont propriétaires à [Localité 1] (32), d’une centrale aérovoltaïque de production d’électricité, d’une puissance totale de 3 kWc composée de 12 panneaux de 250 Wc, d’un micro-onduleur, et d’un ballon thermodynamique de marque Thermor, pour un prix total de 24 900 TTC Euros.
L’électricité produite par la centrale était destinée à être vendue à EDF.
La SAS AB Services s’est engagée à prendre en charge tous les frais de raccordement ERDF liés à la pose des compteurs, au raccordement et à la mise en service de l’installation et a reçu mandat pour ce faire, ainsi que pour obtenir les autorisations administratives.
Pour financer cette installation, le même jour, M. [E] et Mme [P] ont souscrit un emprunt affecté ‘Sofemo’ d’une somme de 24 900 Euros auprès de la SA Cofidis, remboursable, après différé d’amortissement, en 132 mensualités de 254,94 Euros au taux débiteur annuel fixe de 4,57 %.
La SAS AB Services a déposé la déclaration préalable des travaux en mairie de [Localité 1] selon lettre du 17 juin 2016.
La livraison et la pose ont été effectuées en juillet 2016.
Le 11 juillet 2016, une ‘attestation de livraison – demande de financement’ destinée à la SA Cofidis a été signée par M. [E] après les termes suivants :
‘Je soussigné, certifie que le bien ou la prestation de l’offre de crédit de Eur 24 900 référencée ci-dessus, a été livrée ou exécutée, conformément au références portées sur l’offre, sur le bon de commande et/ou la facture.
(…)
Je demande, en conséquence, que Cofidis procède au décaissement de ce crédit, après expiration des délais convenus.’
Le même jour, M. [E] a signé une ‘attestation de livraison et d’installation, demande de financement’ et y a porté de sa main les mentions suivantes :
‘Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés.
En conséquence, je demande à Cofidis de bien vouloir procéder aux décaissement de ce crédit et d’en verser le montant directement entre les mains de la société AB Service.’
Le 24 août 2016, M. [E] a co-signé avec le représentant de la SAS AB Services une ‘attestation de fin de travaux’ dans laquelle il a indiqué (malgré une erreur matérielle sur le nom du préposé de la SAS AB Services) :
‘Je soussigné(e), Madame, Monsieur [E] [Y] / [P] [K], demeurant [Adresse 5], déclare que mon installation des produits suivants : KIT AERO PHOTOVOLTAIQUE 3KWC – 12 PANNEAUX + BALLON 200L, a bien été effectuée le 24 août 2016 par M. [E] de la société AB Services’.
M. [E] a également signé un questionnaire dans lequel il a qualifié d’excellents tous les postes d’intervention de la SAS AB Services.
La SAS AB Services a établi sa facture le 31 août 2016.
Le 22 septembre 2016, M. [E] et Mme [P] ont procédé au remboursement anticipé du crédit affecté.
L’attestation de conformité a été visée par le ‘Consuel’ le 10 octobre 2016.
Le raccordement de la centrale au réseau public de distribution de l’électricité a été effectué le 10 octobre 2016 et la centrale a été mise en service.
Le contrat de vente de l’électricité produite a été signé avec EDF et M. [E] et Mme [P] vendent cette électricité.
Par actes délivrés les 9 et 11 mars 2022, M. [E] et Mme [P] ont fait assigner la SAS Energygo (anciennement dénommée AB Services) et la SA Cofidis devant le tribunal de judiciaire d’Auch afin de voir prononcer l’annulation du bon de commande et en conséquence du contrat de crédit affecté avec restitution de la somme versée à la banque, au motif qu’ils ont été victimes de manoeuvres frauduleuses, que le bon de commande n’est pas conforme au code de la consommation, que la SAS AB Services n’a pas respecté ses obligations légales et que la banque a commis une faute en finançant une opération irrégulière et trompeuse.
La SAS Energygo et la SA Cofidis ont opposé la prescription des actions exercées à leur encontre.
Par jugement rendu le 26 juin 2023, le tribunal judiciaire d’Auch (pôle proximité et social) a :
– déclaré prescrite l’action intentée par M. [E] et Mme [P],
– condamné M. [E] et Mme [P] aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– constaté que l’exécution provisoire est sans objet compte tenu du rejet des prétentions des parties.
Le tribunal a estimé que M. [E] et Mme [P] pouvaient se rendre compte des nullités du bon de commande invoquées dès sa signature de sorte que la prescription de l’action en nullité avait commencé à courir le 8 juin 2016 et qu’il n’existait aucun engagement contractuel de rendement particulier de l’installation.
