Conditions de preuve et exécution des obligations contractuelles dans le cadre d’un contrat d’architecture

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Conditions de preuve et exécution des obligations contractuelles dans le cadre d’un contrat d’architecture

M. [D] [V] et M. [P] [L] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], représenté par la SASU Cabinet BELLEROCHE, devant le tribunal judiciaire de Paris. Ils réclament le paiement de 7010,36 euros TTC, avec des pénalités de retard de 3,5/1000ème par jour, ainsi que des intérêts légaux depuis une mise en demeure datée du 20 novembre 2020. Ils demandent également 4000 euros de frais irrépétibles et la prise en charge des dépens, avec exécution provisoire.

Les travaux de ravalement des façades et de rénovation de la couverture de l’immeuble ont été réalisés et réceptionnés le 13 avril 2022. Malgré l’envoi de trois factures, seules deux ont été réglées, laissant un solde impayé de 7010,36 euros. Le syndicat des copropriétaires n’a pas comparu à l’audience du 21 mai 2024. La décision sera rendue le 5 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/01984
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Syndicat de copropriété [Adresse 1]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Sabine GICQUEL

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 24/01984 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4OID

N° MINUTE :
5 JTJ

JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024

DEMANDEURS
Monsieur [D] [V], demeurant [Adresse 3]

Monsieur [P] [L], demeurant [Adresse 3]
représentés par Me Sabine GICQUEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0003

DÉFENDERESSE
Syndicat de copropriété [Adresse 1], dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, statuant en juge unique
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 05 septembre 2024
PCP JTJ proxi fond – N° RG 24/01984 – N° Portalis 352J-W-B7H-C4OID

EXPOSE DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice en date du 9 novembre 2023, M. [D] [V] et M. [P] [L] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 1], représenté par son syndic la SASU Cabinet BELLEROCHE, devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 7010,36 euros TTC, augmentée d’une indemnité de 3,5/1000ème par jour de retard, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2020 ou à défaut à compter de l’assignation, outre 4 000 euros de frais irrépétibles et aux entiers dépens, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 mai 2024, à laquelle M. [D] [V] et M. [P] [L], représentés par leur conseil, ont sollicité le bénéfice de leur acte introductif d’instance.

Au visa des articles 1103, 1104, 1353 et 1710 du Code civil, M. [D] [V] et M. [P] [L] exposent avoir réalisé une mission portant sur le ravalement des façades et la rénovation de la couverture de l’immeuble situé [Adresse 1], les travaux ayant été réceptionnés le 13 avril 2022. Ils exposent avoir adressé au défendeur trois factures, dont seules deux ont été réglées, à l’issue de l’envoi de plusieurs mises en demeure. La somme de 7010,36 euros TTC, majorée des pénalités de retard contractuellement prévues, demeurerait impayée.

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble n’a pas comparu ni personne pour lui.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement

En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Par ailleurs, selon l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement qui a produit l’extinction de son obligation.. Il ressort par ailleurs de l’article 1359 du code civil que la preuve d’une obligation dont le montant est supérieur à 1 500 euros se fait par un écrit.

Il résulte du rappel de ces textes de droit commun que la charge de la preuve de l’existence d’un contrat incombe à celui qui s’en prévaut et qu’il appartient ainsi à la personne qui demande le paiement d’une facture d’une prestation effectuée d’établir qu’elle a été commandée ou acceptée par le client quel qu’il soit (un particulier, une personne morale, un non-professionnel ou un professionnel).

