Examen de la validité d’une clause pénale en lien avec la force majeure et ses implications contractuelles

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Examen de la validité d’une clause pénale en lien avec la force majeure et ses implications contractuelles

Le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société MLR le 13 septembre 2018, qui a été convertie en liquidation judiciaire le 23 octobre 2018. La société BPCE LEASE a déclaré une créance chirographaire de 107 010,29 euros, comprenant des loyers impayés, une indemnité de résiliation et une valeur résiduelle. Le juge commissaire a admis une créance de 15 225,04 euros et rejeté le reste, considérant que l’indemnité de résiliation était excessive. BPCE LEASE a fait appel de cette décision, demandant l’admission de la totalité de sa créance. De son côté, le liquidateur judiciaire a demandé le rejet des demandes de BPCE LEASE et la fixation de sa créance à 15 223,57 euros. La société MLR n’a pas constitué avocat et un procès-verbal de recherches infructueuses a été établi. La décision sera rendue par défaut, et le dossier a été fixé pour une audience le 5 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
20/09292
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT MIXTE

DU 05 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/206

Rôle N° RG 20/09292 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGKQL

S.A. BPCE LEASE (ANCIENNEMENT NATIXIS LEASE)

C/

S.A.R.L. MLR

S.A.S. LES MANDATAIRES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Ludivine BENEFICE

Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge commissaire d’Aix-en-Provence en date du 22 Septembre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2020005247.

APPELANTE

S.A. BPCE LEASE (ANCIENNEMENT NATIXIS LEASE)

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 379 155 369, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège,

représentée par Me Ludivine BENEFICE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEES

S.A.R.L. MLR

société à responsabilité limitée MLR, à l’enseigne ETAL VIANDES, immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 452 838 634, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège

défaillante

S.A.S. LES MANDATAIRES

prise en la personne de Maître [E] [H], es-qualité de mandataire judiciaire en charge de la liquidation judiciaire de la SARL MLR, désigné à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce d’Aix en Provence en date du 13 septembre 2018, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE de la SCP PORTEU DE LA MORANDIERE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

FAITS PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société MLR et désigné Me [E] [H] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 23 octobre 2018, la même juridiction a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire et désigné Me [H], liquidateur judiciaire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 octobre 2018, se prévalant d’un contrat de crédit-bail mobilier, la société BPCE LEASE (anciennement NATIXIS LEASE) a déclaré au passif de la liquidation judiciaire une créance chirographaire de 107 010, 29 euros se décomposant ainsi qu’il suit :

-3 006, 94 euros au titre d’un loyer impayé,

-101 985, 25 euros au titre de l’indemnité de résiliation,

-2 018, 10 euros au titre de la valeur résiduelle.

Par ordonnance rendue le 22 septembre 2020 sur contestation du liquidateur judiciaire, le juge commissaire du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a notamment :

– admis la créance à hauteur de 15 225, 04 euros à titre chirographaire,

– rejeté la créance à hauteur de 91 786, 72 euros.

Pour prendre sa décision, il a retenu que :

– l’indemnité de résiliation de 101 985, 25 euros constitue la quasi totalité du montant de la déclaration,

– l’indemnité de résiliation constitue une clause pénale qui est manifestement excessive au regard du nombre de loyers réglés pendant l’exécution du contrat.

La société BPCE LEASE a fait appel de cette ordonnance le 29 septembre 2020.

Dans ses dernières écritures, notifiées par RPVA le 13 mai 2024, elle demande à la cour de :

– débouter la société MLR et Me [H] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

– réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance frappée d’appel,

– fixer et admettre sa créance au passif de la société MLR à hauteur de la somme de 107 010, 29 euros,

– condamner la société MLR et Me [H] ès qualités aux entiers dépens et à lui payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, signifiées par RPVA le 16 février 2021, la SAS LES MANDATAIRES, prise en la personne de Me [E] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire demande à la cour de constater un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et de :

– rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de la société BPCE LEASE,

– fixer la créance chirographaire de l’appelante au passif de la société MLR à la somme de 15 223, 57 euros,

– condamner l’appelante aux dépens et à lui payer 2 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MLR a fait l’objet d’un procès-verbal de recherches infructueuse le 16 novembre 2021, elle n’a pas constitué avocat.