Par acte du 31 août 2023, [Y] [E] et [K] [P] ont déclaré former appel du jugement en désignant la SAS Energygo et la SA Cofidis en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont déclaré prescrite leur action et les ont condamnés aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée le 22 mai 2024 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 3 juin 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [Y] [E] et [K] [P] présentent l’argumentation suivante :
– Leur action en nullité du contrat principal pour dol est recevable :
* ce n’est que lorsqu’il ont fait expertiser leur installation, le 13 juillet 2021, puis lorsqu’ils ont consulté leur avocat, qu’ils ont pris conscience de l’absence de rentabilité de l’installation et des manoeuvres dont ils ont été victimes.
* la SAS AB Services a créé une situation trompeuse en les faisant s’engager sur un espoir de rembourser le crédit par la vente de l’électricité produite.
* les logos ‘GDF Suez’ et ‘EDF’ sur le bon de commande laissaient penser qu’il existait un partenariat avec ces sociétés.
– Leur action en nullité du contrat principal pour non-conformité du bon de commande au code de la consommation est également recevable :
* le point de départ de la prescription ne peut être fixé qu’au jour où le consommateur découvre les anomalies.
* la Cour de cassation a récemment indiqué que la mention des textes applicables ne permet pas au consommateur de confirmer les cas de nullité.
* l’article L. 121-1 du code de la consommation sur le point de départ du droit de rétractation n’est pas conforme au droit applicable issu de la loi du 20 décembre 2014 qui prévoit que le droit de rétractation peut être exercé à compter de la conclusion du contrat.
* tous les articles du code de la consommation ne sont pas reproduits au bon de commande de sorte qu’ils n’en avaient pas connaissance.
– Leur action à l’encontre de la banque ne peut être prescrite :
* le point de départ de la prescription ne peut être fixé au jour de la signature du contrat de prêt.
* il doit également être fixé à la date de l’expertise qu’ils ont fait réaliser.
– Le bon de commande est nul :
* préalablement au contrat, l’article L. 121-17 du code de la consommation impose la fourniture de tout un ensemble d’informations.
* il ne comporte qu’une désignation imprécise des biens proposés (absence de mention de la référence des panneaux, de leur poids, dimension, inclinaison, modèle, type, incorporation sur le bâti, marque du ballon, délai de livraison, possibilité de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique de l’article L. 121-34, disponibilité des pièces détachées, possibilité de s’adresser à un médiateur de la consommation).
* la charge des frais de raccordement et les travaux à effectuer ne sont pas précisés.
* le prix n’est pas ventilé entre les prestations et le coût de la main d’oeuvre.
* le formulaire de rétractation n’est pas conforme au formulaire type et il n’est pas précisé que le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
* aucune confirmation des nullités ne peut leur être opposée.
– Aucune information pré-contractuelle ne leur a été fournie.
– Ils ont été victimes d’un dol :
* il leur a été promis que la vente d’électricité permettrait de couvrir les mensualités de l’emprunt et même de dégager un reliquat.
* les factures de production attestent que l’objectif de vente n’a pas été atteint : 74,06 Euros de revenus par mois.
* leur rapport d’expertise atteste que l’opération n’est ni rentable ni amortissable.
– La nullité du contrat principal entraîne celle du contrat de crédit affecté.
– La banque est déchue du droit à restitution du capital prêté :
* elle n’a pas vérifié que le bon de commande contenait les mentions prévues par le code de la consommation, alors qu’il était frappé de nullité ce qui faisait obstacle au versement des fonds.
* elle ne s’est pas assurée que le contrat avait été correctement exécuté, l”attestation de fin de travaux’ étant très imprécise.
* ils ont été préjudiciés du fait qu’ils sont propriétaires d’une centrale qui n’a pas le rendement espéré.
Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :
– réformer le jugement sur les points de leur appel,
– prononcer la nullité du contrat qu’ils ont conclu avec la SAS Energygo pour irrégularités du bon de commande ou subsidiairement pour dol,
– en conséquence, prononcer la nullité du contrat de crédit à la consommation conclu avec la société Sofemo,
– condamner la SA Cofidis à leur payer la somme de 25 732,49 Euros correspondant au montant remboursé, sans compensation avec la restitution du capital prêté, le solde devant être actualisé au jour du jugement avec intérêts au taux légal à compter du remboursement, soit le 19 septembre 2016,
– condamner la SAS Energygo à procéder, à ses frais, à la dépose et la reprise du matériel, et dire qu’à défaut, ils pourront en disposer à leur guise,
– condamner la SAS Energygo à leur payer la somme de 24 900 Euros représentant le montant reçu de la part de la banque au titre du prix de vente et d’installation du matériel,
– condamner solidairement la SAS Energygo et la SA Cofidis à leur payer la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l’instance.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS Energygo présente l’argumentation suivante :
– Contexte du litige :
* elle est une professionnelle reconnue et ne peut être assimilée à certaines sociétés qui ont mauvaise réputation.
