Préjudice d’anxiété des salariés d’ERDF

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Préjudice d’anxiété des salariés d’ERDF

Le syndrome d’anxiété des salariés du secteur de l’énergie ne peut être indemnisé si ces derniers ne justifient pas d’une exposition générant un risque élevé de développer une pathologie grave. L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Résumé de l’affaire

Quatre employés de la société EDF-GDF, devenue ERDF puis Enedis, ont été engagés entre 1975 et 1983. Ils ont pris leur retraite entre 2010 et 2016 et ont ensuite saisi la juridiction prud’homale pour demander réparation de leur préjudice d’anxiété.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

4 septembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-20.917
Chambre sociale

Formation de section / Publié au Bulletin /
SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 septembre 2024

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 810 FS-B

Pourvois n°
R 22-20.917
T 22-20.919
U 22-20.920
V 22-20.921 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

1°/ M. [B] [F], domicilié [Adresse 6],

2°/ M. [J] [T], domicilié [Adresse 1],

3°/ M. [K] [P], domicilié [Adresse 2],

4°/ [U] [N], ayant été domicilié [Adresse 4],

5°/ Mme [C] [M], veuve [N],

6°/ M. [A] [N],

7°/ Mme [S] [N],

8°/ Mme [L] [N],

tous quatre domiciliés [Adresse 4], agissant en qualité d’ayants droit de [U] [N], décédé
ont formé respectivement les pourvois n° R 22-20.917, T 22-20.919, U 22-20.920 et V 22-20.921 contre quatre arrêts rendus le 1er juillet 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges les opposant à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.

Partie intervenante volontaire :

la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT, dont le siège est [Adresse 3].

Les demandeurs aux pourvois invoquent, à l’appui de chacun de leur recours, trois moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de MM. [F], [T], [P], des consorts [N], ès qualités, et de la Fédération nationale des mines et de de l’énergie CGT, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Enedis, les plaidoiries de Me Le Prado et de Me Croizier, et l’avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l’audience publique du 18 juin 2024 où étaient présents, M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° R 22-20.917, T 22-22.0919, U 22-20.920 et V 22-20.921 sont joints.

Reprise d’instance

2. L’instance a été interrompue en raison du décès de [U] [N].

3. Il est donné acte à Mme [C] [M], à M. [A] [N], à Mmes [S] [N] et [L] [N], agissant en qualité d’ayants droit de [U] [N], de leur reprise d’instance.

Intervention volontaire

4. Il est donné acte au syndicat Fédération nationale des mines et de l’énergie – CGT de son intervention.

Faits et procédure

5. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 1er juillet 2022), MM. [F], [T], [P] et [N] ont été engagés par la société EDF-GDF, devenue ERDF puis Enedis, les 8 avril 1975, 26 juin 1979, 1er septembre 1981 et 1er février 1983.

6. Ils ont fait valoir leurs droits à la retraite, respectivement, les 1er décembre 2011, 1er octobre 2013, 1er décembre 2016 et 1er mai 2010, puis ont saisi la juridiction prud’homale de demandes en réparation de leur préjudice d’anxiété.

Réponse de la Cour

8. Après avoir constaté que les documents rédigés par le docteur [Z] [R], médecin du travail retraité, qui énumèrent les produits auxquels les salariés avaient pu être exposés au cours de leurs activités professionnelles, n’étaient pas le fruit de constatations dudit médecin quant à la situation d’exposition personnelle des salariés, la cour d’appel a relevé que ces documents ne contenaient aucune description des postes effectivement occupés par les salariés concernés.

9. Elle a ensuite retenu que les autres pièces produites, notamment les fiches de poste, établissaient soit l’absence d’exposition à des produits toxiques, soit une exposition très rare ou de faible durée, et n’étaient pas de nature à établir pour l’ensemble des postes occupés pendant la durée de l’activité professionnelle, soit une exposition aux substances, soit une exposition suffisamment significative pour entraîner un risque de maladie grave.

10. La cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, qui a relevé que les salariés ne justifiaient pas d’une exposition générant un risque élevé de développer une pathologie grave, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Les demandeurs aux pourvois font grief aux arrêts de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts pour non remise par l’employeur des fiches d’exposition à l’amiante et aux autres produits chimiques cancérigènes CMR, alors « que le manquement de l’employeur à son obligation conventionnelle de délivrer au salarié les fiches d’exposition pour tout agent qui effectue des activités susceptibles de l’exposer à l’amiante, est générateur, à lui seul, d’un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu’en opposant à la victime l’absence de preuve de son préjudice, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

13. La cour d’appel, a estimé que, s’il n’était pas contesté par l’employeur que les fiches d’exposition n’avaient pas été remises aux salariés, que ceux-ci ne justifiaient pas, toutefois, du préjudice qui en était résulté pour eux.

14. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Les demandeurs aux pourvois font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de délivrance de l’attestation d’exposition à l’amiante et de l’attestation d’exposition aux produits cancérogènes CMR visés aux conclusions, alors :

« 1°/ que le manquement de l’employeur à délivrer au salarié l’attestation d’exposition à l’amiante est générateur, à lui seul, d’un préjudice en ce que cela ampute le dossier médical de l’exposant qui est déterminé par la nocivité des produits en cause sur la santé, le protocole de surveillance pouvant varier en fonction des produits en cause, que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu’en opposant à la victime l’absence de preuve de son préjudice, tout en constatant que l’attestation susvisée ne lui avait été délivrée qu’en cours d’instance soit indubitablement avec retard, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le manquement de l’employeur à délivrer au salarié l’attestation d’exposition aux produits chimiques cancérogènes CMR est générateur, à lui seul, d’un préjudice en ce que cela ampute le dossier médical de l’exposant qui est déterminé par la nocivité des produits en cause sur la santé, le protocole de surveillance pouvant varier en fonction des produits en cause, que le juge ne peut laisser sans réparation ; qu’en refusant d’indemniser, comme le salarié le lui demandait, le préjudice résultant nécessairement du défaut de délivrance de l’attestation susvisée, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

16. L’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

17. La cour d’appel, après avoir constaté, que la demande était sans objet s’agissant de l’attestation d’exposition à l’amiante qui avait été délivrée en cours d’instance, que, s’il n’était pas contesté par l’employeur que l’attestation d’exposition aux produits cancérogènes CMR n’avait pas été remise aux salariés, ceux-ci ne justifiaient pas, toutefois, du préjudice qui en était résulté pour eux.

18. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne MM. [F], [T], [P] et les consorts [N], ès qualités, aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre.


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