En l’espèce, M. [D] [V] et M. [P] [L] versent aux débats :
Un contrat d’architecte signé par le représentant du SDC le 5 décembre 2015 et par le représentant du cabinet d’architectes « [D] [V] et [P] [L] » le 13 novembre 2015, portant sur le ravalement de façades et la rénovation de la toiture de l’immeuble du défendeur, comprenant deux phases : une phase d’étude, prévoyant une rémunération forfaitaire de 3000 euros HT ainsi que des indemnités de retard de 3,5/10.000ème du montant hors taxe par jour de retard, une phase de direction des exécutions, rémunérée au pourcentage du montant total des travaux : 7% pour un montant de travaux supérieur à 300.000 euros, 7,5% pour un montant compris entre 200.000 et 300.000 euros, 8% pour un montant compris entre 100 000 et 200 000 euros, et 8,5% pour un montant inférieur à 100.000 euros, honoraires assortis des mêmes pénalités de retard que celles prévues pour la phase 1;un procès-verbal de réception des travaux de gros œuvre, daté du 13 avril 2022, outre un procès-verbal de levée de réserves concernant ce lot, signé par les parties les 24 et 28 octobre 2022,un procès-verbal de réception des travaux de peinture, comportant des réserves, daté du 13 avril 2022,un procès-verbal de réception des travaux de serrurerie, comportant une réserve, daté du 13 avril 2022,une note d’honoraires n° H. 6439, datée du 8 janvier 2020, facturant une somme forfaitaire de 3000 euros HT au titre de la phase 1, et, au titre de la phase 2, une somme correspondante à 7,5% de 283 820 euros, correspondant, selon ladite facture, au montant total des situations vérifiées, soit un total de 7010,36 euros TTC, après déduction d’une somme de 17 913,45 euros HT, manifestement déjà réglée au titre de la facture « H 6331 »,trois courriers de mise en demeure de régler la somme de 7010,36 euros HT datées du 10 juin 2020, 11 juillet 2020, et 20 novembre 2020.
Le contrat conclu entre les parties le 5 décembre 2015 prévoit :
s’agissant de la phase d’étude, que les honoraires, d’un montant forfaitaire de 3000 euros HT, sont dus à la remise de l’analyse des offres,que la phase 2, dont il est précisé qu’elle est à approuver à l’issue de l’AG votant les travaux, comprend les missions suivantes :dossier de déclaration préalablemise au point des marchés de travauxdirection de travauxassistance aux opérations de réceptiondossier des ouvrages exécutésachèvement de la mission.
S’agissant de la « mise au point des marchés de travaux », il est précisé, à article 6.2, que le maître d’ouvrage et l’entrepreneur retenu par lui signent les pièces du marché et les éventuels avenants. Le maître d’ouvrage convient avec l’architecte de la date d’ouverture du chantier.

S’agissant de la « direction de travaux », il est précisé à l’article 6.3.2, que le maître d’ouvrage, après s’être assuré de son droit à construire et de la levée de toute contrainte qui pourrait s’opposer à l’intervention de l’entrepreneur sur le site, signe l’ordre de service ordonnant l’ouverture du chantier ; il signe également éventuellement les éventuels avenants aux marchés de travaux. L’architecte rédige et signe les ordres de service pour l’exécution des travaux des différents corps d’état (…) il établit les propositions de paiement, vérifie les mémoires établis par les entreprises dans un délai de 45 jours à compter de leur réception, établit le décompte définitif en fin de chantier et propose le règlement pour solde.

S’agissant de l’assistance aux opérations de réception, il est prévu, à l’article 6.3.3, que l’architecte assiste le maître d’ouvrage pour la réception des travaux, en organisant une visite contradictoire des travaux en vue de leur réception, et rédigeant les procès-verbaux et la liste des réserves éventuellement formulées par le maître d’ouvrage ; ce dernier signe les procès-verbaux. Postérieurement à leur réception, l’architecte suit le déroulement des reprises liées aux réserves et constate, à la date prévue, la levée des réserves en présence du maître d’ouvrage et de l’entrepreneur.

L’article 6.3.4 prévoit que l’architecte constitue le DOE, les pièces qui le constituent devant être transmises au maître d’ouvrage au fur et à mesure de leur réception et au plus tard dans le délai fixé au CCP.

Enfin, l’article 6.3.5 prévoit l’achèvement de la mission, en stipulant que la mission de l’architecte s’achève à la plus tardive des deux dates suivantes : soit à la levée des éventuelles réserves, soit à la remise du DOE au maître d’ouvrage.

Les responsabilités des parties et notamment celles de l’architecte sont prévues à l’article 7.2. L’article 7.2.2 prévoit notamment que l’architecte fournit au maître d’ouvrage toutes les informations utiles sur le déroulement de sa mission. A chaque étape de l’avancement des études, il informe le maître d’ouvrage de toute évolution significative du coût de l’opération. Au cours des travaux, et sauf urgence liée à la sécurité des personnes ou des biens, toute décision entraînant un supplément de dépenses fait l’objet d’un accord du maître d’ouvrage.