* des associations démarchent désormais des consommateurs en initiant un contentieux de masse dont le seul but est d’obtenir l’annulation du contrat de crédit, tout en continuant à jouir de l’installation sans en payer le prix.
* ces associations ont toujours recours aux mêmes intervenants.
– Les demandes présentées par M. [E] et Mme [P] sont irrecevables comme prescrites :
* la prescription applicable est celle de l’article 2224 du code civil.
* les prétendues irrégularités du bon de commande ainsi que les manoeuvres dont ils se prévalent sont contemporaines à la signature du bon de commande, date à laquelle la prescription a commencé à courir.
* ce point de départ ne peut être reporté au jour où les consommateurs déclarent s’être interrogés sur la régularité du bon de commande.
– Le bon de commande est régulier :
* il désigne les caractéristiques essentielles des biens (un livret technique ayant en outre été remis), le prix global de la prestation, le délai de livraison.
* le formulaire de rétractation contient toutes les mentions prévues par le code de la consommation avec précision sur la date limite d’exercice de ce droit.
* il vaut information pré-contractuelle des clients.
– Elle ne s’est livrée à aucune manoeuvre frauduleuse :
* elle n’a fait aucune promesse de rentabilité ou d’auto-financement.
* les autres explications présentées relèvent d’affirmations sans fondement.
* si ses clients n’avaient pas été satisfaits de l’installation, ils se seraient manifestés dès réception des premières factures de vente, et non 6 années après la signature du bon de commande.
* il ne peut lui être opposé les mentions de sites internet d’autres sociétés.
– Toute éventuelle nullité a été couverte :
* ses clients ont accepté la prestation et ont mis en fonctionnement la centrale qui produit de l’électricité depuis plusieurs années et ils ont remboursé l’emprunt par anticipation.
* ils avaient parfaite connaissance des dispositions du code de la consommation qu’ils invoquent car elles figurent au bon de commande.
– Toute éventuelle annulation doit donner lieu à restitution :
* dans ce cas, ses clients devraient restituer le matériel à leurs frais.
* elle ne pourrait être tenue de restituer les sommes versées à la banque qui ne peut exercer d’action récursoire à son encontre du fait que le contrat de crédit affecté a pris fin et que l’article 6 de la convention ‘crédit-vendeur’ s’y oppose.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– subsidiairement :
– rejeter les demandes présentées par M. [E] et Mme [P],
– très subsidiairement, en cas d’annulation du contrat de vente :
– condamner M. [E] et Mme [P] à restituer le matériel à leurs frais,
– rejeter les autres demandes formées à son encontre,
– en tout état de cause :
– condamner solidairement M. [E] et Mme [P] à lui payer la somme de 6 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
*
* *
Par conclusions d’intimées notifiées le 13 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA Cofidis présente l’argumentation suivante :
– L’action est prescrite :
* M. [E] et Mme [P] étaient en mesure de déceler les irrégularités qu’ils invoquent dès la signature du bon de commande.
* le tribunal a également justement déclaré prescrite l’action fondée sur le dol.
– Aucun dol n’est prouvé :
* le bon de commande mentionne expressément qu’il n’existe aucun engagement sur la rentabilité de l’installation.
* un rapport d’expertise non contradictoire réalisé ne peut servir de preuve à son encontre.
– Le bon de commande est régulier : il contient toutes les mentions prévues par le code de la consommation.
– Toute éventuelle nullité a été confirmée par M. [E] et Mme [P].
– Subsidiairement, en cas d’annulation, M. [E] et Mme [P] devront lui restituer le capital emprunté :
* l”attestation de fin de travaux’ fait présumer la livraison et la bonne réalisation de la prestation.
* elle ne pourrait alors restituer que les intérêts.
* il ne lui appartenait pas de vérifier le raccordement de l’installation.
* dès lors que la centrale aérovoltaïque fonctionne, ils n’existe aucun préjudice en lien avec la libération des fonds.