La présente décision sera rendue par défaut en application de l’article 474 du code de procédure civile.

Le12 avril 2024, les parties ont été informées que le dossier était fixé au 5 juin 2024.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 mars 2024 avec rappel de la date de fixation.

Il sera renvoyé, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens respectifs.

MOTIFS

1) Il n’est pas contesté par les parties que la clause objet du litige constitue une clause pénale et la seule question en suspens entre elles est de savoir si elle est manifestement excessive.

2) Dans ses écritures, la SAS LES MANDATAIRES conteste la possibilité même d’appliquer la clause pénale au cas d’espèce en faisant valoir que l’indemnité de résiliation est exclue dans la mesure où le contrat a été rompu par l’effet de la force majeure et non en raison de la défaillance de la société MLR.

Elle affirme que la convention ayant lié les parties, dont il n’est pas contesté qu’elle a été résiliée sans précision de la moindre date, prévoit elle-même le cas de force majeure. Elle prétend également que la bailleresse a été indemnisée par son assureur pour la perte du matériel loué.

La société BPCE LEASE soutient qu’elle n’a pas été indemnisée et n’oppose pas réellement d’argument au moyen tiré de la force majeure tout en sollicitant l’application pure et simple de la clause litigieuse.

Rechercher si l’incendie qui a frappé les locaux commerciaux de la société MLR constitue ou non un évènement de force majeure, si la force majeure exclut l’application de l’article 8 du contrat et si une indemnité d’assurance a été versée, impose de trancher des contestations sérieuses qui sont de nature à remettre en cause l’existence même de la créance.

Or, conformément à l’article L.624-2 du code de commerce, ces contestations sérieuses échappent au pouvoir juridictionnel du juge commissaire.

En conséquence, comme le prévoit l’article R.624-5 du code de commerce ;

– l’ordonnance frappée d’appel sera infirmée en ce que le juge commissaire a retenu sa compétence pour trancher le litige concernant l’examen du montant de la clause pénale,

– la société BPCE LEASE sera invitée à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision et devra en justifier auprès du greffe de la juridiction de céans, à peine de forclusion.

A défaut, considérant l’étendue de la saisine de la cour, il sera fait droit à la demande de la SAS LES MANDATAIRES réclamant que la créance de la société BPCE LEASE soit fixée à la somme de 15 223, 57 euros.

Dans l’attente, il sera sursis à statuer sur le fond du dossier et le sort des dépens et l’examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles seront réservés.

Le dossier sera renvoyé à l’audience d’incident du JEUDI 6 MARS 2025 à 08 h 35 en salle 7 au palais Monclar pour examen de la situation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, après débats publics, par arrêt mixte, rendu par défaut et mis à disposition au greffe ;

Infirme l’ordonnance frappée d’appel en ce que le juge commissaire a retenu sa compétence pour trancher le litige relatif à l’application de la clause pénale ;

Décline la compétence du juge commissaire pour trancher le litige relatif à l’application de la clause pénale ;

Invite, à peine de forclusion, la société BPCE LEASE à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision et à en justifier auprès du greffe de la juridiction de céans ;

Précise qu’en cas de forclusion il sera fait droit à la demande de la SAS LES MANDATAIRES tendant à ce que la créance de la société BPCE LEASE soit fixée à la somme de 15 223, 57 euros ;

Sursoit à statuer sur le fond du dossier dans l’attente de la solution définitive qui sera rendue par la juridiction saisie ;

Renvoie la cause et les parties à l’audience d’incident du JEUDI 6 MARS 2025 à 08 h 35 en salle 7 au palais Monclar pour examen de la situation ;

Réserve, dans l’attente, le sort des dépens et l’examen des prétentions formulées au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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