S’agissant de la rémunération de l’architecte au titre de la phase 2, elle est prévue à l’article 8, en vertu duquel l’assiette des travaux auxquels s’appliquent les honoraires comprend l’ensemble des mémoires actualisés ou révisés Hors Taxes, nécessaires à l’exécution de la construction pour l’établissement du certificat de conformité et de la réception des travaux. Il est prévu que le versement des honoraires seront versés à l’architecte après présentation d’une demande d’acompte en deux exemplaires dans un délai de 30 jours pendant l’exécution des travaux par acomptes successifs (pourcentage des situations de travaux).

Enfin, il résulte de l’article 9.3 du contrat que « toute augmentation de la mission, toute remise en cause du programme ou du calendrier de réalisation (…), toute prestation supplémentaire consécutive à la défaillance d’une entreprise donne lieu à l’établissement d’un avenant ».

En l’espèce, il sera constaté qu’aucun des documents produits aux débats ne permet d’établir l’existence d’un quelconque accord des parties s’agissant de la phase 2. En effet, cette phase du contrat, libellée « direction des exécutions de travaux », y était prévue de façon conditionnelle, la mention « à approuver à l’issue de l’AG approuvant les travaux » la rendant incertaine. L’ordre de service prévu à l’article 6.3.2 du contrat n’est pas versé aux débats.

Les procès-verbaux de réception des travaux, incomplets, dès lors qu’ils ne sont produits que pour les lots n°1, 3, 4 et 5, certains d’entre eux comportant des réserves dont il n’est pas établi qu’elles ont été levées, sont insuffisants à suppléer cette carence, dès lors que, contrairement à ce que prévoyait l’article 6.3.3 du contrat conclu entre les parties, ils sont signés par l’architecte et non par le maître d’ouvrage.

Aucune pièce ne permet par ailleurs d’établir le montant total des travaux convenus à l’origine et à l’issue du chantier (PV d’Assemblée Générale approuvant les travaux, CCAP, Ordre de Service ou avenant). Le « montant total des travaux marchés », qui, au vu de la facture litigieuse, semblait s’élever à 254 089,56 euros HT, comme le « montant des situations vérifiées », dont il est indiqué qu’il s’élève à 283 820 euros HT, ne sont en effet justifiés par aucune autre pièce que la facture dont le paiement est poursuivi.

Le juge n’est en conséquence pas mis en mesure de vérifier l’exactitude de la somme réclamée, dont l’exigibilité n’est au demeurant pas certaine, les demandes d’acompte prévus à l’article 9.1 du contrat qui déterminent le point de départ à compter duquel le délai de 30 jours dans lequel le paiement doit intervenir n’étant pas produites.

Aucune pièce ne permet d’attester de l’achèvement de la mission de l’architecte (DOE et/ou PV de levée des réserves prévues à l’article 6.3.5) et les demandeurs n’expliquent pas pourquoi la facture dont le paiement est réclamée est datée du 8 janvier 2020, alors que les travaux n’ont été réceptionnés que le 13 avril 2022.

Enfin, si l’accord entre les parties, s’agissant de la mission d’étude correspondante à la phase 1, d’un montant forfaitaire de 3000 euros HT, est établi par ledit contrat, il résulte de la facture n° H. 6439 que du montant total des honoraires facturés, qui comprenait la somme forfaitaire de 3000 euros HT, a été déduite la somme 17 913,45 euros HT, au titre, manifestement, d’une facture libellée H. 6331 qui n’est pas versée aux débats, de sorte qu’il est impossible de savoir si elle n’a pas déjà été réglée, cela posant d’autant plus de questions que le contrat prévoyait que cette somme forfaitaire serait réglée à la remise de l’analyse des offres.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il sera constaté que la créance est incertaine, tant du point de vue de son montant que du point de vue de son exigibilité.

M. [D] [V] et M. [P] [L] ayant échoué à apporter la preuve de l’obligation dont ils sollicitent l’exécution, ils seront déboutés de leur demande de condamnation en paiement.

Sur les demandes accessoires

Les demandeurs, qui succombent, supporteront les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

La demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L’exécution provisoire est sans objet.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal judiciaire statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe par réputé contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande en paiement de la somme de 7010,36 euros TTC au titre de la facture n° H. 6439,

CONDAMNE M. [D] [V] et M. [P] [L] aux dépens,

REJETTE la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

DIT l’exécution provisoire sans objet.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le président.


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