– Très subsidiairement, la SAS Energygo devra l’indemniser : elle devra lui rembourser le montant du capital qu’elle a versé entre ses mains et l’indemniser des intérêts qu’elle n’a pas perçus.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– subsidiairement :
– rejeter les demandes présentées par M. [E] et Mme [P],
– très subsidiairement en cas d’annulation des conventions :
– limiter sa condamnation au remboursement des intérêts perçus, le capital lui restant acquis,
– encore plus subsidiairement,
– condamner la SAS Energygo à lui payer la somme de 25 725,23 Euros, ou 24 900 Euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– en tout état de cause :
– condamner la SAS Energygo à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [E] et Mme [P],
– condamner solidairement M. [E] et Mme [P] à lui payer la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
MOTIFS :
1) Sur l’action en nullité du bon de commande pour non-respect des dispositions du code de la consommation :
Aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, M. [E] et Mme [P] ont eu toute possibilité de vérifier, ou de faire vérifier par un professionnel du droit, dès la signature du bon de commande le 8 juin 2016, s’il était ou non conforme aux dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
Les éventuelles irrégularités qui pouvaient affecter ce bon de commande, à les supposer établies, étaient d’autant plus vérifiables dès la signature du bon de commande, le 8 juin 2016, que les conditions générales de vente faisaient référence, peu important que ce ne soit pas de façon totalement complète, à une ‘réglementation en matière de contrats conclus dans le cadre du démarchage à domicile’ en citant des extraits du code de la consommation, de sorte que l’attention de M. [E] et Mme [P] était attirée sur l’existence d’une telle réglementation.
Or, ils n’ont assigné en justice leur co-contractant qu’en mars 2022, laissant ainsi s’écouler le délai de prescription quinquennale.
Le jugement qui a déclaré cette action prescrite doit être confirmé.
2) Sur l’action en nullité du bon de commande pour dol :
a : prescription de l’action :
Vu l’article 2224 du code civil ci-dessus cité,
M. [E] et Mme [P] déclarent avoir été victimes d’une tromperie sur la rentabilité de la centrale photovoltaïque.
C’est par conséquent à compter de la date où ils ont pu se rendre compte de cette tromperie, à la supposer établie, que le point de départ de la prescription de leur action doit être fixé, c’est à dire le 16 novembre 2017, date à laquelle ils ont reçu la facture d’EDF mentionnant un prix d’achat de l’électricité de 934,01 Euros pour la période du 17 novembre 2016 au 16 novembre 2017, c’est à dire la première année de production d’électricité de la centrale photovoltaïque.
C’est à partir de cette date qu’ils ont été en mesure de connaître la moyenne annuelle du prix de vente de l’électricité qu’ils produisaient.
Dès lors, leur assignation de mars 2022 a été délivrée avant que le délai de prescription quinquennale ne soit écoulé et l’action sur ce fondement est recevable.
Le jugement qui a déclaré cette action irrecevable doit être infirmé.
b : au fond :
Aux termes de l’article 1137 du code civil dans sa rédaction applicable antérieurement à la loi du 20 avril 2018, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges ; constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé.
Il en résulte en l’espèce qu’il appartient à M. [E] et Mme [P] d’apporter la preuve qu’ils ont été victimes de manoeuvres les trompant sur la rentabilité de la centrale, les ayant incités à contracter.
En premier lieu, le bon de commande contient mention de la puissance totale de la centrale photovoltaïque (3 kWc) mais aucune mention de la production de l’installation, et sa signature n’a été précédée d’aucune simulation attestant d’un rendement de nature à couvrir intégralement le remboursement de l’emprunt.
Il n’est ainsi pas établi que le consentement de M. [E] et de Mme [P] était déterminé par le fait que le prix de vente de l’électricité devait équilibrer le remboursement de l’emprunt, ce qui ne résulte que d’affirmations formées a posteriori plusieurs années après la mise en service de la centrale.
La SAS AB Service ne pouvait d’ailleurs s’engager sur le prix de vente de l’électricité produite alors que ce tarif est fixé par l’autorité réglementaire et qu’il est susceptible de varier.
Au contraire, les conditions générales de vente, dont les appelants ont déclaré avoir pris connaissance en signant le bon de commande, mentionnent avec précision et de façon exacte dans leur article 8 :
‘Le client reconnaît avoir été informé par le vendeur de ce que le tarif de rachat par EDF de l’électricité produite par son installation photovoltaïque est établi trimestriellement par la Commission de Régulation de l’Energie et qu’il n’est donc pas garanti par AB Services : c’est la date de demande de raccordement adressée par le client à ERDF qui détermine le trimestre dans lequel est fixé le tarif d’achat. Une fois sécurisé, le tarif d’achat du projet du client n’est plus affecté par la dégressivité trimestrielle. Il est néanmoins revalorisé chaque année selon un coefficient.
Le tarif d’achat du kWh par EDF figurant sur le contrat d’achat du client est le tarif d’achat en vigueur de la signature dudit contrat.
Le client reconnaît être informé que la production d’énergie dépend de nombreux paramètres et en conséquence que le vendeur ne saurait garantir un quelconque volume ou rendement puisque ne pouvant maîtriser lui-même l’état d’ensoleillement.’
Aucune rentabilité financière donnée n’est ainsi entrée dans le champ contractuel et, loin d’avoir été trompés, M. [E] et Mme [P] ont été exactement informés, d’une part, que le vendeur ne pouvait s’engager sur un tarif précis d’achat de l’électricité produite et, d’autre part, de variations de la production de la centrale.
En outre, dans le ‘questionnaire de satisfaction client’, M. [E] avait indiqué avoir eu les explications utiles pour l’utilisation du matériel.
En deuxième lieu, les appelants déclarent invoquer une ‘expertise sur investissement’ réalisée par ‘[M] [J], expertise mathématique et financière’.
Outre que ce rapport n’a aucun caractère contradictoire, qu’il est établi par une personne dont les qualifications exactes ne sont pas justifiées, et qu’il prend pour acquis qu’il y aurait une promesse d’autofinancement, ce qui est faux, il procède à des calculs en intégrant le remboursement du crédit affecté sur toute la durée initiale pour laquelle il a été souscrit, soit une charge d’emprunt de 8 758 Euros.
Il ne tient pas compte que le crédit affecté a été remboursé par anticipation pour 25 726,23 Euros outre des frais de 259 Euros et des intérêts de 79,23 Euros, soit pour un total de 26 064,23 Euros, ce qui réduit le coût de l’emprunt à 1 164,23 Euros.
Dès lors, le coût réel pour le client tel que calculé n’est pas de 28 858 Euros, mais de 21 264 Euros (déduction faite du crédit d’impôt), soit une centrale amortie, en tenant compte des économies générées par le système aérovoltaïque et le ballon thermodynamique, sur un délai de 12 ans et non de 17 ans.
Loin de caractériser un défaut de rentabilité de l’installation, ces calculs attestent au contraire de son amortissement sur une durée de 12 ans, ce qui est tout à fait acceptable.
En troisième lieu, il n’est en rien démontré que les logos des sociétés qui figurent en bas du bon de commande, et qui sont effectivement en relations habituelles avec la SAS AB Services, auraient un caractère trompeur.
Finalement, non seulement M. [E] et Mme [P] ont été exactement informés sur le matériel acquis, mais il est amortissable sur une durée normale.
Il n’existe aucun dol.
L’action en nullité sur ce fondement doit être rejetée.
3) Sur l’action en responsabilité exercée par M. [E] et Mme [P] à l’encontre la SA Cofidis pour avoir fautivement libéré les fonds :
Vu l’article 2224 du code civil,
Les appelants reprochent à la banque d’avoir versé les fonds sans vérification de la régularité du bon de commande, ni que le contrat conclu avec la SAS AB Service avait été entièrement exécuté, c’est à dire qu’ils lui font grief d’avoir versé les fonds à cette société alors qu’elle n’aurait pas, selon eux, dû le faire.
Mais les fonds ayant été versés par la SA Cofidis à la SA AB Services le 11 septembre 2016, sur instruction de M. [E], c’est à compter de cette date que le délai de prescription quinquennale de l’action en responsabilité à l’encontre de la banque doit être fixé.
Dès lors, l’action exercée en mars 2022 se heurte à l’écoulement du délai de prescription quinquennale.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Enfin, compte tenu du caractère abusif des actions intentées, qui visent indirectement à acquérir et conserver gratuitement, au détriment des professionnels, des matériels qui fonctionnement parfaitement, il sera alloué en équité à chacune des intimées la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en indemnisation des frais qu’elles ont dû assumer pour assurer leur représentation en justice.
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en nullité du bon de commande du 8 juin 2016 pour dol ;
– STATUANT A NOUVEAU sur le point infirmé,
– DÉCLARE l’action en nullité du bon de commande du 8 juin 2016 pour dol recevable, mais statuant au fond, la rejette ;
– CONDAMNE solidairement [Y] [E] et [K] [P] à payer à la SAS Energygo et à la SA Cofidis, la somme de 3 000 Euros, chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE solidairement [Y] [E] et [K] [P] aux dépens de l’appel.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,